Le monde du vin commente l’analyse faite par Que Choisir à propos des traces, molécules et résidus de pesticides dans les vins de Bordeaux, où il est fait état d’une diminution par trois en 4 ans. Une enquête plutôt bien accueillie mais à nuancer aussi.
Léopold Valentin, le directeur technique du château Durfort-Vivens (2e cru classé de Margaux) © JPS
Margaux fait figure de bon élève, car 12 châteaux figurent dans cette l’appellation sur les 40 analysés par le magazine « Que Choisir » et obtiennent plutôt de bons résultats. Il faut dire que certains sont passé en bio ou biodynamie à 100% comme Pontet Canet ou Durfort Vivens. Tous deux figurent en tête du classement d’ailleurs, comme nous l’explique Léopold Valentin, le directeur technique du château Durfort-Vivens (2e cru classé de Margaux) :
C’est plutôt une bonne nouvelle, c’est l’aboutissement d’un travail commencé en 2010, suite à notre conversion en bio et en biodynamie », Léopold Valentin directeur technique de Durfort Vivens
« Aujourd’hui nous n’utilisons plus de molécules chimiques, uniquement du cuivre et du soufre ».
Dans ce millésime 2014 analysé, zéro trace de pesticides, zéro molécule et zéro résidu, comme d’ailleurs Pontet-Canet, autre château du Médoc à Pauillac, en biodynamie. Plusieurs châteaux sur ces 40 affichent des résultats corrects, d’autres un peu plus contrastés. Durfort Vivens s’est par ailleurs engagé dans une démarche de diminution des sulfites (autre débat). « L’idée est de faire des vins de plus en plus propres et qu’ils soient le plus naturels et le plus expressifs possibles, » ajoute Léopold Valentin.
Christophe Chateau, relisant l’article de Que Choisir © JPS
Le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux se réjouit des efforts réalisés par les propriétés tant conventionnelles qu’en agriculture biologique, avec des traitements raisonnés ou des pulvérisations plus ciblées, ou par le biais du sulfate de cuivre en bio. Certaines propriétés se sont engagées dans le Système de Management Environnemental; 170 revendiquent aujourd’hui un SME de niveau 3.
Les vignerons travaillent dans le bon sens mais il ne faut toutefois pas crier victoire car c’est une démarche sur le long terme », Christophe Chateau directeur de la communication du CIVB.
« Cette démarche là est entamée avec la nouvelle génération qui est prête à prendre le risque, et à utiliser des produits plus coûteux et à mettre en oeuvre des pratiques plus respectueuses de l’environnement parce que c’est la demande du consommateur aujourd’hui, c’est une demande sociétale, on va vers cette issue, c’est aujourd’hui une certitude », termine Christophe Chateau »
Marie-Lys Bibeyran invité du JT du 27 décembre dernier
« L’analyse de cette enquête est toute relative, pour ma part j’y vois beaucoup de désinformation », commentait dès la sortie de Que Choisir Marie-Lys Bibeyran invitée du 19/20 sur France 3 Aquitaine. La porte parole du Collectif Info Médoc Pesticides. « Il est fait référence à des limites maximales de résidus qui en matière de vin n’existent pas, tout simplement. les seules limites maximales qui existent dans la viticulture ce sont celles de raisins de cuve. Quand dans l’enquête, il est dit que les taux détectés sont inférieurs, heureusement, parce que alors là ce serait encore plus inquiétant. Mais l’enquête se focalise sur des grands crus de Bordeaux avec un prix moyen de 40€ par bouteille, j’estime qu’à ce prix là on est en droit d’attendre une exemplarité et qu’on ne retrouve pas dans la totalité des vins analysés. »
Il faut aussi souligner que l’analyse des 40 châteaux sur plus de 9000 marques à Bordeaux est axée presque exclusivement sur le Médoc, elle ne cible pas tout le vignoble de Bordeaux qui compte 65 appellations. Néanmoins, elle a le mérite d’avoir été réalisée et de relancer le débat, ce d’autant qu’il n’existe aucune règle ou limite imposée jusqu’ici. Pour Stéphane Toutoundji du Laboratoire Oenoteam à Libourne : « ces traces de pesticides ou de résidus supposés dangereux pour la santé, n’ont aucune norme, aucune valeur minimale. C’est vrai qu’il y a des questions. Le chemin est intéressant parce que on voit que les gens font des efforts : les traitements phytosanitaires dans les vignes, il y en a moins, les gens raisonnent mieux, il y a vraiment une prise de conscience au niveau des viticulteurs et des propriétés. » Thomas Duclos regrette que la marge d’erreur n’ait pas été indiquée, car elle pourrait être de 15 à 20 %.
Stéphane Toutoundji, Thomas Duclos et Julien Belle d’Oenoteam © JPS
Pour ces mesures de traces,molécules et autres résidus, le laboratoire avait connu de fortes demandes de la part des propriétés en bio ou non, mais depuis quelque temps il y en a beaucoup moins : « on s’aperçoit qu’il n’y a plus de demande car les gens ont voulu se caler sur un millésime pour voir où ils en étaient, les gens ont prix conscience de leur niveau et des taux qu’ils avaient et puis voilà, la raison c’est que c’est très cher c’est une analyse qui vaut à peu près 400 euros et plus on recherche de molécules, plus c’est cher et donc on peut en chercher des dizaines, voir une centaine; aujourd’hui on se retrouve avec des gens qui ont depuis une situation , un état de fait, décidé de travailler en amont dans leur vignoble (pour diminuer les pesticides), mais c’est tout il n’y a plus d’analyse systématique sur tous les millésimes.
Quant à connaître de la dangerosité de ces traces, molécules et résidus (en microgramme/l), « finalement, ce qu’il y a de plus dangereux dans le vin, c’est l’alcool, vues les doses dans cette étude et dans ce que l’on trouve nous, il faudrait boire des centaines de litres par jour pour être contaminé, donc vous serez mort d’une cirrhose ou d’un problème lié à un cancer de l’oesophage, ou de l’estomac lié à l’alcool plutôt qu’à ces résidus de pesticides, donc il faut vraiment tempérer les propos », conclue Stéphane Toutoundji. « Le plus dangereux dans le vin c’est l’alcool, mais en même temps l’alcool et la fermentation alcoolique permet d’avoir un effet bénéfique avec tout ce qui est polyphénols pour les maladies cardiovasculaires. Donc comme tout le monde dit le vin c’est bon pour la santé, mais à des doses modérées. »
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Sébastien Delalot, Françoise Dupuis et Thierry Culnaert :