Au château Grand Launay et Haut Lorettes, dans le nord de la Gironde, sécateurs et machines à vendanger tournent à plein régime pour les vendanges des rouges. Pierre Henri Cosyns a le sourire : « on va faire un super millésime, grâce à un été très chaud ».
Ce viticulteur bordelais produit à Teuillac un Bordeaux « moderne », fruité plus que boisé, soyeux, frais, prêt à boire en toute circonstance, loin des « vins bodybuildés »
qu’a connus Bordeaux sous l’ère du critique américain Robert Parker et dont le goût se perd. « Aujourd’hui, la plupart de mes marchés, en France, au Canada, en Finlande et jusqu’au Liban, veulent des degrés bas. Ils ne veulent pas de vins hyper alcoolisés », ajoute M. Cosyns qui assemble plusieurs cépages pour fabriquer ce vin « funky ».
« Aujourd’hui, on a une image d’un vin de Bordeaux inabordable, de grands investisseurs. Oui, il y en a mais pas seulement », renchérit son oenologue, Thomas Duclos. « On est en France une des régions qui a le plus évolué en terme technique et environnemental ces dix dernières années, et sur la gamme des 5-15 euros, Bordeaux est imbattable en qualité ». « Mais on n’a aucun message clair! » vis-à-vis du consommateur, dit-il, déplorant l’image « hypertraditionnelle » du Bordeaux.
C’EST TRES PROMETTEUR
Au chais, M. Duclos goûte rapidement les premiers raisins pressés : « C’est très prometteur, avec des similarités assez importantes avec 2018. Dans l’ensemble, on va vers des vins plutôt chaleureux avec de la fraîcheur aromatique, plutôt denses, tanniques », développe-t-il. « On a une belle maturité. Les pluies de ces derniers jours sont très intéressantes pour les cabernet sauvignon qui vont finir leur maturation », ajoute l’oenologue. « Le tort de Bordeaux en ce moment est d’enchaîner les bons millésimes! », s’amuse-t-il.
Dans le Bordelais, épargnés cet été par les maladies, les viticulteurs prennent le temps de vendanger pour obtenir une maturité parfaite.
UNE PRODUCTION ESTIMEE A 5,1 MILLIONS D’HECTOLITRES
Les pluies récentes ont permis de développer la pourriture noble, indispensable pour les liquoreux dont les vendanges devraient débuter la semaine prochaine à Sauternes. Elles pourraient également permettre d’augmenter les rendements. Sur l’ensemble du bordelais, l’interprofession s’attend à un rendement dans la moyenne décennale de 5,1 millions d’hectolitres.
La pluie permettrait aussi de diluer sucres et acides, très concentrés dans les baies cette année et source de degrés alcooliques élevés, comme pour les blancs dont les vendanges s’achèvent avec des rendements moyens voire faibles.
Pierre Henri Cosyns, un ancien ingénieur, s’est lancé dans le bio en 2012, le sans soufre l’année suivante. Cette approche lui permet de vendre son vin, trop bien même puisque ces stocks sont bas après la grêle l’année dernière et le gel en 2017 qui a fait chuter la production de 40% dans la plus grande région viticole française.
UN ETAT DES LIEUX HETEROGENE
A l’opposé, d’autres viticulteurs ne savent pas où mettre la nouvelle récolte, leurs chais sont encore pleins tant les ventes de Bordeaux sont en berne avec des cours extrêmement bas pour le vrac. L’image d’un vin « bourgeois », qui décourage certains consommateurs, mais aussi la désaffection de la Chine qui se tourne vers l’Australie et le Chili, des pays avec qui elle a passé des accords douaniers : le vigneron dresse un « état des lieux gravissime ». « Ceux qui s’en sortent, ce sont les grands crus et les petits propriétaires innovants », résume le vigneron.
AFP