C’est un épisode d’orage et de grêle supplémentaire. Un de plus. Il y en a quasiment tous les 10 jours ces derniers temps. Moulis, Listrac ont pas mal été touchés dans le Médoc. Cédric Coubris gérant du château la Mouline revient ce matin pour Côté Châteaux sur ce nouvel aléa climatique qui a touché de plein fouet la propriété qu’il manage avec son frère.
Jean-Pierre Stahl: « Bonjour Cédric Coubris, comment allez-vous ce matin ? »
Cédric Coubris : « Fatigué moralement ! Avec déjà les aléas économiques que l’on connaît : les taxes Trump, la chute des exportations vers la Chine, le Brexit, le Covid… Là, cela a mis en l’air les seuls et derniers sentiments de liberté qu’on ressentait dans le travail de la vigne. Là on te coupe les deux pattes… Moralement, c’est très difficile. On disait que 2020 c’était l’année du vin…oui, mais quelle année ! »
JPS : « Comment avez-vous vécu lundi ce nouvel épisode de grêle ? »
Cédric Coubris : « Je n’habite pas sur place, alors je ne me suis pas inquiété outre mesure, j’ai vu que ça montait et beaucoup de pluie… En tant que président des vignerons indépendants de Gironde, je m’inquiétais surtout pour les autres. La grêle n’est tombé quasiment nul part, sauf chez moi, le coeur du noyau. En fait, cela a tout de même touché plusieurs propriétés sur Moulis et sur Listrac ».
Certains ont pris beaucoup d’eau, moi j’ai pris des cailloux, j’ai des grappes marrons au bout de 24 heures et ça c’est perdu… » Cédric Coubris château la Mouline
Après les techniciens sont arrivés assez rapidement, ils ont mis un cicatrisant, un anti-mildiou et un anti-botrytis, car avec la semaine qui arrive, on nous annonce encore des orages et beaucoup de pluie, on fait le maximum pour sauver ce qu’il y a à sauver.
Les épisodes de grêle, c’est tous les 10 jours, et dans des parties différentes du bordelais, cette année cela va être une année compliquée.
JPS : « Surtout que vous avez déjà vécu d’autres épisodes climatiques, ces derniers temps ? »
Cédric Coubris : « En 2017, j’ai perdu 80% de la récolte à cause du gel. En 2018, on est passé à travers le mildiou. En 2019, on a perdu 3 hectares à cause du gel à nouveau, 150 hectolitres, cela fait 15% sur la propriété.
« Pour 2020, j’annonçais hier 90% de pertes mais j’espère n’être qu’à 60 à 70%, ce qui est déjà énorme. Après, la pression mildiou est bien là, cela risque de lessiver tout cela, et on n’est qu’en début de saison, il y a encore 3 à 4 mois à souffrir… »
JPS : « J’imagine que vous étiez assuré ? »
Cédric Coubris : « Oui, depuis les aléas de 2017. J’avais été assuré pendant plus de 20 ans mais en 2008 j’ai pris la grêle, je payais 18 000 € d’assurance, il faut les sortir, mais cela n’a servi à quasiment rien; alors depuis j’ai pris le minimum entre 4000 et 5000 € mais je vais toucher 3 miettes…C’est un choix financier qui ne me permet pas de faire autrement. »
JPS : « Malgré tout, malgré ce nouvel épisode, vous aviez quelques lueurs d’espoirs de reprise ? »
Cédric Coubris : « Forcément, quand on voit que les restaurants et les caves peuvent de nouveau accueillir du public. Même si durant le confinement les cavistes ou les propriétés pouvaient recevoir du monde, personne n’y allait vraiment, là on a de nouveau un sentiment de liberté. Les gens reviennent dans les commerces. Pour pouvoir vendre du vin, c’est une bonne chose. »
« Sur internet j’ai triplé mes ventes en ligne et depuis le confinement, les 500 adhérents des vignerons indépendants sur le site des VI ont multiplié par 4 leurs ventes. Le déconfinement se passe bien, il y a une lueur d’espoir de se dire on redémarre et on va pouvoir débloquer les choses. »
Concernant la campagne des primeurs, on voit les maisons de négoce intéressées qui nous demandent de leur envoyer des échantillons. Donc oui, il y a un espoir.
« Si d’ici la fin de l’année on trouve un vaccin, il y aura à nouveau une confiance et une activité économique qui va repartir, avec une croissance dans 6 mois. Avec le covid, nous avons appris à vivre au jour le jour. Il faut espérer qu’il ne nous arrive pas d’incident sur notre parcours, car cela nous fragiliserait davantage ».
« Pour mon cas, cela risque d’être difficile en 2021 et 2022, si je n’ai pas de 2020 à vendre. Il va falloir que je vois si je peux prendre chez des voisins des vignes en fermage. Je pourrai peut-être aussi acheter de la vendange, mais pour commercialiser en vin de table ou en Médoc ou Haut-Médoc. Ma priorité pour le moment est de sauver mes vignes… »
Bon courage en tout cas à Cédric Coubris et aux autres vignerons qui ont aussi été victime de ce dernier épisode de grêle.