« Il ne reste vraiment pas grand-chose ». Pluie, gel, grêle, maladies… Dans les vignes de Bourgogne, les vendanges confirment le constat amer que, cette année, « tout s’est acharné » à engendrer des pertes catastrophiques allant « jusqu’à 95% ».
Les vignes n’ont pas été épargné par le gel et les précipitations cette année © France Télévisions / Manuela Ibounda
Au bout d’une parcelle située dans la prestigieuse appellation de Pouilly-Fuissé, la remorque garée sur le chemin boueux peine à se remplir de grappes de chardonnay. « Une année normale, elle est pleine vers 09h30 », explique Julien Cheveau, co-gérantdu domaine qui porte le nom de sa famille.
Aujourd’hui, alors que la pause de midi approche pour les vendangeurs, le tas de raisins blancs n’atteint toujours pas le haut de la benne. « On fait parfois tout un rang sans avoir besoin de vider son seau », déplore Aurélie Cheveau, belle-soeur de Julien et co-gérante du domaine familial de 20 hectares.
« On a eu les grosses gelées autour du 7 avril: jusqu’à moins 8 degrés. La vigne est finalement repartie mais on a eu un gros coup de grêle le 21 juin, qui a anéanti tous nos espoirs en 15 minutes. Et les fortes pluies en septembre ont mis une grosse pression sur les maladies. 2021, c’est l’année où tout s’est acharné », résume la
vigneronne.
« Il ne reste vraiment pas grand-chose. On ne va pas être loin de 95% de pertes sur certains secteurs », lâche l’exploitante, pointant avec son sécateur tantôt des feuilles de vignes hachées par la grêle, tantôt des grappes minuscules, où le beau jaune luisant du chardonnay a parfois laissé place à des baies violacées couvertes de poils blancs, trahissant une pourriture due à la pluie.
« Globalement », pour l’appellation de Pouilly-Fuissé, dans le sud de la Bourgogne, les pertes se situent « entre 70 et 90% », évalue Aurélie Cheveau, qui est également présidente de l’Union des producteurs de Pouilly-Fuissé (360 adhérents pour près de 800 ha).
A l’autre bout de la Bourgogne, le constat n’est guère meilleur. « Ici, j’ai perdu entre 75 et 80% », estime Ludivine Griveau, régisseuse des Hospices de Beaune, tandis que défilent devant elle les cagettes à demi-pleines de pinot noir vendangé sur la prestigieuse colline de Corton (Côte d’Or).
« Ailleurs, je vais au mieux avoir 50% de pertes », lâche Mme Griveau, responsable des 60 hectares de vignes des Hospices. « Cette année, j’ai commandé 35 fûts, contre 120 à 150 normalement ».
Tandis que, sur l’ensemble de la France, la production de vin va chuter de 29% par rapport à 2020, pour s’établir à 33,3 millions d’hectolitres, selon le ministère de l’Agriculture, la Bourgogne semble encore plus touchée.
Dans cette région, « les rendements sont historiquement bas », estime François Labet, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). On est globalement entre 30 et 50% de pertes mais il y a de gros écarts, avec 70 et 80% de pertes pour les blancs de la Côte de Beaune et -50% dans le Chablis et le Mâconnais ».
Le responsable dit « ne pas connaître d’endroit qui ait échappé au gel » et s’attend à une « pénurie » pour la cuvée 2021. « On va faire le plus petit millésime que la Bourgogne ait jamais faite », assure Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB).
Mais la qualité pourrait bien venir compenser la faible quantité, espère Eric Pilatte, expert viticole indépendant, en évoquant « les belles journées depuis le 15 août », qui, avant les pluies, ont permis une belle maturation.
Cependant, au-delà de cette annus horribilis, c’est la répétition des dérèglements climatiques qui inquiète la profession. « Depuis 2010, on n’a eu que deux années sans problèmes majeurs: 2017 et 2018 », rappelle François Labet. « En 2019, on a eu une moitié de récolte, déjà en raison du gel. Si on a un an
sur deux comme ça, on se demande ce que va devenir notre métier », s’inquiète Aurélie Cheveau.
AFP