24 heures après les violentes chutes de grêle, les vignerons pansent leurs plaies et les syndicats viticoles ont commencé à estimer les dégâts fort importants. Deux secteurs ont énormément payé : les Côtes de Bourg et le Blayais. Le Sud Médoc, Pessac-Léognan et quelques secteurs de l’Entre-Deux-Mers ont été en partie touchés.
En cette fin de matinée, Bernard Farges, le vice-président du CIVB, me confiait « on a une vision plus large mais pas encore très précise. « On peut dire qu’entre 3000 et 5000 hectares ont été très touchés. Il faut attendre pour avoir plus de précisions ».
« La zone la plus vaste, c’est le Blayais et le Bourgeais…Il y a également eu le Haut-Médoc (Ludon, Parempuyre, Macau), une partie de l’Entre-Deux-Mers (Pellegrue). Le vignoble charentais et celui de Cognac ont aussi été très touchés ».
La vraie différence avec ce qu’il se passait il y a 10 ans, on n’avait pas des orages de grêle aussi massifs », Bernard Farges Vice-Président du CIVB.
Et d’ajouter : « ce qui est terrible, c’est la succession d’événements, l’an dernier, l’année suivante, c’est dur ! Economiquement, cela va être compliqué et moralement aussi. »
Les premiers constats effectués cet après-midi sont dramatiques. De nombreux domaines ont perdu la récolte à venir. Des bois sont meurtris pour deux millésimes. Les Côtes de Bourg estiment les dégâts à 1500 hectares touchés.
Lansac ou Samonac, le haut de l’appellation des Côtes de Bourg est jonché de feuilles et branches cassées..
En suivant Didier Gontier et Stéphane Donze, le directeur et président de l’appellation, c’est un spectacle de désolation qui s’offre à nous: une route fume encore, 2 heures après cet amas de grêle qui n’a rien laissé sur les bois de vigne !
On est abasourdi par l’impact, par la gravité sur la récolte mais aussi sur celle qui va arriver derrière car on ne sait pas quels sont les bois qu’on pourra récupérer de la vigne », Stéphane Donze président de l’appellation
Lionel Lorente du château du Luc à Bayon commente avec eux cet épisode des plus violents : « c’est pire qu’en 2009, le même couloir de grêle qu’on a eu en 2009 mais avec des intensités plus fortes ».
En 10 minutes à 14 heures, de gros grêlons de 2 à 3 centimètres, très tranchants ont totalement haché la vigne à de nombreux endroits.
Cyril Giresse, du château Gravette Samonac, vient évaluer cette catastrophe en se tenant le visage… Ses 9 hectares de vigne, d’un seul tenant, sont totalement hachés.
Cela a duré 10 minutes à un quart d’heure, avec des grêlons très gros… Il y avait un vent assez violent, qui les projetait sur la végétation. Cela a été bref mais très, très fort », Cyril Ginesse
« On a d’autres vignobles à Bordeaux qui sont touchés aussi mais on a une Fédération des Grands Vins, on a une interprofession, un syndicat viticole et des collectivités qui seront là surtout dans ces moments difficiles ».
« On mettra tout en oeuvre pour les soutenir dans cet épisode violent », m’explique Didier Gontier directeur des Côtes de Bourg.
La solidarité devra jouer à plein, alors que bon nombre de vignerons à Bordeaux ont été fragilisés par le gel en avril 2017 où 40% de la récolte a été perdue.
Et pour résumer, Gérard Ginesse, le père de Cyril a lancé« belle apparence, petite abondance » disaient les anciens…la voix de la sagesse en cette fin de journée où la nature avait repris ses droits et où un soleil brillait, comme un pied de nez à tout ce qui venait de se passer.
Il y a toujours une lueur d’espoir, celle de se dire qu’au moins la France entière aura parler de cette fabuleuse appellation qui gagne à être plus connue et qui a des stocks à s’arracher en guise de solidarité avec les vignerons des Côtes de Bourg.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Delphine Roussel-Sax et Rémi Grillot :
Encore des intempéries dont Bordeaux se serait bien passées. En cette fin de semaine, quelques vignes avaient déjà été impactées par un premier orage de grêle. Rebelote en ce début d’après-midi avec des grêlons de 2 à 3 cm…
Ca suffit, n’en jetez plus !Bordeaux a payé un lourd tribu en 2013 avec la grêle qui avait ravagé plusieurs milliers d’hectares, avec 1600 domaines touchés. A cette époque de nombreux châteaux avaient été fragilisés, certains ont même abandonné. Puis il y a eu le terrible épisode du gel d’avril 2017, avec 3 jours de gel intense les 21, 27 et 28 avril, 40% de récolte en moins et plus d’1 milliard et demi de pertes.
En ce début d’après-midi, un orage de grêle a sévi durant plus de 10 minutes avec des grêlons qui au fil du temps grossissaient pour s’amasser en couche compacte, les grêlons retrouvés étaient de 2 à 3 centimètres .
On croise les doigts pour souhaiter que les vignerons du bordelais ne soient pas trop touchés car cela risquerait d’être un drame absolu pour certains déjà mal en point.
« CATASTROPHIQUE » EN COTES DE BOURG, « BLAYAIS RAVAGE »
D’après les premiers retours, l’orage se serait abattu « de Bordeaux à Pauillac en passant par le blayais », selon Bernard Farges président des Bordeaux et Bordeaux Supérieur et vice -président du CIVB, qui me confirme un peu plus tard que « le Blayais est aussi ravagé ».
Michaël Rouyer , directeur des Vins de Blaye-Côtes de Bordeaux témoigne en cet fin d’après -midi : « dur, dur, c’est la catastrophe. Franck Jullion (le président) fait le tour des propriétés. Tout le sud de Berson, Saint-Christoly de Blaye, Marcillac, ça a pris aussi. En 2017, on avait eu 30% de volumes perdus, ça va être très compliqué pour certains. »
Didier Gontier, directeur des Côtes de Bourg, me donne l’état des lieux : « c’est catastrophique, complet…à Bourg, c’est haché… »; confirmation par une autre amie et connaissance de Côté Châteaux, Amélie Osmond du Clos du Notaire qui me confie « on a pris cher » avec une émotion non dissimulable.
D’autres comme Camille-Gaucheraud bien touchés par le gel en 2017 dans le Blayais n’a « absolument rien »selon Freddy Latouche et c’est tant mieux. Pas tous les ans tout de même.
Et pourtant comme le rappelle Michaël Rouyer « il y avait une sortie de belles grappes, assez fournies. Un an après le gel, ces paysages de désolation, ça fait beaucoup ! »
Côté Châteaux a demandé aux vignerons et acteurs de la filière vin de Bordeaux LA PHRASE qui leur venait à l’esprit pour décrire et résumer l’horreur qu’ils ont vécue, il y a tout juste un an. Le gel, de -3 à -7°C par endroits, a sévi dans quasiment l’ensemble des appellations de Bordeaux. 39% de la récolte a été perdue, la production de vin en 2017 n’est que de 3,5 millions d’hectolitres.
« L’inattendu ou l’improbable pour notre génération, les anciens nous avaient raconté le gel de 91, on l’a vécu ; jusqu’ici, on n’avait jamais cru qu’il était possible de tout perdre ! » Yann Todeschini 90% de pertes sur La Brande en Castillon Côtes de Bordeaux
« 2500 bouteilles au lieu de 70000 (en blancs), on perd le travail qu’on a fait, c’est sans doute ça le plus dur »,Loïc de Roquefeuil gelé à 100% au château de Castelneau dans l’Entre-Deux-Mers.
« L’inquiétude et la détresse : l’inquiétude car je ne connaissais pas la dimension des dégâts, la détresse ensuite dans les yeux de mes vignerons dont certains ont tout perdu ! » Didier Gontier directeur des Côtes de Bourg avec 25% de production en moins.
« Quand tu gèles tu baisses la tête, tu baisses les yeux, tu as pris un coup de massue sur la tête… », Olivier Bernard du Domaine de Chevalier
« …après cet accident climatique qui nous a tous marqué, cette année tout pousse bien, on sait qu’on ne va pas geler vue la météo, c’est un gros ouf de soulagement, »conclue Olivier Bernard, également Président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux.
Deux longues nuits à lutter contre le gel ; plus jamais ça ! », Arnaud Thomassin 70% du vignoble gelé au château de France en Pessac-Léognan.
« 2 nuits pour perdre 40% de la récolte, heureusement que les millésimes 2015 et 2016 étaient bons et abondants, nous gardons beaucoup d’espoir pour 2018 », Christophe Chateau directeur communication du CIVB.
« Gel 2017 : cataclysme dans le vignoble, impliquant pour certains vignerons une catastrophe économique et sociale. », Bruno Baylet président du syndicat de l‘Entre-Deux-Mers gelé à 35%.
« Cela a accéléré la scission entre le Bordeaux qui rit et le Bordeaux qui pleure… » Dominique Techer de la Confédération Paysane.
« plus on était dans la « mouise », plus cela été le coup de grâce, c’est pire que la grêle de 2013, pire que 1991″,Dominique Techer de la Confédération Paysane et gelé à 40% à Gombaude Guillot à Pomerol.
« Dur, dur… Et finalement un millésime 2017 qui tient la route ! », Benoît Manuel Trocard, château Couraze gelé à 90% à Saillans en AOC Fronsac.
« En 2017, la nature est venue se rappeler à nous avec une extrême dureté ; moment d’une violence rare pour tous nos vignerons qui ont aussitôt fait preuve de solidarité » Franck Binard.
« Cet épisode nous rappelle aussi la nécessité de prendre chaque jour soin de notre environnement ! », Franck Binard directeur du Conseil des Vins de Saint-Emilion touchés entre 60 et 70%.
« J’ai ressenti de la tristesse :on était à peine au début de l’année, on n’avait quasiment rien fait que beaucoup de choses s’envolaient déjà ! », Xavier Buffo 90% des blancs touchés au château de la Rivière contre seulement 15% sur les rouges. Et 2000 bouteilles produites contre 8000 habituellement pour son propre vignoble.
« Prise de conscience, solidarité et optimisme dans le blayais ! Entre la prise de conscience de la nécessité d’une assurance récolte (avec le VCI-volume complémentaire individuel), la solidarité entre vignerons avec la redistribution pour notre appellation d’une cotisation de solidarité et la magnifique feuillaison de ces derniers jours, nos vignerons restent optimistes et conquérants ! » Michaël Rouyer directeur de Blaye – Côtes de Bordeaux, appellation gelée à 30%.
« Le gel de 2017 à Bordeaux nous rappelle l’urgence à créer et améliorer des outils pour amortir de tels chocs économiques, volumes en réserve, épargne de précaution… »,« Bernard Farges président du Syndicat « Bordeaux et Bordeaux Supérieur » appellation touchée à 35% par le gel.
« La roue tourne, on veut y croire, tout n’est pas perdu, la nature peut être avec nous des fois, cette année, ça va le faire, je le sens »,Benoît Latouche, du château Camille Gaucheraud gelé à 90% en AOC Blaye.
Le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux a confirmé hier la baisse de 39% de la production de vin à Bordeaux, à cause principalement du gel du printemps 2017. Cette récolte s’établit au final à 3,5 millions d’hectolitres contre près de 5,8 en 2016, ce qui en fait la plus faible récolte depuis 1991.
Le 27 avril dernier a été épouvantable. Côté Châteaux vous donnait en primeur la teneur de ce désastre pour la viticulture bordelaise. Alors qu’on a estimé les pertes entre 40 et 45% jusqu’à la fin de l’année 2017, le volume récolté s’établit à 3,50 millions d’hectolitres, en baisse de 39% par rapport à 2016 où la récolte avait été belle tant en volume qu’en qualité avec 5,77 millions d’hectolitres.
Il s’agit du plus bas niveau depuis 1991, autre année de gel considérable, et depuis 2013 avec une faible production de 3,8 millions d’hectolitres à cause d’un printemps pourri. Cette baisse de production affecte l’ensemble des appellations du Bordelais mais est toutefois plus marqué pour les appellations de Saint-Emilion, Pomerol et Fronsac.
Ce millésime s’avère toutefois de belle qualité pour les vins rouges comme pour les rosés, blancs secs et doux, et la camopagne des primeurs qui va s’ouvrir début avril avec la grosse semaine attendue à partir du 8-9 avril le démontrera sans nul doute…
Sur le plan de la qualité, les vignes qui ont échappé au gel ont produit des raisins de belle qualité. Les conditions climatiques du printemps et de l’été nous ont permis de vendanger un joli millésime dans toutes les couleurs », Allan Sichel président du CIVB.
Et de compléter : « Malgré les faibles volumes récoltés notre priorité est de continuer à approvisionner les marchés pour préserver nos positions en France et à l’export. Le stock à la propriété en début de la campagne (août 2017) est de 8 millions d’hectolitres, la récolte 2017 de 3,5 millions d’hl, et les volumes issus des VCI (Volume complémentaire individuel) sont d’environ 300.000 hl. Notre disponibilité totale en début de campagne est donc de 11,8 millions d’hectolitres, représentant une baisse de 10% par rapport à la précédente campagne. (-10%).
« Notre commercialisation progresse et nous avons les moyens de maintenir cette dynamique en sollicitant davantage les stocks », concluait sur ce point le président du CIVB Allan Sichel.
Le secrétaire général de la FNSEA Jérôme Despey a déclaré lundi attendre du ministre de l’Agriculture « une écoute attentive » et « des réponses adaptées », au moment où la viticulture est touchée par une récolte historiquement faible due aux aléas climatiques.
« Ce que nous attendons, ce sont des exonérations fiscales et de cotisations sociales au vu de l’ampleur des sinistres climatiques de cette année », a souligné M. Despey, lors d’une conférence de presse organisée à Lattes (Hérault). Il a aussi appelé l’État à payer « ses dettes à l’égard des producteurs », évoquant des retards de versements de subventions remontant à 2015.
M. Despey a dit souhaiter « faire le point » sur des mesures de soutien avec le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, attendu à Montpellier lors du SITEVI, salon mondial pour les filières vigne-vin, olive, fruits et légumes, qui se tiendra du 28 au 30 novembre.
En région Occitanie, « c’est la plus petite récolte depuis l’après-guerre », a souligné M. Despey, viticulteur dans l’Hérault. Et si la qualité du millésime 2017 est au rendez-vous, « la perte du potentiel de production ne sera jamais compensée par le prix », a-t-il estimé.
« Ça va créer des situations de trésorerie très difficiles en 2018 », a-t-il ajouté. Selon M. Despey et Guilhem Vigroux, président de la commission viticulture de la FRSEA Occitanie, le bassin Languedoc-Roussillon va perdre au minimum 240 millions d’euros sur la récolte 2017.
Le secrétaire général de la FNSEA a également souhaité que le dispositif de « contractualisation » évoqué dans le cadre des États généraux de l’alimentation soit développé pour toutes les filières de production afin de gérer la volatilité des cours. Il a aussi plaidé pour la mise en place d' »une stratégie concernant le partage de l’eau », plus particulièrement en Languedoc-Roussillon, évoquant la création de nouvelles retenues afin de stocker l’eau en cas de fortes pluies.
Les deux responsables ont enfin appelé les agriculteurs à s’assurer contre les aléas climatiques, alors qu’actuellement seulement 20% des vignes sont assurées au niveau national. Avec la sécheresse récurrente, « les mentalités sont en train d’évoluer » sur ce point, a assuré M. Vigroux.
En Languedoc-Roussillon, les vendanges se sont terminées précocement. Les sévères gelées au printemps dans l’Aude et l’Hérault, ainsi que les phénomènes de coulure (chute des fleurs ou des jeunes fruits) observées dans le Gard ont fortement impacté la récolte, tout comme la sécheresse qui règne depuis six mois sur la région.
La production 2017 en Languedoc-Roussillon est estimée à 10,35 millions d’hectolitres, contre 12,4 millions en 2016 (-16%).
Le gel d’avril a été très certainement l’un des épisodes les plus dramatiques de ces 70 dernières années pour la viticulture et les autres productions agricoles. Avec 40 à 50 % de récolte en moins, les ventes vont durement se faire ressentir et les marchés risquent d’être déstabilisés Pour surmonter ce cap, la Chambre d’Agriculture déploie un dispositif spécifique, aux côtés de la MSA et du Crédit Agricole.
Il y a certes le gel mais d’autres événements peuvent fragiliser une exploitation agricole : un problème de santé, une mésentente familiale, la perte d’un marché, un outil de production vieillissant, un endettement trop lourd, la chute des cours… Chaque fois qu’une exploitation est en péril, il faut prendre les bonnes décisions. Et vite. Mais comment les identifier ? La Chambre d’Agriculture de la Gironde propose un accompagnement spécifique aux agriculteurs. Pour anticiper. Pour agir quand il est encore temps, avant que la situation ne s’aggrave.
> Passer l’année 2018
Première étape : un conseiller d’entreprise fait le point avec l’agriculteur, pour bien identifier l’origine des difficultés. Ensemble, ils définissent les objectifs et les priorités. Pour bâtir un plan d’actions réaliste. Avec un calendrier et des coûts clairement définis. Les leviers sont multiples : report d’annuités, avance de trésorerie, prêt de fond de roulement, opération de déstockage… Ils étudient les décisions à confirmer ou au contraire à repousser : est-ce que je maintiens l’agrandissement de mon chai ? Est-ce que je conserve mes projets d’arrachage ? Est-ce que je décale ma plantation ?
Bien entendu, tout ceci se fait dans la plus grande confidentialité, avec des conseillers de la Chambre d’Agriculture spécialement formés à l’écoute et experts en stratégie d’entreprise. Chaque situation est unique : c’est donc un accompagnement sur mesure qui est offert. Avec la possibilité pour l’agriculteur de solliciter les conseillers viticoles, œnologues, conseillers techniques… de la Chambre d’Agriculture pour mettre en œuvre son plan d’actions.
> Résister à un nouvel accident
Parfois l’analyse fait apparaître que l’exploitation est mal assurée et qu’elle ne pourra pas résister, à un nouvel accident climatique par exemple. A moins de s’assurer correctement. Comment faire ? Comment être sûr de choisir le bon contrat ?
Olivier Bohn, consultant en gestion des risques, animera à la demande de la Chambre d’Agriculture de la Gironde une formation gratuite spécialement dédiée à ces questions en novembre.
Inscriptions auprès du service Formation de la Chambre d’Agriculture de la Gironde, au 05 56 79 64 11.
C’était redouté dès ce fameux gel intense du 27 avril et annoncé par la Fédération des Grands Vins de Bordeaux et Côté Châteaux. Cet épisode de gel est très certainement l’un des plus marquants depuis 70 ans, après ceux de 1991 et de 1956 à Bordeaux. Le point aux châteaux de France et au château Larrivet-Haut-Brion, tous deux ont perdu 70% de la récole, en Pessac-Léognan. Les pertes pour la filière pourraient aller jusqu’à 2 milliards d’euros.
27, 28 et 29 avril, 3 nuits de gel intense, et c’est sans parler du premier épisode du 21 avril…
Au château de France, à Léognan, on a eu beau lutter sérieusement avec de nombreuses chauffrettes et un système d’éolienne, rien n’y a fait, le gel était trop important et très tôt dans la nuit, dès minuit…Arnaud Thomassin, le propriétaire, se souvient de cet épisode douloureux : « je pense qu’on est descendu à -6 ou -7 dans les points les plus bas de la propriété. Les appareils sont efficaces mais plus il fait froid, plus le périmètre d’action est faible et cette année, c’était particulièrement intense;
En terme de volume, je pense que c’est certainement la récolte la plus faible qu’on a faite, moi ça fait plus de 20 ans que je suis là et je n’ai jamais ramassé aussi peu de vin, Arnaud Thomassin propriétaire du château
Depuis le 29 septembre, l’ensemble de la récolte (précoce à cause de juin très chaud et d’un mois de septembre en partie pluvieux) est aujourd’hui rentrée ici. La perte est estimée à 70% : « on peut estimer qu’on va récupérer, entre les rouges et les blancs, de l’ordre de 500 hectolitres. L’an dernier on avait fait le double. »1200 hectos, alors même que c’était déjà une petite récolte, déjà à cause du gel, car le château de France avait perdu 30% de sa récole en 2016. Le sort s’acharne et Arnaud Thomassin espère que 2018 sera bien plus clément. Pour lui une année normale, c’est en 2014 où la production était de l’ordre de 1700 à 1800 hectolitres.
Au château Larrivet-Haut Brion, même constat, 70 % de pertes au global, un peu plus sur les blancs que sur les rouges:
Sur les blancs, on est à 6 hectos à l’hectare, des rendements extrêmement faibles, avec de la qualité, j’ai 54 hectolitres de vins blancs pour 9 hectares, même en 91 on avait fait un peu plus ! « Bruno Lemoine directeur général de Larrivet Haut-Brion
Ce sont surtout les parcelles les moins qualitatives qui ont été impactées, des parcelles de seconds vins, ou tout ce qui se trouvait en contre-bas de propriétés, dans des combes ou en plaine.
Il y a des grands vins, il y a des vins un petit peu plus légers, il y a des propriétés qui ont fait de belles récoltes et d’autres qui ont tout perdu, et cela depuis 6 mois » Frédéric Massy Derenoncourt Consultants.
La production sera plus faible qu’en 2013 mais plus importante qu’en 1991 l’autre grande année du gel à Bordeaux, comme devrait nous le confirmer cet après-midi le CIVB au cours d’un point presse à 15h. La récolte est estimée avec 40 à 50% de perte pour ce millésime 2017 dont les effets vont se faire ressentir pendant quelques années.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Pascal Lécuyer et Robin Nouvelle :
Béatrice Larribière accueillait ce midi l’émission spéciale vendanges de France 3 Aquitaine. 52 minutes pour décrypter le gel et ses conséquences, mais aussi les vendanges précoces et les changements climatiques, ainsi que les questions de main d’oeuvre, l’avenir du vignoble de Bordeaux et le poids des acheteurs étrangers. Béatrice Larribière est l’invité de Parole d’Expert sur Côté Châteaux.
Jean-Pierre Stahl : « Béatrice, vous voilà installée depuis 1997, vous avez repris un domaine familial (4e génération, depuis 1927), comment avez-vous commencé cette aventure ? »
Béatrice Larribière :« L’installation remonte à 1997, cela a été une bonne année d’expression avec beaucoup de volume, un bon millésime pour se faire la main, mais pas trop qualitatif. »
Béatrice Larribière :« Ce sont les années en 7, je n’avais pas le recul, mais on m’a dit que ce n’était pas cela. En 2013, on avait grêlé et cette année, on a bien gelé, au minimum à 80%; il y a juste deux parcelles qui ont été protégées, notamment ici devant la salle de dégustation-caveau de vente. »
JPS : « Comment passe-t-on un cap comme celui-là, grâce aux stocks ? »
Béatrice Larribière : « Heureusement c’était la politique de mon père d’avoir du stock, et depuis j’en ai toujours eu. D’ailleurs je conserve les vins jeunes qui ne sont pas tout-à-fait prêts à boire, aussi pour les pros j’essaie d’avoir des millésimes qu’on puisse déboucher, prêts à la dégustation ».
« J’ai en stock des 2012, 14,15 et 16; j’ai un peu freiné les ventes, cela va me permettre de lisser cet épisode de gel, notamment pour le négoce dans deux ans.
Une maigre vendange mais la passion demeure
Les clients ne s’en rendent encore pas compte, car on vend actuellement les 2012; on avait fait la même chose en 2013. »
JPS : « Quant à la vendange de ce qu’il vous reste sur le 2017 ? »
Béatrice Larribière :« Aujourd’hui, ce matin on vendange quelques cagettes pour l’amphore. Pour ce qui n’a pas gelé, si on peut attendre la fin de la semaine, ou plus si on peut attendre au maximum. On va essayer de pousser en fin de semaine prochaine si ça ne décroche pas. »
JPS : « Maintenant évoquons une chose plus réjouissante que le gel, le bio, pourquoi avoir fait ce choix ? »
Béatrice Larribière : « Je suis passée en bio en 2009, car en fait on est les premiers concernés, on vit sur place et on travaille dans les vignes, c’est le b.a.-ba pour moi ».
On fait un peu de biodynamie, avec des tisanes, du purin, mais on le fait pour nous, c’es plus ludique, on y va de notre sensibilité. Mon chef de culture s’en sort plutôt bien.
On est certifié en bio depuis 2012, il n’y en a pas beaucoup en Saint-Emilion Grand Cru, mais comme il y a de la demande… Auparavant les négociants boudaient le bio, maintenant ils se sont assouplis. C’est dommage d’être catalogué, alors que cela se faisait ainsi avant. On est aussi dans la démarche SME avec les Vins de Bordeaux.
JPS : « Et comment cela se passe-t-il avec les particuliers ? »
Béatrice Larribière :« Avec les particuliers, il y a un engouement. Il y a aussi des vagues. Je fais les salons des Vignerons Indépendants de Lille, Paris et Strasbourg, ainsi que le Luxembourg. Mais pas encore celui de Bordeaux, je suis sur liste d’attente.
Cela fonctionne bien avec l’accueil à la propriété, sur internet mais aussi pas mal avec le « bouche à oreille ». On fait des visites et dégustations, je travaille aussi depuis peu avec Christine Glémain de Vino Passeport. Notre meilleure publicité reste surtout le bouche à oreille et sur internet.
Notre production habituelle, quand tout va bien, 45 hectos à l’hectare pour un bio c’est bien, cela représente environ 80000 bouteilles vendus sous château Trapaud, mais aussi avec Reflets de France-Carrefour avec la Cuvée La Chapelle. »
Un grand merci à Béatrice Larribière d’avoir reçu tout notre barnum pour cette émission spéciale « les Raisins de la Passion », proposée par Xavier Riboulet rédacteur en chef, préparée par Franck Omer et Jean-Pierre Stahl, présentée avec brio par Vincent Dubroca. Réalisation Fabien Roy.
Côté châteaux et Béatrice Larribière devant le château Trapaud
A voir sur le site Facebook de France 3 Aquitaine, et demain à 8h50 sur l’ensemble de nos 3 antennes de France 3 Nouvelle Aquitaine et sur Côté Châteaux :
Revoir l’émission Les Raisins de la Passion, proposée par Xavier Riboulet rédacteur en chef, présentée par Vincent Dubroca et préparée par Franck Omer et Jean-Pierre Stahl :
Hier après-midi, un orage de grêle d’une très forte intensité et d’une durée de 20 minutes a éclaté de nombreuses baies de raisins dans les Graves. Ces viticulteurs avaient déjà souffert de l’épisode de gel de fin avril, là « c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Tout n’est pas perdu, mais il faut récolter dans les 48 heures.
Des grêlons de 1 à 2 centimètres et même de 3 à 4 par endroit. Ceux-ci très coupants ont haché non seulement le feuillage mais ont aussi fait éclater les baies gorgées de jus.
C’est un couloir intense qui a duré près de 20 minutes et qui a touché particulièrement Podensac, Illats, Cérons et Virelade.
Marie-Hélène Lévêque, propriétaire du château Chantegrive (dont la cuvée Caroline est toujours exceptionnelle) a d’habitude le sourire et le moral, mais là le sort s’acharne. Après avoir été touchée à 70% par le gel fin avril, elle vient constater les dégâts dans ses rangs de vigne. L’ensemble de ses parcelles a été impacté, ce qui pour elle est une première.
« Regardez, une, deux, trois…huit, neuf, elles sont toutes touchées », Marie-Hélène Lévêque nous montre ainsi un pied très fourni de grappes, préservées du gel, mais bien impactées par la grêle.
Quand il grêle pendant 20 minutes, c’est long et cela fait beaucoup de dégâts », Marie-Hélène Lévêque, château Chantegrive.
Et d’ajouter : « En général, on assiste à des 2, 3 ou 4 minutes, déjà on trouve que c’est long, mais là 20 minutes c’est énorme. »
A Cérons, Xavier Perromat avait lui aussi été très touché par le gel, il estime avoir déjà perdu 50% de sa récolte. Dans son malheur, la grêle s’est abattue sur la parcelle la plus impactée par le gel.
La chance, si je puis dire, c’est d’avoir été grêlé sur des parcelles qui avaient déjà été sinistrées. J’avais eu l’intention de vendanger en fin de semaine, mais je vais avancer mon intervention à demain », Xavier Perromat du château de Cérons.
« On a, on pense une quinzaine à une vingtaine de viticulteurs qui sont plus durement touchés que les autres », m’explique Mayeul l’Huillier directeur des Vins de Graves.
« Malheureusement, on est sur une zone, Podensac, Cérons qui a déjà été très gelée au mois d’avril-mai et c’est la deuxième catastrophe naturelle qui s’est abattue su ces viticulteurs-là », Mayeul l’Huillier directeur des Vins de Graves.
Pour l’heure, la situation n’est pas critique mais il s’agit d’agir très rapidement à cause du botrytis, la pourriture qui risque de s’installer rapidement sur les baies éclatées.
Au château Chantegrive, 50 vendangeurs sont entrés en action ce matin, Marie-Hélène Lévêque confie qu’il en faudrait 100 pour bien faire ; elle va avoir recours à une machine à vendanger pour compenser le manque de main d’oeuvre. « C’est tellement précoce cette année que les gens ne se sont pas inscrits, on est un peu en manque de vendangeurs… »
« On essaie de s’organiser car il faut vraiment que dans les 48 heures, on ait rentré tous les blancs »,Marie-Hélène Lévêque, château Chantegrive.
Des blancs fort heureusement qui sont arrivés à maturité ; pour les rouges, cela risque d’être plus délicat, notamment pour les cabernet-sauvignons plus tardifs que les merlots.
Alors « annus horribilis » en 2017 ? Certes, néanmoins la physionnomie des blancs déjà rentrés la semaine dernière et depuis ce lundi (avec un tri sur pied et sur la table de tri) permet de dire que la qualité est bien là. Avec juste une précocité et aussi, depuis la grêle, une rapidité d’action dans les rangs de vigne…
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Sylvie Tuscq-Mounet et Alain Guinchard :