C’est une semaine intense qui continue à se dérouler jusqu’à vendredi où plusieurs châteaux et maisons du vin ouvrent leurs portes pour permettre aux journalistes, critiques, négociants, courtiers et importateurs de déguster le millésime 2020. Un millésime qui s’annonce de grande qualité avec de très belles réussites qui annonce une sacrée trilogie 2018, 2019 et 2020. Reportage au château Belgrave et à la Maison du Vin de Margaux.
Au château Belgrave, à Saint-Laurent-Médoc, quelques critiques étrangers sont venus déguster ces primeurs de Bordeaux, notamment le suisse Yves Beck, alias le Beckustator, de plus en plus reconnu, qui est présent durant 2 mois à Bordeaux et va déguster quelques 1200 vins. Déjà il nous donne son avis sur les quelques 700 vins qu’il a déjà goûtés et re-goûtés.
« Oui, on peut parler de grand millésime puisque on a une belle qualité à tous les niveaux; on peut aussi dire que ce n’est pas partout pareil, il y a un côté hétérogène, mais globalement le millésime en tant que tel on voit très bien où il va aller…. »
On a des vins puissants, de belles puissances tanniques, mais on a de la fraîcheur aussi, on sent bien qu’on s’est concentré vers des extractions douces, pour éviter d’avoir des vins trop puissants, la clé c’est d’avoir des équilibres, le défi est rempli, c’est vraiment top« , Yves Beck critique suisse.
Dans ce château des vignobles Dourthe, des mesures de sécurité sanitaire ont été prises, ainsi les dégustations se font en petits comités et sur rendez-vous…
pour pouvoir accueillir les primeurs au château Belgrave, on a réduit le nombre de participants, on est toujours sur une dégustation assise, et on va servir les personnes pour éviter qu’elles ne touchent les bouteilles… », précise Frédéric Bonnaffous, directeur des vignobles Dourthe. « On a aussi mis en oeuvre tout un protocole pour nettoyer les crachoirs, toute une logistique adaptée aux « conditions Covid »
Parmi les autres figures et grands dégustateurs présents ce jour, Bernard Burtschy, journaliste spécialisé vins et spiritueux au Figaro, qui trouve qu’ « il y a de grands vins, mais c’est tout de même plus hétérogène; avec la chaleur et la sécheresse, il y a eu quelques plantes qui sont restées bloquées; les terroirs argileux et calcaires ont donné des vins magnifiques, c’est là qu’on fait les plus grands vins… »
C’est un millésime très sec, il n’y a quasiment pas eu d’eau pendant 3 mois, mais il y a une fraîcheur des vins qu’on n’explique pas, les vins ont un éclat ! On pouvait penser qu’on était parti pour faire comme en 2003, mais ce millésime est très singulier », Bernard Burtschy
A Margaux, à la Maison du Vin, ce sont 26 châteaux du cru artisan au cru classé en passant par les crus bourgeois et vins bio qui se font déguster, également sur rendez-vous. Le millésime s’annonce de la même fibre que les 2 années précédentes comme en témoigne le président du syndicat viticole de Margaux.
On a la chance d’avoir le 3e millésime grand millésime à la suite. 2018, 2019, et 2020, une trilogie avec tout ce que Bordeaux fait de grand dans les grands millésimes » Edouard Miailhe, président du syndicat de Margaux
« Des vins à parfaite maturité, la seule différence notable, c’est que l’année 2020 a subi une perte de récolte globalement à Margaux mais aussi dans tout le Médoc, 20 à 25% de perte de volume à cause des sécheresses de cet été. »
Les premières notes pourraient tomber dès la mi-mai, même si James Suckling a toujours l’habitude de publier avant tout le monde… Une belle campagne de vente pourrait s’annoncer après 2 années économiques assez délicates pour Bordeaux, avec des baisses en Chine ou à Hong-Kong mais aussi aux USA avec les taxes Trump de 25% supplémentaires sur les vins français et notamment les Bordeaux.
Néanmoins cette campagne est primordiale, l’an dernier elle a failli ne pas se faire avec la pandémie et puis finalement elle s’est tenue et bien tenue plutôt : « on espère que le 2020 continuera sur cette lancée, sur ce qu’il s’est passé l’année dernière pour les grands crus de Bordeaux. Les ventes en primeurs des grands crus, cela représente quand même des millions de bouteilles, qui vont être envoyées dans le monde entier, pendant une période d’un mois, un mois et demi, et ces vins sont envoyés aussi bien aux Etats-Unis qu’en Asie…et c’est une force de commercialisation qui est très importante et que beaucoup de monde nous envie. »
Reste une question, celle du prix de vente, va-t-on avoir un niveau équivalent à celui de l’an dernier (qui vu le contexte avait vu une baisse de prix) ou va-t-on voir à nouveau s’envoler les prix, au risque à nouveau de se couper de quelques marchés français ou européens fidèles… Vaste débat.