La question est primordiale. De nombreux vignerons se la posent depuis des années. Par empirisme, théories et technologies, la qualité s’est améliorée ces dernières années. Et ce n’est pas le fait du hasard. Eclairage avec Jean-Philippe Janoueix à Pomerol et Virginie Aubrion en Bordeaux – Bordeaux Supérieur. Explications dans la rubrique « Vigne et Vin ».
Autrefois il y avait le ban des vendanges… Il avait tout simplement pour but de faciliter et de contrôler le partage de la récolte. Une date étant rigoureusement fixée pour le début des vendanges, ce qui n’a plus cours aujourd’hui. Et fort heureusement d’ailleurs, car les vignerons ont pris conscience qu’il fallait être au chevet de la vigne et de fixer parcelle par parcelle le coup d’envoi des sécateurs en vue d’une meilleure maturité (phénollique) comme nous l’explique Jean-Philippe Janoueix (4e génération dans le vin, une famille issue de Corrèze) à la tête des châteaux Haut-Sarpe (depuis 1929), La Croix et la Croix Saint-Georges à Pomerol.
Il y a plusieurs critères pour démarrer une vendange, bien sûr c’est la maturité phénolique, ce qu’on appelle la maturité aromatique, c’est le moment où les raisins sont à leur paroxysme d’expression, » Jean-Philippe Janoueix du château la Croix Saint-Georges.
Et d’ajouter : « il y a plusieurs petits éléments (comme signe de cette maturité) : la couleur de la peau des raisins et sa capacité à libérer de la couleur, il y a le pépin lui-même s’il est bien mûr ou pas. On peut aussi regarder le pinceau, la petite partie qui tient la baie quand je l’enlève est-ce que le pinceau est déjà coloré ou pas. Et puis il y a la couleur de la rafle, ce que l’on appelle l’aoûtement, lorsque la rafle commence à devenir brune, on voit que l’on approche de la maturité parfaite. » C’est ce même principe que l’on retrouve sur les fruits noirs et fruits rouges, quand le fruit est à son apogée mais quand il devient très fragile aussi.
Dès lors il faut avoir cette capacité à être prêt à ramasser la parcelle en un labs de temps très court. « Ici, à Pomerol, c’est un terroir chaud avec beaucoup de cailloux, très graveleux sur ce plateau, et en plus c’est combiné avec le cépage le plus précoce de Bordeaux qu’ est le merlot. C’est pour cela qu’en merlot, en raisin rouge, c’est souvent à Pomerol qu’on vendange en premier ».
Un raisin doit être respecté lors de la réception de vendange et jusqu’au cuvier de tel manière qu’il ne s’oxyde pas, « c’est pour cela qu’on aime bien vendanger le matin quand les températures sont très fraîches. Si les raisins arrivent entiers jusqu’à la table de tri ils n’ont pas le temps de s’oxyder et donc on préserve le fruit au maximum » précise encore Jean-Philippe Janoueix.
Et à chaque benne qui rentre dans la cour du château, les mêmes dégustations de baies : « c’est bien sûr pour goûter et vérifier que tout est bien homogène, (…) cela permet de faire des vins typiques du plateau de Pomerol : à la Croix St Georges, ce sont des vins charnus, très amples et un milieu de bouche toujours très onctueux. »
Ensuite après éraflage, les baies tombent sur une table de tri vibrante pour ôter les imperfections… Puis les baies entières vont tomber dans le fouloir où ces 2 rouleaux ne se touchent pas : « l’objectif est d’éclater légèrement la baie, ne surtout pas l’écraser pour ne pas toucher l’intégrité du pépin. C’est juste d’ouvrir légèrement la baie de façon à ce que les jus se libèrent facilement et que les levures puissent manger facilement les sucres ».
Une fois la vendange amenée à la cuve par un système de pompe, vont se dérouler les fermentations alcooliques, entre 6 et 9 jours. « La fermentation alcoolique va démarrer autour de 18-19 °, deux phénomènes lors de la fermentation alcoolique, un dégagement de gaz carbonique qui va faire remonter en haut de la cuve toutes les matières solides peaux et pépins, le jus sera dessous, et chaque fois qu’on transforme un degré d’alcool on gagne 1 degré de température. Donc si on démarre la fermentation autour de 18°C, on a un potentiel de degré d’alcool de 13°, 18+13=31, si on ne ralentit pas le pic de fermentation pourra monter autour de 30-31°C et la température joue un rôle sur l’extraction. Donc les remontages que l’on fait au début ne sont pas les mêmes que ceux à la fin, assez intense au début pour avoir une action d’extraction mécanique des tanins et de la couleur et plus doux après car le milieu est de plus en plus extractible ».
Le résultat, on le retrouve ensuite dans le chai à barriques où les vins sont élevés durant plus de 12 mois :
Là on goûte un 2016, de la Croix St Georges, qui est un grand millésime : grande qualité et immense générosité, une magnifique récolte.
« Avec des conditions idylliques, un printemps pluvieux, et à partir de la floraison, un temps très sec, jusqu’à la fin de vendanges, ça a permis d’avoir suffisamment de réserve en eau dans les sols pour faire face à un été très sec, très ensoleillé ce qui a donné des peaux très épaisses et des baies toutes petites et donc de faire des vins très riches, très denses, très concentrés avec vraiment ce qu’on aime à Pomerol, cette richesse en milieu de bouche qui donne des vins très amples avec un velouté si spécifique, cette touche de tanins qu’on a uniquement sur le plateau de Pomerol ».
Autre approche dans une appellation plus modeste que celle de Pomerol, en Bordeaux-Bordeaux Supérieur.
Virginie Aubrion a cette chance de porter un grand nom, sans le h. Pour autant, elle s’est faite toute seule depuis 1998 du côté d’Aubié-et-Espessas, non loin de Saint-André-de-Cubzac. En 2009, elle a fait passé ses 11 hectares en bio et biodynamie avec une leitmotiv :
Faire du bon, du sain, à prix abordable », Virginie Aubrion du château Piotte
Elle produit des vins dans toutes les gammes en blanc, rosé, clairet, rouge, en crémant rosé et blanc, avec 20% de cépages blancs et 80% de rouges. Sa production, ce sont 500 hectolitres à l’année, avec une originalité des vins vinifiés en jarres d’Italie.
A ses côtés, Olivier Dauga l’empêcheur de tourner en rond, et célèbre « Faiseur de Vin » et de vignerons…
Virginie, comme on l’a vu la semaine dernière, on est prêt à mettre en bouteilles », avance Olivier Dauga le Faiseur de Vin. «
On a une couleur assez intense, un cabernet franc, on a un joli fruit qui est un petit peu sur des baies rouges et en bouche on a une très très belle fraîcheur avec beaucoup d’onctuosité » Olivier Dauga.
« Des tanins qui restent, » ajoute Virginie. « Oui mais les tanins sont soyeux », répond Olivier. « Cette jarre là il faut qu’on puisse la mettre en bouteilles Théodore, on va faire une analyse, il y aura très très peu de sulfites ou de SO2 dedans, juste pour éviter les évolutions et on va rester le plus proche du fruit et essayer de retrouver le goût qu’on avait dans la vigne. »
« Ce qui me plaît dans cette méthode, c’est de retrouver le vrai goût du fruit. En fait, il faut s’imaginer qu’on se balade dans les rangs de vigne, on se balade, on prend une grappe de raisin et on la croque et on a vraiment ce goût de fruit à l’intérieur de la bouche », commente Virginie Aubrion.
L’intérêt, c’est qu’on a une micro-oxygénation naturelle car les pores de la jarre sont assez écartés, ce qui fait que l’air passe et le vin se vinifie en gardant tout son fruit, mais il y a cette micro-oxygènation, exhausteur de goût, » Virginie Aubrion château Piote.
« Après on trouve différents types de jarres celles cuites à 1000° avec des pores plus larges et celles à 1500° pour les vins blancs où les pores sont un peu plus resserrés, et il y a moins d’oxygènation ». Virginie Aubrion a obtenu d’ailleurs une superbe note pour son sauvignon blanc de 2016, noté 91 par le Wine Advocate, une consécration pour ce travail bien fait.
Regardez le dossier réalisé par Jean-Pierre Stahl, Pascal Lécuyer, Boris Chague et Emmanuel Cremese suivi de la Chronique de Frédéric Lot: