A la tête du Domaine de Sentout, Nicolas Pons a été gelé à 100% à Lignan-de-Bordeaux. Comme pour combattre ce terrible malheur il a ressorti « elle te serre », une chanson dédiée a sa vigne, composée il y a 3 ans, et qui sonne fort juste.
D’emblée Nicolas Pons me dresse l’état des lieux de son vignoble : « nous, on a été gelé à 100%. On est sur un plateau en haut de Lignan-de-Bordeaux, et tout est brûlé à 100 %, donc malheureusement, on ne va pas avoir de vin cette année ».
« Pour moi, c’est la première fois, mon père avait été gelé en 1991 aussi à 100%, mais pour moi c’est la 1ère fois en tant que vinificateur., et de cette ampleur-là. Dans le Bordelais, on aura un bilan définitif en milieu de semaine prochaine, mais pour moi c’est fini c’est 100%. J’avais une assurance, je pense qu’il ne devrait pas y avoir de problème pour la reconnaissance des dégâts. »
Une pensée à tous les vignerons et vigneronnes touchés par le gel, et qui traversent un moment difficile… comme nous. Heureusement qu’il y a la musique, pour aider le vigneron à surmonter sa tristesse… », Katarina et Nicolas Pons.
Pourquoi cette chanson dans les vignes Nicolas ? » En fait, j’ai toujours été musicien, et donc c’est un moyen d’exorciser le malheur qui s’est posé sur nous vignerons, et dans la France entière. « Elle te serre », je l’avais composée il y a 3 ans déjà pour d’autres aléas, c’était l’occasion de la partager avec d’autres vignerons touchés. »
L’épisode de gel qui a frappé les vignobles de l’appellation Clairette de Die dans la Drôme, entre le 19 et le 22 avril pourrait entraîner une baisse de la récolte de 50% à 60%, selon la profession.
« Il n’y a aucune commune indemne parmi les trente que compte l’appellation »,souligne vendredi Fabien Lombard, vigneron à Suze et président du Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois.
Les dégâts sur les parcelles s’élèvent de 20 à 100% ». Seules, « des micro-zones en altitude ne sont pas concernées »Fabien Lombard, vigneron
La région n’avait plus connu un épisode de gel aussi important depuis 1981. M. Lombard espère toutefois un nouveau départ de bourgeons sur certaines parcelles. « L’hypothèse, c’est que nous n’aurons que la moitié de la récolte cette année », souligne-t-il. Les estimations seront affinées après la floraison de la vigne.
Les consommateurs ne risquent toutefois pas de manquer de ce vin effervescent à faible teneur en alcool, le plus souvent produit à partir de raisin muscat, le cépage clairette étant minoritaire dans sa composition.
Ces quatre dernières années, des vins avaient en effet été mis en réserve en cas de mauvaise récolte. « Nous ne pensions pas nous servir aussi rapidement de ces stocks », note Fabien
Lombard. Le président du syndicat juge que cette situation signifiera des problèmes de trésorerie pour les viticulteurs l’an prochain.
Le Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois doit se réunir avec les pouvoirs publics afin d’étudier toutes les solutions possibles. Le syndicat affirme qu’il sera particulièrement attentif aux jeunes vignerons qui n’ont pas de réserves financières pour passer le cap.
« Il faudra par exemple négocier un échelonnement des charges avec la Mutualité sociale agricole. Nous allons aussi solliciter un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles touchées », précise M. Lombard. En 2015, les 27 caves de l’appellation ont produit 98.855 hectolitres de vin.
Les vignerons ont déjà payé un lourd tribu à cause des gelées matinales de ces dernières semaines, il ne vont quand même pas encore être tondus par la grêle et les vents violents. Pourtant une alerte météo concernant 22 départements est actuellement en cours. On croise les doigts.
Météo France a placé 22 départements du Sud Ouest en alerte orange aux orages. Des averses de grêle et des rafales de vent supérieures à 100 km/h sont attendues. Et bien sûr, on repense à nos amis vignerons qui ont déjà été touchés par le gel, il ne manquerait plus que de la grêle continue d’achever le travail !
Cette alerte a commencé à partir de 14 h et devait se poursuivre jusqu’à 23 h… « avec des rafales de vent avec des valeurs localement supérieures à 100 km/h. Des chutes de grêle significatives sont également possibles par places. »
Mais cette fois-ci pour la Côte Atlantique, pour le bordelais et les vins du Sud-Ouest, nos amis vignerons qui en avaient plein le dos, ont été entendus : l’alerte est passée, ouf !!!
Grand technicien de la vigne, Xavier Buffo le directeur général de la Rivière en appellation Fronsac est l’invité ce matin de Côté Châteaux pour Parole d’Expert. Il commente l’épisode de gel sur ces 2 matinées consécutives. Le château avait durement été éprouvé en 2013 par le décès de ses propriétaires.
Jean-Pierre Stahl: Salut Xavier, inutile de vous demander comment cela va ? »
Xavier Buffo :« Moyen, moyen, …c’est la merde…Sur le château de la Rivière, on va entre 20 et 30% de touchés, soit 15 hectares sur 65. Tout ce qui est touché, c’est le bas, les palus, des zones moins qualitatives, et le plateau calcaire à 80 mètres…En revanche, le coteau face à la Dordogne est épargné, il n’y a rien et ce matin on n’a pas été touché. »
On est moins touché que les copains de Saint-Emilion, mais je n’avais jamais connu cela. C’est étonnant, il y a des endroits touchés à 100% et juste à côté peu ou pas touché, c’est très jaloux »
Ceux qui ont de petites parcelles et qui sont touchés à presque 100%, c’est pour eux très durs, nous nous avons 65 hectares et c’est ce qui nous sauve.
On a en revanche 6,5 ha avec des pieds de 1 à 3 ans, impactés à 40-50%, et là on repart à zéro.
JPS : « Et à titre personnel, vous avez un peu de vignes ? »
Xavier Buffo :« J’ai en effet 2 hectares de vignes à Fronsac, avec Ad Vitam Aeternam, sur le plateau calcaire.
Avec Ad Vitam Aeternam, je suis touché à plus de 80% », en 2013 on n’avait déjà pas fait grand chose et rebelotte !
JPS : « Face à ce gel, quelle tâche allez-vous faire, très rapidement ? »
Xavier Buffo :« Il va falloir retravailler les vignes : la semaine prochaine, on va retailler à cot, on pense surtout à 2018, mais il y a des choses qui vont repousser, on va peut-être avoir une ou deux grappes.
Sur des vignes qui ont gelé à 100%, tu ne ramasses que 2-3 hectos.
La vigne a pris un stress énorme, et pendant 15 jours il ne se passe plus rien !
JPS : « Est-ce que le pied peut être sérieusement impacté, à partir de quelle température ? »
Xavier Buffo : « C’est en effet des gels d’hiver à -15°C qui peuvent entamer le pied. Pour ceux qui ont planté cette année, le pied peut mourir, ça peut être vraiment problématique sur de jeunes plants. On ne peut rien faire, il va falloir voir ce qui repousse et attendre. Il va y avoir un gros travail à la vigne d’épamprange et les risques de mildiou sont sévères, il va falloir traiter, ça demande beaucoup de main d’oeuvre, même s’il n’y a pas de récolte. Il n’y a rien à faire, il faut malgré tout travailler toute l’année pour produire zéro à certains endroits. Il faut penser à 2018″
JPS : « Un dernier mot, Xavier ? »
Xavier Buffo :« L’an dernier, c’est la 1ère année qu’on a mis en place sur Fronsac 5 hectolitres de réserve qualitative, en plus du rendement autorisé de 55 hectolitres à l’hectare sur l’appellation de Fronsac, on a fait 5 de mieux, cela tombe à point nommé. Cette année, on va le prendre ! »
Bordeaux avait en partie été épargné, la semaine dernière avec moins de 10% du vignoble touché. Ce matin, les premiers constats sont effrayants de nombreuses parcelles ont été sévèrement impactées. Premiers retours sur ce dramatique épisode de gel.
« C’est la catastrophe », notre ami et grand vigneron Nicolas Lesaint résume ainsi le dernier épisode de gel en date, où vers Saint-Loubès la température la nuit a pu descendre quasiment à -3°C.
En matinée, il était encore « incroyablement difficile d’estimer, mais 50% des parcelles semblent touchées. On a un spot de 10ha d’un seul tenant et ces 10ha ont été détruits. Fort heureusement château Reignac est un château reconnu depuis des années pour ses vins de qualités et a les reins plus solides que d’autres châteaux mais « c’est très dur pour mes confrères. »
Saint-Emilion a semble-t-il payé également un lourd tribu. Franck Binard, directeur du Conseil des Vins de Saint-Emilion me confie : « hier nous avions recencé 500 hectares, un peu moins de 10% du vignoble de 7500 ha de Saint-Emilion touché par le gel de la semaine dernière. Mais aujourd’hui on a été durement touché. Il a fait facilement -2°C et on redoute encore pour demain matin. Les secteurs de Saint-Sulpice, Vignonet et Puisseguin ont bien été impactés. Certains châteaux sont gelés à 80%. »
On a perdu cette nuit pas loin de 50% de la récolte à Bordeaux, c’est une catastrophe », Hervé Grandeau président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux
Inutile de demander aujourd’hui à un vigneron comment ça va ? « Pas bien » est la réponse qui ressort le plus souvent ou encore « l’horreur »…Même si les dégâts seront évalués au fil de la journée, et surtout après le prochain épisode vendredi, « les vignes impactées vont de 20 à 100% ».Et Hervé grandeau de confier encore, « j’ai croisé un technicien qui m’a dit avoir perdu entre 70 et 100% sur une exploitation…On est ratiboisé ! Je ne sais pas si c’est comme en 91, mais il a fait entre 0 et -5%, Saint-Emilion est sévèrement touché, le Médoc, on ne pensait pas, mais en partie, Bourg-Blaye à 50%, ce sont de lourdes pertes, très très significatives. »
De nombreux châteaux et amis du blog n’ont pas cessé de m’alerter aujourd’hui sur l’ampleur de cette gelée tardive :
Gros dégâts sur Lalande de Pomerol malgré une nuit blanche a allumer des feux au Chateau de Chambrun et Moncets!
Ou encore l’ami Benoît Emannuel Trocard en AOC Fronsac:« La nuit dernière a été pour moi et pour beaucoup de vignerons du Bordelais et Français, l’une des nuitées le plus terribles jamais connues. Le château Couraze, propriété d’un groupe Danois où je suis directeur technique depuis 17 ans vient de perdre 95% de sa production en 2 heures…. de 6h du matin à 8h00 du matin. Une température de -2° a eu raison de nos premières pousses ».
Pour Allan Sichel, président du CIVB :« c est un épisode de gel sévère,je n’ai pas encore de zone pas touchée, on a des taux de 20% selon certaines propriétés à 90 -100 % dans les zones les plus gélives, mais il est trop tôt pour une évaluation exhaustive ou précise; à vu de nez on parle de 30 à 40% du vignoble atteint. »
Et d’ajouter : « on attend de voir pour une évaluation plus précise, la nuit prochaine on attend encore une nuit fraîche mais on espère moins froide. On s’attendait pour cette nuit à avoir des températures négatives de l’ordre de -1°C mais c’est descendu à -3 et -4°C dans certaines zones. »
Joël Duffau l’ami vigneron, du château la Mothe du Barry, dont Côté Châteaux vous parlait dès hier a été une fois de plus lourdement impacté:
Jeudi on a gelé 3 hectares, vendredi on a gelé 11 hectares et là je pense qu’aujourd’hui ça va être pas la fin, mais pas loin. » Joël Duffau vigneron à Moulon
Et d’ajouter : « il est hors de question qu’un de mes enfants reprenne la propriété…Si à 65 ans j’arrête et que personne n’en veuille, j’en ferai un golf, je ne sais pas », trouvant encore un peu la force de plaisanter. « J’étais passionné, mais là je suis…pas déprimé…mais pas loin. »
Regardez le reportage de MP d’Abrigeon et S Tuscq Mounet ce matin chez Joël Duffau à Moulon :
Quatorze hélicoptères ont été mobilisés en Touraine ce jour. De même, demain de très bonne heure, d’autres hélicoptères seront sur le secteur de Saint-Emilion, pour contribuer à lutter contre le gel qui continue de menacer les vignes.
« C’est le branle-bas de combat maximal. Après les énormes dégats causés l’année dernière, il n’est pas possible que le gel détruise encore la récolte », a insisté Guillaume Lapaque, directeur des associations viticoles d’Indre-et-Loire, alors que les services météorologiques prévoient des températures négatives matinales dans le département jusqu’à vendredi.
Comme la semaine dernière, sept appareils interviendront au-dessus des vignes de Montlouis-sur-Loire pour brasser l’air au-dessus de leurs vignes et rabattre vers le sol l’air plus chaud situé à faible altitude.
L’AOC de Montlouis, la première en France à avoir décidé collectivement de recourir à cette méthode, « a fait des émules et cinq hélicoptères sont mobilisés pour les vignes de Bourgueil, un à Vouvray et un à Azay-le-Rideau », a indiqué M. Lapaque.
« L’année dernière, les exploitations mises en difficulté ont pu trouver des aménagements avec les banques, mais deux années de suite ce serait insurmontable pour beaucoup d’entre elles : c’est comme une entreprise qui brûlerait deux fois de suite… Même en bonne santé, elle ne s’en relèverait pas », a-t-il expliqué.
« Tous les moyens de lutte contre le gel seront mobilisés dans le département : les tours anti-gel(qui brassent l’air elles aussi, ndlr), les bougies, les canons à air chaud, l’aspersion d’eau » (qui protège la plante en gelant, ndlr), a insisté le directeur des associations viticoles d’Indre-et-Loire. « Il ne s’agit pas de privilégier une méthode plutôt qu’une autre, mais d’utiliser la mieux adaptée en fonction des circonstances », a-t-il ajouté.
Le coût d’intervention des hélicoptères est de 200 à 250 euros par hectare et par intervention, selon Damien Delecheneau, le président de l’appellation Montlouis-sur-Loire, qui produit exclusivement des vins blancs effervescents ou tranquilles à base de Chenin.
« C’est une formule qui évite de faire un investissement lourd de départ comme dans le cas d’éoliennes antigel » qui coûtent entre 30.000 et 40.000 euros pièce, souligne-t-il.
Comme en 1991, le 21 avril a été sans pitié pour certaines exploitations du Bordelais dont 1000 hectares auraient été touchés. Dans l’Hérault, plus de 20.000 hectares de vignoble ont été meurtris la semaine passée par des « gelées d’ampleur » affectant « des centaines de viticulteurs ». Ce matin, la Champagne a encore enregistré des températures négatives…Demain, c’est annoncé encore plus froid et ça pourrait geler de nouveau à Bordeaux.
Décidément ce 21 avril ! Les vignerons l’ont en travers de la gorge. Si le PS a eu son « 21 avril » en 2002, et les Républicains plus récemment le 23, les viticulteurs eux ont pris de plein fouet cette date comme une malédiction.
« C’est dans la nuit de jeudi à vendredi qu’on a eu le plus de dégâts, on a eu 5 à 6 hectares de touchés », me confie Nicolas Lesaint du château de Reignac à Saint-Loubès en Gironde ; « c’est vraiment dans les bas-fonds qu’on a enregistré ces dégâts de 100% à 20%, c’est réparti sur une dizaine de spots. On a connu le 21 avril 1991, mais aussi le 21 avril 2017, mais pas dans les mêmes proportions. » Geneviève Caillard, conseillère viticole pour la Chambre d’Agriculture dans le Médoc complète : « on a des plateaux de 3, 5 ou 10 hectares touchés entre 20 et 80 %, il y a eu des secteurs plus touchés notamment dans le sud-Médoc, du côté d’Arsac, Avensan, Ludon-Macau ».
Christophe Château du CIVB attend les retours de la chambre d’Agriculture avant de communiquer mais peut déjà affirmer que plusieurs vignobles dans « le Blayais, en Castillon et Saint-Emilion, en Entre-Deux-mers, dans les Graves et Pessac-Léognan ont été impactés », globalement ça n’a rien à voir avec 1991 mais « certaines entreprises pourraient être bien touchées à titre individuel. »
Ainsi à Moulon, Joël Duffau a perdu « 11 hectares, un tiers de mon exploitation », son épouse témoigne « on est un peu effondré, c’est assez dramatique après 2009, 2011, 2013 et 2014 où on a pris la grêle. On a très peur pour la nuit prochaine »; « ça commence à faire beaucoup mais il faut qu’on continue », positive Joël Duffau que nous avions rencontré en septembre sur unfocus sur les grands vins blancs secs
Carine Delacroix, conseillère viticole de l’Union Régionale Agricole de Branne me confirme que les secteurs « les plus touchés se situent sur Génissac, Moulon et Nérigean. A Moulon, comme à Vignonet, il y a 3 jours de gelées jeudi, vendredi et samedi. Il y a eu aussi des secteurs touchés sur Saint-Sulpice-de Faleyrens, Libourne, Saint-Emilion, un peu de Pomerol aussi. On a des poches de gel qui stagnent, dans des endroits en contre-bas. C’est toujours très particulier le gel. Parfois on n’a pas toujours d’explication. »
Bruno Samie, pour la Chambre d’Agriculture de la Gironde explique que c’est aussi compliqué de donner un chiffre précis sur le nombre d’hectares touchés, mais confie que cela pourrait aller « jusqu’à 10000 ha s’il on prend en compte les parties impactées de 5 à 100 % ».
Pour l’Hérault, le constat est bien plus dramatique : « Après une visite de terrain sur les secteurs les plus touchés, la région de Pézenas et le Minervois, on peut estimer qu’un peu plus de 20.000 hectares sont touchés, entre 10% et 100%, et que des centaines de viticulteurs sont affectés », a déclaré Jérôme Despey, président de la Chambre d’Agriculture de l’Hérault. « Le paysage que nous avons vu ce matin, c’était des vignes totalement grillées, comme brûlées après les fortes gelées des nuits des 19 et 20 avril », a-t-il ajouté, estimant qu’environ 20% des récoltes habituelles héraultaises pourraient être perdues, soit environ un million d’hectolitres.