30 Sep

Ile de France: de premières vendanges prometteuses depuis l’obtention de l’IGP

Encouragés par le dérèglement climatique, des vignerons ressuscitent la filière viticole en Ile-de-France, grâce notamment au label « Indication géographique protégée » (IGP), obtenu en mai, qui leur permet de vendre une production locale encore embryonnaire sur un marché très concurrentiel.

Image d’illustration © JPS

Un samedi de septembre, Jean-Michel Bourgoin vendange avec famille et amis le fruit de « trois ans de labeur », de la plantation des vignes sur ce terrain de Blunay (Seine-et-Marne) jusqu’à la récolte des premières grappes. Cet hectare et demi de ceps avoisine les coteaux que possédait sa grand-mère, dont les dernières vignes ont disparu en 1992. Le paysagiste de 52 ans évoque avec nostalgie « la petite vigne familiale », les paysages de son enfance et ces « vins que s’échangeaient les anciens ».
Un peu plus loin, Patrice Bersac, président du syndicat des vignerons d’Ile-de-France, goûte consciencieusement le jus violacé d’un Merlot à venir et s’enthousiasme de ces « siècles d’Histoire qui sont en train de renaître ». Car l’Ile-de-France viticole historique, « territoire plus grand que l’Ile-de-France administrative », a longtemps été le plus vaste vignoble de France, narre le responsable.
Né à l’époque romaine, il a commencé à décliner au XIXe siècle; l’oïdium, le mildiou, le phylloxéra, la guerre de 70, l’urbanisation des terres et la concurrence des vins du Sud ont eu raison des quelque 40.000 hectares de vignes franciliennes. Les viticulteurs ont donc vendu leurs parcelles et le paysage rural en a été transformé.
 
PRECIEUSE IGP
Depuis vingt ans, quelques passionnés, dont Patrice Bersac, tentent de restaurer ce vignoble, parcelle par parcelle. Objectif « modeste » du syndicat qui fédère actuellement une soixantaine de vignerons: reconquérir 1.000 hectares à l’horizon 2030.
Ainsi, en mai 2020, les vins d’Ile-de-France obtiennent l’indication géographique protégée (IGP) – anciennement « vins de pays » auprès de l’institut national des appellations d’origine (INAO). Cette reconnaissance garantit « la qualité », « l’origine », « les pratiques » mais aussi « une présence et une notoriété fortes » à l’échelle européenne, se réjouit Louis-Victor Charvet, expert du guide des vins Bettane+Desseauve.
Elle permet également aux vignerons de vendre leur production à un meilleur prix, note Antoine De Clermont-Tonnerre. Une stratégie judicieuse alors que les coûts de production augmentent, constate ce conseiller viticole. Sur un marché fortement concurrentiel, « la France doit faire le choix de la production qualitative », argue-t-il. Les vignerons espèrent que l’attrait des consommateurs franciliens pour une IGP locale leur permettra de juguler le recul global de la consommation de vin, divisée par deux en 50 ans à l’échelle nationale, explique M. Charvet qui souligne le « très bon rapport qualité-prix de l’IGP ».
Encore discret, le vignoble francilien « a vocation à doubler ou tripler rapidement », estime l’expert. Encadré par des labels, il peut même « redevenir un vignoble de premier plan ». Car si les terres franciliennes ne produisent pas des vins « d’une grande complexité », elles donnent naissance à des « vins de qualité et supérieurs », rassure Louis-Victor Charvet. 
Un ensoleillement plus important et des températures plus élevées: le réchauffement climatique profite aux vignerons franciliens qui parviennent à une meilleure maturité du raisin et des vins plus sucrés, explique l’expert. Les aléas (gel, précipitations, etc.) qui en découlent sont rapidement évacués par Antoine De Clermont-Tonnerre: « C’est le métier du vigneron de s’adapter ». Grâce à ce climat « exceptionnel », Jean-Michel Bourgoin n’a fait subir aucun traitement chimique à ses six cépages, mais « ce ne sera pas toujours le cas », prévient Patrice Bersac.
Au pressoir, entourés de cuves sur lesquelles sont inscrits « Gamay », « Pinot noir », « Chardo », Patrice, Antoine et Jean-Michel dégustent le jus un peu laiteux des grappes fraîchement pressées. Après « 750 heures par an passées dans la vigne », les trois hommes ressentent « de la joie, de la fierté », avant la première bouteille de vin nouveau en octobre.
AFP