Alors que c’est aujourd’hui un coup d’envoi des vendanges en rouges un peu partout dans le bordelais, Nancy Bignon-Cordier et son époux Jean-Paul Bignon célèbrent les 100 ans des vendanges à château Talbot. C’est l’arrière grand-père, Désiré Cordier, viticulteur originaire de Toul en Lorraine, qui avait acheté le domaine en 1918, après avoir acquis 3 autres châteaux du bordelais.
C’est un moment historique et d’émotion pour Nancy Bignon-Cordier car c’est aujourd’hui le coup d’envoi des 100e vendanges de sa famille au château Talbot, 4e cru classé 1855, à Saint-Julien-Beychevelle.
Son arrière-grand-père Désiré-Nicolas Cordier, que la famille appelait « papa Dé », était venu de Lorraine, de Toul très exactement où il était viticulteur et producteur de gris de Toul, juste avant la 1ère guerre mondiale. Il avait installé sa famille en Gironde, sans doute par crainte d’une nouvelle guerre, après la triste guerre de 1870-71 qui avait marqué de nombreux Lorrains.
Un centenaire qui procure « beaucoup de fierté, et une grand joie et on espère continuer encore et encore », me précise Nancy Bignon-Cordier, la propriétaire de château Talbot, château qui doit son nom au célèbre Anglais John Talbot, qui malheureusement pour lui a été vaincu lors de la bataille de Castillon en 1453.
« En arrivant, je pense qu’il connaissait cette région, car en tant que viticulteur en Lorraine, il avait du se promener un peu partout en France, il est devenu amoureux de la région et c’est comme cela qu’il acquis plusieurs propriétés », continue Nancy Bignon-Cordier.
Avant château Talbot, Désiré Cordier avait acheté 3 châteaux dont Lafaurie-Peyraguey (1er cru classé de Sauternes), Fanning Lafontaine dans les Graves et Gruaud-Larose (2e cru classé). Il avait un savoir faire qu’il a su transmettre.
« On recherche un certain équilibre, avec certes des tanins, mais beaucoup d’acidité », m’explique Jean-Michel Laporte directeur à la table de tri. « On recherche l’équilibre et la longueur en bouche, plutôt que la puissance. C’est un vin un peu d’esthète, un peu d’amateur éclairé, et Talbot traverse les siècles, c’est vraiment cela, cette idée de la famille, d’un terroir que je veux aujourd’hui préserver avec Mr et Mme Bignon »
Désiré Cordier s’était aussi aperçu d’une longévité exceptionnelle des habitants du Médoc qui dépassaient allègrement les 80 ans, à tel point qu’il avait fait venir ici Albert Lebrun en 1934…
« C’est pour cela qu’il avait fait venir le président de la République de l’époque, pour justement fêter la longévité des gens du Médoc », commente Nancy. Et Jean Paul Bignon de compléter : « il avait, avant tout le monde, inventé le « french paradox », c’est à dire : boire du vin avec modération avait plutôt tendance à faire que les gens vieillissaient mieux et plus longtemps et il l’avait constaté dans le Médoc. »
Cordier, un grand nom qu’il a laissé aussi à une célèbre maison de négoce bordelaise. Une histoire qui se perpétue aujourd’hui.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Pascal Lécuyer et Charles Rabréaud :