Quand le ciel s’assombrit par moment, c’est que les éclaircies reviennent juste derrière. C’est un peu la formidable histoire de ce caviste passionné qui a fermé boutique à Paris, victime de la baisse de fréquentation liée au confinement puis à la désaffection de touristes dans la capitale, heureusement il avait ouvert il y a plus d’un an le Wine Shop à Fronsac en parallèle, qui est en passe de devenir l’une des plus belles caves de France…Côté Châteaux lui tire le portrait et lui décerne la rubrique « vigneron du mois »
Thomas Noël, caviste du Wine Shop à Fronsac © JPS
« Vous voulez bien un petit verre, ou pas ? » Au bout de 5 minutes, Thomas Noël a les yeux du caviste qui pétillent, « déjà que le sourire (derrière le masque), on ne peut pas le voir… », il faut bien que la convivialité et la sympathie transpirent dans ce monde assombri par tant de morosité ambiante. Et cela passe par le verre de dégustation…
On est bien là Tintin, dans l’antre du caviste qui a la passion chevillée au corps, qui a constitué tout seul sa caverne d’Ali Baba, sans les 40 voleurs, bien sûr… « L’histoire, elle est cool », me confie-t-il; « au début tu as juste des murs, et puis tu montes ta cave de A à Z, tu remplis avec ce que tu as déjà vendu. Tu pars de zéro et tu te crée une sélection, c’est le plus beau métier du monde. »
Aujourd’hui, « mine de rien on a quelques références, 798 » pour être exact, « ça m’a pris du temps de les compter…On attend 2000 bouteilles pour dans 15 jours, et c’est pour cela qu’on a surélevé des meubles ».
Thomas Noël avait ouvert une cave boulevard Saint-Germain à Paris, la Maison des Millésimes, il y a quelques années, le 28 août 2008, mais du fait de la crise liée au coronavirus, et au confinement, « Paris aujourd’hui, c’est en vente, je suis resté à – 72% du chiffre d’affaire (depuis le 13 mars) et même -97% en avril; » Thomas avait deux employés et un loyer à sortir de 2700 € par mois…Il n’a pas pu résister malheureusement à la dure loi comptable, face aux pertes enregistrées et n’a pas pu bénéficier d’aides, mais a du se résoudre à la vente de sa boutique. « Du coup ici à Fronsac cela devient vraiment sérieux, je vais être à temps complet… »
Thomas Noël a ouvert The Wine Shop, cette cave forcément repérable sur le Port de Fronsac par ses volets rouges, le 4 juillet 2019, jour d’indépendance pour nos amis Américains. « Là je commence à réaliser ce qui s’est passé pour Paris, j’ai acheté à 500 mètres et je viens travailler à pied, l’été je suis en short, je ne sais pas si je n’y ai pas gagné en fait… »
Sa cave regorge de pépites : « Pierre-Yves Colin Morey à Chassagne Montrachet, j’ai Dujac et Gangloff qui vont rentrer, Paul Pillot, je suis tombé de ma chaise quand il m’a envoyé un texto, c’est ce qu’il y a de top de Chassagne aujourd’hui. Ici 60% de mes ventes c’est avec la Bourgogne, bien sûr on vend du Fronsac avec les touristes notamment, cela a marché dès le début. Il y a des vins de Fronsac et de Bordeaux superbes; au début on avait des frémissements, mais l’eau continue à bouillir, le tout avec humilité. »
A tel point que les gens qui viennent de loin et sont dans la région font désormais un détour par sa cave tant la notoriété et la sympathie qu’il inspire ont été largement partagés sur les réseaux sociaux. Jaoued Boussahaba, grand amateur de vin corrézien, me confie : « en tant que connaisseur, c’est une cave personnelle où le caviste connaît avec certitude les vignerons qu’il présente. Une cave d’épicuriens avec quelques vins de niche intéressants. Il y a une grande variété et l’accueil est top. J’ai entendu parler de cette cave sur un magazine spécialisé et bien m’en a pris de m’arrêter ici. »
« Je ne pensais pas que cela marcherait aussi vite », continue Thomas Noël tout en me faisant déguster un petit Chassagne Montrachet 1er cru 2017 La Romanée, « une tuerie… » ; « Thibaut Morey du Domaine Morey Coffinet, le mec est d’une grande humilité », il a vu son histoire et ses déboires à Paris sur Facebook et lui a demandé s’il pouvait l’aider en lui achetant du vin, ce qu’il a fait, mais Thomas lui a répondu surtout en lui permettant d’avoir une allocation…Et voilà comment s’est opérée une rencontre de plus dans ce beau monde du vin.
La grosse nouveauté qui arrive pour le 1er décembre : « je fais un site internet; toutes mes grandes allocations vont rester ici, mais il va quand même y avoir de belles allocations aussi sur internet, le confinement nous a montré qu’il fallait avoir un plan B pour travailler. »
Et s’il fallait résumer son leitmotiv, Thomas Noël explique: « on a du partage de passion qui se transforme certes en achat mais ce n’est pas vraiment de la vente, c’est plus de la transmission de passion. C’est un vrai métier ». Bravo au Maestro du Flacon