Ce sont des anonymes, mais ils ne manquent pas de personnalité. Ce sont les petites mains du vignoble qui remplissent les grandes hottes ou les cagettes du bordelais. Sans eux, les châteaux ne seraient pas ce qu’ils sont. Radioscopie de ces vendangeurs au grand coeur. Qui sont-ils, Côté Châteaux vous les dévoile en primeur.
D’emblée, tous montrent qu’ils ont la patate à l’instar de Gilbert 88 ans et toujours bon pied bon oeil dans les rangs de vigne : « comme dit mon ami Macron, on n’est pas tous des fainéants… »
« Je fais les vendanges parce que j’en ai besoin, j’ai une petite retraite agricole, avec à tout cassé 800 € ça fait un peu juste, donc il faut faire un petit peu avec des à côtés. Et puis il y a les petits enfants à aider aussi. Tant qu’on est en bonne santé, on continue ». Des vendanges que Gilbert réalise depuis 18 ans durant tout le mois de septembre « et même plus s’il y en a. Et on recommencera cet hiver pour tirer les bois. Encore un petit peu, encore deux ans. » Gilbert affiche 88 ans au compteur ! « Et j’espère aller jusqu’à 90 dans les vignes… »
Au château Mangot, ici à Saint-Emilion, la troupe de coupeurs et porteurs est employée par la plus grosse société de services, en fonction de la demande du château. On y trouve aussi Sandrine, 44 ans, de Sainte-Foy-la-Grande, inscrite au pôle emploi : « moi, cela va faire 10 ans que je les fait les vendanges. C’est agréable et il y a une bonne ambiance, et puis par besoin aussi. Pour l’instant c’est une activité principale. On peut arriver à travailler 15 jours ou 3-4 mois, cela dépend ». (avec les travaux en vert et la période de taille de la vigne).
Parmi les plus jeunes, trois amies Angélique, Jennifer et Morgane, 26, 27 et 21 ans se disent satisfaites de cette période qui marque aussi le début de l’automne : « ça se passe bien il y a une bonne équipe. C’est génial les vendanges » confie Angélique pépiniériste également, alors que ses deux collègues travaillent toute l’année dans la vigne : « dès qu’il y a du travail, ils nous rappellent et puis après cela continue tout le temps », précise Jennifer.
En Bordeaux et Bordeaux Supérieur, au château Piotte ce sont aujourd’hui des vendanges un peu spéciales car la propriétaire Virginie Aubrion ne comptait pas forcément vendanger car ses vignes ont gelé à presque 100% en avril dernier : « exactement, on n’avait pas prévu de faire de vendange cette année, mais on a quand même nos jarres à développer et on aimerait quand même faire une cuvée rescapée… », explique Théodore Aubrion.
Dans la mesure où certains pieds ont moins souffert que d’autres ou qu’il y a eu une petite repousse, la famille Aubrion s’est dit qu’il fallait remplir ses jarres pour ses macérations intégrales. Son fils Théodore a alors fait jouer ses contacts et de nombreux étudiants ont répondu à l’appel comme Albane 21 ans, appelée la veille : « je viens juste pour la journée, aider avec des amis, au milieu des mes études j’avais un peu de temps. J’avais déjà fait d’autres travaux saisonniers, mais là c’est la première fois que je fais des vendanges. »
Sébastien, 24 ans, est assez décontenancé par le spectacle de désolation : « c’est assez catastrophique, ça fait 5 ans que je viens ici et c’est la première année que je vois aussi peu de raisins, mais quand même il y a ce petit air de vendanges, de copains et la famille Aubrion qui est là. Et ça fait toujours plaisir de récolter avec la bonne humeur et de boire le vin récolté précédemment ».
Et puis il y a le poète, Joseph 25 ans, en études de commerce vin et spiritueux : « c’est la 1ère fois de ma vie que je fais les vendanges, et ça se passe très bien. Pour moi c’est important de les faire, d’être au coeur du métier, vu que cela fait partie de mes études. Cela fait partie d’un cycle, de faire cette poésie qui jaillira comme une rare fleur, en le vendangeant on fait partie de ce cycle et en le buvant ça jaillira vers Dieu. C’est le don de la nature, le don de Dieu et le travail des hommes. »
Au château Haut-Bacalan, en Pessac-Léognan, ce sont 35 vendangeurs qui sont venus pour ces vendanges parcellaires. Depuis 6 ans ce château fonctionne avec une société de prestations des services de Libourne Vinum Vinea services dirigée par Laurent Placier. La troupe compte moitié de gens de la région et moitié de Bulgares installés depuis plusieurs années à Bordeaux, ce ne sont pas des travailleurs détachés, ils sont payés normalement au smic, comme Victor : « c’est bien, impeccable, rapide et efficace ».
Pour Charles-Henri Gonet propriétaire du château Haut-Bacalan, ces vendanges ont un goût particulier : « cette année on n’est trop contrarié, si on a 20% d’une vendange normale on sera content. Les merlots ont été gelé, les cabernets un peu pareil, ce qui fait que ce n’est pas trop compliqué sur cette vendange-là, autant l’année précédente on avait cherché à recruter davantage de monde, là c’est vrai qu’une petite équipe suffit et j’ai un prestataire qui gère l’ensemble des dossiers d’emplois, c’est beaucoup plus simple, sinon il me faudrait du personnel supplémentaire dans les bureaux, donc je préfère passer par un prestataire qui gère cela en direct et a cela dans sa structure. »
Cette année, le vignoble de Bordeaux aura donné un peu plus de travail dans la vigne fin mai et en juin pour les travaux en vert et suite au gel. En revanche, les récoltes auront été moins longues à l’instar de Haut-Bacalan qui traditionnellement vendange ses merlots en 2 semaines, là une petite semaine aura suffit.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Pascal Lécuyer, Rémi Grillot et Christian Arliguié :