02 Oct

Pique Caillou et ces promeneurs du bois du Burck, une entente cordiale qui invite à l’évasion

C’est une singularité du château de Pique-Caillou: un domaine unique à Bordeaux ouvert sur la ville et ses promeneurs. La proximité du bois du Burck invite ainsi à la balade. Entre bois et vigne, certains s’évadent avec ce charme bucolique, d’autres ont les papilles qui s’éveillent avec son nectar.

Marie-Claude habite juste à côté à Mérignac, elle effectue des balades, deux fois par semaine, seule ou avec un groupe de randonneurs: « C’est très agréable parce qu’il n’y pas de circulation de voitures et puis on passe du bois aux vignes, c’est très intéressant ».

D’autres font leur footing plusieurs fois par semaine, comme : « le coin est sympa, c’est très agréable de se balader le long des vignes »

Marc de Mérignac, stoppé net dans son élan: « moi, c’est entre midi et deux heures trois fois par semaine, parce que je bosse. Le bois du burck est très agréable. Avec le château, ça se passe bien, on est pas très loin des vignes, on a de bonnes relations en réalité. »

Isabelle Calvet avec son chien Fidji © JPS

Isabelle Calvet avec son chien Fidji © JPS

Isabelle Calvet,propriétaire avec son mari, aime à se balader avec son chien à l’intérieur du domaine: « quand nous sommes arrivés en l’an 2000, c’est vrai que tout le monde s’était approprié Pique-Caillou et tout le monde se promenait partout, maintenant ils ont compris que la propriété était  habitée, ils passent pour rejoindre le bois du Burck mais cela ne nous gêne pas. Nous sommes content d’avoir du passage: on voit les joggeurs, on entend les clics clacs de la marche nordique, ça fait de l’animation, l’hiver on voit même des lampes frontales. »

Amandine Morillon, maître de chai, et Paulin Calvet, le propriétaire de Pique Caillou © JPS

Amandine Morillon, maître de chai, et Paulin Calvet, le propriétaire de Pique Caillou © JPS

Et tandis que les bruits de joggeurs se fondent dans le bois, le joli bruit de bouchon résonne dans la salle dégustation : « blanc 2013, on va regoûter ce Pique Caillou pour voir comment il évolue… Pas trop boisé, je trouve le sauvignon qui ressort bien là, » commente Paulin Calvet en compagnie d’Amandine Morillon, la maître de chai..

V

Comme ces promeneurs, on peut jouer de cette métaphore et dire que Paulin Calvet a remis Pique Caillou en ordre de marche: « je pourrais dire que Pique Caillou était une belle endormie et ce que j’ai essayé tout simplement de faire c’est de la réveiller, pour obtenir les meilleurs vins possibles. »

Entre vignes, bois et vin, finalement tout le monde se retrouve dans cette évasion bucolique et gustative.

30 Sep

Pique Caillou, l’un des 6 derniers châteaux dans l’agglomération de Bordeaux

Château Pique Caillou compte parmi les 6 derniers châteaux viticoles en ville, à l’intérieur de la rocade de Bordeaux, avec Haut-Brion, la Mission Haut-Brion, les Carmes Haut-Brion, Pape-Clément et Luchey-Halde. Tous les autres ont tantôt été vendus ou tantôt rasés pour ne laisser place qu’à des habitations ou d’autres aménagements. Pique-Caillou, un domaine qui a su rester zen.

Pique Caillou construit au XVIIIe e étendu au XIXe siècle © JPS

Pique Caillou, comme bon nombre de domaines viticoles, a été rattrapé par la ville. Toutefois, ce château de Mérignac a résisté, face à la poussée immobilière et aux voies de circulation qui traversent la propriété. C’est l’un des derniers des Mohicans à l’heure du béton-roi.

« C’est vrai que la propriété, d’une certaine façon, a été un peu saucissonnée mais en même temps un peu mise en valeur, on voit la propriété, on voit le château, en plus de cela les parcelles qui ont été sur l’emprise de la route n’étaient pas des parcelles de grand niveau qualitatif donc la perte est assez minime de ce côté là. »Et Paulin Calvet de poursuivre: « quand nous sommes finalement parvenus à un accord, nous avons pu récupérer des terrains non constructibles qui avaient été gelés par la communauté urbaine de Bordeaux et nous ont été cédés à un prix intéressant. »

« Il y a 70 ans, vous aviez beaucoup de viticulteurs encore et des domaines, souvent de taille modeste, qui existaient sur toutes ces communes qui enserrent Bordeaux : Villenave d’Ornon,Talence, Pessac, Mérignac, montant sur Caudéran voire Bruges…tous ces vignobles à part 6 ont tous disparus sous le béton ».

Isabelle et Paulin Calvet habitent Pique Caillou depuis 2000 © JPS

Isabelle et Paulin Calvet habitent le château Pique Caillou depuis 2000 © JPS

Pique Caillou a été construit au XVIIIe siècle par l’architecte La Clotte, en 1756, c’était à l’origine une sorte de maison de campagne, qui vivait de polyculture. Cette propriété a été achetée en 1947 (grand millésime) par la famille Denis, le grand-père d’Isabelle Calvet. Mr Denis avait ouvert des comptoirs en Indochine, créant ainsi la bière « 33 Export » ou encore le riz « Taureau Ailé »:

Isabelle Calvet avec un livre sur son grand-père, qui acheta Pique Caillou en 1947 © JPS

Isabelle Calvet avec un livre sur son grand-père, qui acheta Pique Caillou en 1947 © JPS

« Ce qui a permis que les vignes restent en place et que rien ne soit vendu, c’est que les propriétaires de l’époque, le grand-père et le père de ma femme, aient la chance d’avoir d’autres activités industrielles et commerciales qui leur permettaient de pouvoir vivre sans avoir besoin des revenus de Pique Caillou.C’était des  propriétés  qui étaient quelquefois déficitaires, régulièrement déficitaires et il fallait remettre au pot pour repartir. »

Aujourd’hui, le château de Pique Caillou est habité par la famille Calvet (depuis l’an 2000) ce qui n’est pas le cas de tous les châteaux.

Il a trouvé son essor comme beaucoup de propriétés du bordelais depuis 1982, sous l’effet du célèbre critique américain Robert Parquer qui, grâce à ses notes et à ses commentaires, a permis à toutes ces propriétés d’être bien mieux valorisées, et de faire ainsi face à la poussée immobilière.

29 Sep

Dans les chais de Pique Caillou, la patte d’Amandine, l’oeil et le conseil avisés de Paulin et un élevage de 12 mois en barriques…

Alors que les vendangeurs continuent de s’activer à couper le raisin, Amandine Morillon réceptionne la vendange aux chais de Pique Caillou. Paulin Calvet surveille attentivement toutes les étapes. De la table de tri, au cuvier inox et jusqu’au chai à barriques, la vinification et la magie de Pique Caillou s’opère…

Retour de vendange au chai de Pique Caillou, avec un tri sur table vibrante © Jean-Pierre Stahl

Retour de vendange au chai de Pique Caillou, avec un tri sur table vibrante © Jean-Pierre Stahl

Les bennes se succèdent… Devant les chais du château Pique-Caillou, c’est l’arrivée de la vendange des merlots cette semaine-là, puis des cabernet-sauvignons la semaine suivante.

Après l’éraflage, les grappes subissent ici un tri sur une table vibrante. Ils sont 6 personnes qui retirent ainsi les quelques déchets verts restants pour ne garder que ces baies de raisin noir et mûr.

C’est Amandine Morillon, une Mérignacaise de 31 ans, qui surveille cette opération de tri, avec aussi le concours de Philippe Faraud, chef de culture.

Amandine Morillon et

Amandine Morillon, maître de chai, et Philippe Faraud chef de culture, au château Pique Caillou © Jean-Pierre Stahl

Elle est l’une des rares femmes maîtres de chais qui suit tout le travail de vinification. Le domaine est aussi suivi par Denis Dubourdieu et Valérie Lavigne qui viennent apporter leur technicité au niveau de la méthode: 20 à 25 jours de cuve à température de 25 à 28°, des remontages aérés très limités et un seul délestage qu’elle effectue ce matin-là:

« c’est une méthode d’extraction de la couleur et des tanins. Je vide ma cuve en fermentation entièrement dans une autre cuve et ensuite, une fois que ça sera vide,  on va renvoyer tout le jus par dessus le marc qui se sera déposé au fond de la cuve », explique Amandine Morillon.

Un lent travail de vinification qui passe encore par une macération post fermentaire d’une dizaine de jours à 30 ° et une fermentation malolactique en cuve.

Pique Caillou (série) 019Le 1er vin de la propriété va ensuite être élevé en barriques de chêne français, Paulin Calvet travaille avec 5 tonneliers différents. En ce moment, c’est encore le 2014 qui est en barriques…

Paulin Calvet : « 2014 ne sera pas un très grand millésime de Bordeaux mais sera un très bon millésime, sauvé par un été indien miraculeux qui a démarré le 29 août 2014 (grâce à septembre et octobre extraordinaires) on a eu une fin de saison exceptionnelle qui a fait en sorte que ce millésime naisse dans de bonnes conditions avec bonne maturité »

Amandine Morillon et Paulin Calvet © JPS

Amandine Morillon et Paulin Calvet dans le chai aux 250 barriques de Pique-Caillou 2014 © JPS

Quant à savoir ce qui est le plus important du terroir ou de la proximité de la ville et de cette atmosphère plus chaude, Amandine répond aussitôt « c’est le terroir qui est important, la ville ça n’a pas un impact important sur le goût du vin. Le fait qu’on soit en ville fait qu’on est un peu plus précoce que les autres à la campagne où c’est un peu plus frais qu’ici »

Caviste et serie Pique Caillou 260Et Paulin Calvet aime à citer la célèbre métaphore de son voisin Haut-Brion, bien connue dans le petit monde du vin: « ce que disait Jean-Bernard Delmas à propos d’Haut-Brion: « la ville de Bordeaux est le chauffage d’Haut-Brion; le terroir est là, mais il y a un petit effet micro-climat dû à la ville ».

Caviste et serie Pique Caillou 243Au terme de 12 mois d’élevage dans ces barriques renouvelées par tiers tous les 3 ans, ce sont quelque 70 000 bouteilles de 1er vin qui sortiront des chais de Pique-Caillou (pour le 2014), ainsi que pour le 2015 dont le rendement est à peu près le même de l’ordre de 40 à 45 hectolitres à l’hectare.

(à suivre demain…)

Regardez le 2ème épisode réalisé par Jean-Pierre Stahl, Guillaume Decaix, Charles Rabréaud et Thierry Culnaert.

28 Sep

Picque Caillou, bercé par de douces vendanges au coeur de la ville

C’est une ambiance conviviale, un travail assez dur mais qui tranche du stress et des embouteillages rencontrés sur les voies de circulation juste à côté. Le château Pique Caillou, situé non loin de Bordeaux, Pessac et Mérignac-centre, peut compter sur des gens de la ville pour ses vendanges, des étudiants, retraités ou saisonniers inscrits à pôle emploi. Un côté pratique qui convient à tout le monde.

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Le soleil se lève sur Pique Caillou pour ces vendanges de merlot le 21 septembre © Jean-Pierre Stahl

8h30, en ce lundi de septembre ensoleillé, Paulin Calvet le propriétaire du château Pique Caillou est dans les starting-blocs. Alors que les bouchons commencent à se former sur la grande artère appelée VDO (pour voie de desserte ouest) qui longe son domaine, il salue la bonne vingtaine de vendangeurs arrivés au château… Tous s’équipent et s’apprêtent à partir vendanger les merlots des Chênes verts, la partie nord de son vignoble de 22 hectares.

Paulin Calvet prêt pour briefer ses équipes de vendangeurs © JPS

Paulin Calvet prêt pour briefer ses équipes de vendangeurs © JPS

« On est quand même à Mérignac, dans une ville de 65 000 habitants, juste à côté de Pessac. Il y a beaucoup de monde qui veut venir vendanger, les gens viennent à vélo, en tram, à pied, en bus ou en voiture…c’est très pratique », explique Paulin Calvet.

Jean-Michel, porteur, et, Eymard coupeur, des habitués des vendanges © JPS

Jean-Michel, porteur, et, Eymard coupeur, des habitués des vendanges © JPS

Alvard est venue en famille « mon fils travaille ici, et cette année je voulais travailler ici pour faire les vendanges. » Il y a aussi Clara, étudiante, résidante sur le secteur : » oui, j’habite juste à côté à Mérignac, je suis étudiante et je fais ça pour me faire des sous en plus ». Sans oublier, Eymard inscrit à pôle emploi, lui en est à ses 18èmes vendanges dont 5 à Pique-Caillou :« là c’est la 5e année que je le fais, comme j’habite pas très loin, on est plusieurs à faire les vendanges ».

Thilault et Bogdan effectuent un 1er tri avant de verser les grappes dans le tombereau © JPS

Thilault et Bogdan effectuent un 1er tri avant de verser les grappes dans le tombereau © JPS

Thibault, tractoriste, qui effectue un premier tri quand les hottes viennent à déverser le raisin, précise le profil de la troupe de vendangeurs: « il a une grosse moitié de gens qui reviennent chaque année, et après il y a des nouveaux, des étudiants, des retraités qui nous rejoignent. Ce sont 20 à 30 personnes pour les rouges et une vingtaine pour les blancs. »

A leur tête, il y a Stéphanie qui les encadre et est responsable du travail à façon au château (depuis avril, épamprage, effeuillage en juillet, jusqu’aux vendanges de septembre et octobre): « ça ses passe, bien on travaille avec pas mal d’anciens, donc ils ont l’habitude de me voir, s’ils ont un souci ils savent que je suis là pour les aider avec la hotte ou s’ils se blessent… »

Caviste et serie Pique Caillou 180

Tous connaissent le travail de coupeur et de porteur, ils ont à ramasser ce matin là de jolis merlots des Chênes Verts, au nord de la propriété de Pique Caillou. Des raisins pour lesquels des prélévements de maturité ont été effectués par Paulin Calvet et son oenologue.

Une maturité optimum avec un bel aoutement des bois et des rafles © JPS

Une maturité optimum avec un bel aoutement des bois et des rafles © JPS

Paulin Calvet ajoute « Il y a des signes qui ne trompent pas et qui sont des signes de la belle maturité, c’est le bel aoûtement des bois et de la rafle. » Cette parcelle des Chênes Verts est arrivée à maturité, hormis une petite partie de vignes très poussantes (le sol est différent à cet endroit) qui est délimitée par une rubalise et qui attendra. Elle n’est pas ramassée ce matin-là car c’est avant toute une maturité optimum qui est recherchée pour faire de grands vins de Pique Caillou…

Le soleil se lève sur Pique Caillou pour ces vendanges de merlot le 21 septembre © Jean-Pierre Stahl

Le soleil se lève sur Pique Caillou pour ces vendanges de merlot le 21 septembre © Jean-Pierre Stahl

Château Pique Caillou, c’est ce terroir de graves bien filtrantes apportées par la Garonne. Un domaine enclavé dans Mérignac, à côté de Pessac et non loin de Bordeaux qui bénéficie du réchauffement rapide de l’atmosphère en ville (souvent 2 à 3 degrés de plus qu’à la campagne) d’où un cycle végétatif un peu plus précoce.

« Nous bénéficions d’un certain microclimat du fait de la ville, nous sommes moins gênés par les risques de gelée et nous avons une température assez haute du fait de la ville. » d’où cette précocité du terrain.

Caviste et serie Pique Caillou 214

Pique Caillou fait partie des 6 derniers châteaux viticoles en ville, à l’intérieur de la rocade de Bordeaux :« Il y a 70 ans , vous aviez beaucoup de petits viticulteurs sur Villenave d’Ornon, Talence, Pessac, Mérignac, Bruges, tous ces vignobles ont tous disparus sous le béton », explique Paulin Calvet, « la viticulture n’était pas aussi florissante qu’aujourd’hui, on avait la tentation de se défaire de ces vignobles qui ne rapportaient pas grand chose et qui en échange pouvaient être transformés rapidement en terrains à bâtir… ». Une situation qui fut souvent rencontrée à l’occasion de successions.

(la suite demain…)

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Guillaume Decaix, Charles Rabréaud et Thierry Culnaert 

02 Mai

Des centaines de cousins Cruse attendus ce week-end pour le bicentenaire Herman Cruse 2015 au château d’Issan

Samedi 2 et dimanche 3 mai, les Cruse fêtent les 200 ans de l’arrivée d’Herman Cruse au château d’Issan à Cantenac. Une page d’histoire du négoce bordelais qui va être retracée ce week-end par ses descendants, plus de 1000 sont répartis aujourd’hui dans le monde.

VVV

La famille © Cruse au grand complet, version 2015 au château d’Issan

Herman CRUSE est arrivé à Bordeaux en 1815 pour développer le négoce de vin…

Emmanuel Cruse à droite lors de la Fête de la Fleur au château Lagrange en 2013, intronisant Carole Bouquet, Anna Mouglalis et Michèle Yeoh © Commanderie du Bontemps

Depuis, 8 générations de Cruse se sont succédées… Bon nombre de ses descendants vivent encore dans la région de Bordeaux et ont des liens très étroits avec le milieu viticole.

Parmi eux, Emmanuel Cruse, le Grand Maître de la Commanderie du Bontemps et aussi négociant et propriétaire du château d’Issan:

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c’est le ciment de l’ancrage de la famille ici mais c’était surtout le négoce de vins. C’est d’abord une famille de marchands, et le fait d’avoir vendu des vins leur a permis d’acheter des propriétés », Emmanuel Cruse propriétaire du château d’Issan.

Nous rassembler nous permet de faire vivre les anciens à travers les générations et d’inscrire l’histoire des CRUSE, qui a grandement contribué et contribue encore grandement à la renommée internationale de Bordeaux, dans la plus pure tradition depuis déjà 200 ans ! », David Lawton

Et d’ajouter : « Nous étions 227 sur 272 en 2000 ? Combien serons-nous en 2015 pour le Bicentenaire ? Il y a plus de 1 400 descendants dans la descendance d’Herman Ier. Aujourd’hui, plus de 1 000 descendants sont vivants répartis dans le monde.

Si beaucoup sont restés à Bordeaux, de nombreux Cruse, plus de la moitié sont disséminés dans le monde. Malgré internet, il n’a pas été simple de tous les contacter, aussi le nombre exact de partcipants à cette cousinade sera connu aujourd’hui. Plusieurs centaines, et pourquoi pas plus de 500 ? Les dernières estimations des organisateurs tablaient sur 650…

Le château d'Issan cru classé de Margaux

Le château d’Issan 3ème cru classé de Margaux

Au programme de ces retrouvailles, bien sûr de nombreuses discussions, des embrassades mais aussi une actualisation de l’arbre généalogique car la famille continue de s’agrandir…Il y aura aussi des conférences sur les vins, les châteaux et maisons de négoce, des pique-niques et un dîner de gala ce soir.

8 générations contemplent ainsi le parcours depuis Herman 1er : un musée temporaire de la famille permettra de découvrir les tableaux et portraits des ancêtres. Et pour couronner cette nouvelle grande messe familiale, un photographe immortalisera cette grande famille des Cruse pour son bicentenaire au château d’Issan.

Regardez le reportage de Jean-Claude Lacoste et Jean-Michel Litvine

29 Mar

Château Carbonnieux, un savoir-faire porté par les frères Perrin

Depuis l’achat du château Carbonnieux en 1956 et leur retour d’Algérie, les Perrin ont retroussé leurs manches pour élever la propriété au rang de Cru Classé de Graves. Ils ont hissé partout dans le monde les couleurs (blanc et rouge) de ce grand vin. Un blanc à la typicité reconnue unanimement comme exceptionnelle.

Dans les rangs de vigne de Carbonnieux, près de 100 ha actuellement, Philibert et Eric Perrin © JPS

Dans les rangs de vigne de Carbonnieux, près de 100 ha actuellement, Philibert et Eric Perrin © JPS

Le château Carbonnieux est sans nul doute l’un des plus anciens du Bordelais. Il fut fondé par les Bénédictins de l’Abbaye Sainte-Croix de Bordeaux au XIIIe siècle. Acheté en 1956 par le grand-père d’Eric et Philibert (actuels managers), Marc Perrin avait hésité entre Rauzan-Ségla à Margaux, le Tuquet dans les Graves et ce domaine qui comptait à l’époque 60 ha de vignes plantées mais en mauvais état. C’est l’attrait pour les grands domaines comme en Algérie qui a emporté son choix.

Philibert et Eric Perrin, les deux piliers du château Carbonnieux © Jean-Pierre Stahl

Philibert et Eric Perrin, les deux piliers du château Carbonnieux © Jean-Pierre Stahl

Lors de l’acquisition, le château n’avait pas encore la physionomie actuelle: « il avait été éventré durant la guerre, une partie était en ruine. Par endroits, il n’y avait plus de plancher » selon Philibert Perrin. « Au départ, il a fait des céréales, des olives, des artichauts et de la vigne. Il était en polyculture. »

« Quand on était enfant, Carbonnieux ressemblait à une grande ferme: on avait des poules, un âne, des chiens et un grand jardin potager » confiait Christine Perrin, la deuxième de la fratrie (soeur d’Eric et Philibert)(interrogée par Terre de Vin).

« Est-ce que c’était des réflexes dus aux périodes difficiles ? », explique Eric Perrin, qui s’empresse de me confier: « j’ai le souvenir d’un cochon, et on avait des pommes sur la propriété, alors on le bourrait de pommes… » On avait créé un potager, voulu par ma grand-mère. Elle voulait des fruits et des légumes de la ferme. Mais quand on produisit des haricots, ça avait ses avantages et ses inconvénients: on en avait à tous les repas… »

Dans le chai à barriques de blanc, dégustant le 2014 en plein élevage © Jean-Pierre Stahl

Dans le chai à barriques de blanc, dégustant le 2014 en plein élevage © Jean-Pierre Stahl

Eric et Philibert sont aujourd’hui les gardiens du temple. « On a toujours travaillé sur le domaine familial et sur nos propres exploitations, et c’est ce que l’on fait toujours aujourd’hui », explique Philibert.

On est les deux co-gérants. On travaille chacun de notre côté et sous le même toit. Nous sommes indépendants et complémentaires, même si pour certains dossiers, nous travaillons ensemble, » Eric et Philibert Perrin

Eric a 51 ans, il s’est formé au sein de la propriété: « j’ai eu de la chance d’arriver au moment où on a mis en place les techniques de Denis Dubourdieu et les méthodes bourguignonnes de la fermentation des blancs en barriques. » Mais Eric s’est aussi installé avec Marc Lurton à la tête du château Haut-Vigneau en 1987 car il fallait protéger les terroirs de l’appellation Pessac-Léognan avec la technopole ». « L’appellation faisait 800 ha dont 600 en rouge et 200 en blanc, aujourd’hui elle représente 1300 en rouge et 250 en blanc, les rouges ont plus que doublé et les blancs très peu progressé. »

 

Philibert, 45 ans, diplômé du lycée de viticulture et d’oenologie de Blanquefort, a commencé vers 1992 et s’est installé au château Lafont-Menaut: « notre père (Anthony) nous a aidé à nous installer comme jeunes agriculteurs. »

Le château Carbonnieux est très connu en France et dans le monde, surtout pour ses vins blancs. Les blancs représentent 45% du vignoble. Et chiffre impressionnant, Carbonnieux produit à lui tout seul 20 % des blancs de l’appellation Pessac-Léognan. Eric Perrin tient à préciser « Dans les années 60, Bordeaux produisait plus de blancs que de rouges. 60% de blancs, dans les années 70 ce fut le point d’équilibre et aujourd’hui Bordeaux produit 87% de rouges. »

La cave des vieux millésimes avec le portrait de Thomas Jefferson, reçu en 1787 au château avant d'accéder à la Présidence des Etats-Unis d'Amérique © JPS

La cave des vieux millésimes avec le portrait de Thomas Jefferson, reçu en 1787 au château avant d’accéder à la Présidence des Etats-Unis d’Amérique, il a même planté un arbre, toujours présent sur la propriété © JPS

Si Denis Dubourdieu suit le domaine depuis 28 ans, Eric et Philibert Perrin ont décidé depuis une quinzaine d’années d’axer sur davantage de recherche de qualité avec un travail précis à la vigne, un travail parcellaire. Un savoir-faire apprécié et reconnu du monde entier, avec une renommée très importante pour le Carbonnieux blanc.

 Ainsi pour le blanc, « on a pas moins de 30 parcelles différentes. 100% est fermenté en barriques de chêne, on a une rotation de remplacement par quart par des barriques neuves », explique Philibert.

Eric Perrin: « Cette année, on a évolué dans les techniques de vinification. Avant de presser, on nous conseillait de laisser baigner la peau du raisin pour faire des macérations pelliculaires, désormais en prime on essaie de lutter contre des oxydations prématurées de certains millésimes... » Et Philibert d’ajouter: « On a raccourci ainsi les tapis convoyeurs, le pressurage se fait sous gaz inerte. On a ainsi une évolution qualitative dans le transport des raisins jusqu’au pressoir. C’est un progrès ! »

Le château Carbonnieux travaille aussi « depuis 25 ans en agriculture raisonnée: « pas d’insecticide, pas d’acaricide, pas de désherbant et ce depuis très longtemps », précisent Philibert et Eric ensemble. On les sent engagés dans une démarche louable:

La lutte est raisonnée, on va un un peu plus loin en minimisant les traitements car on connait le cycle des maladies donc on traite au mon moment » Eric et Philibert Perrin du château Carbonnieux.

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Et qui de mieux que les frères Perrin pour parler de leur savoir-faire: « autrefois, on confiait nos vins à la vente aux négociants, aujourd’hui on fait des tournées de 8 jours à tel ou tel endroit: ainsi entre la mi-janvier et le début mars, on a passé deux semaines aux USA, une en Europe et quinze jours en Asie… » explique Eric Perrin. Ils perpétuent ainsi la voie ouverte par leur père Antony qui fut l’un des pionniers de l’appellation à faire connaître Carbonnieux sur les marchés mondiaux et notamment aux Etats-Unis. Château Carbonnieux vend aujourd’hui 50 % de sa production en France et 50 % à l’étranger (Belgique, Allemagne, Suisse, Grande-Bretagne, USA, Japon, Chine…)

Cette semaine pour les primeurs les frères Perrin vont être sur le pont pour expliquer leur travail et celui de leur 45 personnes employées à plein temps (plus de la moitié des effectifs se consacre à la production). On va d’ailleurs les retrouver, dès ce lundi 9h30, pour la grande dégustation des Pessac-Léognan au château Smith Haut-Lafitte.

07 Mar

Chez les Perrin, près de deux siècles de traditions de vignerons

Propriétaires du célèbre château Carbonnieux à Léognan en Gironde, les Perrin affichent l’une des histoires les plus extraordinaires parmi les familles de vignerons en France. Partis de Bourgogne au XIXe siècle, ils ont fait du vin en Algérie jusqu’à l’indépendance, pour finalement s’établir définitivement dans les Graves de Bordeaux.

Eric et Philibert Perrin, les deux frères à la tête de château Carbonnieux, avec le tableau de leur ancêtre Philibert parti en Algérie © Jean-Pierre Stahl

Eric et Philibert Perrin, les deux frères à la tête du château Carbonnieux, avec le tableau de leur ancêtre Philibert parti en Algérie au XIXe siècle © Jean-Pierre Stahl

Tout est parti du dénommé Philibert Perrin…non, pas celui que vous connaissez aujourd’hui, mais son aïeul ! Philibert était Bourguignon et même du Mâconnais, issu d’une famille de vignerons de Nuit-Saint-Georges. Philibert travaillait pour Alphonse de Lamartine, écrivain et homme politique marquant, dans ce XIXe siècle qui cherchait ses marques après les guerres napoléoniennes. Ainsi le voilà envoyé en Algérie, rattachée à la France en 1830, pour prospecter des terres pour le compte de Lamartine.

Il a eu le nez creux. C’était un des pionniers. Lamartine l’a envoyé en Algérie pour voir à quoi cela ressemblait, pour le compte d’un groupe d’investisseurs. Mais ils se sont retirés. Lui a senti qu’il y avait quelque chose à faire. Il s’y est installé et a fait des céréales, des olives, des artichauts, il était en polyculture…et bien sûr de la vigne ! » Philibert Perrin

Eric et Philibert dans la cour intérieure du château Carbonnieux dont les parties les plus anciennes remontent au XIIIe siècle © JPS

Eric et Philibert dans la cour intérieure du château Carbonnieux dont les parties les plus anciennes remontent au XIIIe siècle © JPS

Cette page d’histoire s’est écrite dans la région d’Oran, à Siddi Bel Abbès. Son fils Antony, diplômé et major de l’Institut Agricole de Montpellier va faire prospérer la propriété et en faire l’un des plus grands domaines de la région: pas moins de 250 ha. Ce passé est quelque peu lointain pour Eric et Philibert. Mais les racines sont bien là. Eric est né lui même à Oran en Algérie en octobre 1963, un pays un domaine qu’il a quitté avec sa famille en décembre de la même année. »Moi, je suis né ici à Talence », renchérit Philibert le petit dernier (âgé de 45 ans) car il y a aussi Christine, leur soeur qui vit à Toulouse.

« On ne peut qu’être admiratif de cette aventure humaine, d’avoir bâti sur des territoires où il n’y avait rien, et ce malgré les incertitudes. On peut aussi regretter la façon dont ça s’est passé… » explique Philibert un brin nostalgique, évoquant ce passé qui pour eux et pour bon nombre est une déchirure.

Anthony Perrin, le père de Eric, Christine et Philibert Perrin © château Carebonnieux

Anthony Perrin, le père de Eric, Christine et Philibert Perrin © château Carbonnieux

Eric continue: « On avait un père (Anthony Perrin) qui en parlait très peu. Il avait tourné une page. L’arrivée n’a pas été facile. Ils ont travaillé dur pour remettre le vignoble en l’état ! »

Mais celui qui a acheté château Carbonnieux, c’est Marc Perrin, leur grand-père. « Il a eu de la chance car il a acheté en février 1956 », raconte Eric Perrin. « A l’époque, il avait été exproprié d’une partie de ses terres par les américains pour faire une base pour l’armée, il avait alors quelques liquidités. Et puis, il a été bien conseillé par des amis ici. Il avait alors un régisseur d’exploitation et il venait quatre fois dans l’année. Ils ont quitté l’Algérie au moment de l’indépendance et notre père y est resté un peu plus tard. »

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Au début des années cinquante, le vignoble était mal entretenu, clairsemé et les bâtiments, inhabités depuis la première guerre mondiale, dans un état de grand délabrement. Le vin se vendait mal, l’accès au marché intérieur était étroit et les marchés internationaux n’étaient pas encore vraiment tracés. C’est dans ce contexte qu’en 1956, la famille Perrin a acheté le château Carbonnieux.

Leur histoire est aussi partagée par de nombreux algériens qui sont arrivés un peu plus tard sur la propriété « ils sont venus ici car ils n’avaient plus de travail et aussi ils risquaient de se faire trancher la gorge… » Ce sont donc plusieurs générations de vignerons qui ont été hébergés sur la propriété et qui y ont travaillé.

Avec l’aide de son jeune fils, Antony, il a entamé un long travail de réhabilitation qu’il poursuivit sans relâche jusqu’à sa disparition, en 1982.

Anthony Perrin au centre, lors d'une Fête de la Fleur © lesartre.com

Anthony Perrin au centre, lors d’une Fête de la Fleur © lesartre.com

Antony Perrin, lui, a œuvré activement pour la promotion des vins de Bordeaux et pour la création de l’appellation Pessac Léognan en 1987 avec André Lurton. Successivement président de l’Union des Crus Classés de Graves et de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, il a plaidé pour l’ouverture des propriétés vers l’étranger. Il fut le premier à emmener des délégations en Chine et en Russie.

« Il a contribué à faire connaître particulièrement Carbonnieux et a fait partie des générations à être sur les marchés mondiaux, notamment aux USA, en Asie et au Japon, alors que ça n’était pas encore habituel pour les producteurs » confie Eric Perrin.

Anthony Perrin a constitué une belle collection de voitures anciennes pour Carbonnieux © JPS

Anthony Perrin a constitué une belle collection de voitures anciennes pour Carbonnieux © JPS

L’une des images les plus mémorables pour la famille aura sans doute été l’organisation de la Fête de la Fleur en juin 2001 au château Carbonnieux, cru classé de Graves. Peu de temps après, les médecins vont découvrir un cancer à Anthony: « c’est le dernier souvenir de mon père, » raconte Eric; « il avait vu des voitures anciennes sur internet, il s’est dit pourquoi ne pas associer ces voitures anciennes dans le cadre des visites d’amateurs de vins, ça pouvait avoir un intérêt. »

Souvent les visiteurs ont les mêmes souvenirs dans les châteaux, et là, on voulait qu’ils se souviennent de Carbonnieux et de ses vieilles voitures », Eric Perrin rappelant les paroles de son père Anthony.

Eric Perrin a aidé son père Anthony à constituer ce musée de vieilles voitures au château Carbonnieux © Jean-Pierre Stahl

Eric Perrin a aidé son père Anthony à constituer ce musée de vieilles voitures au château Carbonnieux © Jean-Pierre Stahl

Et ce sont ainsi 8 voitures de collection qu’Anthony et son fils Eric sont allés chercher un peu partout en France, de 2006 à 2008. En entrant dans une des ailes du château, le visiteur est accueilli par la plus vieille voiture, une Phaeton 3 chevaux de 1904 par Wacheux, suivie  d’une Citroën Torpedo de 1922 digne de Tintin dont le propriétaire avait accepté de se dessaisir après avoir marié ses 2 filles à bord. « A chaque fois, on allait les chercher ensemble, c’était une échappatoire vis-à-vis de son cancer. On est allé à cavaillon, Orléans, Béziers… »

« La plupart de ces pièces de collection étaient en bon état », elles trônent désormais fièrement dans ce musée qu’a imaginé Antony Perrin, qui a sans doute voulu laisser une autre pierre à l’édifice Carbonnieux, déjà connu pour ses grands vins de par le monde.

(A suivre, Eric et Philibert les frères Perrin, piliers du château Carbonnieux; « on est indépendant tout en étant complémentaire »)

24 Oct

« Saga Lurton » : l’esprit d’entreprise

C’est un trait de caractère commun et persistant chez les Lurton: l’esprit d’entreprise. Les Lurton, ce sont des « empêcheurs de tourner en rond ». Ils ont en eux une force: ils osent, ils se lancent et souvent ça marche. Des battants ? Forcément !

Thierry Lurton

Thierry Lurton est revenu à la vigne, rappelé par Camarsac © Jean-Pierre Stahl

En « Lurtonnie », le passé rattrape souvent le « pélerin » …Le poids de l’Histoire et l’appel du vignoble se rappellent à ceux qui s’évadent…

Avec ses 700 ans, le château du Prince Noir (ancien fief du neveu du pape Clément V, édifié en 1312), Camarsac s’est rappelé ainsi à Thierry Lurton, l’un des 10 enfants de Lucien Lurton. Thierry travaillait dans le social à Bordeaux, puis est parti aider les plus démunis de l’autre côté de l’Atantique au Brésil. Plus de 20 ans passés comme éducateur…

Et puis, il a senti le besoin de revenir à la vigne. Déjà pour aider l’une de ses soeurs, Bérénice, au château de Camarsac (acquis en 1973 par leur père Lucien). Un château dont il a racheté aujourd’hui le reste des parts. Produisant en Bordeaux, Bordeaux Supérieur et en Entre-deux-Mers, il aime une certaine diversité et offre 8 vins tous différents, un peu comme ces jeunes dont il s’occupait.

Pour que ça marche, il faut avoir de l’exigence. Je travaille comme ça avec mes pieds de vigne, comme je le faisais avec mes jeunes ». Thierry Lurton, château de Camarsac

Son autre challenge, c’est de redonner à Camarsac une nouvelle vie. Toute la partie droite qui donne sur le jardin a brûlé il y a environ 50 ans et était restée en l’état. « Il y a avait à l’intérieur un bazar incommensurable, tout ce qui s’était effondré en brûlant était encore là il y a peu » précise Thierry Lurton. Il a tout déblayé et compte bien reprendre l’ensemble: remplacer sa toiture en tôle par une nouvelle toiture avec une charpente digne de ce nom. Et restaurer l’ensemble, Thierry mise énormément sur l’oenotourisme…

Marc Lurton voulait cette chartreuse et ce qu’elle représente de symbole © JPS

Chez son cousin, Marc, le fils de Dominique Lurton ( la 4e branche), il y a aussi le poids du passé. Allez savoir pourquoi, Marc voulait à tout prix hériter du Manoir familial du XVe acheté par son arrière-grand-père Léonce Récapet en 1901. Il s’est arrangé avec ses frères, et notamment Pierre.

Le secret de cette propriété, c’est sa cave qui est en fait une vieille carrière:

Cette carrière est un lieu magique. Reygnier a été construit avec cette carrière ! » Marc Lurton

Marc Lurton est oenologue, une pointure, non seulement il met ses connaissances au service de Reygnier mais aussi du château du Bouchet. Ses 40 hectares sont plantés de Cabernet Sauvignon et Merlot (pour les vins rouges et rosés), de Sauvignon, Sémillon et Muscadelle (pour les vins blancs), sur un terroir exceptionnel formé de croupes au sol argilo-calcaire. Il n’hésite pas non plus à faire du consulting désormais outre atlantique.

Pierre Lurton, son frère, a hérité aussi de 40 ha de vignes de Reygnier. Mais il a aussi hérité du savoir-faire familial: « le parcours ? Il démarre génétiquement » s’amuse-t-il a dire, lui qui a observé ses tontons André et Lucien. Après avoir fait ses premières armes au Clos Fourtet 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion durant 10 ans, il a proposé ses services à Cheval Blanc où il a été pris comme gérant. Puis Cheval a été racheté par Albert Frère et Bernard Arnaud; ce dernier lui a dit « Lurton, ça a l’air d’aller, alors on va continuer ensemble » et puis « en 2004, double casquette gérant de Cheval Blanc et désormais président d’Yquem ». Même s’il était très heureux d’avoir réalisé un rêve, « ça n’a pas changé ma vie » car

J’étais un double manager comblé mais aussi ici un petit propriétaire (de château Marjosse) endetté. » Pierre Lurton, Pdg d’Yquem, gérant de Cheval Blanc et propriétaire de Marjosse à Grézillac

Pierre Lurton tout nouveau propriétaire de la chartreuse Marjosse © Jean-Pierre Stahl

Pierre Lurton tout nouveau propriétaire de la chartreuse Marjosse © Jean-Pierre Stahl

D’un avion l’autre, Pierre Lurton traverse souvent le globe, en représentation ou en consulting en Afrique du Sud, il est aussi à la tête de Cheval des Andes en Argentine. Mais sa passion reste à Marjosse, cette propriété qu’il traversait plus jeune à cheval (décidément le cheval !) et qui appartenait à un général. Il a réussi à acheter la moitié de la chartreuse et les vignes, mais le dernier héritier du général ne voulait pas vendre l’autre moitié. Il a du attendre 15 ans, mais ça y ets, c’est fait il vient de signer chez le notaire et va pouvoir entreprendre des travaux gigantesques pour lui redonner son éclat.

Un autre Lurton, constamment jet-lagged, c’est François, le globe-trotter. Après avoir travaillé avec son père à château Bonnet notamment, il a ressenti le besoin de partir explorer le nouveau monde du vin avec son frère Jacques à partir du début des années 90;

Jacques et François ne vont cesser de prendre des fermages puis d’acheter des domaines en Australie tout d’abord en 1991 (The Islander Estate Vineyards est aujourd’hui la propriété de Jacques) puis en Argentine (François y possède Bodega Piedra Negra), au Chili (Hacienda Araucano), en Espagne et en France.

Dès 1991, avec Jacques, ils vinifient leurs premiers vins au Domaine les Salices dans le Minervois. Surtout pour répondre à la demande anglaise, les frères élaborent des vins de cépage, mais très rapidement, ils sont frappés par la grande variété de terroirs et de climats de cette région et décident d’investir dans des domaines.Dans le Languedoc et dans le Roussillon, François possède deux propriétés: c’est au Mas Janeil que nous l’avons retrouvé.

François Lurton, le globe-trotter, à la tête du mas Janeil dans le Roussillon © Jean-Pierre Stahl

François Lurton en pleines vendanges au Mas Janeil à Tautavel dans les Pyrénées Orientales, au pied de Quéribus © Jean-Pierre Stahl

Mas Janeil, à Tautavel dans les Pyrénées Orientales, est un domaine à cheval sur une faille géologique, on y trouve une grande variété de sols différents. Ainsi, au pied du château de Quéribus, le sol est plutôt constitué de calcaire et de granit, alors que la parcelle le « Pas de la Mule » révèle une grande densité de schistes.

En cette fin de semaine, après la mi-septembre, François est remonté comme une pendule, son chai doit être nickel. Toujours très pointilleux sur la propreté et l’exigence de ses équipes, mais c’est aussi cela qui fait sa renommée et son succès. Il reçoit en effet une cinquantaine de distributeurs de ses vins et de journalistes spécialisés d’une dizaine de nations: canadiens, hollandais, russes, ukrainiens, …

Il leur a réservé une visite du Mas Janeil la propriété qu’il a achetée en 2008 et où il a fait construire un chai très fonctionnel.Ses invités ont d’abord droit à un topo exhaustif de l’évolution des sols à travers les différentes périodes avec un spécialiste, puis un petit tour dans ses vignes au niveau du hameau du Mas Janeil: « ici on est tellement proche de la falaise, on retrouve du calcaire et du schiste qui en fait donnent une complexité aromatique à notre vin, ce qui en fait un vin unique. » C’est ensuite la dégustation de son éventail de 13 crus en blanc et en rouge. Une visite complète avec aussi une soirée organisée en bord de mer à canet-en-Roussillon car comme le dit François Lurton ce qu’il y a de bien dans le monde du vin, c’est aussi cela, ces moments de partage et d’amitié. »

Un François Lurton qui semble avoir ce désir constant d’entreprendre et qui ne sait pas s’arrêter, un peu comme son père André: « on me dit que je suis un peu trop dynamique, en fait je fais bouger un peu tout le monde ». Et Dieu sait que ça bouge à Vayres son siège où se trouve son usine d’embouteillage pour ses vins blancs « les fumées blanches » son plus gros succès: il produit 5 millions de bouteilles de « fumées blanches » commercialisées à 95% à l’étranger. Au total, François Lurton produit 10 millions de bouteilles en son nom propre: « presque autant que toute la famille réunie » s’amuse-t-il.

Ne manquez pas cette saga ce vendredi 24 octobre vers 23h05 sur France 3 Aquitaine et ce samedi 25 à 15h25.

La « saga Lurton » réalisée par Jean-Pierre Stahl, Didier Bonnet, Eric Delwarde, Vincent Issenhuth, Xavier Granger, Emmanuel Cremese et Véronique Lamartinère. (voir le magazine ci-dessous) Les plateaux d’Enquête de Région ont été enregistrés à château Bonnet et assurés par Eric Perrin avec Jacques Lurton, Bérénice Lurton et Marc Lurton comme invités.

22 Oct

« Saga Lurton » : la relève…

Ils ont entre 40 et 60 ans et sont aujourd’hui les nouveaux managers: les « Lurton du Vin ». Certains ont pris les rênes très jeunes comme Sophie ou Bérénice Lurton. Un choc quand on a que 22 ans…Et puis, il y a la plus jeune génération des Lurton, leurs enfants, qui s’interrogent et se demandent s’ils vont prendre la suite.

Sophie Lurton et son mari Laurent Cogombles devant château Bouscaut © Jean-Pierre Stahl

Sophie Lurton et son mari Laurent Cogombles devant château Bouscaut, cru classé de Graves © Jean-Pierre Stahl

Un jour ou l’autre, il faut savoir passer la main. Héritage, succession, relais sont autant de mots faciles à employer mais parfois difficile à manier…dans toutes les familles. Ca ne se passe pas toujours comme on l’avait prévu.

Prenez le cas de Léonce Récapet, le fondateur de la dynastie, il devait passer le relais à son fils aîné…Malheureusement, celui-ci est mort au champ d’honneur à Douaumont en 1916; c’est donc sa 3e fille Denise qui hérita de tout (la 2e fille était décédée également très jeune).

Mariée à François Lurton, d’une famille de juristes, elle donna naissance à 4 enfants: André, Lucien, Simone et Dominique. Ce sont eux qui vont hériter en 1953, plus tôt que prévu des domaines (Léonce Récapet étant décédé en 1943, François gérait alors avec ses fils aînés). François Lurton est décédé en 1971.

Bérénice Lurton à la tête de château Climens dès l'âge de 22 ans © Jean-Pierre Stahl

Bérénice Lurton à la tête de château Climens dès l’âge de 22 ans © Jean-Pierre Stahl

Les Lurton de la branche Lucien, qui ont la quarantaine ou un peu plus aujourd’hui, se souviennent de la passation de pouvoir soudaine de 1992. Lucien Lurton, alors âgé de 67 ans, décida de transmettre un château à chacun de ses enfants (certes, il y a pire comme situation).

Sophie Lurton-Cogombles, comme la benjamine Bérénice, aucune des deux n’était préparée… Sophie Lurton avait poursuivi des études de langues et travaillait à l’étranger quand son père lui a annoncé la nouvelle: « moi, j’habitais en Italie quand je l’ai appris. J’avais étudié les langues et je faisais des traductions, quand mon père a décidé de nous laisser les vignobles. Les choses se sont faites petit à petit. Et puis Laurent Cogombles (aujourd’hui Président du Syndicat viticole de Pessac-Léognan) mon mari est venu et il m’épaule vraiment, en tant qu’ingénieur agronome. Château Bouscaut est un cru classé de Graves, on a un rang à tenir, on fait pas mal de choses, on en est assez fier. »

Son père Lucien avait acheté Bouscaut en 1979, depuis Sophie et Laurent Cogombles n’ont jamais cessé de rénover les cuviers et de construire en 2010 un nouveau chai à barriques de 300 m2.

Bérénice a trouvé sa marque de fabrique avec la biodynamie à Climens © JPS

Bérénice Lurton a trouvé sa marque de fabrique avec la biodynamie à château Climens © JPS

Bérénice Lurton, elle n’avait que 22 ans, quand son père lui donna un 1er Cru Classé de Sauternes, château Climens à Barsac. « Moi, je suis arrivée très jeune. Ca n’a pas été très facile. Il a fallu jongler, apprendre sur le terrain. » La première année fut d’autant plus difficile, qu’il n’y a pas eu de sortie de premier vin de  Climens. « Notre père nous a tranmis le respect du terroir et de la vigne, et l’amour du vin…On reste des vignerons, des paysans. »

Et si à 20 ans on se demande où l’on va, bien des années plus tard, Bérénice a trouvé sa voie: la biodynamie. « C’était pour moi une évidence. D’abord par respect du  terroir, de la vigne et du vin, on est passé en biodynamie. Pour rien au monde, je ne reviendrai à ce qu’on faisait avant » « Pour répondre aux attaques, aux maladies diverses, on fait de la phytothérapie adaptée au vignoble ». En guise de traitements, elle concocte des tisanes à base de souci, de camomille, de mulpertuis… » Même si cela amuse tonton André (Lurton), Bérénice trouve que ses vins « y gagnent en présence, pureté et en éclat » en plus de la « complexité de l’équilibre et de la fraîcheur » de ces liquoreux de Barsac.

Pauline Lurton, avec ses parents Agnès et Marc Lurton devant château Reynier © Jean-Pierre Stahl

Pauline Lurton, avec ses parents Agnès et Marc Lurton devant château Reynier © Jean-Pierre Stahl

Parmi la relève, on trouve maintenant d’autres jeunes Lurton: il y en a un peu partout, pensez avec ces 4 branches (André, Lucien, Simone et Dominique), les enfants de ceux-ci et les enfants de leurs enfants… Difficile à suivre. Et eux vont-ils suivre seulement ?

Certains s’interrogent encore…Parmi les enfants d’Henri Lurton propriétaire de Brane-Cantenac à Margaux, Nicolas 20 ans est bien décidé à reprendre, il poursuit un BTS viticulture-oenologie à Blanquefort près de Bordeaux. Pour Alexia, la fille de Marie-Laure Lurton, propriétaire de la Tour de Bessan en AOC Margaux, elle est interne en médecine et s’orientera vers la chirurgie pédiatrique. Il y a encore Pauline, la fille de Marc Lurton, 4e branche (les descendants de Dominique): elle dégage cette volonté des Lurton et Récapet qui savent où ils vont.

Pauline, 24 ans, a suivi des études de commerce et de management à l’ISEG Lille; elle pense bien reprendre le flambeau, avec sa soeur Julia, et suivre la trace de l’aïeul Léonce Récapet qui avait acheté en 1901 leur château familal Reynier à Grézillac en Gironde.

Non seulement elle tient à ce manoir des XV et XVIe siècles (sur lequel son père Marc avait jeté son dévolu face à son frère Pierre), mais elle compte développer les ventes de Bordeaux, Bordeaux Supérieur et Entre-Deux-Mers en France et à l’étranger (où 80% des vins sont commercialisés). L’avenir ? « Je ne le vois pas comme un poids (du passé), mais comme une belle opportunité de continuer cette passion ! »

Ne manquez pas cette saga le 24 octobre vers 23h05 sur France 3 Aquitaine et le samedi 25 à 15h25.

La « saga Lurton » réalisée par Jean-Pierre Stahl, Didier Bonnet, Eric Delwarde, Vincent Issenhuth, Xavier Granger, Emmanuel Cremese et Véronique Lamartinère. (voir ci-dessous)  Les plateaux d’Enquête de Région ont été enregistrés à château Bonnet et assurés par Eric Perrin avec Jacques Lurton, Bérénice Lurton et Marc Lurton comme invités.

17 Oct

« Saga Lurton » : Lucien Lurton, le passionné des terroirs et de Margaux

Suite de la « Saga Lurton », avec Lucien le Médocain…Moins communicant que son frère aîné André, il a toutefois réussi à reconstruire les vignobles et à se constituer un petit empire du vin. Il est passionné par les terroirs de Bordeaux et de Margaux.

Lucien Lurton et sa fille Marie-Laure © JPS

Lucien Lurton et sa fille Marie-Laure à la réception de vendange au château la Tour de Bessan © Jean-Pierre Stahl.

Lucien Lurton, c’est le deuxième fils de François et Denise Lurton, c’est aussi le petit-fils du fameux Léonce Récapet, l’aïeul qui fit fortune dans la distillerie et les apéritifs à Branne. Lucien est né en 1925, un an après André Lurton, qui vient de fêter ses 90 ans.

Lucien Lurton, est un personnage relativement simple mais difficile à approcher pour les photographes et journalistes. Ses enfants me confient qu’il y a non seulement très peu de photos de lui, mais aussi que sur les rares clichés où il s’est laissé prendre, « il fait un peu méchant ou il grimace ».

André, Lucien, Simone et Dominique enfants de Denise et Francois Lurton et petits-enfants de Léonce Récapet et © famille Lurton

André, Lucien, Simone et Dominique enfants de Denise et Francois Lurton et petits-enfants de Léonce Récapet et © famille Lurton

C’est son caractère à Lucien: c’est un taiseux et un terrien…S’il parlait peu, il n’en était pas moins attachant pour ses enfants comme pour ses employés. Alors qu’il a refusé de participer à notre « Saga Lurton », il ne nous a pas empêché de venir au château Brane-Cantenac en cette belle matinée du 25 septembre où nous l’avons croisé dans la cour du château toujours prêt à retrousser ses manches comme pour aller au travail…Il nous a poliment salué. Nous le saluons en retour en lui consacrant un magazine de 6 minutes…avec les témoignages d’Henri, Denis, Marie-Laure 3 de ses 10 enfants et de sa belle-fille Claire Villars-Lurton.

Henri Lurton, devant le château familial Brane-Cantenac © JPS

Henri Lurton, devant le château familial Brane-Cantenac © Jean-Pierre Stahl

C’est son fils Henri Lurton, gérant de Brane-Cantenac, 2e Cru Classé de Margaux qui nous fait le tour du propriétaire. Il en est aussi le propriétaire car Lucien un beau jour de 1992 a décidé de tout arrêter et de transmettre d’un coup ses châteaux à chacun de ses enfants.

Le château Brane-Cantenac a été acheté en 1925 par l'aïeul Léonce Récapet © Lucien Lurton

Le château Brane-Cantenac a été acheté en 1925 par l’aïeul Léonce Récapet © Lucien Lurton

Henri, Lurton, c’est un peu le gardien du temple, il est à la tête de ce 2e Cru Classé de Margaux, que son père avait choisi de reprendre en 1954 quand s’est fait le premier partage du patrimoine acquis par Léonce Récapet, le grand-père. Un château, un vignoble, qui a l’époque était mal en point. Non seulement, il manquait des pieds mais en prime il y eu cette gelée de 1956 qui a fini de tout achever ou presque. C’était pour Lucien une difficile entrée en matière. Henri raconte: « C’était très difficile, il était le second. Il faut se rappeler que les marchés avaient été perdus. Dans les années 50, le vignoble de Bordeaux n’avait pas redémarré. »

Lucien Lurton a fait partie de cette génération de pionniers. Il y a eu cette gelée de 1956. Il est féru d’histoire, il a retrouvé la technique du pied couché: d’un pied, il en faisait plusieurs. Il faut savoir prendre des risques et c’est ce qu’il a su faire » Henri Lurton à propos de son père.

Denis Lurton, frère d’Henri et fils de Lucien Lurton, est aujourd’hui à la tête de Desmirail, 3e Cru Classé de Margaux. Il aurait pu avoir un autre destin…Il avait fait des études de droit et comme les Lurton du côté grand-père paternel (François Lurton), il était devenu juriste: il a été avocat durant 3 ans. Puis il y a cet appel des planches, il a joué comme comédien de théâtre à Paris. Sauf qu’un beau jour ses racines se sont rappelées à lui: « Mon père a sifflé la fin de la récréation ».

Denis Lurton, l'ancien avocat, devenu vigneron, propriétaire du château Desmirail © Jean-Pierre Stahl.

Denis Lurton, l’ancien avocat, devenu vigneron, propriétaire du château Desmirail © Jean-Pierre Stahl.

En 1992, Lucien Lurton a en effet annoncé qu’il voulait leur transmettre ses châteaux. Une volonté ferme comme toujours chez les Lurton. Et ce bien que certains enfants n’avaient qu’une vigntaine d’années: ainsi Bérénice s’est retrouvée à la tête d’un 1er Cru Classé de Sauternes, château Climens à Barsac, à l’âge de 22 ans ! Denis explique que même s’il a été surpris, il était prêt: « c’est comme pour le raisin, j’étais mûr. Moi, j’ai découvert ce pays, le Médoc, en revenant de Paris et je suis devenu amoureux du Médoc.

 » Quant au partage, comment s’est-il fait avec ces 10 enfants ? » « Mon père avait organisé un tirage au sort. Au préalable, il nous avait demandé d’émettre trois voeux, mais en fait on s’est rendu compte qu’on pouvait avoir un pré-choix et c’est lui qui a fait le choix final », raconte Denis, qui ajoute:

Mon père est quelqu’un de discret, solitaire, cette transmission, c’est un très bel acte d’amour » Denis Lurton qui a hérité du château Desmirail

Depuis Denis Lurton fait fructifier son vignoble: « j’ai essayé de faire un vin tout en rondeur et amabilité. Nous nous sommes ouverts aussi à l’oenotourisme depuis 3 ans et sommes ouverts tous les jours. C’est un très beau challenge. Quant à la famille, « il y a une cohésion familiale autour de nos parents. On a gardé cette cohésion avec cet esprit de famille nombreuse avec ses défauts et ses qualités. C’est toute une vie. »

Lucien Lurton, c’est aussi et surtout cette passion des terroirs. Il est à lui tout seul une somme de connaissances et de savoir-faire. D’abord c’est un ingénieur agronome (comme le fils de Léonce Récapet disparu en 1916 à Verdun, il a prouvé à travers cette technique du pied couché, que la nature savait reprendre ses droits et que d’un genou à terre, on pouvait se relever… C’est ce qu’il a fait « avec des hauts et avec des bas » comme me le confiait Henri, mais avec cette volonté de tracer le sillon et son propre chemin. Cette volonté des Lurton de forcer le destin.

Claire Villars-Lurton, épouse de Gonzague, dans leur chai à barriques de Durfort-Vivens © JPS

Claire Villars-Lurton, épouse de Gonzague, dans leur chai à barriques de Durfort-Vivens © JPS

Il a oeuvré pour Margaux quasiment toute sa carrière, il a ainsi été président de l’appellation durant près de 20 ans. Rappelons que Léonce Récapet avec François Lurton son gendre avaient acquis 40% des parts de château Margaux, avant de les céder contre le clos Fourtet à Saint-Emilion où François Lurton (père d’André et de Lucien) a terminé sa vie. Lucien avait cette attirance pour Margaux et le Médoc, autant qu’André qui avait jeté son dévolu sur château Bonnet.

Lucien Lurton tout sourire avec les vignerons © JPS

Lucien Lurton tout sourire avec les vignerons © JPS

Lucien Lurton s’est battu contre les marchands de graviers, il a contribué à remembrer les parcelles et vignobles de Margaux » avec les viticulteurs du cru, nous raconte Claire Villars-Lurton, l’épouse de Gonzague, l’un de ses fils (actuellement aux Etats-Unis et ce pour 2 ans pour relancer un vignoble). Un dévouement pour la communauté mais aussi un sens des affaires. Il a ainsi collectionné les crus classés de Margaux: Brane-Cantenac (2e CC), Durfort-Vivens (2e CC) et Desmirail (3e CC), mais aussi des crus bourgeois (la Tour de Bessan), ce qui fait de lui le plus gros propriétaire de Margaux avec 200 ha. Il n’a cessé d’avoir ce nez creux en achetant également Bouscaut cru classé des Graves et Climens, 1er CC de Sauternes à Barsac.

Marie-Laure Lurton en pleine dégustation au château La Tour de Bessan © Jean-Pierre Stahl

Marie-Laure Lurton en pleine dégustation au château La Tour de Bessan © Jean-Pierre Stahl

Sur les 10 enfants de Lucien Lurton, 8 ont repris le flambeau et sont plongés dans le monde du vin. Marie-Laure est aussi la digne fille de son père, car elle aussi a suivi des études très poussées en oenologie (ils sont 4 oenologues parmi l’association des Lurton du Vin). Elle n’a pas de cru classé mais possède 3 domaines: la Tour de Bessan à Soussans en AOC Margaux ou encore Villegeorge en Haut-Médoc (ancien Cru Bourgeois Supérieur) et Duplessis en AOC Moulis, rien que des crus bourgeois.

Quand on goûte nos vins, il faut qu’on retrouve ce sol de Graves de Margaux » Marie-Laure Lurton

Il lui a inculqué son amour des terroirs, le respect et la libre expression du fruit: elle n’a que très peu recours aux barriques neuves pour éviter des vins trop boisés. « Pour moi la barrique, l’intérêt, c’est l’oxygénation managée des tanins, le but c’est d’assouplir les tanins au cours de l’élevage et pas de donner un goût de bois. Donc je ne mets jamais plus de 20 % de bois neufs dans mes vins. Parce qu’autrement on tue le fruit; le bois neuf est l’ennemi du fruit. »

Les Lurton du Médoc, ce sont enfin des négociants en vin: en 1993, il ont créé « Lucien Lurton et fils », devenu en 1999 « la passion des terroirs« . C’est l’une des 10 plus importantes maisons de négoce de la place de Bordeaux avec 5 millions de bouteilles commercialisées et 45 millions d’euros de chiffre d’affaire.

Aujourd’hui, Lucien Lurton et ses enfants sont classés 180e fortune en France selon le magazine Challenges, devant André Lurton et les siens classés 290e. Une réussite commune, plutôt en parrallèle, mais une passion partagée pour les terroirs.

Une saga palpitante racontée par Jean-Pierre Stahl; images Didier Bonnet, sons Eric Delwarde, Vincent Issenhuth, montage Xavier Granger, mixages Emmanuel Crémèse et Véronique Lamartinière.