27 Avr

Plainte contre X pour homicide involontaire: la fille d’un viticulteur bordelais décédé dénonce le danger mortel des pesticides

Les pesticides sur le banc des accusés…Valérie Murat, la fille d’un viticulteur bordelais décédé en décembre 2012 d’un cancer bronchopulmonaire, veut que la justice reconnaisse la responsabilité des organismes commercialisant ces pesticides ainsi que celle de l’Etat qui les a homologués. 

Valérie Murat © MaxPPP

Valérie Murat © MaxPPP

Invitée du journal de 8h ce matin, Valérie Murat, le fille de James-Bernard Murat viticulteur girondin décédé d’un cancer, dépose plainte contre X cet après-midi pour homicide involontaire devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Son père protégeait sa vigne une fois par an en aspergeant de l’arsénite de sodium, cancérogène suspecté. Le père de Valérie Murat est mort en décembre 2012, à 70 ans, d’un cancer bronchopulmonaire.

« Le certificat médical a écrit noir sur blanc que la pathologie est en lien à l’exposition de 1958 à 2000 à l’arsonite de sodium.

Je veux connaître tous les responsables et remonter le fil de toutes les responsabilités.

 Pour moi, les premiers responsables ce sont les firmes. Ce sont les firmes qui ont mis ce produit là sur le marché, et après il y a les services de l’Etat aussi, qui ont évalué, homologué et re-homologué pour certains.

Ce sont 3 produits à bas d’arsonite du sodium. Leur retrait n’a été effectif en France qu’en 2001 seulement., alors que la Grande-Bretagne l’a interdit à partir de 1961? Les Pays-Bas l’ont interdit en 85 et les Etats-Unis en 88.

Pourquoi avoir laissé ce produit-là sur le marché jusqu’en 2001 ? »

Bien sûr que je le fais en mémoire de mon père parce que je ne peux pas accepter qu’il soit mort pour rien ! On ne peut pas continuer à nier ce problème à ce moment-là et entretenir l’omerta ! Valérie Murat

Les paysans ont été dupés, floués, et on en a fait des bons petits soldats de la chimie…On leur a fait remplacer toute la science qu’il y avait dans l’agriculture, on les en a détourné complètement pour leur proposer de la chimie à la place. Alors c’est sûr, ça marche ! Mais regardez, on commence à compter les cercueils ! »

Il y a 10 jours, la Cour d’Appel de Bordeaux a demandé une expertise médicale dans une affaire similaire: l’affaire Bibeyran. Sa soeur, Marie-Lise, se bat depuis 4 ans pour que soit reconnue comme maladie professionnelle le cancer du foie et des voies biliaires de son frère décédé à seulement 47 ans. Durant 25 ans, il avait répandu des pesticides pour le traitement par de vignes dans le Médoc.

Propos de Valérie Murat recueillis par Stéphane Place d’Europe 1

Rappel des affaires Murat et Bibeyran par Lyly Le Pivert et Marie Fontecave.

 

07 Avr

Alerte à la bactérie tueuse…la xylella fastidiosa

C’est une épidémie dans le talon de l’Italie, la bactérie xylella fastidiosa a ravagé des milliers d’hectares d’oliviers. Le région est déclarée sinistrée. Un cordon sanitaire a été établi pour éviter une propagation au reste du pays et à l’Europe. Réactions  du monde viticole à Bordeaux qui prend cette alerte au sérieux.

La bactérie «Xylella fastidiosa», qui assèche les oliviers, des ravages dans le Salento, berceau de plantations centenaires.  © Tribune de Genève photo: EPPO

La bactérie «Xylella fastidiosa», qui assèche les oliviers, des ravages dans le Salento, berceau de plantations centenaires. © Tribune de Genève photo: EPPO

Joint par téléphone ce matin, Xavier Planty, le président des Sauternes, par ailleurs défenseur du bio, se dit « très très inquiet ». « Le problème est simple, on l’a eu sur l’arbre fruitier le poirier avec le feu bactérien », il l’a complétement décimé…Quant à traiter avec des antibiotiques, il est hors de question de balancer des antibiotiques dans la nature. »

« J’espère que l’Inra s’est penché sur la question. C’est un peu le même sentiment pour ce nouveau parsite que l’on a eu pour la drosophila suzukii, cette bestiolke capable de percer la peau des raisins. Ca peut remettreplein de choses en cause. Est-ce qu’on est à la veille d’une crise comme le phylloxéra ou le mildiou ? »

« La lutte contre le phylloxéra ou l’oidium avait été un foutoir monstre. Sur le mildiou, le traitement avait été trouvé très vite avec la bouillie bordelaise. Sur l’oidium, ça a mis du temps à trouver. »

Xavier Planty,  président des Sauternes. © Jean-Pierre Stahl

Xavier Planty, président des Sauternes. © Jean-Pierre Stahl

Pour l’Inra que nous avons contacté, on reconnaît qu’il y a un vrai risque sur d’autres espèces arboricoles que l’olivier. Une veille presse et les chercheurs de deux laboratoires planchent sur la question avec notamment le laboratoire Santé et Agroécologie du Vignoble. Denis Thiéry, absent de Bordeaux pour des raison personnelles, nous recontactera prochainement: « il a un projet de recherche dans lequel est intégré cette maladie comme d’autres qui peuvent ravager la vigne ».

Le Président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, Bernard Farges reconnaît que « même si on peut être inquiet », les « Italiens ont plutôt réagi tranquillement. On a eu une présentation par France Agrimer du plan d’action national. « Le ministre de l’agriculture a annoncé ce week-end son plan d’action « , qui dispose: « Un arrêté a été signé ce jour (le 3 avril) et sera publié demain afin d’interdire l’importation en France de végétaux sensibles à Xyllela fastidiosa et provenant de zones touchées par la bactérie. Cette interdiction concerne les échanges intra-européens depuis la région des Pouilles et les importations issues des zones infectées des pays tiers concernés. Elle sera assortie du renforcement du plan de contrôle et de surveillance sur l’ensemble du territoire national ».

« Toutefois, il faut être prudent, être vigilent quant à l’alerte que l’on diffuse ! Pour tout ce qui est filère d’importation, on peut les contrôler, maIs c’est plus compliqué quand des particuliers reviennent avec de jeunes oliviers, on peut là s’inquiéter. »

Bernard Farges à gauche, le président du CIVB © JPS

Bernard Farges à gauche, le président du CIVB © JPS

Et de préciser: « en Italie, il ont fait un sas de décontamination pour arracher le vignoble et éviter que la maladie ne se propage. » « Chaque semaine en France les viticulteurs remplissent le BSEV le bulletin de santé du végétal ». Il est envoyé chaque semaine aux viticulteurs où on a toute une appréciation de l’épidémiologie. Mais il n’y a pas de foyer répertorié en France. »

Pour Arnaud Desage, pépiniériste au Marché d’Intérêt National de Bordeaux, importateur d’oliviers et autres plantes méditéranéennes: « si cette bactérie est sur les oliviers, elle sera sur d’autres plantes forcément. Avec la mondialisation, il y a des plantes sur lesquelles on ne pourra pas voir. Il y a beaucoup de bactéries, d’insectes ces derniers temps. Au Japon, ils ont pris des mesures plus sévères en karcherisant les plantes importées. Moi mes oliviers viennent essentiellemnt d’Easpagne mais j’ai des lauriers qui viennent d’Italie. Je vais me renseigner pour savoir comment ça évolue là-bas…Je vous rappelle… »

Dans les Pouilles en Italie, où Xylella fastidiosa est apparue pour la première fois en 2013, la situation est catastrophique. Selon le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, 10% des 11 millions d’oliviers de la province de Lecce sont touchés par cette bactérie.  La solution est l’arrachage et la destruction des arbres malades. Il n’y a pas de remède pour l’heure; l’Italie a mis en place une zone de confinement de 241.000 hectares dans les Pouilles. 

On voit le problème de la xylella fastidiosa ne fait que commencer. Il faut que les Italiens prennent des mesures draconniennes tant pour la survie de leurs espèces dans le reste de la péninsule que pour l’ensemble de l’Europe. Il ne s’agit pas de donner des leçons à qui que ce soit, mais d’avoir  des pouvoirs publics à la hauteur des enjeux.

Le site du Ministère de l’Agriculture précise: « La bactérie Xylella Fastidiosa peut affecter plus de 200 espèces végétales appartenant à 50 familles botaniques différentes. Cet organisme nuisible aux végétaux est connu outre Atlantique comme agent de la maladie de Pierce, qui a fortement touché les vignobles californiens dans les années 1990, et est également responsable d’une maladie ayant fortement impacté les agrumes au Brésil à la fin des années 1980. Cette bactérie est transmise et dispersée par des insectes vecteurs. Elle est absente du territoire français. Après sa découverte pour la première fois en Europe, sur le territoire italien, fin 2013, la Commission européenne a adopté au cours de l’année 2014 des mesures européennes pour empêcher d’autres introductions ainsi que la propagation de la bactérie dans l’Union européenne. »

On a vu comment le problème du frelon asiatique dans un passé récent avait été traité en France où il a été importé dans des poteries chinoises en 2004 via le port de Bordeaux et dans le Lot-et-Garonne. Depuis tout le Sud-Ouest a été infesté, et même bien au delà, on en répertorie partout en France,  parfois dans le Nord de l’Europe et au Portugal récemment. Un préfet de la région Aquitaine avait pris comme arrêté de limiter l’intervention des sapeurs pompiers pour la destruction des nids car trop chères (ils en faisaient plus de 700, ce fut réduit à moins de 30 en 2008), en restreignant leurs opérations à des dangers immédiats pour l’homme. Seuls les associations étaient en pointe dans ce combat comme AAAFA33 et les apiculteurs qui ont vu leurs ruches décimées… (sans parler des personnes allergiques qui sont décédées, à la suite de piqûres de frelons asiatiques).

Le parallèle n’est pas osé, il s’agit juste de prendre les bonnes décisions, drastiques s’il le faut, plutôt qu’attendre. Ces mesures doivent être prises en Italie et en France au niveau cordon sanitaire et interdiction des importations. Il s’agit d’informer sans vent de panique mais de prendre conscience de ce risque majeur, comme ce fut le cas pour le phylloxéra.

05 Mar

Les pesticides devant la Cour d’Appel de Bordeaux

Ce matin, la soeur de Denis Bibeyran, emporté par un cancer, s’est présentée devant la Cour d’Appel de Bordeaux pour faire reconnaître son cancer en maladie professionnelle, suite à une exposition prolongée aux pesticides.

© France Bleu Gironde

La famille Bibeyran soutenue par l’association PhytoVictimes © France Bleu Gironde –

La Cour d’Appel de Bordeaux examinait ce matin le cas de Denis Bibeyran, cet ouvrier viticole médocain décédé en 2009 à l’âge de 46 ans d’un cholangiocarcinome. Un cancer du foie foudroyant qui serait dû à son exposition prolongée aux produits phytosanitaires. Il travaillait dans le vignoble du Médoc de 1978 à 2008. 

Sa sœur, Marie Lys Bibeyran, se bat depuis plusieurs années pour la reconnaissance de maladie professionnelle post-mortem. Pour elle, cela ne fait aucun doute, ce sont les pesticides qui seraient à l’origine du cancer développé par son frère. En mai 2011, elle a engagé une action auprès de la Mutualité Sociale Agricole de la Gironde. Le Comité Régional de Reconnaissance de Maladie Professionnelle a prononcé deux fois le rejet de sa demande, confirmé par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale en janvier 2014. 

 La MSA se contente de contester la forme et ne se place pas sur le fond de l’exposition aux pesticides », Marie Lys Bibeyran.

La chambre sociale de la Cour d’Appel de Bordeaux rendra son arrêt le 16 avril et dira si l’on peut relier de manière directe les traitements phytosanitaires de la vigne au cancer d’un employé exposé, ce qui vaudrait pour reconnaissance de maladie professionnelle. L’avocat demande désormais l’inscription de la maladie de Denis Bibeyran dans le tableau des maladies professionnelles de la MSA . Ce changement de fondement est rejeté par la MSA, qui estime que la démarche aurait du être entreprise avant.

Une décision qui pourrait faire jurisprudence après celle de la faute inexcusable d’un employeur girondin admise en avril 2014.

Regardez le reportage de Laurence Pourtau et Ludovic Cagnato

30 Jan

Stéphane Le Foll repousse l’objectif de réduction des pesticides de 50% à 2025

Après l’échec du plan Ecophyto, le ministre de l’agriculture présente une nouvelle méthode reposant sur la recherche et l’innovation et repousse l’objectif d’une réduction de 50% des pesticides de 2018 à 2025.

Stéphane Le Foll présentant son nouveau plan de réduction...-50% d'ici 2025 © AFP

Stéphane Le Foll présentant son nouveau plan de réduction…-50% d’ici 2025 © AFP – Jacques Demarthon

Le nouveau plan Ecophyto présenté par le Ministre de l’Agriculture souhaite réduire l’usage des pesticides mais à une vitesse moins rapide que ce qui avait été prévu précédemment.

Petit rappel: en 2008 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, un premier plan prévoyait la réduction de moitié des herbicides et pesticides d’ci à 2018 mails il s’est soldé par un échec. Au contraire, pendant cette période, le recours à ces produits a progressé de l’ordre de 5 à 10% entre 2009 et 2013 en partie à cause d’un usage très intensif de ces antiparasites (avec notamment une année 2013 très pluvieuse pour le vignoble).

La France est le troisième pays le plus consommateur au monde de pesticides. Malgré les risques sur la santé et les différentes pollutions, jamais autant de produits phytosanitaires n’ont été déversés dans les champs ou dans les rangs de vigne car la vigne est une plante très fragile…

Utilisation de pesticides dans les vignes du Médoc © Jean-Pierre Stahl

Utilisation de pesticides dans les vignes du Médoc © Jean-Pierre Stahl

Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, a malgré tout présenté, ce vendredi, les grandes lignes de son nouveau Ecophyto. L’objectif est de réduire de moitié l’usage des pesticides à l’horizon 2025 avec un palier intermédiaire de 25 % pour 2020.

Stéphane Le Foll veut que les fruits de la terre soient cultivés avec moins de pesticides pour mieux préserver la santé, l’environnement et la biodiversité ; mais pas au dépend de la compétitivité ni de la productivité. Il a donc annoncé que « 2015 sera l’an 1 de l’agroécologie. »

Le ministre souhaite inciter les distributeurs de produits phytosanitaires à baisser de 20 % le nombre de doses sur cinq ans et vendre à la place davantage de conseils pour apprendre aux agriculteurs à faire mieux, avec moins de pesticides.

Ce nouveau plan devrait être doté de 70 millions d’euros.