Lundi, le Ministre de l’Agriculture Marc Fesneau recevait une vingtaine de responsables de la filière à Paris. L’Etat prévoit de dégager 160 millions pour soutenir ce pan de la viticulture en proie à des difficultés du fait d’une déconsommation de vin, un plan pour financer notamment la distillation de crise. Réactions de Bernard Farges, vice-président du CIVB, et de Bastien Mercier, du collectif des vignerons.
Marc Fesneau a annoncé hier une campagne de distillation de vin, dotée de 160 millions d’euros, pour soutenir les viticulteurs en difficulté, d’autres pistes ont été avancées également pour de l’arrachage sanitaire de vignes en friches…
La filière vitivinicole traverse actuellement une crise conjoncturelle dans le contexte d’inflation lié à la guerre en Ukraine qui exacerbe des difficultés structurelles dans certains bassins viticoles et couleurs de vins » Marc Fesneau.
A Bordeaux, la crise s’est traduite déjà par une manifestation de plus de 1200 viticulteurs et de toute la filière le 6 décembre dernier. Ceux-ci réclament un vaste plan d’arrachage primé d’au moins 10% (CIVB) à 15% (selon le collectif des viticulteurs de Gironde) du vignoble bordelais de 108000 hectares.
Pour Bernard Farges, du CIVB, présent hier à la réunion : « il y a cette annonce de distillation mais pas que cela , il y a des débuts de réponse pour réduire les surfaces avec des réponses concrètes d’ici 15 jours au salon de l’agriculture, c’est conforme avec ce que nous travaillons avec ses services. Le Ministre a pris acte et conscience des difficulté de toutes les régions viticoles en France et particulièrement des régions de rouge. Ce sont des mesures conjoncturelles qui doivent faire évoluer le vignoble, après il doit y avoir des mesures structurelles comme dans le bordelais. Mais c’est clair que ce sont des sujets qu’on n’aborde pas de gaïté de coeur… »
La distillation, c’est une mesure classique mais les fonds de 160 millions ne suffiront pas pour toute la France. Il travaille dessus pour compléter ces 160 millions », tant il est clair que pas mal d’entreprises ont besoin de renforcer leur trésorerie. », Bernard Farges
Une première campagne de distillation devrait se faire d’ici l’été avec « 40 millions d’euros de crédits nationaux complétés de 40 millions de l’enveloppe de financements européens (FEAGA) », selon Marc Fesneau. La seconde campagne pourrait être organisée d’ici octobre selon le Ministre pour atteindre ces 160 millions d’euros.
Du côté du collectif, Bastien Mercier réagit ce matin : « cela devrait concerner 500 000 hectolitres sur la Gironde, cela pourrait faire 702€ du tonneau, autant dire pas grand chose, pour écouler du stock ; on sait très bien que cela va arranger les caves coopératives qui ont déjà distillé en 2020, moi je ne vais pas distiller un vin médaillé d’or, 4 médailles d’or en 2021, je ne vais pas envoyer ça au bouillon, comme le 2022 très prometteur je n’envoie pas ça au bouillon… On s’attendait à la distillation car c’est le Languedoc Roussillon qui pousse… On a cherché à ce que la distillation dans le cadre de la production soit rémunérateur comme pour faire du vinaigre de vin, mais là ce sont les distillateurs qui vont se faire de l’argent et c’est l’Etat qui paie… Bon en 2020, on a distillé pour 40 millions d’euros, ce qui représente près de 5700 tonneaux, c’est ce qui fallait… » Mais moi, la distillation de masse pour les petits, je n’y crois pas, nous on réclame l’arrachage… Travailler pour balancer, non, c’est trop d’effort, trop d’énergie, pour après balayer d’un revers de main.
Il faut absolument pour le Ministre annoncer des choses sur l’arrachage au salon, mais malgré tout c’est dans longtemps, 3 semaines, il faut savoir qu’au mois de mars les bourgeons sortent et c’est reparti, c’est trop tard, tout cela arrive trop tard. Nous on demande un effort pour les retraités…Pour ceux qui veulent arrêter, qui n’en peuvent plus, ok ils vont vider leur chai avec la distillation, mais à quand l’arrachage ? » Bastien Mercier
Parmi les autres pistes, le gouvernement a étendu et prolongé le dispositif de prêt garanti par l’État (PGE) jusqu’à la fin 2023. Concernant l’allongement de la durée du PGE : « 75% des PGE en agriculture sont des PGE avec tout ou partie de viticole, ce n’est pas rien, nous on demande un allongement de la durée du PGE de 6 à 10 ans. On souhaite trouver des moyens avec Bercy, ou au cas par cas, ou trouver des prêts relais… On demande des intérêts plus faible que le prix du marché… », commente Bernard Farges
« Quand à l’arrachage, pour l’heure, il n’y a pas de dispositif, les textes européens ne le permettent pas; nous Bordeaux nous le demandons, mais pas toute la filière en France, néanmoins le secteur se dégrade et donc je pense que cela bougera.
« Nous essayons de créer des outils, on travail sur le fond de mutualisation sanitaire, avec les services régionaux et le département. C’est un élément très important que la profession mette des fonds sur la table pour agir aux côtés de l’Etat, de l’Europe et de la région. Il n’y a pas d’autre exemple qui essaie de le faire, c’est un engagement fort de la profession. » Les outils du Faeder (fonds européen agricole pour le développement rural) pour la diversification et l’arrachage sanitaire pour éviter la propagation de maladies comme la flavescence dorée pourraient être mis en oeuvre dès cette année.
Le Ministre a clairement dit la nécessité d’agir sur le structurel, avec la filière, d’ici le début de l’été », selon Bernard Farges. Bastien Mercier et le collectif attendent de rencontrer le préfet ce jeudi matin dans le cadre de la cellule de crise mise en place par la préfecture.