4 jours après les épisodes de gel à Bordeaux, Côté Châteaux a rencontré les vignerons des appellations de Blaye-Côtes de Bordeaux et de Fronsac Canon-Fronsac, deux appellations pas mal touchées, comme d’autres, par le gel. Tour d’horizon et notes d’espoirs.
Freddy et Benoît Latouche du château Camille Gaucheraud © Jean-Pierre Stahl
Tout n’est pas rose en ce moment chez nos amis viticulteurs, surtout chez ceux qui en quelques jours ont vu leurs parcelles passer du vert au marron.C’est en effet quelques paysages de désolation, quasi-lunaires, qui s’offrent à vous quand vous sillonnez les différentes appellations de Bordeaux. Mais pour être tout-à-fait juste, vous alternez souvent de zones très vertes, vertes, ou encore moyennement vertes à des zones souvent marrons ou même grises, comme si l’automne était déjà là.
A Saint-Vivien-de-Blaye, au château des Graves, 80 à 90 % des vignes ont gelé © JPS
A Saint-Vivien de Blaye, au château les Graves, Jean-Pierre Pauvif est l’un des viticulteurs les plus durement touchés avec 80 à 90 % impactés par le gel, cela s’est passé en 3 matinées pour lui, et malheureusement il n’est pas assuré :
Sur 18 hectares, il reste 2 hectares intacts, le reste est touché entre 80 et 100 % », Jean-Pierre Pauvif vigneron en Blaye – Côtes de Bordeaux.
Michaël Rouyer, directeur du syndicat de Blaye et Jean-Pierre Paivif du château des Graves © JPS
« Le vin, il n’est pas là, la récolte 2017 elle ne sera pas là, on est sur une propriété qui a gelé ici à 80 % », commente Michaël Rouyer, directeur du syndicat viticole de Blaye en Côtes de Bordeaux.; « c’est dramatique, on est très inquiet et on va tout faire, nous inter-profession et syndicats viticoles, pour soutenir nos vignerons. »
Sur les 430 vignerons de l’appellations, 50 ont fait la démarche de se signaler gelés au syndicat, mais ces chiffres ne sont pas définitifs, c’est surtout la chambre d’agriculture qui est chargée de remonter ces informations qui seront transmises au CIVB d’ici vendredi pour l’ensemble des 60 appellations de Bordeaux.
Dans les Côtes de Bordeaux, Stéphane Héraud confirme que 50 à 80 % des surfaces des 5 appellations sont touchées par le gel.
A Laruscade, 90% touchés ici au château Camille Gaucheraud © JPS
A Laruscade, au château Camille Gaucheraud, c’est le même topo, 90 % ont été gelé à cause des ces -3,1°C enregistrés jeudi au petit matin. Les frères Latouche, Benoît et Freddy, avaient eux pris une assurance en cas de coup dur. Celui-ci est arrivé la semaine dernière, ils nous montrent l’impact sur le raisin dont les grappes étaient déjà en formation (à l’état de mini-grappes bien sûr). Comme tous ces vignerons, ils espèrent une repousse et que la nature reprenne ses droits, même s’ils savent qu’ils ne pourront compter que sur très très peu de volume.
« Normalement cela doit tomber tout seul, ça a déjà commencé, cela doit tomber tout seul » affirme Freddy Latouche, et son frère, Benoït, d’ajouter : « on va laisser faire la nature, on pourrait faire passer des gens, mais cela a un coup supplémentaire, vu ce qui nous arrive. »
Xavier Buffo constate les dégâts sur les jeunes plants de blancs du château de la Rivière © JPS
En AOC Fronsac, si les coteaux du châteaux de la Rivière ont été épargnés, les 2 hectares de jeunes plants de blancs en contrebas ont été meurtris comme le constate Xavier Buffo, directeur général du château de la Rivière:
« On avait laissé deux bourgeons qui auraient fait la prochaine latte, ces bourgeons visiblement sont morts, et il faudra espérer que le pied, probablement reparte de la base, on aura perdu une année, Xavier Buffo du château la Rivière »
Benoît Manuel Trocard devant ses vignes éprouvées par le gel : allez ça va repartir © JPS
Ce sont ainsi 80 % des surfaces à Bordeaux qui ont été plus ou moins touchées (de 5% à 100%), ce qui en fait le plus gros épisode de gel depuis 1991; Benoît Manuel Trocard, qui gère château Couraze pour un groupe danois a vu les 95 % de ces 2 hectares de vignes gelés. Il espère malgré tout pouvoir faire 10-15 hectos si la nature est généreuse.
Je savais pertinemment que cela pouvait nous arriver tot ou tard, mon père a eu le gel de 91, il le connaît bien, il a mis 2 ou 3 ans pour s’en remettre, mais à Bordeaux on s’en est toujours remis. » Benoît-Manuel Trocard château Couraze.
Le château Camille Gaucheraud a fort heureusement un peu de stock et de la réserve Ÿ JPS
Certains vignerons vont pouvoir passer ce mauvais cap, d’autres non. Ceux qui avaient un peu de stock avec les 2015, 2016 voire encore du 2010 comme me l’explique Benoît Latouche vont pouvoir continuer à fournir du vin à leurs clients car c’est tout l’enjeu de conserver des marchés acquis parfois après plusieurs années de démarchage. Il y a aussi la réserve qu’ils ont pu se constituer les années fastes comme en 2015 ou 2016, c’est le surplus autorisé au-dessus du quota établi par le cahier des charges de l’appellation, une réserve qu’il est possible d’utiliser en cas d’année noire comme avec ces événements climatiques : « si la nature a été généreuse, si on a eu 5 hectos de plus (par rapport aux 52 du cahier des charges), on peut les mettre en réserve, et aujourd’hui on est content par rapport à ce coup dur qui vient de nous arriver de dire : c’est déjà ça de vin qu’on va pouvoir vendre. »
Et comme pour exorciser ce malheur ou garder le moral, Nicolas Pons à Lignan-de-Bordeaux a posté sur facebook sa chanson « ma vigne est folle mais j’en suis fou » histoire de traduire la pensée de tous ses confrères : la vigne on l’aime…malgré tout.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Thierry Julien, Boris Chague et Thierry Culnaert: