11 Mai

Des châteaux de Sauternes proposent le 1er « week-end malin » du déconfinement

Certains châteaux comme Rayne-Vigneau ou Daisy-Daëne ont rouvert aujourd’hui 11 mai, premier jour du déconfinement. D’autres Lafaurie-Peyraguey ou Haut-Bergeron se préparent. Une initiative s’est faite jour de proposer aux Bordelais et Girondins de se mettre au vert pour le 1er week-end du déconfinement en visitant les châteaux, sur réservation et en respectant les gestes barrières.

Allez, après la grêle et les inondations, il faut penser aux beaux jours et ce premier week-end devrait repartir au beau. On pense ainsi à Jean-Jacques Dubourdieu qui a été victime samedi du gros orage de grêle à Pujols-sur-Ciron et donc ce serait fort sympathique de lui rendre une petite visite dans son autre propriété Doisy-Daëne à Barsac.

« En fait, on est ouvert depuis aujourd’hui à la visite, c’est non -stop la semaine et sur rendez-vous le week-end, et ce sera 7 jours sur 7 dès qu’arrivera le mois de juin », me précise Jean-Jacques Dubourdieu.

Les visiteurs pourront découvrir un jardin apicole, un potager au sein de la propriété, bien sûr les chais et la nouvelle boutique dans les caves voutées de Daisy-Daëne », Jean-Jacques Dubourdieu château Doisy-Daëne

On sent que dans le coeur de Jean-Jacques Dubourdieu coule la passion du vigneron, chevillée au corps, qui malgré l’épreuve de ce week-end, l’amène à se relever et se retrousser les manches. C’est avec plaisir que lui et ses équipes vont ainsi faire découvrir la propriété mais aussi les vins non seulement de Daisy-Daëne, mais aussi tous les vins et châteaux de la famille comme « Clos Floridène, Reynon, Haura et Cantegril. En fait les visiteurs feront un tour d’horizon par la dégustation entre Barsac-Sauternes, les Graves et Côtes de Bordeaux, un voyage entre rive droite et rive gauche, c’est notre spécificité ».

Les châteaux Rayne-Vigneau et Lafaurie-Peyraguey se font face à Bommes © JPS

Autre château déjà sur le pont, Rayne-Vigneau à Bommes : « cela fait une semaine qu’on travaille sur notre réouverture et on a ouvert depuis ce matin à 10h », précise le directeur Vincent Labergère. « On a essayé de déterminer tous les points critiques ou présentant un risque de contamination, bien sûr il y a du gel hydro alcoolique et des masques à disposition, et on a identifié les 6-7 allées du chai où se passent les visites et où traditionnellement les gens ont tendance à toucher les barriques, on va dire aux gens de rester sur une allée qui sera différente pour chaque visite; des visites que sur rendez-vous.

Le château Rayne-Vigneau juste en face de La Tour Blanche © JPS

Par ailleurs, notre comptoir de dégustation en bois, je l’ai fait vitrifier pour qu’on puisse le désinfecter régulièrement, et puis nous avons un protocole de nettoyage des verres. On va ouvrir 7 jours sur 7 et proposer tout ce que l’on proposait traditionnellement. »

Ce week-end du déconfinement, c’est pas bête, et c’est aussi une idée mise en avant par David Bolzan, l’homme qui ne dort pas à Sauternes: « c’est l’idée de dire: on est un pays de vignoble, c’est le moment de prendre l’air, de s’oxygéner à nouveau, de voir de la verdure plutôt qu’un balcon d’en face… C’est malin de venir découvrir nos châteaux qui sont en bord de route, on peut les admirer en voiture et venir les visiter, des architectures du XVIII au XIXe siècle et même d’avant… »

Lafaurie-Peyraguey sublimé par de nombreux panneaux de cristal Lalique © Jean-Pierre Stahl

Tous ces châteaux sont à trois quarts d’heure de Bordeaux, riches et variés en balades, ils seront ouverts ce week-end entre Sauternes et Barsac avec un accueil personnalisé mais pas de promiscuité » David Bolzan, directeur du château Lafaurie-Peyraguey

« Beaucoup de Bordelais et Girondins ne connaissent pas forcément Sauternes et cette région viticole, par rapport à Saint-Emilion et aux plages sur la côte où il risque d’y avoir du monde. Là on peut se balader en toute sécurité en voiture, sur 10 km2, et on accueille à la propriété ». Par mesure de précaution, « on aura des distributeurs de gels hydro-alcoolique, et à l’intérieur un marquage pour garder les distances et un port du masque recommandé, et obligatoire pour le personnel. C’est un accès libre et des visites sur rendez-vous, dans le chai comme dans la vinothèque, c’est très aéré…On pourra ainsi acheter du vin mais aussi se restaurer avec des paniers repas à emporter préparés par le chef Jérôme Schilling.

Le château © Haut-Bergeron à Preignac

Patrick Lamothe, du château Haut-Bergeron s’apprête aussi à ouvrir samedi, un château bicentenaire pour cette famille du Sauternes : « Haut-Bergeron, c’est avant tout une exploitation familiale, 9 générations de vignerons depuis 1820…Nous allions fêter notre bicentenaire au mois de juin, mais cela ne va pas se faire, c’est repoussé à l’été ou à l’automne; Haut-Bergeron, ce sont 40 hectares aussi de Sauternes sur 4 communes: Sauternes, Preignac, Bommes et Barsac. 80 parcelles différentes qui donnent une hétérogénéité au niveau du sous-sol qui est aussi extrêmement intéressante: des sols légers que nous partageons avec les plateaux d’Yquem, plus durs sur Peignac et à Barsac une belle acidité et nervosité dans les vins. 2/3 sur 4 communes et 1/3 sur Barsac. Les visites seront gratuites et sur rendez-vous… »

Les femmes ne sont pas oubliées avec ces dames de Sigalas Rabaud, 1er cru classé de Sauternes : « oui, nous sommes ouvert ce week-end », explique ravie Laure de Lambert Compeyrot. « On a mis en place un protocole de distanciation, les gestes barrières et avec un lavage des verres très précis. Nous avons aussi adopté la charte « séjour serein » pour nos chambres d’hôtes. Il est possible de louer les 5 chambres à la fis, de ce fait c’est une privatisation de la chartreuse avec utilisation de la cuisine et une femme de ménage prévue: « soyez chez vous dans un 1er cru classé de Sauternes »…

Le château © Sigalas-Rabaud, facilement reconnaissable à ses volets rouges

Château Guiraud, 1er cru classé de Sauternes est ouvert depuis aujourd’hui « avec des conditions très strictes et prises de rendez-vous 48 heures à l’avance afin de rassurer tout le monde  » précise son directeur Luc Planty. Il s’apprête à recevoir selon un protocole établi et un « maximum de 6-8 personnes. Le guide portera un masque et des gants et pour les visiteurs port du masque obligatoire. Les gestes barrières préconisés par le gouvernement seront à respecter.Les verres seront lavés et stérilisés à + de 70°C. La visite va durer 1h30, visite des chais, du jardin et plantes aromatiques et dégustation de 3 vins le G, Petit Guiraud et le grand vin de Guiraud. »

Luc Planty lors des dernières vendanges à château Guiraud en octobre 2019 © JPS

  • Château Daisy-Daëne à Barsac: ouvert la semaine et ce week-end sur rendez-vous au 0556629651 ou par mail contact@denisdubourdieu.fr; visite payante à 8€ avec dégustation de 3 vins de la propriété ou des propriétés de la famille Dubourdieu
  • Château Rayne-Vigneau à Bommes : ouvert 7/7 sur rendez-vous et le prochain week-end au 0556766405; visite payante à 15€ avec dégustation de 3 vins le 1er vin 1er Cru Classé, Madame de Rayne et le sec de Rayne-Vigneau.
  • Château Lafaurie-Peyraguey à Bommes : ouvert ce week-end samedi et dimanche, visite sur rendez-vous au 0524228016, visite à 20€ avec dégustation de 3 vins
  • Château Haut-Bergeron à Preignac : ouvert samedi sur rendez-vous au 0556632476; visite gratuite, dégustation de 3-4 vins et pourquoi pas à la barrique…
  • Château Sigalas-Rabaud à Bommes : visite samedi et dimanche sur rendez-vous au 0557310745, visite à 10€ avec dégustation de 2 vins.
  • Château Guiraud à Sauternes : visite samedi et dimanche sur rendez)-vous 48 h avant au 0556766101, visite payante à 22€ avec dégustation de 3 vins.

Pour en savoir plus sur Sauternes lire ou relire :

Côté Châteaux n°11: Sauternes et sa magie du botrytis

Et voir ce magazine Côté Châteaux n°11 diffusé en décembre 2019 sur France 3 NOA réalisé par Jean-Pierre Stahl et Sébastien Delalot:

08 Mai

En Provence, « visio-dégustations » ou « drive-in » pour contrer la chute des ventes de vin

A 18H30, les cinq amies sont au rendez-vous, chacune un verre à la main devant son ordinateur, pour partager un apéro et un cours d’oenologie virtuel: à l’origine de cette « visio-degustation », une viticultrice des Bouches-du-Rhône, qui veut contrer la chute des ventes due au confinement.

Avec ses amies, trois Marseillaises et une Parisienne, « nous avions l’habitude de nous retrouver une à deux fois par semaine pour l’apéro », raconte Laura, kinésiterapeuthe à Marseille. Elles ont passé une commande collective au château Barbebelle qui leur a livré directement le vin. L’apéro-dégustation leur « permet de patienter jusqu’aux retrouvailles ».

Bien qu’étant autorisés à rester ouverts, en respectant les mesures de sécurité et à l’exception de l’organisation de dégustations, caves et caveaux viticoles affrontent une nette chute des ventes de vin depuis les débuts du confinement, mi-mars. « Les ventes ont chuté de 30% en mars en France et de 50% en avril », se désole Madeleine Premmereur, gérante du château Barbebelle, spécialisé à 80% dans le rosé, et qui travaille beaucoup avec les restaurants, fermés depuis le 17 mars, et dont la réouverture n’est toujours pas prévue.

« J’ai décidé de m’immiscer dans leurs visio-apéros, les gens en sont friands, c’est convivial, ils ont l’impression d’en savoir plus après la visio-dégustation », ajoute Madeleine Premmereur, derrière ces « visio-dégustations ». « Vous avez vos bouteilles, j’espère que le rosé est bien frais? « , demande-t-elle à ses invitées avant de leur expliquer les différents cépages, et de détailler le procédé de vinification en barriques de chêne, puis la mise en bouteille et la commercialisation.

« Pour le rosé, la demande est au rosé clair, obtenu en pressant à froid des raisins très frais », vendangés de nuit, note Madeleine. « On en vend beaucoup aux restaurants mais pas en ce moment, heureusement que vous êtes là ».

Les ventes se poursuivent aussi par l’intermédiaire des cavistes et grâce au site internet. Au château de Cabran, près de Puget-sur-Argens (Var), Renaud de Saint-Seine, qui réalise 80% de son chiffre d’affaires avec les cavistes et les particuliers, compte lui aussi sur la vente par internet et directe après avoir subi « un gros ralenti » en avril.

PROMOTIONS SUR LES FRAIS DE PORT

« Nous sommes ouverts au public, mais peu de gens viennent », regrette-t-il. Depuis le début du confinement, les efforts se portent sur la livraison. « On a drastiquement baissé le seuil à partir duquel les livraisons se font en France (…) et à la cave, nous proposons des livraisons à domicile ou des formules de « drive in+ ». Autre trouvaille: des commerçants ouverts qui acceptent d’être dépositaires de ses vins.

Des viticulteurs du Vaucluse ont eux aussi opté pour le « drive in » après commande par téléphone ou internet, comme au domaine de la Tourade, dans le Gigondas après a suspension des activités oenologiques.

Les Côtes du Rhône sont aussi frappés par une baisse des ventes après la fermeture des hôtels, des restaurants ou même des boutiques « car il n’y vient personne », témoigne Michel Blanc, directeur du développement de la maisons de vignerons, à Gigondas.

Restent les boutiques en ligne qui font des promotions sur les frais de port en France ou à l’étranger. « On perd de  ‘argent mais on essaye de limiter la casse », décrit-il.

Spécialisés dans le rouge, les domaines des Côtes du Rhône restent toutefois moins inquiets que leurs congénères plus au sud qui produisent en particulier du rosé, un vin plus saisonnier. « Ce n’est pas une denrée périssable, on peut le vendre dans six mois, la difficulté c’est la trésorerie », analyse M. Blanc.

Le président du syndicat des crus Châteauneuf-du-pape, Serge Gradassi, partage cet optimisme pour les crus de rouge classés. Pour résoudre les problèmes de trésoreries, les viticulteurs tablent sur des « prêts garantis par l’Etat, un report des cotisations » et négocient avec le gouvernement une exonératon de charges.

Le piège serait un effondrement des cours du vin. « Il faut maintenir les cours et ne pas lâcher le prix… dire aux vignerons de ne pas vendre à n’importe quel prix », soutient M. Gradassi.

AFP

06 Mai

Michel Rolland : 48 années au service de la vigne avec « beaucoup d’énergie, d’enthousiasme et de passion »

Michel et Dany Rolland viennent de céder une partie des leurs parts du célèbre laboratoire Rolland qui devient « Rolland & Associés ». Les fidèles collaborateurs Julien Viaud, Mickaël Laizet et Jean-Philippe Fort ont ainsi acquis 60% au sein de la structure. Un passage de témoin en douceur, même si Michel Rolland n’a pas raccroché les gants, pas question de retraite, à 72 ans il a toujours de l’énergie et de la verve. Côté Châteaux lui consacre une interview Parole d’Expert.

Au centre Michel et Dany Rolland, et leurs associés Jean-Philippe Fort, Julien Viaud et Mickaël Laizet © Ozco-Rolland&Associés

Jean-Pierre Stahl : « Bonjour, Michel Rolland, on a appris en début de semaine ces changements opérés au laboratoire Rolland, est-ce cela veut dire que Michel Rolland a raccroché les gants ? »

Michel Rolland : « Malheureusement, au grand dam de certains, NON… (rires). Cela ne veut rien dire, j’avais depuis 20 ans au sein de la structure des collaborateurs qui ont toujours été fidèles, les 3 qui aujourd’hui sont devenus mes associés (Jean-Philippe Fort, Mickaël Laizet et  Julien Viaud), un est là depuis 30 ans, l’autre depuis 22 ans et le troisième depuis 14 ans, eux ils vont être moins tranquilles…En fait, on a fait une société.

« Michel Rolland a quand même 72 balais, à ce moment-là ou on pense à l’avenir ou on continue et on ne s’occupe de rien… Mes ex-collaborateurs deviennent donc mes associés et vont continuer à porter le flambeau Rolland pour qu’il continue à flotter sur les vignobles… »

JPS : « Ce sont bien 60% des parts du laboratoire qui ont été cédés ? »

Michel Rolland : « Oui, on a cédé 60% de la société avec Dany, absolument. Tout cela est du juridique et de l’évaluation. Cela a pris à peu près un an de discussions et de mise au point, enfin plus de mise au point. On ne s’est pas battu, ni frité sur les détails, on l’a fait de manière très nette et propre. »

JPS: « Qu’est ce que cela représente le laboratoire Rolland ? »

Michel Rolland: « C’est une vingtaine de pays, 230 consulting, un chiffre assez important d’analyses, c’est une affaire qui marche plutôt bien. Elle méritait de continuer à marcher et à évoluer dans ce sens. »

Michel Rolland pour les primeurs en avril 2017 sur le millésime 2016 © JPS

JPS : « Vous en êtes à vos 48e vendanges et vinifications, qu’est ce qu’on peut dire au bout de toutes ces années du leg de Michel Rolland ? »

Michel Rolland: « Je ne sais pas si j’ai apporté quelque chose, mais je l’ai fait avec beaucoup d’énergie, d’enthousiasme et de passion. On ne fait pas ce métier sans passion…sur le plan viticulture et oenologique… »

« Quand vous êtes général et que vous connaissez deux guerres, vous avez la chance de ramasser des étoiles, et en temps de paix, c’est différent.  Vous voyez, dans les années 70, c’était plutôt médiocre à Bordeaux, e puis dans les années 80-90-2000, cela a évolué. J’ai surfe sur une vague et profité d’une situation où les gens avaient besoin d’améliorer leur vin et j’étais là. C’est pour cela qu’on existe. J’ai un peu pris le leadership avec de bonnes réflexions et cela a été aussi l’avantage d’être en tête. »

Jean-Claude Fayat et Michel Rolland dans le portrait réalisé par Jean-Pierre Stahl sur Côté Châteaux et NOA © Léa Lejeune

JPS: « Durant toutes ces années, est-ce qu’on peut parler d’évolution du goût avec la présence de Robert Parker et avec votre expertise, on a souvent parlé de vins body-buildés et aujourd’hui cela a évolué à nouveau, c’est plus sur le fruit…? »

Michel Rolland : « C’est la plus énorme des conneries qu’on ait pu dire durant ces 45 années de travail. Le goût Parker, on l’a inventé. Beaucoup de personnes n’arrivaient pas à la cheville de Robert Parker. Cela les rendaient nerveux… C’est en fait de la connerie franco-française ou bordelo-bordelaise qui n’existe pas ailleurs dans le monde. Du moment où Parker notait bien, cela faisait vendre et rendait le(s) voisin(s) jaloux et idiot(s).

Tous les grands millésimes étaient bodybuildés…1947, 1929,1928 ou même 1871...souvent des années chaudes aussi. C’est la plus impressionnante connerie qu’on ait pu dire, c’est typiquement franco-français, et avec cela ces imbéciles ils ont « tué » de façon mesquine et absurde l’image de Bordeaux. Non franchement, il faut arrêter d’être bête, ce que l’on vient de passer là montre les limites du journalisme et on peut tout perdre. Oui je l’ai suivi au jour le jour. On critique Parker, moi je critique le journalisme. »

Michel Rolland, Julien Viaud et Paolo Basso meilleur sommelier du monde 2013 en avril 2018 © JPS

JPS : « Quel est l’avenir maintenant de Michel Rolland ? »

Michel Rolland: « L’avenir, il est derrière moi maintenant. Je continue à faire ce que j’aime, c’est pour cela que j’ai mis mes collaborateurs dans le coup. C’est du boulot à s’occuper de tout cela, dans les affaires j’aimais moins la gestion.

J’adore déguster, je déguste bien et même avec les années. Je dois déguster encore dans une quinzaine de pays, dont la France. Tant que mes jambes me le permettront, eh bien je le ferai. Je ne pense pas qu’ils aient l’intention de me virer tout de suite…Je pense que j’ai un peu d’expérience à faire profiter ».

Les Clés de Châteaux en avril 2017 avec Cyril Lignac © JPS

JPS : « C’est vrai Michel que vous êtes reconnu pour être non seulement un grand dégustateurs des baies de raisin mais aussi un expert au niveau des vinification, bref un champion! « 

Michel Rolland : « Oui, c’est la recherche de maturité. Pourquoi les grands 1947 ou plus anciens 28 et 29 étaient si réussis, si grands, alors qu’à l’époque il n’y avait pas d’oenologie, pas de technique. Si on reprend leur histoire, c’était mûr, avec des années chaudes et de petits rendements, excepté sur le 82 où il y a eu de bons rendements.

« Mais c’est quoi la maturité, alors que personne ne savait ce que c’était ni la mesurer… J’ai été un des premiers à le faire, à goûter les raisins et à voir à quoi cela ressemblait… C’est sûr que quand c’est mûr, c’est mûr. Quand on a un raisin pas mûr, il n’a pas d’appel. On recherche la maturité et pas la surmaturité. Globalement cela fait progresser les affaires. »

JPS : « J’imagine vous êtes confiné, à Bordeaux ?

Michel Rolland : « Oui confiné à Bordeaux, mais il y a toujours un peu d’énergie et je commence à m’emmerder car j’aime bien quand même voyager un peu. Depuis deux semaines, je vais quasiment tous les jours au laboratoire et dans les vignes… Ça va bien, la pousse cela va pas mal et en avance… Cela risque d’être une année précoce. »

La team Rolland, avec Dany Rolland, Michel Rolland et leurs oenologues associés (à gauche Julien Viaud, Mickaël Laizet et Jean-Philippe Fort), avec Michel Trama chef ** , Gwendoline Lucas et Jean-Claude Fayat propriétaire de La Dominique © JPS

JPS : « Enfin, Michel quel est votre regard sur le millésime 2019, qu’on n’a pas encore pu dégusté du fait d’une semaine des primeurs reportée…? »

Michel Rolland : « Le 2019, le pauvre, on va lui attribuer le covid, l’inconvénient il risque d’être associé pendant un moment à cette période…

« C’est un très bon millésime, on a de très jolis vins; j’ai goûté et redouté plus de 200 vins avec mes collaborateurs, juste pour nous, car effectivement on n’a pas fait cela avec les grands dégustateurs habituels… Il y a des vins superbes à tout niveau, même en Bordeaux Bordeaux Supérieur et pour les satellites de Saint-Emilion. 

« J’espère que le millésime n’aura pas trop à en pâtir, quant au commerce je pense qu’on ne va pas partir sur un marché débridé et acheteur. Moi, j’ai déjà vu cela sur de grands millésimes comme le 90, c’est déjà arrivé avec le contexte de la guerre du Golfe, également sur le millésime 2001 qui est arrivé juste après le 2000, alors que le 2001 était souvent meilleur, oui on a déjà vécu cela, cela risque de polluer un petit peu au départ, mais ce 2019, c’est un bon millésime. »

Merci à Michel Rolland pour cette interview pour Côté Châteaux.Toujours un grand moment avec un grand Monsieur du Vin.

Retrouvez ici le numéro spécial primeurs de Côté Châteaux réalisé l’an dernier par Jean-Pierre Stahl et Sébastien Delalot et diffusé sur France 3 NOA avec le portrait de Michel Rolland: (à 11’50 »)

 

01 Mai

1 er mai : c’est aujourd’hui le #WordlSauternesDay !

C’est un événement mondial ! En direct de Sauternes, 5 châteaux vont animer une dégustation de vins de Sauternes et des associations de mets et de vins. Cette idée c’est Olivier Borneuf, co-fondateur de l’Académie des Vins et Spiritueux, Critique de vin à la Tulipe Rouge et chez Bettane&Desseauve qui l’a eue. Ces châteaux ont répondu présent. Rendez-vous sur YouTube en live à 12h. 

En ce 1er mai, pas de défilé, et pourtant le temps s’y prêtait… Non, là c’est pour le trait d’humour.

En ce 1er mai, Fête du Travail et du Muguet, Sauternes se retrousse ses manches et va vous offrir quelques savoureux parfums ! 5 châteaux ont répondu présent à l’appel d’Olivier Borneuf de faire le 1er World Sauternes Day (#WorldSauternesDay) pour parler de ces vins liquoreux merveilleux, dont Côté Châteaux vous abreuve régulièrement, sans vous saouler je l’espère.

« C’est une bonne idée, cela fait du bien de montrer que Sauternes a quand même de l’attrait… », selon Luc Planty du château Guiraud.

Cela met un focus sur Sauternes et montre aux gens tous les atouts et tout ce que l’on peut faire avec du Sauternes », Luc Planty château Guiraud

« Moi je participe sur la session de 12h, celle de l’apéritif et du repas, on va montrer que l’on peut déguster du Sauternes à l’apéritif, que c’est un vin qui ne manque pas de fraîcheur et de tension aussi au début d’un repas, le Sauternes n’est pas forcément un vin de fin de repas », poursuit Luc Planty. « On fera déguster château Guiraud sur le millésime 2015, un grand millésime, accessible charmant et charmeur, qui ne fait pas peur, facile d’accès pour tout le monde. »

« Pendant le confinement, cela tombe bien, les gens sont attentifs, on va tous se prêter au jeu », commente également David Bolzan du château Lafaurie Peyraguey, « on va présenter Sauternes sous toutes ses formes à l’apéritif, au moment du repas et en cocktail, cela démarre de 12 h à 13h30, avec 5 châteaux qui vont présenter leur millésime 2015 et Gilette un millésime plus ancien…Notre chef du restaurant Lalique-Lafaurie Peyraguey va donner une recette sur l’apéritif, plats et dessert, pas trop compliqué. On ramène toujours le vin autour de la table, et on a une table d’exception à Sauternes, on va parler de choses créatives.

Regardez Sauternes A table ! »

Nous on sert à Lafaurie-Peyraguey tous les grands vins des 5 crus classés, avec une variété de millésimes extraordinaires, et ce quotidiennement. L’idée est de montrer que ce millésime 2015 peut être apprécié et dégusté dès maintenant, même si on peut le garder aussi, avec une application concrète et des accords mets-vins »  poursuit David Bolzan du château Lafaurie Peyraguey

C’est une initiative pour mettre en avant Sauternes sous son meilleur jour, avec de nouveaux styles, c’est un Sauternes pluriel en fait, une palette variée, l’idée c’est « jamais opposé mais toujours ajouté », David Bolzan du château Lafaurie Peyraguey

Olivier Borneuf m’explique juste avant d’animer ce matin cette journée exceptionnelle : « c’est venu au départ d’un article sur le blog les 5 du vin, un confrère parlait de la situation économique et se demandait si Sauternes ne s’était pas fourvoyé, cela m’a fait sortir de mes gonds ! Le problème n’est pas là même si il y a une désaffection, car depuis 15 années on voit que Sauternes s’améliore et travaille d’arrache-pied. Le problème économique ne touche pas que Sauternes…Le sucre est un faux problème qui n’explique pas la désaffection de Sauternes, car on voit bien que la pâtisserie est de plus en plus en vogue… »

Il y a eu une rupture tout simplement de la transmission entre nos parents, nous qui buvions encore du Sauternes, et la nouvelle génération. La première des choses à faire est de récupérer le consommateur en se rapprochant de lui et en lui montrant Sauternes sous un nouveau jour » Olivier Borneuf.

« Donc j’ai dis que j’allais faire des vidéos et organiser la Journée Mondiale du Sauternes et cela a pris…J’ai fait circuler cette info sur les réseaux sociaux et en une semaine on l’a organisé. Il y aura 3 conférences de 12h à 13h30, de 15 à 16h30 et de 17h à 18h30.

« Le but ce n’est pas de montrer du Sauternes sur du foie gras ou du homard, c’est de montrer que cela fonctionne de l’apéritif, au plat de résistance et jusqu’au dessert. »

« On va aussi expliquer comment est conçu un vin de Sauternes, avec du sacrifice humain, un miracle de la nature et le génie humain. »

« Enfin on va parler cocktail, à Sauternes, c’est aussi cela qui m’a fait sortir de mes gonds qu’on refuse cette idée, c’est un peu condescendant, alors qu’on peut faire découvrir le champs des possibles, et l’univers de la mixologie, comme avec le champagne où on fait des cocktails depuis plus de 100 ans; on aura 4 mixologues dans cette 3e partie à 17h dont Laurent Giraud, de chez Harrys  à Paris, vie-champion du monde de mixologie… »

Voilà encore une belle initiative pour faire découvrir ces fabuleux vins liquoreux de Sauternes, à na pas louper avec les châteaux Coutet, Gilette, Guiraud, Lafaurie-Peyraguey, Rayne-Vigneau et le chef Jérôme Schilling, chef 1 étoile au Guide Michelin au restaurant Lalique-Lafaurie Peyraguey….et bien d’autres.

Regardez Sauternes Sacrée Pourriture :

Regardez également Mon Sauternes en Cocktail : 

#worldsauternesday

28 Avr

« Les vins lorrains ont besoin de votre soutien »: l’appel des vignerons qui ont soif d’excellence

Voyant passer sur Facebook, comme un vol de cigognes, un post de David Lelièvre vigneron à Toul, le fieffé Lorrain que je suis n’a pas résisté en période de guerre à l’appeler et lui proposer l’interview improbable « les Lorrains parlent aux Lorrains ». On a beau être journaliste, on est aussi chauvin et chauvin lorrain c’est divin. Quand un vigneron lorrain jette une bouteille à la mer, on ne peut que la saisir pour déguster ses paroles et vous faire partager cette renaissance du vignoble lorrain.

Jean-Pierre Stahl : « Bonjour David, ma première question, celle que pose traditionnellement un Lorrain à un Lorrain: « comment que c’est gros ? »

David Lelièvre : « Déjà j’ai perdu 15 kilos…Mais ça va bien, on vient d’avoir les premières pluies après un mois et demi de soleil, cela commençait à être sec, on a eu un super débourrage, on est plutôt content, ça commence bien ».

« Au niveau moral, on apprend à gérer le temps différemment, c’est difficile quand on a toujours été à fond de relativiser le temps, on se recentre sur les choses importantes, on repense les priorités dans la vie. »

JPS: « Les vins lorrains ont besoin de votre soutien », est-ce que c’est un appel du 18 juin ? »

David Lelièvre : « C’est une réponse commune de 3 appellations différentes sur un même secteur, avec l’IGP Meuse, l’AOC Moselle et l’AOC Côtes de Toul. Les vins lorrains, c’est une petite zone viticole, 250 hectares de vigne et une trentaine de domaines, en majorité en agriculture bio ou en conversion. Nous sommes 3 entités différentes mais qui collaborent beaucoup et travaillent ensemble ».

C’est un appel des vignerons aux Lorrains et aux clients de la France entière, jusqu’à Bordeaux et au-delà: « n’oubliez pas vos producteurs »,David Lelièvre vigneron à Toul.

« Les gens jouent bien le jeu avec les producteurs de légumes, de fruits, de fromages locaux, qu’ils n’oublient pas non les producteurs de vin aussi. Nos systèmes de distribution traditionnels sont plutôt bloqués, les restaurants sont fermés, les cavistes certains étaient fermés, ça commence à réouvrir (ils ont le droit, le vin étant considéré comme alimentaire par décret du gouvernement), l’export est aussi à l’arrêt. On voit les gens vont faire leurs courses une fois par semaine ou tous les 15 jours, ça serait bien qu’ils fassent leurs apéros avec des vins de vignerons et des vins lorrains… »

« Les vignerons sont toujours vivants, ils travaillent dans les vignes, en plein boom, mais on a des employés qu’on paie normalement, on a des sorties mais pas beaucoup de rentrées. C’est surtout un appel commun de Toul, de la Meuse et de la Moselle. De mémoire, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas communiqué ensemble. »

Oui, on sait faire du vin en Lorraine, David Lelièvre le prouve tous les jours © Stéphany Mansuy

JPS : « Aujourd’hui, est-ce qu’on peut dire qu’en Lorraine on sait faire du vin, là c’est la question vache ? »

David Lelièvre : « Non ce n’est pas une question vache, c’est vrai que les Lorrains ont mis du temps et ont réappris à faire du vin.

Il y a 150 ans, il y avait jusqu’à 50 000 hectares de vigne(la moitié de la superficie du vignoble de Bordeaux aujourd’hui), mais le phylloxéra et les guerres et annexions sont passés par là.

« Il est toujours resté un peu de vigne, à la fin de la 2e guerre mondiale on comptait 500 hectares, on avait divisé par 100 la superficie en un siècle. Entre 1950 et 2000, on s’est concentré autour des 3 appellations, et on a réappris à faire du vin.Depuis les années 80, les vignerons se sont formés à Beaune, en Alsace, en Champagne, à Bordeaux (David Lelièvre a suivi une formation à Bordeaux Sup Agro à Talence et à Kedge) ou encore en Suisse pour apprendre à faire du vin ».

« On en est à la 2e génération de vignerons formés avec des BTS, des DNO. Et depuis 2000, après avoir récupéré un savoir-faire, on a récupéré le faire savoir ! »

Les Lorrains ont cette culture d’excellence. Quand on dit c’est bien, bien n’est pas suffisant, c’est difficile de contenter un Lorrain, on ne se contente pas de peu.

Joli gamay en formation au lieu dit Les Vignes L’Evêque © David Lelièvre

« Avec la canicule de 2003, les vins sont devenus plus ronds, il y a eu aussi le réchauffement climatique qui a profité aux zones septentrionales pour faire des vins qualitatifs, on a vu des plantations en Belgique et en Angleterre, les Allemands aussi font de grands vins ».

« On a eu aussi un engouement sur les rosés de qualité et de terroir, le Gris de Toul a été le grand bénéficiaire de cela, dans notre appellation nous avons cette spécialité en rosé, frais et croquant avec les cépages gamay et pinot noir… »

« Les planètes sont alignées pour nous et le 3e facteur c’est le retour à des circuits courts qui bénéficient à des domaines qui nous ressemblent, des domaines de vignerons. Nous produits ont tendance à partir aussi de plus en plus loin, ils n’arrivent pas encore à Bordeaux, car il y a plein de soiffards sur la route ! Par exemple, pour nous, la Maison Lelièvre que je tiens avec Vincent mon frère, on exporte 1/3 de nos vins. »

Il y a un vrai engouement sur les vins lorrains. Les vins du sud souffrent et nous on profite du réchauffement, on a des vins entre 12,5 et 13° naturellement avec un équilibre, acidité, fruits et alcool intéressant.

« Les vins valent autour de 10€. L’AOC Côtes de Toul a fêté ses 20 ans en 2018, il y a depuis un engouement, les gens sont fiers de ces vins produits en Lorraine. Et depuis 3-4 ans, il y a un vrai changement, quand on parle avec les gens des Côtes de Toul, ils nous disent ah oui j’en ai entendu parler, c’est du travail sur le long terme. »

JPS : « Parlons maintenant d’accords mets et vins lorrains…Qu’est ce qu’on va mettre sur une quiche lorraine, un pâté lorrain, une flammenkuche, des pommes de terres rôties et sur la traditionnelle tarte aux mirabelles ? »

David Lelièvre fier de sa production © Stéphanie Mansuy

David Lelièvre : « Alors sur la quiche lorraine, le pâté lorrain et la charcuterie, on a tendance à mettre du Gris de Toul, sa fraîcheur va bien se combiner avec le côté gras de la viande, il n’y a pas meilleur qu’une bonne quiche et un Gris de Toul, mais il se marie aussi avec pas mal de choses comme avec des fruits de mer et sur des barbecues… »

« Sur la flam, la crème fait que l’on va conseiller un blanc auxerrois, le cépage typique développé à la grande époque viticole lorraine, on le marie aussi avec des poissons en sauce ou des volailles à la crème… »

« Sur les rapés de pommes de terre et les « patates rôties » accompagnées en général de viande, là aussi on va mettre du pinot noir ou de l’auxerrois, ce sont les 2 cépages communs avec les 3 appellations de Lorraine ».

« Enfin, sur la tarte aux mirabelles ou le clafoutis aux mirabelles, on va mettre une « bulle lorraine », il y a une grosse production de vin pétillant, cela représente 25% de la production, on a une grande histoire avec la Champagne, une culture commune avec la bulle, fine, bien dosée, ronde on a de la fraîcheur et un sol argile-calcaire qui s’y prête bien ».

JPS: « Dernière question bien lorraine, avec tous ces vins quand est-ce qu’on va refaire la chouille ? »

David Lelièvre: « Là, on fait la e-chouille, on fait du WhatsApéro, de l’Apéro Confiné, en ligne avec ses potes… On a hâte de pouvoir ressortir pour faire la chouille, ça c’est sûr. On va inventer des choses, pour faire la chouille dans les vignes, pour les citadins qui viennent de passer deux mois dans des immeubles, pour profiter de l’air pur et de la verdure. »

(L’abus d’alcol est dangereux pour la santé, à consommer avec modération)

22 Avr

Fleur Cardinale s’engage avec Reforest’action à replanter 10 000 arbres

C’est aujourd’hui 22 avril la Journée de la Planète. L’occasion pour certains de se réinventer et de réfléchir C’est le cas du château Fleur Cardinale à Saint-Emilion qui s’engage à partir du millésime 2019 à faire un geste qui participe à la reforestation: pour une caisse achetée, un arbre planté. Soit un programme de 10 000 arbres par an.

Fleur Cardinale ne cesse de faire marcher sa matière grise. Déjà au moment de la Fête de la Musique ou un clin d’oeil sur le packaging rock de son millésime 2018, eh bien à partir du millésime 2019 les Decoster ont décidé de s’engager un peu plus envers la planète en réduisant son bilan carbone global. « Parce ce que  nous devons prendre en compte le bilan carbone global de notre activité et proposer des actions concrètes pour le réduire », selon Caroline et Ludovic Decoster.

Aussi, le château s’est rapproché de Reforest’Action, une entreprise qui sensibilise et agit pour les forêts dans le monde…Et le message est assez original puisque chaque caisse vendue se traduira par le geste de replanter un arbre, soit 10 000 arbres plantés par an en moyenne. Des arbres qui seront plantés en Tanzanie où il existe un programme de restauration de la biodiversité des monts Usambara, l’un des hotspots de la biodiversté mondiale.

© Ludovic Decoster avec le projet de replanter 10 000 arbres avec Reforest’Action

Par ailleurs, le château va choisir des étiquettes éco-responsables faites à partir de papier conçu à partir de 95% de fibres de canne à sucre et 5% de fibre de chanvre et de lin, d’encre végétale et abandonnant la dorure (fini le temps de Versailles…vive le koala).

Retrouvez ici le projet du château Fleur Cardinale

21 Avr

Yves Beck sur le millésime 2019 à Bordeaux : « quand on a autant d’homogénéité, on est sur une grande année… »

Notre ami Yves Beck, le critique suisse surnommé le « Beckustator », confiné à Bordeaux avant même le début du confinement vient de sortir ses commentaires et notes sur 638 vins de Bordeaux dégustés sur le millésime 2019. Il est un des rares critiques à avoir pu faire cet exercice et à sortir ses notes.Il est l’invité exclusif de « Parole d’Expert » pour Côté Châteaux.

© Yves Beck, le critique en vins suisse, en dégustation début mars

Jean-Pierre Stahl : « Bonjour Yves Beck, en fait vous êtes confiné en France et à Bordeaux depuis le début du confinement et même bien avant ? »

Yves Beck : « je suis arrivé le 28 février, j’avais un voyage avec des clients suisses pour visiter des châteaux et plutôt que de retourner en Suisse, je me suis dit que j’allais commencer ma session de dégustation du millésime 2019 le 6 mars, un peu plus tôt que d’habitude. Donc entre le 6 et le 16 mars, cela m’a permis de déguster pas mal de vins avant le confinement, entre 200 à 250 vins ».

« A partir du 17 mars, la donne a changé, si je retournais en Suisse, j’étais obligatoirement placé en quarantaine (car venant de France) et mon épouse qui est infirmière ne devait plus aller à l’hôpital, on a trouvé plus judicieux que je reste confiné en France. Cela s’est su et des amis oenologues se sont arrangés pour me faire parvenir des échantillons à Saint-Emilion, au château La Voûte »

Jean-Pierre Stahl : « Vous êtes confiné, confiné à déguster, c’est original…mais avec des conditions de dégustations particulières ? »

Yves Beck : « Les conditions finalement sont optimales. On réceptionne les bouteilles, les gens déposent les échantillons devant le portail, on prend des gants, on les stock et met au chai au moins 24h, avec toutes les règles d’hygiène, elles sont stockées à 13-14° maxi.

Quant à la dégustation elle est vraiment top: je suis seul à un endroit, même si ce n’est pas une méthode de travail que j’aime car j’ai envie d’habitude de rencontrer les gens qui font le vin, mais là je comprends certains critiques, c’est pratique, efficace et pour la sérénité, c’est pas mal. »

JPS : « Par rapport aux détracteurs qui pourraient dire que Yves Beck n’a pas jouer le jeu, Yves Beck au contraire est resté confiné ? »

Yves Beck : « Complètement, depuis le 17 mars, je n’ai plus quitté le château la Voûte. Quand je le quitte, c’est juste pour faire des courses ou marcher un peu, avec mon autorisation de déplacement dérogatoire. Mais je joue complétement le jeu du confinement, c’est tout-à-fait normal ».

« Et je me tiens aussi aux directives de l’Union des Grands Crus de Bordeaux. J’ai dégusté un bon tiers des crus classés de l’UGCB, on m’a demandé, et non imposé, si j’étais OK de ne pas publier mes commentaires et notes, ce que j’ai fait. Mais si un château me demande mes commentaires et notes, je les lui donnerai, ce qu’il en fait cela ne me regarde pas. De toute manière, tous les vins de l’UGCB que j’ai goutés, c’était avant les directives de l’Union. Il n’y a pas eu de château qui disait on donne nos vins à goûter à Yves Beck on s’en fout.  Non, s’ils le font ce sera après le confinement et de manière collégiale et groupé…Sans les vins de l’Union, on m’a présenté 638 vins, cela montre quand même un intérêt… »

JPS : « Alors quels types de vins, Yves ? »

Yves Beck : « J’ai dégusté de tout, de toutes les régions, du Médoc à l’Entre-Deux-Mers, ceux que j’ai dégusté le moins ce sont ceux de Pessac-Léognan (il faut dire qu’il y a beaucoup de crus classés (rires)), beaucoup de Médoc, de Haut-Médoc, Pauillac, Saint-Estèphe, Saint-Emilion en force, Pomerol, Fronsac, et quelques Sauternes mais pas beaucoup, mais cela m’a inspiré, de haut niveau. »

JPS : « Au final quel est votre ressenti sur le 2019 ? »

Yves Beck : « Par rapport au 2019, on a des bons vins partout. Saint-Emilion, Saint-Estèphe ressortent du lot. C’est un indice très important, que ce soit un Médoc, un Entre-Deux-Mers, un Fronsac, un Pauillac, autant en blanc qu’en rouge, en sec qu’en doux…

Quand on a autant d’homogénéité, on est sur une grande année, pas une année exceptionnelle, mais une grande année », Yves Beck.

« On a beaucoup de fraîcheur sur les 2019, de beaux tanins, belles structures, acidités et de beaux équilibres, ce qui fait qu’on va les savourer dans leur jeunesse mais aussi ils ont cette capacité de garde que l’on recherche à Bordeaux, avec des vins sur plus de 20 ans, sans problème. »

2019 est donc une grande année qui arrive dans un contexte malheureux, mais il y a de belles perspectives avec ce millésime »

© Yves Beck avec Eric Boissonot le 10 mars dernier

JPS : « C’est une année en 9 en prime, et souvent ces années en 9 sont réussies… »

Yves Beck : « Tout-à-fait, quand on reprend le 99 c’était une bonne année sur la fraîcheur, 2009 une année chaleureuse avec du gras, du corps, des vins suaves et tanniques…

2019, ce qui le différencie, il a bien plus de corps qu’en 1999 et plus de fraîcheur qu’un 2009″

« La loi des 9 est assurée, avec aussi 1989, si je me souviens bien une année chaude et sèche… »

JPS : « Est-ce que la sécheresse en 2019, cela a joué ? »

Yves Beck : « C’est clair que les terroirs calcaires, ils ont joué leurs atouts. Ce sont eux qui arrivent le mieux à gérer le stress hydrique. Saint-Emilion a profité de son terroir calcaire, tout comme Fronsac qui s’en est bien sorti…

« Si on regarde du côté de Saint-Estèphe, ils ont eu une parfaite maturité des cabernet-sauvignons, difficiles à détrôner, Saint-Estèphe sur 2019, cela donnera de grands vins…A Pomerol, ça a été un peu plus compliqué avec des sols sableux, mais les argiles ont joué, c’est plus en dents de scie que d’habitude. »

En résumé parfaite maturité des cabernet-sauvignons sur la rive gauche et avantage aux beaux terroirs calcaires en Saint-Emilion et Fronsac, il ya une belle complémentarité ».

JPS : « On peut dire que c’est un millésime sauvé des eaux ou plutôt de la canicule, grâce aux mois d’août et septembre ? »

Yves Beck : « Les pluies en août ont été salutaires, on a eu l’impression que la météo était réglée comme une horloge suisse, s’il n’y avait pas eu ces épisodes, cela aurait été encore plus compliqué, cela aurait manqué surtout de fraîcheur et d’équilibre… »

Il y a du pep’s, de la gniaque, dans un style très complet. On a de l’ampleur, de très belles notions d’équilibre avec surtout de la fraîcheur.

JPS : « Et vous avez déjà publié vos notes et commentaires…? »

Yves Beck : « J’ai sorti un premier carnet avant hier avec 638 vins qui sont présentés. Le gros est passé, je ne vais pas attendre, attendre, c’est la première partition. Mais déjà j’ai reçu une cinquantaine d’échantillons supplémentaires, arrivés depuis le 18 avril, évidemment tout le monde n’était pas au courant que j’étais là. il y aura une deuxième carnet avec une centaine de crus et potentiellement un troisième avec la dégustation de l’Union, mais on ne sait pas où ni comment ? Mais je préfère me concentrer sur ce que j’ai à faire. »

JPS : « Et vous notez sur une échelle de 100 comme Robert Parker autrefois. »

Yves Beck : « Je travaille toujours sur des notes potentielles en dégustation primeurs, on déguste à un instant T, on déguste quelque chose en cours d’élevage. Mes meilleures notes on été décernées à Lafleur à Pomerol 98/100 et à Tertre Roteboeuf à Saint-Emilion 98-99/100, mais ce qui est aussi réjouissant c’est château Lousteauneuf qui obtient 95-97 en Cru Bourgeois, cela montre la capacité du propriétaire à produire de grands vins mais aussi la logique d’un grand millésime où l’on voit des crus plus modestes dans la course.

« J’utilise les notes entre 80 et 100/100, en dessous comme 75 cela n’intéresse personne et je suis davantage Das une logique positive. La critique est dans la note, si vous obtenez 90 c’est très bien mais il vous manque 1à pour aller à 100. Je suis plus dans le positif, cela ne m’intéresse pas de dire du mal, il faut être respectueux des gens qui produisent du vin et c’est mon approche.. »

JPS : « Ce n’est pas l’Ecole des Fans tout de même où tout le monde a gagné…? »

Yves Beck : « Non, mais si ton gamin rentre de l’école et te dit qu’il a obtenu juste à 88 sur 100 questions, tu ne vas pas lui foutre une claque, tu vas lui dire bravo c’est bien tu connais bien la matière, mais 88 dans le milieu ça ne vaut pas assez, on commence à s’intéresser à toi si tu as 92 points ou plus, c’est dommage mais c’est comme cela. A 88, j’ai des petits vignerons qui me remercient d’avoir eu 88 points, et y en a d’autres plus grands qui râlent quand j’ai mis 92 à leur vin… »

JPS : « Par rapport à Robert Parker qui a fait la pluie et le beau temps à Bordeaux, et qui a laissé un grand vide, vous êtes plusieurs critiques à vous exprimer aujourd’hui, est-ce que vous l’avez tous remplacé…? »

Yves Beck : « A court et à moyen terme, une telle influence comme Robert Parker a eu, il n’y en aura plus ! C’était mon idole, quand j’étais adolescent j’étais fasciné par ce gars, j’achetais les vins qu’il notait et je les goutais, j’étais un grand fan. C’est un peu grâce à lui et par goût que je suis devenu dégustateur et critique e vins; mais une telle domination et suprématie, c’est dangereux, à l’époque Bordeaux l’a acceptée. 

Le monde des critiques doit être coloré et multiple, aujourd’hui il y a beaucoup plus de dégustateurs et de consommateurs qui s’impliquent et qui commentent, cela s’est démocratisé et diversifié, il y a presque autant de dégustateurs que d’entraîneurs en foot »

James Suckling est très actif à plein d’échelles, sur les vins américains Italiens, Bordelais, il joue sur beaucoup de tableaux, il est très suivant aux USA ou en Asie, il y a aussi Neal Martin, Jeb Dunnuck  très influent sur les Usa mais plus axé Vallée du Rhône et Lisa Peretti du Wine Advocate sur Bordeaux.

« Si on regarde, le consommateur est intéressé, c’est fondamental d’avoir différents sons de cloche et c’est bien que ce monde de critiques soit coloré, c’est plus attractif, plus fun, plus dynamique aussi. Cela ne m’intéresse pas d’être un grand critique mondialement reconnu, je vis de mon métier et je partage le plaisir du vin. C’est vrai que j’ai grandi depuis deux ans, mais je n’ai pas de prétention surdimensionnée, vivre de la critique de vin, c’est tout sauf évident mais je me dédie 100% à cela, j’aime mon métier ».

Pour tout savoir et suivre Yves Beck c’est ici

20 Avr

Solidarité avec les soignants : les initiatives du monde du vin se multiplient

Petit tour d’horizon de ces châteaux, vignerons, négociants et autres représentants de la filière qui se mobilisent à leur niveau pour faire des gestes pécuniers ou autres envers les hôpitaux.

Service des Urgences de l’Hôpital Robert Piqué recevant les tubes de crèmes pour les mains

LOUIS MONNIER LE NEGOCIANT AU GRAND COEUR

De plus en plus d’initiatives se font jour, je vous avais déjà parlé de Louis Monnier, négociant directeur commercial de The Wine Merchant qui mouille le maillot depuis près d’un mois pour apporter des petits déjeuners aux personnels soignants dans les différents services du CHU de Bordeaux, personnels en pointe face à l’épidémie de coronavirus. Une initiative menée grâce au concours de Guillaume Halley et Olivier Cornuaille de Carrefour Market à Bordeaux Caudéran. Par ailleurs, pensant toujours aux personnels soignants, il a réussi aussi grâce à Mathilde Thomas et Caudalie à leur apporter des crèmes hydratantes pour les mains (pas mal attaquées à force de se les laver et d’utiliser du gel hydro-alcoolique)… Il a aussi préparé des petits déjeuners pour les personnels partis en renfort dans le grand est avec le bus de Girondins de Bordeaux. Et il a mis sur pied également une cagnotte leetchi  à destination des soignants et hôpitaux de Bordeaux.

Plus récemment, il a décidé aussi de ne pas oublier les étudiants sur le campus universitaire de Bordeaux-Talence-Pessac, qui en ce moment éprouvent de grandes difficultés à se nourrir, vu que les restaurants du Crous restent fermés, et avoir un minimum d’hygiène : « j’ai eu vent aussi que des jeunes étudiants étaient dans la détresse, des étudiants bosseurs dont certains sont en pharma, ou autres, en 3e ou 4e année, beaucoup d’étrangers avec peu de moyens qui vivaient de petits boulots et qui n’en ont plus actuellement, ils sont démunis, ils n’ont quasiment rien, j’ai commencé à leur distribuer des produits d’hygiène (dentifrices, brosses à dents, Pq, produits de nettoyage ou serviettes hygiéniques), j’ai recensé ainsi 200 jeunes dont 65 filles qui sont un peu laissés pour compte, les Crous devraient réouvrir leurs restaurants, avec l’association Espoir pour Tous de Talence on leur vient en aide en respectant les distances de sécurité par ces distributions, on essaye de faire bouger les lignes » D’autres associations notamment pessacaises leur viennent en aide comme le centre social Alain Coudert qui distribue des dons faits par le Géant Casino de Pessac.

UN DON DE 10000€ DE PETIT BALLON A L’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS

Spécialiste du vin en ligne et par abonnement, Petit Ballon a fait savoir qu’il faisait un premier don de 10 000€ à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, en soutien aux personnels soignants face à la crise liée à l’épidémie de Covid-19. En fait, ce sont 2€ par commande sur lepetitballon.com qui sont reversés depuis le 27 mars. « Une opération solidaire qui s’étendra jusqu’à la fin du confinement afin de récolter un maximum d’argents pour les hôpitaux », selon Martin Ohannessian cofondateur du Petit Ballon.

La Confrérie des Chevaliers du Tastevin poursuivant le 17 avril la préparation et la distribution de colis gourmands adressés aux personnels soignants © au château Clos de Vougeot

LE CHATEAU DU CLOS DE VOUGEOT ET LES CADETS DE BOURGOGNE MOBILISES POUR SOUTENIR LES SOIGNANTS

Ils font partie du patrimoine bourguignon, le Clos Vougeot, la confrérie des Chevaliers du Tastevin et les Cadets de Bourgogne, choeur d’hommes à 3 voix, apportent eux aussi leurs soutiens aux personnels soignants.

Ainsi des colis sont préparés au sien du cellier cistercien qui sert d’entrepôt logistique depuis début avril par la confrérie des Chevaliers avec l’association Vive la Bourgogne-Franche-Comté et des artisans producteurs locaux. Ce sont ainsi des paniers de spécialités qui sont ainsi préparés, avec des gougères au jambon persillé, de la moutarde Fallot, des fromages des fromageries Delin, Berthaut, et Gaugry, des produits de la ferme Fruitrouge, des nectars de Bourgogne, etc… Chaque semaine 200 colis sont préparés pour remplir le camion du château afin d’être livrés au CHU de Dijon et aux Hospices civils de Beaune. « Les retours des soignants sont nombreux, notamment via les réseaux sociaux, beaucoup ont pris le temps de nous envoyer des messages de remerciements.Cette initiative donne véritablement sens à la vocation de la confrérie: véhiculer des valeurs fortes depuis le Bourgogne vers le monde entier », commente Arnaud Orsel. 600 colis ont déjà été livrés.

Par ailleurs, les cadets de la Bourgogne, coeur polyphonique bourguignon dont la scène de prédilection est le château du Clos de Vougeot, ont adapté la célèbre chanson « joyeux enfants de la Bourgogne » pour saluer les « glorieux soignants » du monde entier.

LA VENTE AUX ENCHERES: « LES VINS DE BORDEAUX LEUR DISENT MERCI »

C’est une grande opération caritative envers les soignants que lancent les Vins de Bordeaux… La filière des Vins de Bordeaux et l’Office de Tourisme lancent une grande opération de solidarité, destinée à soutenir les professionnels des hôpitaux de Gironde, aux dates initiales de Bordeaux Fête le Vin: l’opération LES VINS DE BORDEAUX LEUR DISENT MERCI est une vente aux enchères ouverte au grand public du 15 au 21 juin, avec des vins offerts par les châteaux et négociants, dont le fruit sera reversé aux hôpitaux impacté par le Covid-19. Les châteaux et négociants peuvent proposer leurs vins ou séjours en chambres d’hôtes sur une plateforme ouverte jusqu’au 15 juin pour être ensuite vendus aux enchères.  « 100% de la somme servira à acheter du matériel ou à améliorer leur qualité de vie au travail au sein des hôpitaux qui ont été sur le front du Covid-19 », me précisait Christophe Chateau du CIVB.

 

17 Avr

Jofo rend hommage et dit Merci aux soignants sur la façade du Palais de la Bourse de Bordeaux

Avec son personnage fétiche Toto, qui avait servi à illustrer de nombreux châteaux de Bordeaux, l’artiste bordelais Jofo et la CCI de Bordeaux disent Merci aux personnels soignants en lutte contre le coronavirus. Une toile de 386 m2 dévoilée ce jour peu avant midi.

L’affiche dévoilée ce midi par Jofo (au centre) et la © CCI de Bordeaux, dont Patrick Seguin, en présence du directeur du CHU et des différents partenaires

C’est un dessin qui en dit long. Il résume à lui tout seul la reconnaissance de toute la population, française et bordelaise, envers les soignants en première ligne dans le traitement de l’épidémie. Un Toto qui incarne tous les totos que nous sommes, humbles face à ce maudit virus, comptant sur le professionnalisme et le dévouement des soignants et des hôpitaux. « Un Toto représentant le personnel soignant sonné par le feu d’artifice de remerciements qui colore le ciel noir de notre ville… » commente l’auteur.

Jofo a commenté ce matin ce qui l’a poussé à faire ce crobart :

 À l’origine…  Me rendre utile, gracieusement ! Le rêve de créer un dessin de soutien aux personnels soignants qui luttent en première ligne face à l’ennemi invisible. À l’origine… Occuper la façade de la Bourse par un visuel explicite et fort » JOFO

Son projet a tout de suite reçu un écho favorable au sien de la CCI de Bordeaux Gironde et de son président Patrick Seguin qui explique « cette œuvre viendra en lieu et place des publicités qui participent au financement de la restauration du toit du Palais de la Bourse »

Ce sont donc des dizaines de mercis avec la tête à Toto muni d’un masque qui ornent cette toile de 386 mètres. Une création possible grâce à la CCI Bordeaux Gironde qui a reçu le soutien de la DRAC Nouvelle-Aquitaine, de la société LightAir et de l’entreprise « Prixtel » (opérateur téléphonique) qui a financé la fabrication de la toile.

Pour aller plus loin dans ce message, une vente en ligne de 1000 tirages d’art signés JOFO au bénéfice du CHU sera mise en place  en parallèle, organisée par la Direction du Mécénat du CHU de Bordeaux et JOFO, les fonds récoltés seront intégralement reversés en soutien aux professionnels de santé du CHU de Bordeaux.

15 Avr

Primeurs à Bordeaux : il y a un certain appétit malgré la crise

C’est une année à marquer d’une pierre blanche. Une première depuis que le système des primeurs existe. Ni les propriétés, ni la place de Bordeaux, ni l’Union des Grands Crus n’ont pu faire déguster dans les mêmes conditions que d’habitude en mars-avril le millésime 2019 aux journalistes, critiques et distributeurs français et étrangers. Une campagne primeurs qui pourrait malgré tout se tenir… Enquête de Côté Châteaux.

Les Primeurs à Bordeaux, c’est la Grand-Messe où le nouveau né est présenté avec sa belle robe rouge ou or à de très nombreux parrains… C’est vrai, c’est quasi cérémonial, avec des  règles définies par l’Union des Grands Crus de Bordeaux qui organise la venue traditionnellement de 5000 à 6000 professionnels du monde du vin en mars et avril, avec une messe qui dure en général 4 jours, sur cette fameuse semaine (officielle) des Primeurs. Elle devait se tenir du 30 mars au 2 avril cette année, mais patatras, il y a eu ce que personne n’aurait imaginé il y a encore un an en arrière, une épidémie, une pandémie même qui a mis à genou l’économie mondiale car d’abord il fallait gérer cette crise sanitaire, que certains ont dépeint comme « une guerre ».

Jacques Dupont, dégustant les crus artisans du Médoc en avril 2018 © JPS

Jacques Dupont, journaliste du magazine le Point, est l’un des grands critiques, dont les paroles et les notes sont bues par de nombreux amateurs de vin; en général il ne fait pas trop de laïus, ce n’est pas le genre curé, il va à l’essentiel car chaque année il déguste plus de 2000 vins pour donner son avis sur le millésime, qui ne sera livré en général que 2 ans après. C’est ça les primeurs, un exercice assez périlleux et pointu, de donner un avis sur un vin qui n’a que 4 mois d’élevage. La propriété va le vendre au négoce, qui lui-même va vendre aux particuliers ou sociétés à partir de mai-juin, pour permettre au château de se faire de la trésorerie, avec en général un petit avantage sur le prix et une livraison près de 2 ans plus tard. Mais cette année a pour lui une saveur particulière…Il n’y aura pas de guide « Spécial Bordeaux » par Jacques Dupont comme de l’accoutumée dans le Point fin mai.

Jacques Dupont dégustant les primeurs en Fronsac et Canon Fronsac l’an dernier © JPS

« On devait démarrer le 15 mars, mais la veille on a entendu Edouard Philippe, avant de partir et avec Olivier Bompas on s’est concerté et on s’est dit on ne va rien faire, on a vu progressivement les châteaux annuler les uns après les autres, du coup on a tout annulé, car on ne voyait pas bien la porte de sortie… D’habitude Olivier part pour 3 semaines et moi 4 à Bordeaux pour déguster, là c’est un retard qu’on ne peut pas combler, même s’il y avait une tentative de sortie en primeurs en juin, je ne vois pas bien comment on pourrait faire. Déjà elle était mal en point cette campagne primeurs avec le marché américain qui a connu une hausse de 25% sur les achats qu’ils ont fait en primeurs sur les 2017 et 2018 avec les taxes Trump, certains qui ont acheté vont vendre à perte. Bon quand le négoce veut faire une campagne primeurs sur une quarantaine d’étiquettes, on peut les comprendre:  les négociants ont déjà goûté, les courtiers aussi, entre eux ils peuvent faire une campagne comme cela, mais la campagne ne sera pas une grande campagne, même si la place de Bordeaux fait toujours un boulot formidable avec les grands crus. Cela va peut-être mener à vendre des vins livrables, moins chers et qui se tournent plus vers la France car le marché de Bordeaux est atone et cela serait bien de faire redécouvrir les Bordeaux aux Français… »

Jane Anson, journaliste anglaise et critique pour Décanter reconnaît que c’est une année aussi particulière: « je ne vais pas publier de notes, je vais publier quelque chose pour donner un feeling global sur le millésime. J’ai pu déguster beaucoup de Crus Bourgeois ou des Crus de Saint-Emilion, ce sont des échantillons qui m’ont été envoyés, on respecte les consignes, on laisse les vins dans le garage pour 24h avant de déguster, je me débrouille ainsi… »

Didier Fréchinet, Miguel Aguirre de la Tour Blanche, David Bolzan de Lafaurie-Peyraguey, Vincent bergère de Rayne-Vigneau et Pierre Montegut de Suidiraut pour la dégustation des primeurs au Chapon Fin en 2019 © JPS

Rare sont ceux qui ont pu organiser des dégustations en public, avant la mise en place du confinement : il y a eu par exemple la dégustation des Fronsac et Canon Fronsac au Grand Hôtel de Bordeaux et des Sauternes comme d’habitude avant la semaine des primeurs comme me le précise Vincent Labergère, directeur du château Rayne-Vigneau (1er cru classé de Sauternes): « on a fait notre dégustation au Chapon Fin le 11 mars et cela s’est arrêté là, c’était le premier maillon de la chaîne des dégustations, mais après aucun client ou journaliste n’a pu déguster. La position de l’Union des Grands Crus était de ne pas faire circuler d’échantillons, mais on sait tous il y avait à droite ou à gauche une demande d’échantillons et de faire déguster. Il y a des notes de journalistes étrangers qui vont sortir car certains auront envoyé des échantillons.

Le millésime est pourtant de grande qualité, mais au niveau de la mise en marché on est arrêté pour le moment. L’idéal serait une mise en marché au mois de juin pour Rayne-Vigneau, plus qu’au mois de septembre où le nouveau millésime va arriver, » Vincent Labergère directeur du château Rayne-Vigneau

Stéphanie de Boüard-Rivoal dans les chais d’Angélus en avril 2019 © JPS

Pour Stéphanie de Boüard-Rivoal, directrice du château Angélus (1er cru classé A de Saint-Emilion): « il faut envisager tous les scénaris, éviter les choses hâtives, Bordeaux est très solide et a montré sa capacité à surmonter les crises. A la propriété, on souhaite qu’il y ait une campagne sur le Millésime 2019, même décalée de quelques mois, dans le courant de l’été ou à l’automne, mais après cela serait trop tard. Juillet serait parfait, il n’est pas impossible d’envisager aussi à l’automne. Même si elle est a minima, elle permettrait de garder la dynamique, si on arrive à la faire cela voudrait dire que la crise est alors surmontée. Jusqu’ici, on n’a jamais fermé la porte aux dégustations à la propriété, demain matin on a un journaliste, mais ce sera le premier, avec des mesures sanitaires, et une personne à la fois. On n’a pas envoyé d’échantillon, mais on n’exclut pas quand cela sera possible de se déplacer dans quelques pays qu’on aura ciblé avec des échantillons, ce sont des hypothèses que l’on a en tête.  2019 est un millésime extraordinaire en profondeur et en densité et en tension apportée par le cabernet franc, qui me fait penser à 2001″.

Fabrice Bernard, le Pdg de Millésima au tasting des crus classés de Saint-Emilion au château Villemaurine  en 2017© JPS

Du côté du négoce, Fabrice Bernard PDG de Millésima me confie que la période est compliquée mais « oui la campagne, il faut qu’elle ait lieu. On a cet énorme avantage à Bordeaux avec ce système de primeurs, si elle s’arrête on va redevenir comme tous les autres vins d’autres régions viticoles. 

Cette campagne, elle aura peut-être lieu en juin ou juillet, il faut la faire, d’autant que ce sont des vins de qualité avec des volumes. Ce n’est pas un petit millésime, mais on a un bon millésime, plutôt sympa », Fabrice Bernard de Millésima.

« Mais il y a aussi le problème du prix : il faudra attendre cette sortie de crise, il ne faut pas que Bordeaux soit arrogant.Au contraire, les châteaux ont interrogé leurs importateurs britanniques ou américains, pour savoir si ils s’en sortent ou pas. On finira par trouver un consensus au bon moment et au bon prix, un prix raisonnable, en adéquation avec le marché et avec une baisse significative.

Yann Schÿler PDG de la Maison Schröder & Schÿler reste les pieds sur terre et ne veut pas d’une tonalité trop optimiste:

Régis Deltil et Yann Schÿler à la cave Latitude 20 à la Cité du Vin en 2017© Jean-Pierre Stahl

Il faut faire une campagne primeurs quand il y a un marché, et pas quand on a envie de la faire ! » Yann Schÿler de Schröder & Schÿler.

Et de préciser si elle a lieu : « elle pourrait avoir lieu en janvier ou en septembre à la rigueur, mais pas avant quand la moitié des pays sont confinés ou en confinement partiel. Là il n’y a pas d’acheteur ou alors pour une dizaine de marques, mais on ne fait pas une campagne juste pour 10 marques. En bourse, tous les actifs ont chuté, tout le monde a bu le bouillon, tous les opérateurs sont affaiblis, et les personnes fortunées sont confinées, donc c’est une crise qui touche tout le monde ».

« Aujourd’hui, le marché de demain, je ne le vois pas. Premièrement, il faut qu’il y ait des acheteurs, il n’y même pas eu de dégustation, comment faire monter la mayonnaise…? Et deuxièmement, pour faire une campagne primeurs il faut que 70% des vins trouvent preneurs… Les Usa ne vont pas bien du tout, les Chinois s’en remettent à peine et l’Europe n’est pas sortie non plus…Il faut être pragmatique, je pense comme Emmanuel Cruse pas avant septembre, et il ne faut surtout pas prendre ses désirs pour des réalités. »

Ronan Laborde, le président de l’UGCB  © JPS

Tous les regards sont dès lors tournés vers l’Union des Grands Crus de Bordeaux qui a les clés de cette campagne des primeurs. Joint également ce matin Ronan Laborde son président m’a confié tenir demain une réunion de son bureau qui va décider: « comme on avait dit que les primeurs étaient suspendus, on avait envisagé une déprogrammation ultérieure sur une nouvelle formule. Jusqu’à présent on a été très prudent, on avait recommandé de ne pas faire goûter et envoyer des échantillons, pour ne pas partir dans tous les sens, pour que tout se goûte au même moment. On est en concertation avec le négoce et les courtiers.On fera ce que le marché a envie de faire, il ya quand même pas mal d’acteurs qui sont intéressés par une campagne primeurs même une campagne dégradée.

Si les gens ne peuvent pas voyager, les marchandises peuvent voyager, ce sera un format nouveau vraiment exceptionnel, par son ampleur de travail et par les défis à relever. On a une envie et un intérêt sur le 2019″, Ronan Laborde président de l’UGCB.

La semaine des primeurs en 2017 pour déguster le fameux 2016 au château La Louvière © JPS

La campagne de primeurs à Bordeaux pourrait se tenir sur fin juin ou en juillet par exemple, « c’est le bureau qui va en décider, puis on va le soumettre au négoce. Mais on ne peut rien faire jusqu’au déconfinement, tant que les résultats de propagation de l’épidémie se font ressentir aussi, dans les 15 prochains jours, on connaîtra les conditions du déconfinement. On verra si on peut aussi accueillir dans une salle 20, 30 à 50 personnes, mais on sait que tout grand rassemeblement ne peut pas se faire avant mi-juillet. On reste prudent avec la visibilité nécessaire. »