04 Nov

Côté Châteaux n°18 : un spécial Sainte-Croix-du-Mont avant les fêtes de fin d’année

Côté Châteaux aime vous faire plaisir et vous offre une douceur, un mois avant Noël, avec ce focus sur la belle appellation de Sainte-Croix-du-Mont en Gironde. Une petite appellation qui produit des vins liquoreux, petite par la taille mais grande par sa renommée séculaire. 311 hectares pour 35 vignerons tous autant passionnés, les uns que les autres, par la magie du botrytis cinerea.

Michel de Vathaire co-propriétaire du château Jean Lamat © JPS

Ce mois-ci Côté Châteaux est parti à la rencontre des vignerons qui sans aucun doute réalisent l’un des vins les plus difficiles à produire : le vin liquoreux de Sainte-Croix-du Mont. Difficile car il faut que s’opère la magie du botrytis, cette pourriture noble qui s’installe sur les baies de cépages blancs, en général sémillon et sauvignon, parfois avec un peu de muscadelle.

Ce Côté Châteaux n° 18 démarre en pleine trie, en pleine récolte de raisins botrytisés début octobre au château Jean Lamat à Sainte-Croix-du-Mont. Un château familial tenu depuis plus de 200 ans par la famille de Vathaire. Michel nous présente l’équipe de vendangeurs basés sur « la famille et les amis de la famille. »

Alors que Nicolas Obin nous explique la difficulté de vendanger « heureusement qu’on est aidé par les aînés pour nous montrer le bon du moins bon », Marie de Vathaire explique « j’enlève les petits grains qui sont trop secs qui ne donneront pas de jus, et j’enlève surtout la mauvaise pourriture, car souvent elle se met bien dans le milieu de la grappe. » Michel de Vathaire dépeint ce « terroir argilo-calcaire où parfois la roche est affleurante, et il existe un fameux banc d’huîtres qui donne parfois un caractère particulier à cette appellation. »

Si le château Jean Lamat ne représente que 2,5 hectares de vigne et a une production intimiste de 5000 bouteilles de vin liquoreux, peu importe toute la famille et toute l’équipe mettent du coeur à l’ouvrage pour ne récolter que les bons grains botrytisés ou passerillés, un travail de « chirurgie très fine pour obtenir la bonne qualité du vin ensuite » selon Michel de Vathaire à la réception des paniers qui opère encore quelques petites sélections.

La famille de Vathaire avec ses amis vendangeurs et Philippe Maurange © JPS

S’en suit une séquence repas de vendangeurs au château dans son jus, avec dégustation de Jean Lamat 2014 à l’apéritif et sur le repas : « les habitudes évoluent et on peut le déguster sur d’autres mets, finalement cela s’accorde bien sur de la volaille blanche, même avec du fromage ». Philippe Maurange, son neveu et aussi co-propriétaire du château complète  : « à la différence des liquoreux qu’on buvait au XIXe ou au milieu du XXe siècle, où c’était des liquoreux très riches, puissants, avec une richesse en sucre très importante, on a évolué vers de vins plus légers, plus désaltérants, des vins d’apéritifs, plus faciles à boire notamment pour conquérir une nouvelle clientèle, qui s’attache à des vins moins sucrés. Donc on travaille davantage sur des équilibres aujourd’hui qui vont plus vers l’acidité, le côté un peu plus vif des liquoreux… »

Angélique Armand du château La Rame © JPS

La suite de ce magazine nous emmène à la rencontre d’Angélique Armand au château la Rame qui nous explique comment s’opère la magie du botrytis :

La magie du botrytis se réalise avec du brouillard le matin, comme actuellement, c’est un très bon cas de figure, beaucoup d’humidité et l’après-midi un ensoleillement qui permet le développement du botrytis. Une fois qu’il est installé, cela se développe tout naturellement », Angélique Armand au château la Rame

2020, c’est quand même un millésime particulier car on a eu énormément de pluies et le botrytis a non seulement tardé à s’installer mais aussi les tries ont été moins nombreuses 2 à 3 contre 3 à 5 habituellement : « oui, c’est l’année atypique : un printemps extrêmement pluvieux, ensuite de fortes chaleurs en juillet, août et même mi-septembre, ce qui fait qu’il manquait ce côté humidité pour que cela puisse s’installer et il a fallu attendre les premières pluies de septembre pour qu’il commence à s’installer. Ce sont des raisins qui sont rabougris et qui permettent les grands liquoreux, tant qu’on n’a pas cette concentration on ne pourra pas faire de grands liquoreux »

Quant à savoir si la consommation de ces vins repart, Angélique explique l’évolution : « on a fait des vins qui étaient extrêmement riches, extrêmement concentrés, c’est ce que demandait la clientèle et ce que demande toujours une catégorie de clients un peu plus âgés… La nouvelle génération aime les liquoreux, pour peu que vous ayez un peu plus d’acidité et ce côté fruité. Donc il nous faut jongler sur différents styles de vins pour pouvoir satisfaire différents types de clientèle. »

Nicolas Solane, le président du syndicat viticole de Sainte-Croix-du-Mont devant le banc d’huîtres fossilisées © JPS

Ce qui fait l’originalité de Sainte-Croix-du-Mont, c’est son terroir unique au monde que nous présente Nicolas Solane, le président du syndicat viticole et propriétaire du château Crabitan-Bellevue, au pied du château-mairie et de l’église du village :

Des huîtres fossilisées qui remontent à 20 millions d’années © JPS

« oui cette colline d’huîtres fossilisées date d’une vingtaine de millions d’années, à l’époque où l’Aquitaine était sous les eaux, et au retrait des eaux on a pu apercevoir des amas d’huîtres fossiles…C’est assez unique de les voir surtout à cette altitude ». La balade vaut vraiment le détour et de plus en plus de Bordelais ou Girondins viennent passer un bon moment les soir l’été ou en arrière saison aux beaux jours pour se balader ici, admirer ce cadeau de la nature et déguster les vins de Sainte-Croix-du-Mont à l’heure de l’apéro.

Les Sainte-Croix-du-Mont profitent de ce terroir avec des sous-sols calcaires et surtout de multiples petits coteaux assez venteux en général, tout cela fait que les vins de Sainte-Croix-du-Mont sont spécifiques avec une bonne richesse et gardent de la fraîcheur avec le sol argileux et le sous-sol calcaire… »Nicolas Solane, le président du syndicat viticole

Hervé Chouvac du château du Mont © JPS

Parmi les 35 vignerons de Sainte-Croix, 311 hectares en Gironde, il y a aussi Hervé Chouvac vigneron du château du Mont, un château qu’il tient de son arrière-arrière-grand-mère. Il nous présente son millésime 2019 toujours en barrique, avec « un élevage de 15 mois, fermentation et élevage compris, qui sera mis en bouteille en février, mars ». « c’est un millésime très généreux où on a pu faire de vins de longue garde. On est sur l’abricot, l’ananas, la figue. 2020 sera un millésime plus sur la fraîcheur, de l’élégance, de la finesse. »

Et de montrer dans sa salle de dégustation l’évolution de couleurs de ses vins fonction du millésime d’une belle robe dorée pouvant tirer sur l’orangé, voir le marron : « il peut y avoir deux types de Sainte-Croix-du-Mont, des vins plus sur la fraîcheur, sur la jeunesse, sur un équilibre avec peu de liqueur…et des vins pour une longue garde avec plus de richesse en sucre, un élevage souvent en barriques, des vins qui ont des potentiels de plus de 50 ans de garde… »

Ce magazine se termine au château du Pavillon, un magnifique château du XVIIIe siècle, propriété d’Olivier Fleury, par ailleurs négociant aussi à Langon, qui va nous proposer des association de mets et de vins de son château, en compagnie aussi de Yu-Yung Lin, assistante marketing du château Laurette, une propriété acquise par un groupe chinois.

On peut faire tout un repas aux liquoreux, c’est ce qu’il se faisait il y a quelques décennies, chez nos grand-parents…On va ainsi déguster des huîtres du Bassin d’Arcachon, c’est justement la spécificité de notre terroir. Juste derrière mon château vous avez des grottes d’huîtres fossiles, et le château est installé sur des éboulis d’huîtres fossiles, qui donnent de la minéralité à tous les vins de Sainte-Croix-du-Mont… » Olivier Fleury château du Pavillon.

« Le Sainte-Croix est aérien, il a ce côté minéral comme peuvent l’avoir certains vins du chablisien, de Sancerre, puisqu’on a ce terroir issu de fossiles, et comme ce sont des vins liquoreux, légers, ils passent aussi bien à l’apéro, qu’ensuite sur des huîtres, sur du foie gras, de la charcuterie, de la volaille, on peut faire tout un repas avec des liquoreux, c’est ce que je fais beaucoup ici et qui surprend les dégustateurs, en fait c’est revenir aux sources de ce que l’on faisait il y a plus de 50 ou 60 ans et qui a fait la réputation de nos vins. »

Des vins qui sont de plus en plus appréciés en Chine, comme en témoigne Yu-Yung Lin assistante marketing du château Laurette : « en effet, pour notre palais et nos plats qui sont souvent sucrés-salés, épicés aussi, le vin liquoreux s’apprécie beaucoup en Chine. »

Olivier Fleury, propriétaire du château du Pavillon © Jean-Pierre Stahl

Un magazine tout en saveurs, avec « ces vins issus du botrytris mais avec cette pointe d’acidité, et fruités mangue-coing-ananas, qui permettent l’association avec de nombreux plats sans que ce soit lourd, contrairement à d’autres liquoreux où là on va chercher la structure, la puissance et où on ne pourra pas les servir tout au long d’un repas… »

Vive la tradition, la gastronomie et les vins de Sainte-Croix-du-Mont à découvrir dans ce numéro 18 de Côté Châteaux dès le 16 novembre sur France 3 Noa à 20h15, réalisé par Jean-Pierre Stahl avec Sébastien Delalot et à voir ici sur YouTube :