11 Juin

Le château Cheval Blanc plante des centaines d’arbres dans ses vignes légendaires

Pommiers, tilleuls, érables au milieu des vignes: durant la pandémie, le château Cheval Blanc, grand cru bordelais à la renommée mondiale, a accéléré sa démarche agroécologique et planté plusieurs milliers de végétaux pour assurer l’avenir face au réchauffement climatique, une petite révolution.

Le Château Cheval Blanc à Saint-Emilion © JPS

« Vous avez vu le héron? C’est la première fois qu’on en voit un sur cette pièce d’eau qui n’a que huit mois », s’émerveille Pierre Lurton, son directeur général. Comme les arbres et les herbes folles (trèfles, moutarde, lin…) dans les vignes, les poules, moutons et ruches au sein de la propriété s’inscrivent dans une démarche entamée il y a une dizaine d’années par le domaine, propriété de la famille Frère et de LVMH.

Durant le confinement, ce 1er grand cru de Saint-Emilion a donné un coup d’accélérateur et planté 3.000 végétaux dont 1.500 arbres dans ses vignes (qui en comptaient déjà 200), sous le regard de ses voisins de Pomerol, les non moins célèbres châteaux L’Evangile et Pétrus.

« On ne se réveille pas un matin en disant « tiens on va planter des arbres ». Cela fait plus de dix ans qu’on tâtonne », explique Pierre-Olivier Clouet, directeur technique de 41 ans. Les premiers tests ont ainsi été réalisés sur les parcelles du second vin, le Petit Cheval Blanc, moins exposé médiatiquement.

Puis est venu le tour de « l’intimidant domaine » Cheval Blanc. « On a des sols qui font des vins brillantissimes, feront-ils des vins aussi brillantissimes avec deux ou trois degrés de plus, j’ai des doutes », explique-il. D’où les arbres. « L’objectif principal c’est de ramener de la fraîcheur sur les parcelles » grâce à leur ombre, explique Juliette Combe, assistante viticole de 29 ans.

La plantation est composée à 50% de fruitiers (dont la production garnira la table du château) et 50% de forestiers (tilleul, érable, charme…) pour nourrir le sol et abriter oiseaux, insectes et chauve-souris.

L’arbre intéresse aussi pour son « travail sous-terrain ». « Il prélève ses nutriments et son eau dans le sol grâce à un champignon mycorhizien, des filaments qui vont coloniser les racines des arbres et les plants de vigne voisins », explique avec enthousiasme Pierre-Olivier Clouet.

« On organise un véritable réseau de partage des nutriments, le végétal qui a du mal à s’alimenter va être alimenté par son voisin. Ces champignons ont une importance majeure dans le cadre d’un réchauffement du climat » en jouant « le rôle de pompe à eau », selon lui.

Avant de planter, il a fallu arracher une centaine de pieds de vigne par hectare (un hectare compte entre 6.000 et 8.000 pieds). « Avant de se donner la permission d’arracher un pied de vigne de Cheval Blanc, il faut bien réfléchir à ce qu’on fait », reconnaît le directeur technique.

Avec une moyenne d’âge de 42 ans, la vigne compte des pieds datant de 1920 et certains millésimes atteignent plusieurs centaines voire milliers d’euros. Cheval Blanc, qui compte 45 salariés, n’est pas le premier à se lancer dans l’agroforesterie. Delphine et Benoît Vinet, qui se sont lancés en 2008 dans leur petit vignoble dans le Libournais, font figure de « pionniers »: « C’était un peu compliqué d’être considérés comme des beaux rêveurs », s’amuse aujourd’hui Delphine Vinet auprès de l’AFP.

« Ces châteaux connus qui se mettent à pratiquer l’agroforesterie et la biodiversité, ça nous réjouit parce qu’ils ont une visibilité. On sait comment ça se passe dans le monde viticole, si eux avancent, les autres ne se laisseront pas distancer », un bénéfice pour la biodiversité et pour les vignes, selon elle.

« On n’a rien inventé« , reconnaît Pierre-Olivier Clouet mais la nouveauté chez Cheval Blanc réside dans l’ampleur du projet, les 16 hectares (sur 39) passés en agroforesterie. En charge du suivi scientifique de l’aventure, Juliette Combe estime qu‘ »il va falloir laisser du temps aux arbres pour montrer que ce n’est pas un effet d’annonce ». « On a mis en place des indicateurs qu’on veut assez faciles, précis et comparables: les taux de matière organique, la stabilité structurale du sol…d’ici quatre, cinq ans on aura une première tendance« , explique la jeune ingénieure agronome.

AFP