Ce sont deux grandes figures de Bordeaux et de Saint-Emilion, qui comparaissent depuis aujourd’hui devant le tribunal de Bordeaux pour prise illégale d’intérêts. Ils ont pu s’exprimer longuement et ont réfuté avoir participé et voté concernant le nouveau règlement du classement de Saint-Emilion au sein de l’INAO. Des échanges parfois tendus avec le président. Les châteaux parties civiles qui ont été déclassés ont été entendus cet après-midi et souhaitent que justice leur soit rendue.
Ce matin, à la barre du tribunal, Hubert de Boüard reconnaît ses différentes fonctions dans le monde du vin, et notamment dans les syndicat viticoles qu’il a pris très jeune. Co-propriétaire d’Angélus, président de l’ODG Saint-Emilion, président régional (2004-2017) et membre de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (anciennement Institut National des Appellation d’Origine). Pour autant, concernant ce classement, il déclare : « je me suis toujours mis comme ligne rouge de ne pas participer et de ne pas voter…C’était un traumatisme ce classement cassé en 2006, nous avons tout fait pour sécuriser un classement, et dans le cadre de l’INAO j’ai respecté les règles. »
Pour Antoine Vey avocat d’Hubert de Boüard: « très clairement durant toute cette procédure, rien n’a démontré une quelconque influence de Mr de Boüard donc on espère que ce sera vu par le tribunal et jugé ainsi… »
Toutefois au cours des échanges avec le président Roucou, le Président de l’ODG a reconnu à ce titre avoir échanger avec l’INAO par le biais d’e-mailS, « c’était des avis (consultatifs) dans le cadre de l’ODG qui sont donnés par rapport à un cahier des charges. On me demande un avis alors je donne un avis, si on m’avait dit mR de Bouard vous êtes à l’INAO vous ne pouvez pas donner d’avis , je ne l’aurait pas fait…. Je n’établis pas les critères. J’ai participé et voté dans le cadre de l’ODG et ai voulu mettre plus de dégustation. »
Le fait d’avoir été à l’ODG et participé aux délibérations où siège de nombreux vignerons de Saint-Emilion: « on ne m’a jamais interdit de le faire… »
Philippe Casteja, propriétaire du château Trotte Vieille 1er cru classé B affirme lui aussi s’être mis en retrait lors des décisions de l’INAO concernant Saint-Emilion, démontrant qu’il avait pris un taxi puis un avion avec Hubert de Bouard quand le dossier était exposé… Le matin même son avocat avait avancé aussi pour sa défense une question prioritaire de constitutionnalité… « Le conflit d’intérêts est une situation inopportune, ce n’est pas pour autant qu’elle est une situation de culpabilité, on verra si un jour ou l’autre le législateur ou le conseil constitutionnel s’en préoccupe… », selon Jean-Yves Le Borgne avocat de Philippe Casteja.
Cet après-midi, les propriétaires des châteaux déclassés ont pu exprimer leur désarroi face à ce nouveau classement de 2012, dont les règles définitives sont tombés après leur candidature…
« Les classements depuis 1955, le seul critère c’était celui de la dégustation, et c’est ce qu’attend le client et pas autre chose… A partir de 2012, on a descendu la dégusattion à seulement la moitié de la note », selon Pierre Carle du château Croque-Michotte.
« Le préjudice est énorme, d’abord humain, nous sommes toujours dans l’incompréhension, pourquoi nous a-t-on exclu, nous sommes persuadés qu’il y a eu des irrégularités et de la malveillance… » commente Isabelle Boidron-Degrange du château Corbin-Michotte.
Ces châteaux qui avaient toujours été classés depuis 1955 vivent depuis 9 ans un calvaire, avec des conséquences financières sur les vins et le prix des propriétés, « l’assiette foncière a été divisée par 2 ou par 3 » selon Isabelle Boidron-Degrange.
Demain place aux différentes plaidoiries des avocats parties civiles, aux réquisitions du procureur de le République et aux plaidoiries des avocats de la défense. Affaire à suivre.