En Pessac-Léognan et davantage encore dans les Graves, quelques châteaux seront touchés par le tracé de la LGV Bordeaux-Toulouse. Ils ne l’acceptent pas et souhaite voir ce projet abandonné. Rencontre de ces opposants au château d’Eyran et au château du Grand Bos.
Vieille propriété familiale depuis le XVIIIe siècle, le château d’Eyran a reconstruit son vignoble de 25 hectares en 1984. Jamais Charles Savigneux n’avait imaginé voir s’ériger une LGV à quelques centaines de mètres… Celle-ci devrait écraser 2 à 3 hectares de vigne et être construite au dessus de la voie ferrée existante.
« Au dessus de ces lignes, une hauteur de 6 mètres par dessus…Ce qui fait qu’on va avoir un mur ici avec une largeur de voie qui est encore inconnue… »,nous montre Charles Savigneux gérant de la SCEA du château d’Eyran.
On est très en colère, puisque c’est un projet très très ancien et diverses enquêtes d’utilité publique notamment en 2015 ont donné des avis défavorables, des enquêtes monumentales et derrière l’Etat passe par dessus pour forcer ce projet de LGV » Charles Savigneux du château d’Eyran
« On va aussi avoir des nuisances sonores monstrueuses et en plus ces voies qui vont être ajoutées vont passer en plein milieu ici de ces marécages en changeant les trajets de circulation hydraulique et donc en modifiant tout cet écosystème…. »
Pour Michel Lopez de l’association LGVEA qui est venu le voir et le soutient : « c’est lamentable, on s’attaque à la biodiversité, on s’attaque au milieu agricole, viticole, forestier, à la faune, à la flore, l’écosystème va être complétement modifié et également sur la commune de Saint-Médard-d’Eyrans, il va y avoir un impact très important sur la circulation et le cadre de vie des habitants »
Dans les Graves, le château du Grand Bos 12 hectares de vigne et 15 de forêt va voir sa propriété coupée en 2…« Qu’est ce qu’il restera de la vigne après les travaux, à mon avis il ne restera rien » soupire Serge Rochet du château du Grand Bos.
Du portail du château à la bâtisse du XVIIIe siècle, le tracé les touche de plein fouet… « Théoriquement la ligne rouge va représenter 100 mètres d’emprise » commente Dominique Larrue voisin du château du Grand Bos en montrant le tracé sur son téléphone portable…
Lou Rochet est d’autant plus inquiète qu’elle a repris la propriété familiale depuis 2017 et y a engagé de nombreux projets…
On a ouvert des chambres d’hôtes , mis la propriété en agriculture biologique, on avait l’impression qu’on avait une propriété qui était très belle et qui avait un potentiel assez magnifique et finalement cette LGV va peut-être tout remettre tout en question… » Lou Rochet du château du Grand Bos
Propriétaires, riverains et associations espèrent bien que le projet de LGV soit reporté (ce que préconise le conseil d’orientation des infrastructures)voire enterré au profit de la rénovation des voies existantes, sinon ils n’hésiteront pas à continuer à engager des recours devant le tribunal administratif.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Ludovic Cagnato et Boris Chague :
La crise de consommation de vin touche depuis plusieurs années de nombreux vignobles et notamment le plus important en France: Bordeaux. Côté Châteaux est allé sur le terrain à la rencontre de ces petits vignerons qui produisent en Bordeaux et en Entre-deux-Mers pour se rendre compte de leurs difficultés au quotidien. Ceux-ci réclament un plan d’arrachage primé de 15 000 hectares à Bordeaux pour s’en sortir et réguler la surproduction. Un magazine de plus de 27 minutes à voir ce 1er février sur France 3 NOA, réalisé par Alexandre Berne et Jean-Pierre Stahl.
Le 6 décembre dernier, ils étaient 1200 vignerons représentants de toutes les appellations à manifester dans les rues de Bordeaux pour réclamer un arrachage primé de la vigne d’environ 15% du vignoble de Bordeaux.
C’est toujours un crève-coeur, réduire la production pour rééquilibrer les marchés, l’offre et la demande, je pense que c’est du bon sens, cependant c’est quand même un aveu d’échec… » Fabien Ribéreau vigneron château Bellevue à Cadarsac
Il lui reste 50 hectares qu’il cultive fièrement, à l’heure de la vendange, il vend à 1€ du litre mais certains ont vendu à 70 centimes: « c’est ridicule, c’est pas possible qu’on accepte que Bordeaux implose, c’est un fleuron national… »
De retour au Pian-sur-Garonne, chez Didier Cousiney, le porte parole des viticulteurs de Gironde : « la chambre d’agriculture va sortir les chiffres bientôt du questionnaire envoyé aux viticulteurs, 1500 ont répondu (1320 ont reconnu être en difficulté pour être exact). Il y a plein de mesures menées par la chambre d’agriculture, le CIVB, les organisations professionnelles de la filière, mais nous
Nous prônons toujours l’arrachage primé car s’il n’y a pas un arrachage primé, définitif, rapidement dans les 2 mois qui viennent jusqu’à fin mars, cela va être une catastrophe, car déjà il y a des ruptures de contrats chez des viticulteurs qui comptaient dessus, et qui se retrouvent du jour au lendemain dans une catastrophe financière qu’ils n’ont jamais vue… » Didier Cousiney porte parole des viticulteurs 33.
Le problème de l’arrachage primé était autorisé par l’Europe jusqu’à 2008 et puis cela a été abandonné, alors comment retrouver cette négociation avec l’Europe ? « Ça va être très long, durer peut-être des années, car changer des textes européens ça ne se fait pas du jour au lendemain…Mais il faut absolument cet arrachage, il faut qu’il y ait quelque chose qui se passe pour sauver la viticulture bordelaise, alors même si parfois le collectif s’y prend mal, il faut que tous ensemble, toute la filière trouve rapidement des solutions parce que c’est tout un pan qui va s’écrouler… »
L’autre jour en conseil d’administration, nous avons proposé à ce que tout le monde mette la main à la poche, entre la filière viticole , la Région et l’Etat pour arriver à ces 150 millions d’euros, » Didier Cousiney porte parole des viticulteurs 33.
A Castelviel, nous voici chez un vigneron qui n’a pas encore la cinquantaine et qui travaille bien ses vins, comme bon nombre.Sébastien Léglise, 48 ans, 4e génération de vignerons, est à la tête de 60 hectares en Bordeaux et en Entre-deux-Mers avec ses vignobles Falgueret-Léglise:« oui, c’est de plus en plus dur de vendre notre vin effectivement… J’ai encore la fougue de ma jeunesse même si elle s’éloigne un peu et en même temps je me dis que l’avenir s’assombrit de jour en jour… »
Pour s’en sortir, il a choisi la voie de la diversification :« depuis quelques années on voyait bien que les ventes commençaient à stagner ou se réduire, donc on s’est tourné un petit peu vers l’oenotourisme avec mon épouse on a monté un 1er gîte et on aimerait bien en monter un second voire un troisième, on voit qu’il y a vraiment un attrait pour cela, et en parallèle j’ai arraché quelques vignes pour planter une culture céréalière… »
Quant à se reconvertir, il n’en est pas encore à ce stade fort heureusement, mais il y pense : « on l’a dans le coin de la tête, on se dit si on n’arrive pas à vendre notre production, il faudra peut-être arrêter et vendre, et pourquoi pas trouver un emploi fixe, un CDI chez quelqu’un… Mais je garde espoir, espoir que mes enfants reprendront cette propriété mais pour l’instant je n’en suis pas sûr… »
« Ça eu marché, mais ça marche plus »complète sur un trait d’humour Didier Cousiney, « aujourd’hui c’est la réalité on a des jeunes qui sont au bord du gouffre, même si les banques disent non non c’est pas vrai, la réalité c’est du jour au lendemain débrouillez-vous on ne peut plus rien pour vous…Donc on est dans une situation alarmante… et des vignobles de 4 ou 5 générations comme cela peuvent ou vont s’éteindre. C’est dommageable et ce qui est dommageable, c’est que personne ne fait rien pour les sauver… »
La solution serait-elle de faire davantage de vins blancs secs quand on voit la baisse de consommation surtout sur les rouges ?« Vous savez dans l’Entre-Deux-Mers, on faisait beaucoup beaucoup de blancs, là c’est vrai il y a un effet conjoncturel où les blancs ont le vent en poupe, mais si on revient à un niveau de production correct les prix es blancs vont redescendre, il ne faut pas se leurrer il y a une méconsommation du vin, à nous de réadapter notre produit à ce que demandent les futurs consommateurs, il faut que la profession se remette en question, sauver ce qui est sauvable et il va falloir un plan Marshall »
Aujourd’hui on veut des vins qui sont sur le fruit, sur le gourmand, on ne veut plus des vins trop sophistiqués avec beaucoup de tannins qu’on doit garder dans sa cave 10 ans, parce plus personne n’a de cave, ou très peu, et surtout pas à Paris », Stéphane Lefebvre directeur Maison Bouey.
Un négoce qui a vu les ventes en Chine, 1er marché à l’export, chuter sur les 3 dernières années à cause du covid, du repli sur soi, et de la concurrence, encore -27% sur les 12 derniers mois. Même si la baisse moyenne à l’export est de 9%, bon nombre de négociants essaient de travailler de nouveaux débouchés comme Jean-Pierre Durand de la Maison Antoine Moueix-Jules Lebègue : « vous verrez autour de vous certaines palettes qui sont à destination de l’Afrique, du Moyen Orient et de l’sérique du Sud, ce sont de nouveaux marchés sur lesquels on se déploient pour conquérir des parts de marché…. »
La suite de notre vadrouille nous emmène chez Yves D’Amécourt au château Bellevue à Sauveterre-de-Guyenne : « oui, c’est la crise dans toute notre région de l’Entre-Deux-Mers en fait; les aléas climatiques se succèdent et notre production diminue et il y a une mévente de vin au niveau national ce qui fait que les prix du vin diminuent, donc on a une perte de production et une baisse des prix donc on boit le bouillon. »
« En France, les anciens qui buvaient du vin tous les jours, disparaissent tous les jours, ils sont remplacés par la jeune génération qui boit beaucoup de bière, ou d’autres choses mais peu de vin… »
A l’étranger, on souffre d’un manque d’ambition de la France pour aider la filière viticole à exporter et aussi le contexte international, avec les années Trump on a perdu beaucoup de ventes à cause des taxes sur le vin » Yves D’Amécourt château Bellevue
« Et on n’a pas retrouvé les parts de marchés qu’on avait perdues quand Joe Biden a été élu, et puis il y a des pays qui sont très agressifs pour vendre leurs vins comme le Chili, l’Argentine, l’Australie… »
La crise sanitaire n’a pas aidé non plus : « le covid ça a été compliqué car en France 1 bouteille sur 3 est consommée en restauration,les restaurateurs étaient fermés, les restaurants ont été aidés par le gouvernement mais leurs fournisseurs n’ont pas été aidés, comme les producteurs de viande, de légumes, etc…Et à l’étranger ce sont 2 bouteilles sur 3 qui sont consommées dans les pubs et les restaurants….Et les restaurants ont aussi vidé leurs stocks, il y a eu une compensation car les gens étaient chez eux et ils ont eu tendance à acheter plus et consommer plus…mais ça n’a pas compensé les pertes en restauration. »Tout ça sans parler de la hausse des prix de l’énergie (« on est entre +200 et +400% d’augmentation en fonction des heures ») et des matières premières (« +45% sur le verre »)… Des charges difficiles à supporter : « on exploite 111 hectares et il faut qu’on sorte 100 000€ par mois pour payer nos factures….Aujourd’hui, c’est compliqué, très compliqué, « on a fait 30 hectos à l’hectare cette année, notre point d’équilibre c’est 50 hectos à l’hectare, c’est très tendu…C’est dommage parce que c’est un beau métier, le plus beau métier du monde, on a fait énormément de choses pour améliorer la qualité de nos produits et respecter davantage l’environnement, on a eu aussi des meilleures qualités, et cela ne se retrouve pas du tout dans notre bilan… »
Vous ferez aussi connaissance avec Bastien Mercier, jeune vigneron à Camiran, qui reprend la propriété de son père Daniel mais dans un contexte des plus difficiles…Le domaine a été placé en redressement judiciaire en décembre dernier, ce qui n’obère en rien l’idée pour lui de rebondir. Juste à redéfinir le périmètre de son vignoble de 65 hectares.
Sur 65 hectares de vigne, il y a une partie en fermage que nous allons devoir abandonner… Sur les 2 autres tiers, une partie sera vouée à l’arrachage…Et le dernier, on le garde car nous sommes en capacité de vendre à la clientèle particulière cette production… », Bastien Mercier vigneron à Camiran.
En redressement judiciaire depuis 2 mois, il prévoit d’implanter des panneaux photovoltaïques pour payer les dettes, car pas question pour lui d’y laisser la bâtisse.
Les Mercier produisent en moyenne 3000 hectolitres de vin à l’année, une production, une passion qu’ils voudraient bien vendre et partager avec une gamme de vins bien faits, représentant toutes les couleurs de Bordeaux et avec des étiquettes originales.
Et de nous faire déguster leur crémant de Bordeaux, la Marquise de Lavardac : « on a sorti cette méthode traditionnelle qui est réalisée avec du sauvignon blanc, et qui est passée en étage entre 9 et 18 mois, quand on en a besoin… », selon Daniel Mercier le papa.
La diversification, nous l’avons commencé en 2016 avec un nouveau rosé et d’un blanc qui ne fait pas partie du cahier des charges de l’appellation, qui est un vin de table mais qui fait partie du goût du client aujourd’hui », Bastien Mercier.
Outre leur rosé aussi le Tête à Tête, chez les Mercier on en a dans la tête car il vont se tourner ver les panneaux photovoltaïques : « c’est de l’agrivoltaïsme, c’est de pouvoir continuer à travailler une culture et compléter par une production énergétique, pouvoir cultiver de nouvelles variétés de plantes, se dégager un salaire et de compléter par de l’agrivoltaïsme pour faire en sorte que notre structure reste pérenne et sereine, et de faire en sorte que nous puissions passer au remboursement de nos dettes… »
Voilà de beaux projets de la part de vignerons qui sont fiers de leur métier : vigneron, une passion qu’ils veulent partager, tout en souhaitant simplement s’en sortir dignement dans cette crise viticole à Bordeaux.
Côté Châteaux n°38 Spécial Crise Viticole à Bordeaux, à voir ce mercredi 1er Février 2023 à 20h30 sur France 3 NOA ( sur les box Orange 339, Free 326, SFR 455, Bouygues 337) ou encore dimanche 5 février à 13h45 et 20H20 sur France 3 NOA