C’est l’une des 4 vendanges les plus précoces pour le château Carbonnieux depuis 1997. Ce matin une troupe d’une quarantaine de coupeurs et porteurs a embauché dès 7h pour ramasser « à la fraîche » les raisins sur différentes parcelles de ce château de Léognan. Reportage en immersion avec la famille Perrin. A voir dans le prochain Côté Châteaux sur France 3 NoA.
7h, le jour vient tout juste de se lever. Philibert et Eric Perrin, les propriétaires du château Carbonnieux retrouvent leurs vendangeurs : « la température est idéale ce matin », se réjouit Philibert avec un petit 14°C qui tranche de ces matinées de canicule, qui ne descendaient pas en dessous de 20°, et même souvent entre 22 et 24° ces derniers jours…« Pour la conservation des arômes, c’est formidable » « Cette année, c’est exceptionnellement précoce, c’est incroyable », renchérit Eric Perrin son frère aîné, sachant qu’ils ont débuté les premières parcelles mercredi dernier. Là le véritable coup d’envoi est donné.
« Les raisins sont mûrs, il y a un bon équilibre, on renforce ce matin, l’équipe de 15 personnes supplémentaires, fin de semaine on devrait avoir fini les sauvignons, donc tout s’annonce bien, poursuit Philibert.«
De mémoire de vigneron et de coupeurs ici à Carbonnieux, 2020 fait partie des années les plus précoces, Marie-Josée Denjean qui fait les vendanges depuis 1983 peut en témoigner, elle qui a connu le grand-père ou le père d’Eric et Philibert.
« Quand j’étais enfant, on avait la rentrée scolaire qui était après le 15 septembre et donc on était souvent frustré de ne pas venir goûter à la cuve les premiers jus de raisins », commente Eric Perrin « et puis, dans les années 90 on a commencé à voir les dates de vendange s’avancer, est-ce du au travail de la vigne ou au réchauffement, et on avait les premières vendanges qui se passaient sur les 1ères quinzaines du mois de septembre, là j’ai vécu ce phénomène 4 fois entre 1997, 2003, 2011 et 2020, on a des vendanges qui se situent juste après le 15 août. »
Cette année est aussi marqué par un autre invité, non désiré celui-là le coronavirus ou tu du moins la menace qu’il fait planer sur les exploitations. Partout sur les tracteurs ou enjambeurs, avec leur bennes, des panneaux récapitulent les gestes barrières et bonnes pratiques que rappelle volontiers Philibert Perrin : « oui c’est une année particulière en organisation, avec plus de temps, de réflexion, des gestes supplémentaires, moins de discussions sur le chantier, le côté convivial face à face pour se raconter ses vacances on essaie de respecter des distances et puis un peu d’inquiétudes des uns et des autres car on voit bien que le virus prend de l’ampleur dans notre région. Tout le monde est très conscient, respectueux pour éviter tout problème. Ils ont aussi installé un camion plateau avec une cuve d’eau claire et des distributeurs de savons et d’eau, donc à chaque fois qu’ils arrivent en bout de rang ils se lavent les mains, et les chefs d’équipe ont des sprays pour leur mettre du gel hydroalcoolique. »
Et alors que les coupeurs ne ménagent pas leur peine, avec ou sans masque, mais en gardant des distances de sécurité, les porteurs eux s’affairent avec leurs casque et ceux qui s’occupent du tri au chai doivent obligatoirement porter un masque…
Andrea Perrin, le fils d’Eric, oenologue au château commente les difficultés pour conserver les arômes des raisins blancs: « en général, les journées comme cela assez longues d’été, on aime bien commencer assez tôt pour pouvoir faire jusqu’à midi les 3/4 de ce que l’on va récolter dans la journée. Cela permet d’approvisionner le pressoir en raisins très frais et au moment du pressurage on va conserver beaucoup plus d’arômes et surtout on va avoir des jus beaucoup plus facile à travailler grâce à la température…ce qui va nous faciliter le process tout au long de la vinification. »
Quant à cette précocité dans la maturité : « les équilibres sont là, les acidités, l’alcool, la vigne n’a jamais stressé elle a toujours bien poussé, bien mûri. Mais c’est vrai que l’année dernière on a ramassé le 29 août et là le 18, c’est un phénomène exceptionnel du à l’année. »
Une année qui rappelle aussi un millésime solaire, le 2003, que les 4 Perrin aiment redécouvrir et déguster dans leur grand chai de blancs, à cette occasion de vendanges précoces : « on retrouve la couleur bien dorée du sémillon mais avec une belle évolution… » selon Philibert. « On avait peur à l’époque d’avoir des combustions d’arômes voire des chutes d’acidité, et là on ne les retrouve pas, renchérit Eric ». « On a une pointe d’acidité et en bouge on a vraiment le sémillon mûr, riche, onctueux, c’est une bonne surprise… », complète Philibert.
Pour Andréa, « oui c’est quand même agréable de pouvoir voir que dans des conditions extrêmes on peut faire des vins qui vieillissent. » Et Marc de conclure : « on voit aussi l’évolution de style, avec la trame commune et les vins d’aujourd’hui, mais avec plus de précision avec la manière avec laquelle on travaille. Et là, c’est un grand vin à associer avec une belle gastronomie, une belle viande blanche et des champignons… »
Comme quoi ces années précoces peuvent être synonymes aussi de grands millésimes, déjà pour les blancs. A confirmer aussi pour les rouges, les merlots sont déjà bien partis, avec une vendange prévue ici à partir du 7 septembre.