09 Sep

Dans le Bordelais, des vendanges prometteuses dans un marché difficile

Dans l’Entre-deux-mers, grande appellation de vin blanc dans le Bordelais, les premiers coups de sécateur s’annoncent prometteurs: « la récolte est hétérogène, jolie et saine, avec du volume dans les parcelles » sans incident climatique, résume Thomas Solans.

Philippe Hébrard de la cave de Rauzan © Quentin Monaton

Ce jeune viticulteur empile des cagettes en plastique remplies de belles grappes de raisins blancs pour faire du crémant, alors que les saisonniers passent d’un pied de vigne à l’autre. Administrateur à la coopérative des Caves de Rauzan (Gironde), il s’inquiète davantage pour la récolte des rouges, prévue à partir 20 septembre dans un contexte économique tendu.

La sécheresse a permis d’obtenir des petits grains concentrés, gages de qualité, tout en éloignant les maladies. Mais elle a également, avec le gel et la grêle qui a touché 5% du vignoble bordelais, fait revoir à la baisse les prévisions de rendements.

Selon le directeur technique Jean-Marie Maurer qui attaque ses 42e vendanges au sein des Caves de Rauzan, « pour les blancs, c’est une bonne année mais pas exceptionnelle, c’est hétérogène. On a eu trop de chaleur, ce qui brûle pas mal les arômes ».

« Le rosé, à partir de cabernet franc, est très prometteur. Quant au rouge, c’est une bonne année mais les rendements vont baisser de 10 à 15% », à cause du froid et de la pluie, note cet oenologue. Pour les rouges, la météo des 15 prochains jours sera décisive, affirment les vignerons.

Selon le CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux), cette récolte 2019 qui s’annonce dans la moyenne décennale à environ 5 millions d’hectolitres, s’inscrit dans un contexte économique difficile. Pour preuve, dit-on à Rauzan qui compte 340 vignerons sur 3.750 hectares, l’arrivée de nouveaux adhérents à sa coopérative, attirés par la sécurité financière qu’elle apporte.

La récolte de 2017, amputée de 40% à cause du gel, a entraîné des pertes de marchés surtout pour les entrées de gamme. Face à la faiblesse de l’offre, les prix ont augmenté puis baissé avec la récolte correcte de l’année dernière et la chute de la demande. Pour les vins en vrac, un tiers des volumes se vend ces dernières semaines en dessous de 1.000 euros le tonneau contre 1.300 à la même époque l’année dernière.

L’interprofession pointe également des causes structurelles : des consommateurs davantage attirés par les blancs secs, rosés et crémants alors que Bordeaux produit à 90% du rouge, le poids de la grande distribution en déclin ou encore la baisse des exportations en Chine, son premier marché.

Aujourd’hui, des viticulteurs et négociants se retrouvent acculés financièrement. « Le marché est hypertendu », selon l’avocat spécialisé Olivier Bourru. « Il y a beaucoup de négociants qui ont du mal actuellement car ils sont en surstock en raison de moindres débouchés à l’export. Les négociants essayent de renégocier leurs dettes préventivement. Le phénomène est en augmentation depuis deux, trois mois », constate-t-il.

Dans la région bordelaise, les exportations ont chuté de 13% en un an, mais augmenté de 4% en valeur, avec une amélioration ces trois derniers mois (-7% en volume, +8% en valeur).

Certains viticulteurs et négociants ont des stocks équivalent à l’année dernière tandis que d’autres ne savent pas où stocker la nouvelle récolte. « C’est catastrophique, il ne se vend rien. C’est une crise très grave », s’alarme
Jean-Michel Letourneau, directeur de l’Union des coopératives vinicoles d’Aquitaine (UCVA) à Coutras, un des plus importants lieux de stockage de vin en Gironde pour les négociants et viticulteurs.

L’UVCA refuse de nombreuses demandes de stockage. « Je crains qu’il y ait des raisins qui restent sur les vignes cette année: la qualité sera bonne mais beaucoup espèrent une petite récolte », résume-t-il.

Au contraire, le directeur des Caves de Rauzan, Philippe Hébrard, souhaite une récolte normale: « si elle est trop importante, cela déséquilibre le marché, si elle est trop petite, on perdra des débouchés faute de pouvoir répondre à la demande ».

Avec AFP.

Pesticides: le gouvernement ouvre une consultation publique, sur le modèle du « grand débat »

Le gouvernement lance ce lundi la consultation sur les distances minimales à respecter entre habitations et zones d’épandage de pesticides, anticipant sur son calendrier initial après des polémiques nées de tentatives de régulation locale.

Utilisation de pesticides dans les vignes du Médoc -Archives © Jean-Pierre Stahl

Cette consultation en ligne, d’une durée de trois semaines et ouverte à tous, porte sur les distances minimales à respecter entre habitations et zones d’épandage de produits phytosanitaires agricoles dans tous les départements où aucune charte locale n’aura été signée, a indiqué le ministère de l’Agriculture.

Le gouvernement a proposé samedi de fixer cette distance minimale à 5 mètres pour les cultures dites basses (céréales par exemple) et à 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les vignes ou l’arboriculture.

Il justifie cette décision par les préconisations scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) allant en ce sens.

La consultation « sur le modèle du grand débat », sera ouverte simultanément sur les sites du ministère de la Santé, de la Transition écologique et solidaire, et celui de l’Agriculture et de l’alimentation, a précisé un porte-parole du ministère de l’Agriculture lundi matin.

Elle durera jusqu’à fin septembre, et ses résultats seront analysés et dépouillés pendant deux mois afin d’élaborer un décret qui doit entrer en application le 1er janvier 2020, dans les zones où aucune charte départementale n’aura été signée, a précisé le ministère.

Elle devait initialement démarrer le 1er octobre, mais elle a été avancée et annoncée le week-end dernier, sous l’effet des polémiques créées par un arrêté municipal très médiatisé pris par le maire de Langouet (Ille-et-Vilaine) Daniel Cueff, suivi d’autres élus locaux. Son arrêté interdisait l’utilisation de produits phyto-pharmaceutiques à moins de 150 mètres d’habitations. Il a été suspendu par la justice administrative.

Parallèlement, d’autres consultations locales dans les préfectures se poursuivent pour l’élaboration de chartes départementales. « Le cousu-main de ces chartes prévaudra sur le décret » a prévenu le ministère. A ce jour, huit ont été signées.

« Nous croyons à l’intelligence locale: si une charte institue une zone de non traitement à 8 mètres ou au contraire à 50 mètres d’un bâtiment, c’est elle qui prévaudra sur le cadre national » a indiqué le ministère.

La FNSEA, principal syndicat de la profession agricole, a indiqué ce week-end qu’il privilégiait ces solutions locales pour encadrer les épandages de pesticides.

Le syndicat souhaite éviter autant que faire se peut un arrêté national. « L’objectif c’est de développer les chartes, le dialogue sur le terrain avec les maires et les associations de riverains, pour qu’on puisse trouver des solutions où tout
le monde s’y retrouve », a indiqué à l’AFP Christian Durlin, vice-président de la commission environnement.

La Coordination Rurale a en revanche exprimé ses doutes sur la création de telles chartes: « Qui va représenter la société civile dans les préfectures ? On ne le sait pas », a constaté Bernard Lannes, son président, lundi lors d’une conférence de presse. « Si on reste avec ce type de charte, tout le monde s’assoira dessus », a-t-il assuré
en rappelant l’échec, selon lui, de la charte que les agriculteurs avaient signé avec les industriels et la grande distribution à l’issue des Etats généraux de l’alimentation. « De trois à cinq mètres ce sont déjà des milliers d’hectares » enlevés à la production agricole, « mais 150 mètres, c’est non, car ça représente des millions d’hectares », a-t-il ajouté.

M. Lannes a également rappelé que l’Anses avait déjà déterminé pour chaque produit phytopharmaceutique homologué la zone de non traitement appropriée en fonction de la santé humaine.

De son côté, l’association Générations futures dénonce « les carences de cette évaluation » de l’Anses. « Ce n’est pas l’Agence qui est en cause mais la méthodologie à la fois obsolète et limitée imposée par le document guide de l’EFSA (Agence européenne) de 2014 pour l’évaluation des pesticides suivie par l’Agence« ,
assure-t-elle.

« Moi aussi, j’adorerais qu’on n’utilise plus aucun produit chimique » pour traiter les cultures, a dit la ministre de la Santé Agnès Buzyn dimanche, mettant néanmoins en garde, en tant que médecin, contre le risque de retour de « maladies disparues » sur des végétaux, et donc potentiellement dans l’alimentation, si aucun traitement n’était plus utilisé.

AFP.