22 Mar

Attention à la flambée des prix !

Les prix des vins de Bourgogne subissent une hausse de 32 % et les Bordeaux de 20%, selon le ministère de l’agriculture (référence: prix du tonneau de 900 litres). En cause, la faible récolte du millésime 2013 due à une météo des plus défavorables.

Les très mauvaises récoltes de 2013 se traduisent par une flambée des prix de la plupart des régions viticoles pour le vrac. Les « Bourgogne » enregistrent une augmentation de plus de 30% de leurs prix, tandis que les « Bordeaux » connaissent une envolée de 20%, selon les chiffres fournis par le service statistique du ministère de l’Agriculture, Agreste.

Les vendanges 2013 se sont en effet déroulées avec deux à trois semaines de retard, après les pluies et le froid de juin. Ce printemps exécrable, suivi d’orages de grêle pendant l’été et de précipitations pendant les vendanges, a affecté les volumes.

Dans le détail, d’août à janvier, les prix des vins avec appellation ont bondi de 18% sur un an, et de 25% comparé à la moyenne des cinq dernières années (2008-2012). Une hausse qui s’explique surtout par « les faibles disponibilités de début de campagne » (- 6% sur un an), explique Agreste.

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Hervé Grandeau, Président des Bordeaux et Bordeaux Supérieur © Jean-Pierre Stahl

Pour Hervé Grandeau, le Président du syndicat viticole des Bordeaux et Bordeaux Supérieur, interrogé par Challenges: « le cours du tonneau de 900 litres est descendu de 1.200 à 800 euros pendant la crise financière de 2008-2009. Et comme nous avions trop de stocks, les 2009 et 2010 ont été bradés. Mais aujourd’hui, la donne a changé. Pour éliminer ce surstockage, les vignerons bordelais ont mis en place une politique de baisse des rendements »

 A cela est venu s’ajouter la faible récolte de 2013, ce qui s‘est traduit par une chute de 30% de la production. Du coup, l’offre de vin en vrac est inférieure à la demande. Il est donc logique que les prix remontent à 1.200 euros le tonneau, soit le niveau de la fin des années 2000″ selon Hervé Grandeau des Bordeaux et Bordeaux Supérieur.

Il faut dire qu’avant, avec ces cours descendus à 700-800 euros, les petits vignerons qui vendaient en vrac, vendaient malheureusement à perte. C’est donc un juste retour des choses, mais pour combien de temps ?

Les cours des autres vins – avec indication géographique protégée et sans indication géographique (IG) – montent aussi, mais dans une plus faible mesure, de 6 à 11%. Les vins blancs sans IG connaissent dans cette catégorie la plus forte augmentation (+14%).

Ainsi, selon la dernière estimation d’Agreste en novembre, la récolte 2013 reste extrêmement basse, à 42,3 millions d’hectolitres, soit légèrement supérieure (+2%) à celle de 2012 mais en dessous de la moyenne des cinq dernières année (-7%).

Fabrice Bernard et Patrick Bernard de Millésima © blog millesima

Cette semaine, à l’occasion de la « grande dégustation » des 2012, Patrick Bernard, le patron de Millésima (leader de vente en ligne) a fait cette précision à moins de 10 jours de la folle semaine des primeurs à Bordeaux (où 6 000 professionnels du monde du vin et toute la presse spécialisée seront conviés à déguster le 2013) : « les prix devraient baisser« , concernant les grands Bordeaux présentés en primeurs.

Et d’ajouter « ll est très clair que le marché des 2013 ne sera malheureusement ni en Asie ni aux Etats-Unis. Nos clients de Hong Kong nous ont fait savoir que ce millésime ne les intéressait pas. Et les Etats-Unis, où nous avons près de 20 000 clients, nous ont prévenu que l’intérêt serait très très limité. » a annoncé Patrick Bernard mardi dernier.

 

Sources AFP, Agreste, Sud Ouest et Challenges.

21 Mar

Exportations de vins : l’horizon s’éclaircit en Chine !

La Chine a annoncé vendredi qu’elle allait mettre un terme à une enquête anti-dumping contre les exportateurs européens de vins, après « un accord » entre « des organisations professionnelles », un apparent geste de bonne volonté avant une tournée européenne du président Xi Jinping.

Après six « rounds » de négociations au cours des quatre derniers mois, les « organisations professionnelles viticoles » de Chine et de l’Union européenne (UE) sont parvenues à un « protocole d’accord », a précisé le ministère du commerce dans une déclaration à l’AFP.

« Nous sommes satisfaits de voir les deux parties chercher à mieux se comprendre et coopérer pour résoudre leurs différends », s’est félicité le ministre Gao Hucheng, cité dans cette déclaration, estimant qu’elles avaient fait preuve « de réalisme et de souplesse ».

Cette annonce intervient à la veille de la première tournée européenne du présidentchinois Xi Jinping, qui se rendra notamment en France et à Bruxelles.

La Chine avait ouvert début juillet une enquête anti-dumping sur le vin qu’elle importe de l’Union européenne, en réponse à l’instauration par la Commission européenne de taxes provisoires sur les panneaux photovoltaïques chinois.
Prévue pour durer un an, l’enquête devait également se pencher sur les subventions au secteur viticole dans l’UE et leur impact sur la production de vin en Chine.

Après ce début d’escalade, soucieuses d’éviter une guerre commerciale, la Commission européenne et les autorités chinoises étaient parvenues fin juillet à un accord provisoire dans le dossier du solaire. L’UE avait ainsi accepté de mettre fin aux taxes anti-dumping provisoires, à condition que les exportateurs chinois de panneaux photovoltaïques respectent un prix plancher.

« Depuis la résolution du contentieux entre la Chine et l’UE sur le photovoltaïque par des négociations et des discussions, nous sommes dans la bonne direction pour résoudre nos autres différends commerciaux », a ajouté vendredi M. Gao, mentionnant notamment les équipements de télécommunications sans fil. « Cela montre que la Chine et l’UE ont la sagesse et la capacité de mettre un terme à leurs différends », a-t-il insisté.

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Les Chinois, présents à Vinexpo Bordeaux en 2013 © France 3

Selon le mémorandum d’accord signé mardi, les firmes viticoles européennes apporteront « un soutien technique » à leur homologues chinois et assureront le financement pour l’implantation en Chine de cépages adaptés ou encore la formation de viticulteurs chinois et de spécialistes du secteur.

Contactée vendredi, la Chambre de commerce de l’UE à Pékin n’était pas en mesure de confirmer ni de commenter cette annonce du ministère chinois, qui n’a pas identifié
les « organisations professionnelles » ayant participé aux négociations. La Chine offrait en 2012 un débouché à 11,4% des exportations de vins de l’UE, pour 763 millions d’euros, selon des chiffres de la Commission. La France était le premier pays concerné (546 millions d’euros, soit 71% des exportations européennes), suivie par l’Espagne (89 millions) et l’Italie (77 millions).

Cette année-là, les vins européens représentaient 65% des importations chinoises, et se taillaient sur le marché local du vin une part de marché de près de 16%, selon les autorités chinoises.
Mais selon les professionnels, les contraintes liées à l’enquête anti-dumping ont contribué en 2013 à plomber les échanges viticoles.
Selon le Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), les volumes de crus bordelais expédiés vers la Chine ont reculé de 16% l’an dernier (un repli de 18% en valeur).
Une baisse qui s’explique cependant également par la campagne d’austérité lancée par Pékin, qui cherchent à enrayer les habitudes de fastueux banquets et de luxueux cadeaux dont étaient coutumiers les cadres du Parti communiste -ce dont ont pâti l’ensemble des spiritueux et vins.
Les exportations de vins européens ne bénéficient d’aucune subvention, s’était défendue la Commission européenne dès début juin, avant même le lancement de l’enquête officielle.

En dépit de multiples contentieux, l’Union européenne est le principal partenaire commercial de la Chine, avec 559 milliards de dollars d’échanges bilatéraux en 2013, selon les douanes chinoises.

Bernard Farges, Président du CIVB, se félicite de l’accord conclu entre les représentants des filières viticoles européenne (CEEV) et chinoise (CADA), qui conduira à l’abandon de la procédure d’enquête antidumping et anti-subventions sur l’exportation des vins européens en Chine.

« Cet accord consiste en la mise au point, sur les deux prochaines années, d’un programme d’actions d’assistance et de coopération entre l’Union Européenne et la Chine, dans différents domaines allant de la technique et la recherche à la promotion. Ces actions permettront un approfondissement de la connaissance réciproque entre opérateurs européens et chinois.
Le dialogue entre professionnels a permis de dépasser les suspicions initiales. Le programme de coopération renforcera les relations entre l’Union Européenne et la Chine, et permet d’envisager avec l’abandon de la procédure d’enquête, le futur de nos exportations sur ce marché (aujourd’hui stratégique pour le vin de Bordeaux) dans un climat apaisé.»

Eléments de contexte :
• le 1er juillet 2013, les autorités chinoises ont lancé une enquête anti-dumping et anti-subventions à l’encontre des vins européens exportés vers la Chine, 3500 entreprises bordelaises sur les 5000 dans l’Union Européenne avaient répondu à la demande d’enregistrement prévue dans l’enquête
• la Chine est le 1er pays d’exportation en volume, et le 2ème pays en valeur, pour les vins de Bordeaux en 2013
• pendant le déroulement de l’enquête, les autorités européennes et chinoises avaient appelé à un dialogue entre les professionnels chinois représentés par la CADA (Chinese Alcohol Drinks Association) et les professionnels européens représentés par le CEEV (Comité européen des entreprises vins)

SourceS: Agence France Presse et CIVB

20 Mar

Petit vin ou grand vin : le prix fait-il la qualité ? Pas forcément.

Un petit vin « de bonne facture » peut damer le pion à un grand vin à la » facture salée ». Les dégustations à l’aveugle en apportent chaque année des exemples. Peut-on trouver de petites pépites à moindre coût, qu’y a-t-il vraiment dans une bouteille de grand cru classé ? C’est le dossier, ce mois-ci, de « vigne et vin ».

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Dominique Raimond, château Montfollet, et Jean Lissague, Grand Secret et Petit Secret © Jean-Pierre Stahl

Et oui, même si ça choque certains, partis dans la stratosphère spéculative et le diktat du marché international, il existe encore en France et dans le Bordelais des petits vins bien travaillés, des petites  perles ou de grosses pépites (qu’il faut savoir malgré tout dénicher) à moindre coût. Des vins qui tiennent la route à moins de 10 euros, il y en a et même pas mal. Fort heureusement pour le portefeuille du consommateur et amateur de vin français !

Ainsi, à Blaye dans les Côtes de Bordeaux. Nous avons pris l’exemple de ces 15 petits vignerons qui se sont associés sous l’emblème des « vignerons solidaires ». Ils réalisent des vins gourmands, sur le fruit, bien travaillés, équilibrés avec une bonne longueur en bouche. Jean Lissague, qui a été directeur des Côtes de Blaye durant 8 ans, est ainsi fier de nous présenter son « petit secret », c’est le nom de son petit et second vin: un 2009 issu de ce terroir argilo-calcaire, un vin gourmand, avec de la rondeur et du fruit à moins de 6 euros ! (par ailleurs, il travaille également un « Grand Secret » (c’est le nom de son château) qui selon lui rivalise avec les grands crus classés (18 mois d’élevage, 100 % en barriques de un an).

Son ami, Dominique Raimond n’est pas en reste…Propriétaire de château Montfollet et de 100 ha de vigne à Cars, Bersan et Plassac, il produit un joli petit vin « le Valentin » dont le millésime 2010 a raflé de nombreux coups de coeur sur le guide Hachette, ou encore dans le guide de Jacques Dupont, journaliste au Point. Cela fait 30 ans qu’il travaille avec la grande distribution, l’an dernier il était référencé partout et notamment chez Carrefour pour la foire aux vins d’automne. (à moins de 8 euros, 70 % merlot et 30 % malbec). « le malbec est très adapté à Blaye pour amener une ossature, en plus du côté exotique, épicé », nous dit-il, ce d’autant qu’il réalise un 100 % malbec qui mérite le déplacement…

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Jacques Dupont, journaliste du Point © JPS

Pour Jacques Dupont, en pleine séquence de dégustation des côtes de Bordeaux, il confirme: « On n’a pas 100 fois plus de plaisir en goûtant un premier grand cru classé, qu’en goûtant un côte de Bourg ou un Bordeaux Supérieur. On a des plaisirs différents, mais cela ne s’échelonne pas comme cela. »

Aujourd’hui, c’est la demande internationale qui fait les prix, mais ce n’est pas le plaisir. Si c’était le plaisir, on le saurait, mais c’est pas le cas. Et on peut avoir beaucoup de plaisir avec des vins en dessous de 10 euros, et être très déçu par des vins qui sont au-dessus de 150 euros ! » selon Jacques Dupont du Point.

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David Suire, oenologue et Nicolas Thienpont, gérant de Pavie Macquin © Jean-Pierre Stahl

Sur le plateau de Saint-Emilion, le terroir argilo-calcaire compte ici aussi  pour beaucoup dans le goût de ces grandes écuries. Nicolas Thienpont dirige quatre prestigieux châteaux, trois premiers crus classés et un cru classé: Pavie Macquin, Larcis Ducasse, Beauséjour Duffau-Lagarosse et Berliquet. Nicolas Thienpont explique que c’est avant tout le terroir qui prime avec « des plateaux argileux assez forts », il y a une sélection parcellaire et sur pied pour l’élaboration du premier vin, puis une autre sélection au moment de l’assemblage des lots.

Ainsi il faut compter en moyenne payer 80 euros pour un château Pavie Macquin, 30 pour le second vin; Beauséjour Duffau Lagarosse s’était envolé en 2010 à 150 euros pour le 2010, car bien sûr les grandes années comme 2009 et davantage encore le 2010 ont trouvé de nombreux acheteurs qui étaient prêts à payer ce niveau de prix, en France mais aussi beaucoup à l’étranger, pour boire ces vins d’exception.

Regardez le dossier de Jean-Pierre Stahl et Olivier Prax, suivi de la chronique de Frédéric Lot.

 

Hubert de Boüard: « Si ce n’est pas un millésime exceptionnel, il y aura cependant des vins de grande qualité, construits sur le classicisme, la fraîcheur et l ‘équilibre. »

« Bien qu’hétérogène, ce millésime 2013 présente des réussites étonnantes. Bien des dégustateurs seront surpris par ses vins élégants, équilibrés, avec beaucoup de fraîcheur, des tanins appétants, un niveau d’alcool modéré. » selon Hubert de Boüard qui revient sur la climatologie qui a lourdement pesée sur le millésime 2013 à Bordeaux.

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Hubert de Boüard © HDB consulting

« Le printemps, difficile, pluvieux, a contrarié la floraison provoquant millerandage et coulure. Le début de l’été a été pluvieux lui aussi, et le mildiou et l’oïdium ont été contenus par des vignerons combatifs et acharnés qui n’ont rien cédé.

Juillet et août, mois particulièrement ensoleillés et secs, ont permis la constitution des fondamentaux du raisin : l’architecture des polyphénols de la pellicule et la maturité des pépins, ont pu se développer dans de bonnes conditions.

Septembre et octobre pluvieux, ont été des mois d’inquiétude pour les vignerons qui malgré tout, ont ramassé des raisins de belle qualité, particulièrement ceux qui avaient mis en place, en amont les moyens nécessaires.

Bien qu’hétérogène, ce millésime 2013 présente des réussites étonnantes. Bien des dégustateurs seront surpris par ses vins élégants, équilibrés, avec beaucoup de fraîcheur, des tanins appétants, un niveau d’alcool modéré.

Ce sont des structures en douceur pour ceux qui n’ont pas exagéré l‘extraction, développant des notes de fruits noirs, des structures de tanins rafraîchissants et veloutés, une finale appétante, tendue.

Si ce n’est pas un millésime exceptionnel, il y aura cependant des vins de grande qualité, pour les consommateurs qui aiment les vins de Bordeaux construits sur le classicisme, la fraîcheur et l ‘équilibre. »

Communiqué d’Hubert de Boüard.

19 Mar

Jacques Dupont sur le 2013: « honnêtement, on est sur un petit millésime. La nature a toujours raison, ce n’est pas la peine de dire qu’on est sur un grand millésime ! »

Une interview exclusive de Jacques Dupont, en pleine dégustation des primeurs 2013, réalisée à la Maison des Vins de Cadillac. Le célèbre journaliste critique du Point nous parle, sans détour, des petits vins qu’on peut toujours dénicher à moindre coût. Des vins de bonne facture, par rapport à la facture parfois salée de grandes écuries…Il évoque également ce fameux millésime 2013, pour lui « il va y avoir de belles choses, mais aussi beaucoup de déchets… »

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Jacques Dupont, le célèbre journaliste du Point © Jean-Pierre Stahl

Jean-Pierre Stahl : « Jacques Dupont, est-ce qu’il faut véritablement mettre le prix pour se faire plaisir et trouver un bon vin ? »

Jacques Dupont : « Non, je suis formel non. Il y a un tel différentiel de prix entre les vins qui sont fortement demandés et ceux qui le sont moins, que c’est la notoriété qui joue. On n’a pas 100 fois plus de plaisir en goûtant un premier grand cru classé, qu’en goûtant un côte de Bourg ou un Bordeaux Supérieur. On a des plaisirs différents, mais cela ne s’échelonne pas comme cela. »

« Là, aujourd’hui, c’est la demande internationale qui fait les prix, mais ce n’est pas le plaisir. Si c’était le plaisir, on le saurait, mais c’est pas le cas. Et on peut avoir beaucoup de plaisir avec des vins en dessous de 10 euros, et être très déçu par des vins qui sont au-dessus de 150 euros ! »

« On a fait une dégustation à l’aveugle, il n’y a pas très longtemps à Bordeaux, avec différents crus classés. C’était amusant de voir comment les gens se répartissaient entre les différents types de vins, modernes, ou anciens ou classiques. On s’aperçoit qu’il y a des vins qui sont faits pour plaire internationalement mais qui ne sont pas des vins comme nous on les déguste, c’est-à-dire en mangeant. Le repas à la française qui a été classé au patrimoine mondial de l’Unesco, c’est un ensemble de choses qui va avec le vin et la nourriture. Aux Usa, on sert du vin plutôt à l’apéritif et pas forcément en mangeant. Nous on a un rapport vins-mets qui est très important. Et les vins qui sont les mieux notés parce qu’ils sont très puissants ne conviennent pas du tout aux aliments. Donc le rapport plaisir prix est très important quand on rapporte les vins au fait qu’on mange avec ! »

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Jacques Dupont en pleine dégustation du millésime 2013 donne ses premières impressions et ses notes… © JPS

JPS : « Est-ce qu’on peut trouver des pépites à moindre coût ? »

JD : « Partout à Bordeaux ! Faut pas oublier que les vins chers à Bordeaux, c’est au maximum 5 % des volumes. Dès qu’on s’éloigne du centre bdu cercle, on goûte de très, très belles choses qui ne sont pas chères du tout. C’est pour cela que je suis ravi de venir chaque année, et que je fais ce métier. Si c’était pour regoûter tout le temps les grands crus classés, je ne joue pas les blasés, je pense que je m’ennuierais un peu, parce que ce serait très répétitif comme métier. »

« Aujourd’hui, ce qui fait le bonheur de mon métier de journaliste, c’est de trouver chaque année des nouveaux vins, des jeunes dans des appellations, c’est pour cela qu’on reste 5 semaines à Bordeaux pour les primeurs et qu’on en goûte autant ! »

« Dès qu’on s’éloigne un peu, on goûte des bonnes choses dans le Médoc avec les Crus Bourgeois et les Crus Artisans, dans les appellations satellites autour de Saint-Emilion, dans les Côtes, dans les Bordeaux et Bordeaux Sup, on goûte chaque année de très belles choses et qui ne sont pas chères. »

JPS : « Est ce que cela signifie que les grands crus classés, ceux qui sont hors de prix, il ne faut plus les acheter ? »

JD : « Peut-être qu’il faudra les acheter avec le millésime 2013, justement. Vous m’auriez posé la question, il y a 2-3 ans, j’aurais répondu oui. Mais là, en 2013, on va avoir une vraie cassure entre ceux qui ont les moyens de faire de très bons vins, en faisant une grosse sélection, et puis les autres donc.

« Et puis on sait qu’en 2013, les prix des crus classés vont baisser. Il y a un vieil adage bordelais qui dit « dans les petites années achète les grands crus et dans les grandes années achète les petits crus », c’est pas faux ! Là les prix vont baisser sans doute fortement, je l’espère du moins sinon, cela relèverait de l’escroquerie. Si on vend les 2013 très chers dans les crus classés, c’est pas normal ! Et, il y aura sans doute pour ceux qui ont un peu les moyens des achats à faire dans crus classés, pour se faire plaisir, parce qu’ils y auront accès. »

« C’est vrai que dans une propriété où la marge est faible, c’est beaucoup plus difficile de faire du bon vin en 2013 que dans une propriété où on a une trésorerie forte, parce que les années précédentes, on a réussi à vendre très chers les vins. »

20140317_122827JPS : « Le 2013 ? Qu’est-ce qui le caractérise ? »

JD : « Là, je suis au début. Ce qui le caractérise, c’est que cela a été difficile de faire des choix à partir du moment où la vendange était en train de pourrir, et au moment où elle commençait à mûrir.Donc les choix sont là. Est-ce qu’on attendait un peu plus longtemps, mais on risquait de perdre la récolte…Ou est-ce qu’on ramassait un peu plus tôt, on avait peut-être du fruit mais des tanins pas mûrs…On est sur un petit millésime, honnêtement on est sur un petit millésime. Il faut beaucoup plus trier que dans les 2009 ou les 2010;

JPS : « C’est inégal, comme avait tendance à le dire, Olivier Bernard ? »

JD : « C’est beaucoup plus qu’inégal. La nature a toujours raison, hein…C’est pas la peine de dire qu’on est sur un grand millésime, on est sur un petit millésime. Et c’est plus qu’inégal: il va forcément y avoir des jolies choses, mais il faut trier et il va y avoir beaucoup, beaucoup de déchets cette année ! »

« Mais c’est comme cela, il faut accepter les millésimes. On ne peut pas avoir que des 2005, 2009, 2010 ! Ca nous ramène un petit peu à la raison. On avait tendance à dire: on ne peut plus rater le vin maintenant. Ben oui, c’est pas parce qu’on a internet, que tout le monde parle anglais,et qu’on voyage de par le monde, qu’on fait des bon vins et qu’on a une oenologie performante. Il y a un moment donné, la vigne, elle donne ce qu’elle peut, en fonction de la météo…et de temps en temps, la météo se rappelle à nous et dit: « non, c’est moi qui commande ! » »

Ecoutez et regardez l’interview de Jacques Dupont réalisée par Jean-Pierre Stahl et Olivier Prax

 

 

 

18 Mar

Vino Business : après les présentoirs, bientôt les prétoires…

Isabelle Saporta maintient ses écrits sur le classement contesté des vins et châteaux de « Saint-Emilion ». « J’attends ce procès sereinement », dit-elle. Mais pour Me Jean-Yves Dupeux, avocat d’Hubert de Boüard, elle est totalement dans la diffamation et sur deux points essentiels, il va demander le retrait des passages qui portent atteinte à l’image du propriétaire d’Angélus.

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Une énorme partie du livre tourne autour du classement de Saint-Emilion (Vino Business chez Albin Michel) © Olivier Prax France 3 Aquitaine

 » J’ai mené des entretiens; je l’ai interviewé. J’ai toutes les preuves, je sais ce que j’avance. » Elle reconnaît par ailleurs que c’est « une enquête à charge » et qu’elle n’a pas avancée masquée:  « j’ai écrit le livre noir de l’agriculture », « j’ai eu envie de porter la plume dans la plaie sur les petites choses qui vont mal. » Aux dires des protagonistes qu’elle a suivis, le livre lui-même n’a pas été annoncé, ni l’objet véritable du tournage puisqu’elle tournait un documentaire sur « la vie de vignerons dans leurs vignes ».

Pourtant en face, elle va avoir Maître Jean-Yves Dupeux, l’un des avocats ténors au barreau de Paris, qui l’attaque en diffamation pour le compte d’Hubert de Bouard et du château Angelus.

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Me Jean-Yves Dupeux, avocat d’Hubert de Boüard, propriétaire de château Angélus © France 3

Me Dupeux commence : « Le livre dont il est question porte essentiellement sur le classement des grands crus classés et 1ers grands crus classés de Saint-Emillion. »(classement de 2012)

 » Et mon client se sent doublement diffamé: – premièrement, parce qu’il est accusé d’être juge et partie dans le classement des grands crus classés de Saint-Emilion, c’est-à-dire qu’on l’accuse d’être celui qui décide des classements et en même temps d’être un propriétaire viti-vinicole

– deuxièmement, il est accusé en sa qualité de conseil en oenologie, vous savez ce que l’on appelle les « winemakers », il est accusé d’avoir capté une clientèle parce qu’il aurait la possiblité, étant le « grand manitou » qui est décrit dans le livre, de faire classer de manière positive ses clients.

Donc sur ces deux points qui sont avant tout contraire à la vérité, il engage des poursuites en diffamation. »

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Isabelle Saporta, l’auteure de Vino Business, interviewée par Patricia Chalumeau © France 3

En revanche pour Me Jean-Yves Dupeux, interrogé hier lundi dans son bureau à Paris, par Patricia Chalumeau: « Isabelle Sapporta commet des erreurs: « La commission de classement a été déterminée par l’INAO, cette commission, c’est celle qui va examiner les critères, fixer un certain nombre de châteaux qui vont mériter l’appellation en grand cru classé ou 1er grand cru classé A ou B. Et cette liste va être présentée à l’INAO pour une homologation. Mais sur ces gens là, sur les critères de classement et sur le classement lui-même, Hubert de Bouard n’a strictement aucune influence. »

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Le château Angelus a été promu Premier Grand Cru Classé A de Saint-Emilion en 2012 © France 3 Aquitaine

« Les critères de classification ont été fixés par un arrêté du ministère de l’agriculture en juin 2011 (il fixe les 4 grands critères du classement) et il est largement antérieur au dépôt des candidatures au classement. Donc ils sont, contrairement à ce qu’écrit le livre, informés des critères qui vont être pris en considération pour déterminer le classement. »

Me Dupeux reconnaît qu’il a fait partie de l’INAO national et régional, comme beaucoup de propriétaires en France, mais pas de la commission spéciale de classement, créée en 2011 « pour couper court à toute critique » car « le classement de St Emilion est remis en cause tous les 10 ans et il a pratiquement tout le temps fait l’objet de recours devant le tribunal administratif ».

« Sur ce point là le livre d’Isabelle Saporta est muet, quand on lit son livre, on a l’impression que c’est le comité national de l’IAO qui procède lui-même au classement et que sur ce comité national, il a une main mise totale. Et bien non, ceci est faux ! C’est une commission de classement qui n’a rien à voir avec lui ».

Jean-Yves Dupeux attaque donc en diffamation, en matière de droit de la presse, c’est à l’auteur à apporter la preuve de ce qu’il avance. Isabelle Saporta a mené nombre d’entreriens qu’elle cite dans le livre, elle a des mails, des documents, mais en face l’avocat d’Hubert de Bouard dit tout clairement « nous nous rapportons la preuve que ce qu’elle a écrit ne correspond pas à la réalité ».

Par ailleurs, et pour être complet sur l’épisode INAO: mis en cause dans le livre d’Isabelle Saporta sur la gestion du classement des grands crus de Saint-Emilion, l’INAO réagit par la voix de son directeur Jean-Luc Dairien. Et défend « un travail bien fait ». A lire son interview dans Terre de Vins: « Vino Business » l’INAO répond à Isabelle Saporta.

Les deux parties attendent sereinement le jugement de la 17ème chambre à Paris. Me Dupeux espère une réparation de principe, il ne demande pas le retrait du livre mais demandera de faire publier le jugement dans des supports de presse spécialisée, s’il gagne, et la suppression des passages diffamatoires jugés par le tribunal.

Isabelle Saporta prépare elle, en attendant, son documentaire télé.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Patricia Chalumeau, Olivier Prax, Thomas Guéry et Antoine Placier

Interview réalisée ce lundi 17 mars par France 3 (Patricia Chalumeau et Antoine Placier) de Me Jean-Yves Dupeux, avocat d’Hubert de Boüard, propriétaire du château Angélus

 Interview réalisée vendredi 14 mars par France 3 (Patricia Chalumeau et Thomas Guéry) d’ Isabelle Saporta, auteure de Vino Business

16 Mar

« Vin de paille » contre « vin paillé »: le vin de paille vient de gagner…

Une fois de plus c’est une histoire de chapelles, presque cloche-merle. Mais il en va de la reconnaissance de noms, comme la bataille autrefois autour du Champagne que seule la Champagne aujourd’hui peut revendiquer. Là il s’agit de ce nectar, le vin de paille, emblème du Jura. Les Corrèziens doivent abdiquer malheureusement pour eux leur vin paillé.

vin_paille_140312 La société de viticulture du Jura avait avancé un « caractère confusant » de la mention “vin paillé” par rapport à celle de “vin de paille” usitée par ses producteurs.

Nous sommes toujours intervenus pour défendre nos producteurs, insiste le directeur de la société de viticulture du Jura, Daniel Cousin. Il n’était pas question de laisser s’installer la confusion dans l’esprit du consommateur. »

Quant au syndicat du vin paillé de la Corrèze, il se plie à la décision du conseil d’État, tout en regrettant de voir s’éteindre une tradition vieille, selon lui, de plus de 200 ans.

Une décision qui va avoir des conséquences pour la vingtaine de  producteurs corréziens qui sortent 50.000 bouteilles chaque année.

« Le projet de vin paillé a été relancé en 1999, la première production date de 2003. Aujourd’hui, on repart une quinzaine d’années en arrière », pour Dominique Pessoz.

 Le syndicat des viticulteurs corréziens espère négocier avec l’INAO, l’institut national des appellations d’origine, pour continuer à vendre le vin paillé jusqu’au millésime 2011.

Pour ce qui est de trouver un nouveau nom ou une marque commerciale, les producteurs vont en discuter lors de l’assemblée générale du syndicat, le 25 mars.

Regardez le reportage de France 3 Limousin de Thierry Girault et Morgane Tregouet

Intervenants : Jean-Louis Roche, président du syndicat du vin ppaillé de la Corrèze et Jean Mage, président de la fédération des vins de la Corrèze

Autre sujet de France 3 Franche-Comté de d’Isabelle Forboteaux et Hugues Perret

Intervenants: Alain Baud ,viticulteur, et ancien président de la Société de Viticulture du Jura, Daniel Cousin directeur de la Société de Viticulture du Jura et Jean-Louis Roche président du syndicat du vin paillé de la Corrèze

 

14 Mar

Exportations des vins de Bordeaux: la Chine chute…

Une baisse substantielle de – 16 % en volume vers la Chine et – 23 % vers Hong Kong plombe le bilan dressé, hier à Paris par le CIVB, de l’export des vins de Bordeaux: – 2 % en volume et – 6 % en valeur.

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La baisse du marché chinois vue par DIVA et Jean-Pierre Rousseau, directeur associé @ Thierry Julien – France 3 Aquitaine

« Le marché chinois a besoin de souffler », selon Bernard Farges le Président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, qui confirme que « le marché avait une progression exponentielle depuis 2005″

L’exemple le plus flagrant, c’est celui de D.I.V.A.la maison de négoce bordelaise, désormais sous pavillon chinois (détenue à 70 % par un Chinois). Jean-Pierre Rousseau, directeur associé, avoue avoir enregistré une baisse de 50 % du chiffre d’affaire vers la Chine l’an dernier. (Fort heureusement, la part du marché export en Chine a été ramenée chez DIVA de 70 à 30 %).

Les explications sont simples et données par Jean-Pierre Rousseau avec son oeil d’expert: «  Il y a eu un engouement en Chine énorme, ça a été un raz-de-marée. Comme on dit les arbres ne montent pas au ciel, mail là ils sont allés très très haut, ils ont dépassés les gratte-ciels les plus hauts de  Poudong, le quartier d’affaire de Shangaï. La vague retombe c’est relativement logique. »

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Les dirigeants chinois ne peuvent plus offrir en cadeaux des coffrets de luxe de grands crus classés, leur gouvernement leur interdit © France 3 Aquitaine, lors de Vinexpo 2013

Il faut dire que le gouvernement chinois a freiné tout net la politique et la culture de cadeaux de grand luxe et notamment de crus classés, en particulier chez les fonctionnaires et ceux qui dépendent de l’Etat.

Grâce au marché Chinois, qui a enregistré des progressions jusqu’à 3 chiffres, le marché des vins de Bordeaux a pu rester à flots et se revigorer après la crise financière de 2008.

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Allan Sichel vice-président du CIVB et Président de la Fédération des Négociants en Vins de Bordeaux © Thrierry Julien- France 3 Aquitaine

Bordeaux exporte 25 % de ses volumes sur la Chine, ça représente un volume conséquent et c’est important qu’on ait plutôt une diffusion mondiale. Justement, il serait dangereux d’être beaucoup plus dépendant que cela de la Chine ! » selon Allan Sichel Vice-Président du CIVB.

Christophe Reboul Salze, Président the « Wine Merchant », enfonce le clou: « ça correspond à des exportations de vins qu’on a vendu, il y a une an, deux ans, avec le système de primeurs. Ce qu’il y a de certain, c’est que la baisse de commandes sur le marché actuel est supérieure à 50%

Pour ce dirigeant d’une grande maison de négoce à Artigues-près-Bordeaux qui a exporté jusqu’à 50% en Chine de 2009 à 2011:  » ils se retrouvent avec beaucoup de stocks et il y a beaucoup moins d’intérêt en ce moment. Il va leur falloir du temps pour digérer ces stocks. Ensuite, ça va redémarrer sur des bases plus saines, avec des gens mieux formés et des sociétés mieux capitalisées, plus spécialisées, je pense. »

« Seul point positif, les volumes expédiés vers l’Union Européenne sont en hausse de 5 % (1,03 Mhl) (mais baisse de 6 % en valeur). Vers l’Asie et l’Amérique du Nord, le repli est de 7 % en volume et 6 % en valeur.

En France, la baisse des ventes dans la grande distribution où 1 bouteille sur 2 est achetée, continue avec 190 millions de bouteilles (-3 %) pour un chiffre d’affaire de 906 millions d’euros (-1%).

L’année 2013 a vu l’inversion du ratio de stocks, amplifiée par une faible récolte 2013 estimée à 3.87 millions d’hectolitres (-27 % par rapport à 2012).

C’est surtout un choc brutal pour ceux qui n’ont pas de stock, d’autant qu’il y a en ce moment une remontée des cours de l’ordre de 25 % avec un tonneau vendu 1250 euros.

(Source bilan chiffré par le CIVB)

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Thierry Julien.

Interviews de Jean-Pierre Rousseau co-associé de DIVA et Allan Sichel, Vice-Président du CIVB.

Regardez l’interview de Christophe Reboul Salze, Président de « the Wine Merchant »

 

13 Mar

Vino Business fait des vagues…

Le livre d’Isabelle Saporta « Vino Business » est à peine sorti, jeudi 6 mars, qu’une plainte en diffamation a été déposée contre Albin Michel et son auteure par Hubert de Boüard et ses avocats. Ce dernier affirme dans son communiqué: « Isabelle Saporta accuse dans son ouvrage, de manière totalement infondée, le propriétaire du Château Angélus ».

Côté Châteaux a comme politique de laisser les choses se décanter…comme un bon vin mais aussi de traiter en urgence quand l’actu le commande. En l’occurence, ce livre n’a pas d’urgence en soit car il se présente comme une enquête sur des états de faits soit-disant constatés sur plusieurs années (comme les prix à l’hectare qui ont explosé à Pomerol, mais ce qui est rare est cher) avec des fois des portes ouvertes enfoncées (les financiers ont fait grimper les prix) car des sujets ont déjà été traités maintes fois par les JT. Mais tout de même, c’est un condensé de thèmes qui portent à polémique. Là où ça devient urgent, c’est que depuis hier, un dépôt de plainte pour diffamation s’est invité dans cette histoire, il faut bien dire, pas bien claire à la base entre les deux protagonistes. L’objet du tournage (car c’était un tournage initialement) n’était pas celui annoncé au personnage principal du livre, ni d’ailleurs le livre lui-même. Voilà pour l’à propos. Qui a tort qui a raison, la justice le dira prochainement.

Isabelle Saporta a lancé jeudi dernier son livre « Vino Business », un titre accrocheur, qui déjà a été tiré à 30 000 exemplaires (255 pages chez Albin Michel, 19 euros), et qui  envisage déjà un retirage. Depuis « ça remue » nous a confié Chantal Mamou Mani, son attachée de presse chez l’éditeur.

Isabelle Saporta a commencé à lancer son livre par une interview accordée à Thomas Sotto, dans la matinale d’Europe 1, normal, puisqu’elle est journaliste chroniqueuse à Europe 1 depuis peu, avant d’avoir exercé à RMC, Francer Inter, auprès de Jean-Pierre Coffe, et à Mariane. Elle réalise par ailleurs des documentaires, et tiens justement un qui s’appelle « Vino Business » qui sera diffusé en prime-time sur France 3, « entre mai et septembre » (elle ne savait pas).

Isabelle Saporta

Isabelle Saporta © Albin Michel

Jointe ce matin, par téléphone, Isabelle Saporta nous déclare:  » j’ai enquêté pendant deux ans, et plus précisément, puisque vous allez me poser la question, auprès d’Hubert de Boüard, je l’ai suivi un an, très régulièrement, pour les besoins d’un documentaire diffusé en prime sur France 3. » (de mars à décembre 2013)

Un quart du livre concerne le classement de Saint-Emilion: « je savais que ça allait enflammer les esprits, les enjeux financiers sont colossaux ! »

« J’avoue que la virulence des attaques…j’ai été attaqué en tant que femme, sur ma personne, ça a été d’une virulence énorme. Tous les porte-flingues sont montés au créneau…Quand une femme fait une enquête, on a le droit de la traiter de salope ! »

« D’ailleurs, poursuit-elle, il y a une excellent papier dans le point »: « Vino business, le bruit et la fureur » par Jacques Dupont.

mais aussi un autre papier de notre autre confrère César Compadre de Sud-Ouest: « un livre bouchonné au parfum d’approximation »

« Il (Hubert de Boüard) m’a fait savoir qu’il voulait attaquer par différents canaux. Il voulait faire un référé pour l’interdire, finalement, il ne l’a pas fait. La plainte ? Je ne suis pas étonnée qu’elle arrive, mais étonnée qu’elle arrive aussi tard. Je lui ai transmis le livre très tôt. J’ai fait un travail de journaliste, j’ai fait jouer le contradictoire. »

Tout le monde savait pourtant qu’il y avait ce classement de Saint-Emilion qui était attaqué !  

« Je suis presque soulagée qu’elle soit arrivée. Maintenant elle est là. Les faits que j’avance sont solides. »

Depuis la parution, Isabelle Saporta a été invitée de nombreux plateaux pour la promo et le brûlot qu’elle livre:  » c’est un sujet magnifique, qui intéresse le grand public, et effectivement il y a une système de classement mis à mal. C’est normal que cela intéresse les gens. Moi, je porte les dysfonctionnements du système. Ils savaient à qui ils avaient affaire, puisque j’ai écrit « le livre noir de l’agriculture chez Fayard ». Qu’est-ce qu’ils croient que toute la presse est courtisane ?!? Non, je fais mon boulot. »

Hubert de Boüard, co-propriétaire d’Angélus à Saint-Emilion.

Hubert de Boüard, que nous avons contacté également ce jour, nous a confirmé qu’il déposait plainte en diffamation avec ses avocats conseils habituels Jean-François Dacharry de Bordeaux et Jean-Yves Dupeux du barreau de Paris.

Une plainte en diffamation à l’encontre de la publication « Albin Michel » mais aussi de son auteure Isabelle Saporta.

Hubert de Boüard nous relate les circonstances de sa rencontre et de l’acceptation du tournage avec Isabelle Saporta: « D’abord, elle m’a suivi en disant que c’était une émission « une année dans les vignes d’un vigneron », à aucun moment elle ne lui a annoncé l’autre titre, le but qu’elle suivait, ni qu’elle allait en faire des choux gras: « je ne savais pas qu’elle allait écrire un livre… » J’ai accepté avec tout mon coeur le tournage. » Trahi ? Sans doute, la couleur n’a pas été annoncée de cette manière. Pour l’heure, Hubert de Boüard veut essayer de « laisser retomber la pression médiatique » et s’exprimera un peu plus tard nous confirme Stéphanie Prunier, partner associée chez Havas worldwide Paris.

« Hubert de Boüard est complétement clair sur cette histoire et elle (Isabelle Saporta) raconte n’importe quoi, mais on en apportera la preuve », précise Stéphanie Prunier.

 Dans son communiqué, Hubert de Boüard précise: « au regard des informations erronées contenues dans le livre Vino Business, le propriétaire du Château Angélus a déposé plainte du chef de diffamation publique contre son auteure Isabelle Saporta et son éditeur. » 

« Dans le cadre du renouvellement du classement 2012 des crus de l’AOC Saint-Emilion grand cru, toutes les garanties ont été apportées pour assurer son impartialité :  
le classement a été mené par des organismes certificateurs indépendants. La Commission du classement Saint-Emilion était constituée de personnalités expertes étrangères à ce terroir dont l’impartialité était garantie par une déclaration d’indépendance. »

« Les critères d’évaluation et le système de notation figuraient dans le règlement. Ils étaient donc connus de tous, y compris des candidats. Le règlement de classement a été homologué par les ministères de l’Agriculture et de l’Economie, puis publié au Journal officiel. »

« Autant d’éléments qui démontrent qu’Isabelle Saporta accuse dans son ouvrage, de manière totalement infondée, le propriétaire du Château Angélus. »

12 Mar

« Ami, entends-tu le coeur du vigneron, comme il saigne… », le chant des partisans façon vignerons « oubliés »

50 tracteurs, 200 vignerons sont sortis des vignes pour protester et dire qu’ils sont des « oubliés ». Ni le gouvernement, ni les collectivités locales, ni l’interprofession ne leur sont venus en aide de manière significative après les orages de grêle de 2013.

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Quel avenir pour ce fils de vigneron ? © Jean-Pierre Stahl

Ils se sont donnés rendez-vous à Branne et à Saint-Magne-de-Castillon vers 9 heures, ce matin. Certains le visage marqué par des années de labeur à la vigne, d’autres au contraire, la frimousse toute lisse d’un avenir qui aurait pu être prometteur. Deux petits bouts, fils de vignerons, dont l’un porte fièrement une pancarte « en grève » devant une énorme et vieille machine à vendanger (preuve qu’à Bordeaux tous ne roulent pas sur l’or!)

20140312_092645En file indienne, les tracteurs et camionnettes ont effectué une opération escargot, puis un concert de klaxons devant la sous-préfecture de Gironde pour saluer les aides tant attendues depuis la visite dans les vignes sinistrées le 30 Août dernier de Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture. Un arrêt de plus de deux heures à Libourne, avec une succession d’interventions sur une estrade installée sur la place centrale en face de la Mairie aura au moins permis au brouillard persistant à laisser place à un soleil rayonnant. Preuve que les choses peuvent s’arranger…

Au retour, la délégation reçue par le sous-préfet a dressé le topo : « remontez-moi l’information, car nous ne savons rien », selon Loïc De Roquefeuille, vice-président de SOS vignerons Sinistrés, qui s’exprime sur l’estrade. Et il poursuit sur l’entretien de 45 minutes avec le représentant de l’Etat. « On est prêt à faire quelque chose mais à ce jour, on n’a reçu qu’un seul dossier. Allez vers les banques, les garanties, c’est l’Etat qui va vous les donner. L’Etat pourrait être là comme caution auprès des banques. » Pour SOS Vignerons Sinistrés, ils seraient 500 vignerons en grandes difficultés. Aussi ils se disent que la prochaine fois, il va falloir être plus nombreux et parler un peu plus fort. « La prochaine étape, ce sera le préfet ! »

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Paul Cardoso, l’un des vignerons « oubliés » sinistrés en pleine discussion avec le député PS Florent Boudié © JPS

Les élus de Libourne sont tous là, le maire PS, Philippe Buisson, mais aussi le député UMP, Jean-Paul Garraud, qui se présent contre lui, et Florent Boudié, l’autre député PS qui a toujours, aussi, une oreille attentive et est monté au créneau pour les défendre, quitte à se faire taper sur les doigts par François Hollande, car c’est bien connu, il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’Etat.

Les aides directes de l’Etat sont insuffisantes, il faut inventer un système de solidarité nationale, ici en Gironde et partout ailleurs en France qui permet de pallier cette difficulté, dans l’urgence ! », selon Florent Boudié Député PS de Gironde.

20140312_110041Au chapitre des absents, l’interprofession, en l’espèce le CIVB. Mis à part un drap hissé sur la vendangeuse « vengeresse » où il est inscrit « Farges dégage » (un slogan qui rappele les printemps arabes, pas forcément du meilleur goût mais cela traduit le désarroi), pas de représentant du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux.

Le CIVB ne souhaite plus répondre à leurs critiques.

20140312_110121Lors d’une réunion en décembre, le Président du CIVB leur avait précisé qu’il était réglementairement « impossible d’utiliser les caisses du CIVB pour des aides directes », Bernard Farges a écarté la possibilité de toute baisse des CVO. Avec la petite récolte qui s’annonce (3,9 millions hectolitres) et la baisse des sorties de chais, le budget du CIVB se trouverait déjà amputé de 4 millions d’euros pour 2014.

Toutefois le vice-président de SOS Vignerons, Loïc de Roquefeuil souhaite « même s’ils ne nous donnent pas d’aides directes, au moins qu’on nous supprime momentanément les taxes, la Mariane  sur les capsules qui représente 25 centimes sur chaque bouteille. »

 Et d’entonner en coeur à la fin de leur rassemblement le chant des partisans façon vignerons sinistrés: « amis entends-tu le coeur du vigneron comme il saigne ! »

Reportage Jean-Pierre Stahl et Bernard Hostein-Aris