20 Mar

Petit vin ou grand vin : le prix fait-il la qualité ? Pas forcément.

Un petit vin « de bonne facture » peut damer le pion à un grand vin à la » facture salée ». Les dégustations à l’aveugle en apportent chaque année des exemples. Peut-on trouver de petites pépites à moindre coût, qu’y a-t-il vraiment dans une bouteille de grand cru classé ? C’est le dossier, ce mois-ci, de « vigne et vin ».

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Dominique Raimond, château Montfollet, et Jean Lissague, Grand Secret et Petit Secret © Jean-Pierre Stahl

Et oui, même si ça choque certains, partis dans la stratosphère spéculative et le diktat du marché international, il existe encore en France et dans le Bordelais des petits vins bien travaillés, des petites  perles ou de grosses pépites (qu’il faut savoir malgré tout dénicher) à moindre coût. Des vins qui tiennent la route à moins de 10 euros, il y en a et même pas mal. Fort heureusement pour le portefeuille du consommateur et amateur de vin français !

Ainsi, à Blaye dans les Côtes de Bordeaux. Nous avons pris l’exemple de ces 15 petits vignerons qui se sont associés sous l’emblème des « vignerons solidaires ». Ils réalisent des vins gourmands, sur le fruit, bien travaillés, équilibrés avec une bonne longueur en bouche. Jean Lissague, qui a été directeur des Côtes de Blaye durant 8 ans, est ainsi fier de nous présenter son « petit secret », c’est le nom de son petit et second vin: un 2009 issu de ce terroir argilo-calcaire, un vin gourmand, avec de la rondeur et du fruit à moins de 6 euros ! (par ailleurs, il travaille également un « Grand Secret » (c’est le nom de son château) qui selon lui rivalise avec les grands crus classés (18 mois d’élevage, 100 % en barriques de un an).

Son ami, Dominique Raimond n’est pas en reste…Propriétaire de château Montfollet et de 100 ha de vigne à Cars, Bersan et Plassac, il produit un joli petit vin « le Valentin » dont le millésime 2010 a raflé de nombreux coups de coeur sur le guide Hachette, ou encore dans le guide de Jacques Dupont, journaliste au Point. Cela fait 30 ans qu’il travaille avec la grande distribution, l’an dernier il était référencé partout et notamment chez Carrefour pour la foire aux vins d’automne. (à moins de 8 euros, 70 % merlot et 30 % malbec). « le malbec est très adapté à Blaye pour amener une ossature, en plus du côté exotique, épicé », nous dit-il, ce d’autant qu’il réalise un 100 % malbec qui mérite le déplacement…

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Jacques Dupont, journaliste du Point © JPS

Pour Jacques Dupont, en pleine séquence de dégustation des côtes de Bordeaux, il confirme: « On n’a pas 100 fois plus de plaisir en goûtant un premier grand cru classé, qu’en goûtant un côte de Bourg ou un Bordeaux Supérieur. On a des plaisirs différents, mais cela ne s’échelonne pas comme cela. »

Aujourd’hui, c’est la demande internationale qui fait les prix, mais ce n’est pas le plaisir. Si c’était le plaisir, on le saurait, mais c’est pas le cas. Et on peut avoir beaucoup de plaisir avec des vins en dessous de 10 euros, et être très déçu par des vins qui sont au-dessus de 150 euros ! » selon Jacques Dupont du Point.

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David Suire, oenologue et Nicolas Thienpont, gérant de Pavie Macquin © Jean-Pierre Stahl

Sur le plateau de Saint-Emilion, le terroir argilo-calcaire compte ici aussi  pour beaucoup dans le goût de ces grandes écuries. Nicolas Thienpont dirige quatre prestigieux châteaux, trois premiers crus classés et un cru classé: Pavie Macquin, Larcis Ducasse, Beauséjour Duffau-Lagarosse et Berliquet. Nicolas Thienpont explique que c’est avant tout le terroir qui prime avec « des plateaux argileux assez forts », il y a une sélection parcellaire et sur pied pour l’élaboration du premier vin, puis une autre sélection au moment de l’assemblage des lots.

Ainsi il faut compter en moyenne payer 80 euros pour un château Pavie Macquin, 30 pour le second vin; Beauséjour Duffau Lagarosse s’était envolé en 2010 à 150 euros pour le 2010, car bien sûr les grandes années comme 2009 et davantage encore le 2010 ont trouvé de nombreux acheteurs qui étaient prêts à payer ce niveau de prix, en France mais aussi beaucoup à l’étranger, pour boire ces vins d’exception.

Regardez le dossier de Jean-Pierre Stahl et Olivier Prax, suivi de la chronique de Frédéric Lot.

 

22 Fév

Dis-moi, comment tu assembles ? Je te dirai à qui tu ressembles !

Depuis la mi-janvier, les châteaux réalisent leurs assemblages. Une particularité en bordelais contrairement aux vins de cépages du nouveau monde. Pour l’occasion, Philippe Raoux a permis justement à une winemaker du nouveau monde de s’exprimer au château d’Arsac.

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Philippe Raoux et Ntsiki Biyela dans le chai à barriques du château d’Arsac © Jean-Pierre Stahl

De bonnes vibrations au Château d’Arsac…Celles de chants zoulous, mais aussi celles dégagées par Ntsiki Biyela, première femme vigneronne d’Afrique du Sud !

Sacrée meilleure « winemaker » 2009 dans son pays, elle va désormais être en photo sur une cuvée spéciale des faiseurs de vins produite au Château d’Arsac. En photo ? Oui, car elle réalise cette année les assemblages pour cette cuvée comme ses illustres prédécesseurs connus dans le monde entier: Michel Rolland « le magicien » (dixit Philippe Raoux »)(qui conseille 250 propriétés dans le monde), Denis Dubourdieu « le professeur » de l’Institut Supérieur de la Vigne et du Vin, ou encore Stéphane Derenoncourt « l’autodidacte ».

Assemblage Philippe Raoux et N. Byela

L’heure du choix entre les différents échantillons de merlot et de cabernet sauvignon © JPS

Une idée qu’a eu Philippe Raoux, le propriétaire du château et de la Winery, de donner chaque année carte blanche à un winemaker pour suivre une parcelle de 10 hectares depuis la pousse de la vigne jusqu’aux vendanges, en passant par l’élevage en barriques et aux assemblages…30 000 bouteilles porteront son nom avec un millésime pas facile, le 2013 et un rendement très bas 22,5 hectos à l’hectare !

Ainsi après 3 mois d’élevage en fûts de chêne, les échantillons de merlot et de cabernet sauvignon des différentes parcelles et de différentes barriques sont goûtés par l’oenologue. Celui-ci opére des choix, quitte à mettre certains échantillons de côté, il réalise ensuite ses assemblages; cette fois, ce sera 50% merlot, 50% cabernet sauvignon…

On commence par goûter les échantillons un à un pour avoir une idée du pourcentage, pour savoir quel échantillon doit dominer davantage et lequel doit être un peu moins présent. (Ntsiki Biyela)

Ces assemblages sont une véritable alchimie. Toute l’année à Libourne, Oenoteam, à Libourne, est au chevet de la vigne et du vin. Trois oenologues apportent leurs conseils à 150 propriétés notamment lors de assemblages.

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Stéphane Toutoundji, oenologue, et Grégory Lovato, château Lajarre, au moment de l’assemblage de la cuvée Eléonore © Jean-Pierre Stahl

Grégory Lovato, propriétaire du château Lajarre, en Bordeaux Supérieur, vient faire déguster à Stéphane Toutoundji, oenologue, ses échantillons de 2012 qui ont déjà 12 mois d’élevage. Pour sa cuvée Eléonore, haut de gamme, il recherche un certain boisé, subtile qui permette encoer au fruit de s’exprimer.

Un travail ciselé, tout en finesse, où il faut savamment équilibrer les dosages car au final 1 500 hectolitres, 200 000 bouteilles sont en jeu.

Dis-moi comment tu assembles, je te dirai à qui tu ressembles ! Ou si tu es unique !

 

26 Jan

Le terroir…ou comment la terre donne cette typicité au vin

La vigne plonge ses racines dans un terroir particulier. Qu’il soit fait de graves, d’argile ou de calcaire, ce terroir donne un goût spécifique au vin. Une typicité qui se retrouve dans le verre.

La qualité des sols est primordiale dans le résultat aromatique d'un vin © JP Stahl / France 3 Aquitaine

La qualité des sols est primordiale dans le résultat aromatique © Jean-Pierre Stahl

Dans le Bordelais, plusieurs terroirs se font concurrence pour savoir lequel peut se prévaloir de l’antériorité de la culture de la vigne.

Les Graves de Bordeaux et les Pessac-Léognan remontent à plus de 2000 ans d’histoire, à l’époque romaine. Par la suite, au Moyen Age,  Aliénor, duchesse d’Aquitaine, étant devenue reine d’Angleterre, les échanges entre Bordeaux et Londres s’intensifièrent et contribuèrent à la grande expansion des vins de Bordeaux.

Pour Vincent Cruège, directeur des relations extérieures des vignobles André Lurton:  » c’est un terroir unique ! Ce sont des galets roulés amenés par la rivière il y a quelques dizaines de milliers d’années, on a la chance d’avoir grâce à ces cailloux d’excellents sols viticoles »

« Cette appellation est née à partir de 1904. Ils ont fait le syndicat des graves de Bordeaux à cette époque là et puis c’est tombé en désuétude », André Lurton, à 89 printemps, reste modeste mais c’est lui qui a relancé le processus qui s’est conclu par la création en 1987 de l’AOC Pessac-Léognan.

André Lurton à l’origine de la création de l’AOC Pessac-Léognan

Une appellation reconnue dans le monde entier pour la qualité homogène de ses vins. Michel Rolland, célèbre oenologue qui conseille 250 châteaux et domaines de la planète, aime à citer: « Vous avez des châteaux comme Haut-Brion, la Mission Haut-Brion, Smith , Malartic-Lagravière, Latour-Martillac qui sont des icônes de l’appellation. Je pense que Pessac-Léognan méritait cette distinction car c’est un terroir assez typique. »

Le terroir de Pécharmant, non loin de Bergerac, était exploité dès le XIIème siècle. Le château de Tiregand aurait pour origine un fils naturel d’Henri III d’Angleterre et aurait été exploité dès le XIIIème siècle par Edward Tyrgan.

Le vignoble du château de Tiregand  s’étend sur les coteaux de Pécharmant, des Galinoux à la Montalbanie. 
Son faible rendement (autour de 42 hl/ hectare) laisse d’autant mieux s’exprimer la qualité du terroir de Pécharmant, composé de sable, de graviers et d’une grave ferrugineuse en sous-sol (à environ 2m), ce qui lui donne cette typicité comme le souligne François-Xavier de Saint-Exupéry son propriétaire.

« On a dans ce type de sol qui repose sur le calcaire qui est secondaire, une couche d’argile de lessivage, et au dessus le sable et la grave déposés dans lesquels vont se développer les racines » précise François-Xavier de Saint-Exupéry. Et d’ajouter:  » Quand les racines de la vigne qu’on a planté il y a 12-15 ans touchent ce fond de sol, on a la vraie expression aromatique de Pécharmant ! »

Reportage de Jean-Pierre Stahl et Didier Bonnet suivi de l’analyse de Frédéric Lot, expert en vins.

10 Jan

Vin boisé ou vin fruité: de l’influence de la barrique et du chêne sur le vin…

Un savoir-faire bien français envié par le monde entier…Les tonnelleries de Gironde fournissent les barriques des propriétés du Bordelais et s’exportent de plus en plus. L’influence subtile du chêne français et l’art de chauffe sont recherchés pour obtenir des arômes bien précis sur le vin.

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Le travail de chauffe des barriques (photo JPS)

 Des barriques 100% « made in France » ! Du chêne sur pied à la barrique cerclée, chez Boutes depuis 1880 à Beychac-et-Caillau en Gironde, on réalise des barriques dites « bordelaises » de 225 litres (300 bouteilles) avec une minutie digne des maison de couture…

Les bois sont choisis et achetés sur pied dans le centre de la France et dans l’Allier plus précisément. L’entreprise cumule les activités de merrandier et de tonnelier.

Après une longue maturation de 24 à 36 mois dans l’Allier puis en Gironde, les planches de merrain sont transformées en douelles, ces lames vont êtres assemblées par les tonneliers girondins puis cerclées à coups de masse. « Il y a une véritable sélection , car sur 5m3 de chêne merrain, on ne va obtenir qu’1 m3 de douelles, soit entre 10 et 12 barriques », selon Julien Ségura le directeur commercial de Boutes.

L’opération de chauffe est ensuite la plus visuelle et des plus importantes. Dans une atmosphère digne de l’enfer, les tonneliers montent la température intérieure des barriques à 150°, 50° à l’extérieur, tout en aspergeant le tour pour éviter que le bois ne se fende ou casse.

Les défauts du bois sont repris manuellement, les fonds des barriques assemblés façon parquet sans aucune colle, à la rigueur une pâte à base de farine pour l’étanchéité. Les barriques sont d’ailleurs testées avec sous la pression de l’eau, avant d’être poncées et cerclée avec des aciers inoxydables, puis gravées au laser et emballées d’un film à bulles.

Depuis 2000 ans, le savoir faire de tonnelier s’est transmis de génération en génération. Aujourd’hui, on compte une centaine de tonnelleries en France, plus de 525 000 fûts ont été produits en 2012 pour un chiffre d’affaire d’environ 330 millions d’euros, selon la Fédération des Tonneliers de France.

Reportage de Jean-Pierre Stahl et Jean-Michel Litvine suivi de l’analyse de Frédéric Lot.

La tonnellerie Boutes et la tonnellerie Garonnaise, rachetée en 2008 (qui réalise de plus gros contenants, cuves et foudres au delà de 600 litres), exportent 80 à 85 % vers 42 pays du monde: les Etats-Unis, l’Australie, l’Argentine, l’Afrique du Sud;, la Chine mais aussi le Liban ou Israël.

Seuls les grands châteaux peuvent se permettre de renouveler assez souvent, tous les 2 ou 3 ans, leur parc de barriques. Au château Latour Martillac en AOC Pessac Léognan, Valérie Vialard oenologue et responsable des chais confirme: « sur nos 950 barriques, on en achète 300 chaque année en rouge et en blanc, c’est un renouvellement par tiers. »

« Une barrique neuve va donner de la douceur, des arômes d’épices, on peut noter des notes d’amendes grillées, des notes de fumé fines, mais tout celà à condition que le vin soit à la base très fruité, très stucturé… »

Quant à la standardisation et à la parkerisation, on semble revenir à l’expression du terroir et l’influence de la barrique et du chêne se veut plus subtile:

Loïc Kressmann, propriétaire de château Latour-Martillac confirme: « Il y a eu effectivement un effet standardisation sur ces 20 dernières années mais aujourd’hui, on revient à la typicité du terroir ».

Frédéric Lot @lotfred) (twitter)

 

Retrouvez les dossiers thématiques réalisés par Jean-Pierre Stahl un fois par mois sur France 3 Aquitaine le jeudi dans le 12-13 présenté par Sandrine Papin ou Marie-Pierre d’Abrigeon, suivi de l’analyse de Frédéric Lot, expert en vins.

07 Jan

Du code de l’étiquette…

L’étiquette ou pas…Il était de bon usage d’apposer l’image du château, d’utiliser le gothique et ces lettres de noblesse « mis en bouteille au château » en travers de la bouteille. Mais ça, c’était avant…Aujourd’hui, l’étiquette se modernise, utilise des impressions en relief d’or et d’argent ou des procédés holographiques. Parfois même, elle disparaît…c’est désormais la contre-étiquette qui porte la culotte. « Tout fout le camp, ma bonne dame ! »

© france 3 aquitaine

Image Jean-Michel Litvine, conception graphique « Exceptio »

 Au château de Pressac en AOC Saint-Emilion, on est fier d’avoir conservé l’image du château sur l’étiquette principale. Une étiquette traditionnelle mais toutefois revisitée. La couleur or et le tour de l’étiquette rappellent tous les grands crus classés du bordelais. Pressac, a été justement distingué cru classé de Saint-Emilion lors du dernier classement. L’étiquette a toutefois été remise au goût du jour, ce à quatre reprises, comme le souligne Jean-François Quenin:

« En Asie, aux Etats-Unis, des châteaux comme celui-là, ça n’existe pas ! C’est quelque chose qui est unique et qui est la signature de Bordeaux… Les lettres gothiques, c’est d’abord un symbole de Saint-Emilion, ville médiévale, et c’était la signature et le logo du château de Pressac, donc on a gardé la même écriture sur toutes les étiquettes » en ajoutant dans un premier temps des majuscules rouges pour le nom du château et bleues pour l’appellation.

Avant de revoir le dessin du château en contre-plongée en 2004 puis aujourd’hui de face depuis la cour intérieure qui a vécue de grands moments de l’histoire ( c’est à Pressac qu’a été signée la réddition des Anglais après la Bataille de Castillon en 1453).

Pour redonner un coup de jeune à toutes ces étiquettes, les soeurs Javel (Stéphanie, concepteur graphique, et Sophie, responsable du rédactionnel) redessinent, à Gradignan pour leur entreprise « Exceptio », les châteaux selon la gravure originelle.

Mais elles créent de nouvelles étiquettes bien plus alléchantes…

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et jean-Michel Litvine suivi de l’analyse de Frédéric Lot, exprt en vins.