La Gironde est devenue 1er département de France avec 13 909 hectares de vignes en bio certifiée ou en conversion. Un doublement en 10 ans où on ne comptait que 7200 hectares. Une accélération ces dernières années car sur ces 13909 ha, 43% sont en conversion. Le bio représente 12% du vignoble girondin.
Parmi les pionniers de la viticulture biologique, il y a des personnages comme Patrick Boudon qui a mené son domaine dans l’Entre-deux-Mers dès 1963 ou au début des années 2000 Alain Moueix : « j’ai démarré en 2002 à Fonroque en faisant passé l’intégralité du vignoble, qui a été certifié en 2006. Puis on a passé 7 hectares en biodynamic en 2002, 14 en 2003 et 100% en 2005 avec Biodyvin. En 2008, le domaine a été entièrement certifié ».
« Ce n’est pas un événement qui a allumé la mèche, c’est plus un faisceau de préoccupations. Les produits phytosanitaires ne m’ont jamais inspiré, même si je m’étais mis en agriculture raisonnée au château Mazeyres avec Terra Vitis.Mais j’ai trouvé que cela n’allait pas assez loin ».
Mes préoccupations étaient la protection des personnes qui travaillent dans les vignes, la pérennité du terroir car le sol est un être vivant, fragile, et pour trouver un équilibre, j’ai trouvé que la biodynamie prenait en compte un environnement plus global », Alain Moueix château Fonroque
« J’ai pu goûter beaucoup de vins et pour ceux qui sont en biodynamie, il y a une expression plus large de ce que peut donner le terroir, avec plus d’authenticité, de singularité, plus de fraîcheur et de verticalité. »
Les frères Todeschini, Yann et Karl, se sont aussi lancé en bio et aujourd’hui « tout Mangot (en Saint-Emilion Grand Cru) et tout La Brande (en Castillon), ce sont 57 hectares qui sont en bio .On a initié notre démarche en 2009 et on est passé à 100% en 2010, mais on n’avait pas lancé la certification, on voulait voir si on était capable de tenir tant au niveau qualitatif que quantitatif…On a ainsi testé sur 10, 11, 12, 13, 14 et 15 avant de passer en conversion et d’être certifié ».
Nous, on le fait car c’est le vin qu’on aime boire, le vin dont on est fier, on recherche côté identitaire du lieu et du terroir. » Yann Todeschini, château Mangot
Passer en bio, c’est bien sûr davantage de risques et de travail, « tu le fais par conviction, car techniquement ça ne pardonne pas. A Bordeaux, on a pas mal de mildiou et d’oïdium. Sur le millésime 2018, on a ainsi perdu suite à un épisode de grêle sur la Brande, on a eu du mildiou. Tous les ans on perd entre 15 et 20% de récolte, à cause du gel, de la grêle ou du bio mais tu vas lisser ta production. Le bio te demande d’être encore plus observateur à la vigne. La on s’oriente vers la biodynamie, notre première année de conversion est sur 2020 pour être certifé en 2023. On a été admis à Biodynvin, un club d’échanges avec des vignerons, on échange beaucoup avec Thierry Valette ou Alain Moueix..et toute la FRance entière..Et quand on traite à 7h du matin avec de la prêle, de la valériane, ça te fais un ciment au niveau de l’équipe… »
L’engouement pour le bio est bien réel. Les chiffres en témoignent : « on est passé de 353 exploitations certifiées bio ou en conversion en 2007 en Nouvelle-Aquitaine à 1684 en 2020 », selon Gwenaëlle Le Guillou-Spiroux directrice des vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine.
La Gironde est le 1er département de France avec 13909 hectares de vigne en bio dont 43% en conversion. La Bourgogne, c’est 4500 hectares, la Loire 3500 en comparaison », Laurent Cassy président des vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine
« Ce qui est important de voir, ce sont 43% de conversions, on avait eu un pallier similaire entre 2008 et 2012… », poursuit Laurent Cassy. « C’est positif que les vignerons aillent vers des pratiques plus vertueuses par contre il faut travailler la partie commerciale et restaurer de la marge au producteur. On peut aussi s’appuyer sur une démarche RSE (responsabilité sociale des entreprises (où l’environnement humain, sociétal et économique est pris en compte pour aller vers des pratiques plus responsables.) Le bio a besoin de beaucoup plus de main d’oeuvre et c’est une façon de redonner du travail aux territoires.
Parmi les vignerons qui ont aussi pris leur destin en mains, Jean-Baptiste Duquesne à la tête du château Cazebonne : « j’ai commencé sur le millésime 2017 et mon millésime 2020 est mon premier labellisé bio et Demeter.
« Cela n’a pas été une course facile… J‘ai gelé en 2017, grêlé en 18, gelé en 19, regelé en 20 et gelé en 2021 ! La vigne a appris à vivre avec ces difficultés. La conversion, ce n’est pas un schéma facile. J’ai converti 100% mais je ne regrette pas, c’est une expérience passionnante. La qualité s’est améliorée d’année en année, la fraîcheur est plus grande ».
Le particulier recherche un vin pour se faire plaisir, il recherche une émotion, le vigneron doit prendre conscience qu’on ne vend pas du vin, on vend une histoire, un terroir et des cépages qu’il a su sublimer. L’expérience bio est passionnante, » Jean-Baptiste Duquesne château Cazebonne.
« Partant d’une marque inconnue il y a 5 ans, depuis 4 ans je vends tout mon vin en bouteilles. Il y a une vraie lame de fond dans laquelle Bordeaux a beaucoup d’atouts. C’est le début d’une période de renouveau de Bordeaux, le Bordeaux bashing est derrière nous ».
Jean-Baptiste Duquesne a fondé un groupe sur Facebook qui compte aujourd’hui 2300 membres: « Bordeaux Pirate, des vins en dehors des sentiers battus », dont une majorité des vignerons sont en bio. Il incarne aujourd’hui le « bon sens paysan », et réintroduit du fumier dans ses vignes 300 à 400 tonnes . « On doit restaurer la vie, reconstituer des sols vivants et remettre de la nature organique dans nos sols. Il regrette qu’il n’y ait pas autant de vignerons identitaires à Bordeaux, notamment quand il demande à des Parisiens amateurs de vin de citer des noms, ils citent plus souvent des vignerons de Loire ou de Bourgogne. « Il faut remettre des gueules de vignerons à Bordeaux et les vins de Bordeaux doivent rester accessible et de qualité. » C’est bien bio tout ça !