01 Fév

Le syndicat viticole de Pessac-Léognan s’insurge contre le projet de parc photovoltaïque Horizeo à Saucats

 Le syndicat viticole de Pessac-Léognan vient de prendre une position ferme : il dit « non au projet de parc photovoltaïque Horizeo ! » qui devrait voir le jour à Saucats. Par un communiqué envoyé le 26 janvier il invoque une possible altération notable du climat. « On n’est pas contre le photovoltaïque », commente Olivier Bernard en charge du dossier au syndicat, mais « c’est en deux mots trop grand et trop près des vignes de Pessac-Léognan, car c’est venir empiéter sur le terroir de Pessac-Léognan. » Réponse d’Horizeo : « aucun phénomène microclimatique n’a pu être constaté à proximité immédiate de nos parcs solaires ». Une étude devrait être menée par l’INRAE.

Olivier Bernard et son fils Adrien du Domaine de Chevalier © JPS

Dans un communiqué non équivoque, le syndicat viticole de l’appellation Pessac-Léognan (créée en 1987) « s’insurge contre le projet Horizeo », contre l’implantation prochaine d’un parc photovoltaïque qu’il considère « trop près du vignoble et trop étendu… »

Olivier Bernard (propriétaire du Domaine de Chevalier) a été chargé par le syndicat et notamment Philibert Perrin de ce dossier. Un dossier qui sera sans nul doute évoqué à nouveau ce soir devant l’assemblée générale du syndicat. « En deux mots, c’est trop grand, trop près. Le parc s’installe à Saucats, à 5 ou 6 kilomètres de l’appellation Pessac-Léognan, certaines propriétés sont à moins que cela. Nous au Domaine de Chevalier, on se trouve à moins de 5 kilomètres de ce gros projet de 1000 hectares de panneaux photovoltaïques, de data-center, avec aussi production d’hydrogène…. Le photovoltaïque, on n’a rien contre, mais ces 1000 hectares d’un seul tenant c’est venir empiéter sur le terroir de Pessac-Léognan. Car il s’agit de 1000 hectares de forêt qui génèrent des conditions climatiques particulières, en forêt il fait plus froid en fait et pour nous les vins blancs ont énormément besoin de fraîcheur et c’est un sujet majeur. Alors que le réchauffement est un vrai sujet, là on enlève 1000 ha de bois…. » »

Dans son communiqué, le syndicat explique : « le projet, qui nécessite la suppression de pas moins de 1000 hectares de forêt, inclut en outre l’installation d’un certain nombre d’installations à risque… Bien qu’adhérant sans réserve au principe de l’énergie photovoltaïque, il relève que c’est sa dimension hors norme (le plus important d’Europe, prévoyant une amputation massive du massif forestier qui génère un risque grave pour l’environnement dont le vignoble fait partie intégrante.

« La conclusion, c’est trop grand, trop près car quand on installe un projet comme cela on part peut-être avec 200 hectares, mais on ne part pas avec  1000 hectares à 5 km de l’appellation Pessac-Léognan », commente Olivier Bernard.

1000 ha ça représente combien, c’est quoi l’élévation de température ? Notre micro-climat est lié intimement à cette forêt…Nos vins blancs ont besoin de fraîcheur, d’acidité, il ne faut pas que le réchauffement climatique soit accéléré par des mouvements comme celà. Que l’homme n’en rajoute pas. » Olivier Bernard syndicat de Pessac-Léognan.

Interrogé via Skype, Mathieu Le Grelle directeur du développement chez Engie et porte-parole d’Horizeo explique que le débat public est clos depuis le 9 janvier, il a duré 4 mois où chacun a pu donner son avis, s’exprimer au travers de questions de cahiers d’acteurs, d’initiatives partenariales…« Nous regrettons que des positions aussi tranchées soient prises avant la réalisation de l’étude scientifique qui aurait pu nous éclairer, le projet Horizeo est situé à 5 km du vignoble de Pessac-Léognan, des inquiétudes ont été formulées lors du débat public, nous avons rencontré l’AOC Pessac-Léognan et eu écho de ces inquiétudes… Mais on doit vous avouer qu’elles nous surprennent un petit peu eu égard au constat qu’on peut faire sur des parcs solaires existants, dans le Médoc ou à Cestas (300 hectares avec une technologie de panneaux solaires beaucoup plus dense qu’Horizeo)…

Aucun phénomène microclimatique n’a pu être constaté ni ne nous a été remonté des riverains à proximité immédiate de nos parcs solaires…Et par analogie sur l’aire urbaine de Bordeaux (25 fois plus grande qu’Horizeo), beaucoup de vignobles sont à proximité et on ne constate pas de perturbation du régime microclimatique, et il y a de très très grands châteaux » Mathieu Le Grelle d’Horizeo

Et Olivier Bernard de rappeler ses retours d’expérience de l’autre implantation à Cestas : «A Cestas, il y a déjà 300 hectares de panneaux et il y a des couloirs d’air chaud qui montent de cet endroit l’été…Je peux vous dire, parce que nous avons un aérodrôme, les planeurs jouent souvent des courants ascendant d’air chaud au dessus de Cestas… La forêt a été installée aussi pour des raisons hydrauliques, chaque pin pompe plusieurs m3 d’eau, on nous demande aussi de faire des bassins de rétention d’eau chez nous et là je n’ai pas vu de dossier de gestion de l’eau dans le projet. Les forêts par ailleurs nous épargnent lors des épisodes de grêle et ont aussi cette utilité ».

Quant au dialogue avec le syndicat, Mathieu Le Grelle : « On s’est engagé avec la profession viticole au cours du débat de mener à bien cette étude sur le micro-climat, qui devrait être porté par l’INRAE… On a proposé que la profession viticole participe à l’élaboration du cahier des charges. Ces études devraient pouvoir rassurer…  Nous avons convenu qu’il fallait plus de rigueur scientifique pour analyser les éventuels impacts d’un parc solaire sur le régime microclimatique et donc nous sommes en lien avec Météo France et l’Inrae pour envisager des études sur des parcs solaires existants et projeter sur Horizeo… »

 

Le siège de l’INRAE à Villenave d’Ornon en Gironde © JPS

De son côté l’INRAE a été saisie d’une étude sur le bilan carbone de ce projet, et a « participé à pas mal de réunion de débat public, aux cours desquels les impacts possibles sur le climat, l’hydrologie et l’ennuagement on été levé », commente Denis Loustau directeur de recherches à L’INRAE de Villenave d’Ornon. « On a fait une étude bibliographique sur le impact que pouvaient avoir de grands parcs solaires de ce type là sur ces facteurs de l’environnement, mais on n’a pas trouvé suffisamment de références dans ce contexte forestier et de climat tempéré pour pouvoir donner des réponses catégoriques sur les impacts que cela peut avoir… »

Donc à ce stade, « on se pose les questions sur ce que vont être les interactions climatiques entre ce parc photovoltaïque, la forêt qui est autour et à distance à 5 kilomètre le vignoble.

Denis Loustau directeur de recherches à l’INRAE © JPS

Ce qu’on voit dans la littérature scientifique il semble assez improbable qu’il y ait des aspects significatifs, de l’implantation de ce parc, à la fois en terme de températures, de vent, de précipitations, néanmoins sachant qu’il ya une incertitude à ce niveau là on a proposé à la région Nouvelle-Aquitaine de mettre en place un projet de recherche sur 3 ans, pour mesurer, vérifier ces impacts là… » Denis Loustau INRAE

Prochaine étape le 9 mars où la commission particulière du débat public « va rendre son rapport, après synthèse de toutes les questions, réponses et sollicitations exprimée dans le cadre du débat, ce n’est qu’ensuite que nous pourrons mener à bien notre travail pour envisager les suites à donner sur le projet Horizeo,  qui devrait arriver d’ici juin », conclue Mathieu le Grelle. Le planning théorique de construction évoqué lors du débat est prévu pour 2025 et 2026.