Clos des Quatre Vents à Margaux et château Bonneau à Avensan se retrouvent en difficulté. Un changement à la tête du fonds de pension chinois serait à l’origine de situations délicates que vivent les salariés et ces deux vignobles depuis plusieurs mois.
« Ce n’est pas facile », d’emblée nous confie d’emblée un employé qui traduit la situation de désarroi. « Cela dure depuis presque un an, et même début 2016, ça a commencé à être compliqué. »
Jusqu’ici, Lina Fan était la gestionnaire de ces deux propriétés achetées en 2014 par Liaoning Energy, un fond d’investissement chinois. 7 hectares en AOC Margaux et 13 à Avensan, en Haut-Médoc. Tout allait très bien, des investissements étaient faits et la qualité des vins s’améliorait, avec notamment les services de Jérémie Lurton comme directeur technique.
Lina Fan est arrivée en France depuis quelques années déjà et s’est formée en viticulture à Tours puis en commerce à l’Inseec Bordeaux. C’est une personne très connue et appréciée de la place de Bordeaux puisqu’elle est Commandeur à la Commanderie du Bontemps. Elle a lancé également l’organisation d’une Fête de la Lune au Clos des Quatre Vents, et le Nouvel An Chinois, véritable réussite, et encore récemment elle avait contribué à une superbe exposition de peintres chinois au château d’Arsac avec intronisation des artistes.
On nous explique : « ce n’est pas une faute de gestion de notre part, c’est plutôt un défaut de gestion, nous nous sommes victimes d’une différence de vue entre le nouveau et l’ancien dirigeant du groupe. »
Mais aujourd’hui « tout le monde se retrouve au placard. Maintenant, je n’ai plus la signature et quand nous avons des travaux et dépenses à faire pour réaliser le desherbage ou encore des traitements phytosanitaires, on fait la demande mais le nouveau gérant ne répond pas. Il ne dit jamais oui, il ne dit jamais non. Il ne répond pas. Les salariés n’ont pas été payés régulièrement. Ce mois-ci oui, mais il n’y a rien de garanti. » Il y aurait eu un décalage d’un mois et demi avant d’être payé, les choses seraient rentrées dans l’ordre il y a peu.« Le fait de bloquer les comptes, c’est une volonté de nous asphyxier, » explique un autre, mais on essaie « d’anticiper les problèmes mais c’est très compliqué ».
« Un audit de la propriété a été lancé et il est toujours en cours et on arrête la vie au château. Cela devient impossible. L’objectif est vraiment de se débarrasser de nous. » Des annonces ont déjà passées pour trouver un nouveau personnel. Sous couvert d’anonymat, un autre salarié explique que « la situation est assez critique avec cette volonté de changer d’équipe. »
Les propriétés ne sont pas à l’abandon mais vivotent : « oui, on fait le travail mais il n’y a pas assez de personnel. Il y a 2 ou 3 personnes, sinon tout le monde (4 personnes) est en maladie, à cause des problèmes avec le nouveau gérant chinois. » Il y a un nouveau gérant qui navigue entre la Chine et la France, l’entreprise continue aussi avec un directeur administratif et avec les « moyens du bord ». Les vignes ne sont pas abandonnées, mais elles ne sont pas vraiment desherbées et puis il y a eu cet épisode de gel. « On ne sait pas si on va arriver à faire une récolte avant la fin de l’année ».
Le moral en a pris un coup pour l’ensemble des salariés qui continuent à travailler dans de pareilles conditions « c’est dur d’avancer et de se motiver. » Pour la directrice Lina Fan, ce château représentait pour elle « le projet de toute une vie ». Ce qu’elle ne supporte pas c’est cette situation et l’image qui en découle : « j’avais une très bonne réputation, je suis la seule femme chinoise Commandeur, et j’ai œuvré à la notoriété du château car on a gagné un coup de coeur de Terre de Vins ».
« Mr Lurton n’a pas tous les moyens pour réaliser les travaux de la vigne. Le directeur technique est très inquiet ». Alors que la situation semble dans l’impasse, des procédures devant les Prud’Hommes ont été engagées. Lina Fan a cette phrase de bon sens : « c’est dommage de casser l’image des Chinois, à cause d’une personne. »
En espérant que cette situation s’arrange, et notamment pour tous ces salariés qui se sont pleinement investis dans ces propriétés. Sollicité par téléphone, le responsable actuel du château des 4 Vents n’a pas souhaité faire de commentaire.