L’audience en décembre avait vu l’ensemble de la filière tirer à boulets rouge sur Valérie Murat et l’association Alerte aux Toxiques. Le jugement ce matin condamne in solidum la lanceuse d’alerte et l’association à verser 100 000 € au CIVB et d’autres milliers d’euros de dommages et intérêts aux châteaux, ODG et négociant. Valérie Murat commente en disant « sale temps pour les lanceurs d’alerte » et maintient son opinion face au label HVE qu’elle et l’association avaient remis en question avec des résidus de pesticides retrouvés dans des bouteilles analysées. Elle a déjà annoncé qu’elle allait faire appel du jugement.
9 heures ce matin, l’ancien bâtonnier de Libourne et spécialiste des affaires lié au monde du vin vient de prendre connaissance du jugement et appelle dans un algeco devant le palais de justice de Libourne le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux pour l’avertir du délibéré…
« SALE TEMPS POUR LES LANCEURS D’ALERTE »
Le tribunal condamne Valérie Murat et Alerte aux Toxiques à verser 100 000 € in solidum au titre du préjudice moral d’atteinte à l’image des vins du bordelais et par ailleurs 25 000 € à 5 châteaux et 1 € symbolique à 2 autres domaines.
L’article visé était intitulé « Analyse de résidus de pesticides dans les vins, résultats : la HVE (Haute Valeur Environnementale) encore gourmande en pesticides », cet article est jugé « dénigrant et constitue une faute de la part de Madame Valérie Murat et de l’Association Alerte aux Toxiques ».
Jointe par téléphone, la première réaction de Valérie Murat a été « sale temps pour les lanceurs d’alerte« , un premier commentaire qu’elle a relayé sur son compte Twitter tout en annonçant qu’elle allait faire appel.
En interview en milieu de matinée, Valérie Murat, assaillie de demandes d’interviews, commentait :
C’est une très mauvaise décision dans un mauvais procès, c’est un très mauvais signal aussi pour les lanceurs d’alerte. Jamais une procédure baillon n’aura aussi bien porté son nom que celle-ci. Je trouve que la plus grande appellation de France et la justice donnent raison à ce qu’il y a de pire dans le vin », Valérie Murat
C’est du jamais vu, et ca se passe à Libourne, on est venu écraser avec une énorme masse une petite fourmi, Valérie Murat, et une association, qui se bat pour un vin plus sain », Eric Morain, avocat de Valérie Murat et d’Alerte aux Toxiques
125 000 € DE DOMMAGES ET INTERETS
Pour Me Magret, interviewé au palais de justice de Libourne : « C’est une grande satisfaction parce que le CIVB et mes confrères parisiens ont bien travaillé, pour sauver la viticulture girondine des attaques totalement inconsidérées de la part de Madame Murat et de son association. »
Le jugement relève que l’article qui a été publié est dénigrant et constitue une faute, et il sanctionne Madame Murat et son association très lourdement par la condamnation à des dommages et intérêts » Jean-Philippe Magret avocat du CIVB
L’avocat poursuit : le tribunal impose « l’obligation de supprimer la diffusion de tout document intitulé « Analyse de résidus de pesticides dans les vins, résultats : la HVE encore gourmande en pesticides » et ce sous astreinte de 500€ passé le délai de 15 jours. »
Pour Me Constance Duval-Véron également présente ce matin, avocate de la Maison Sichel, du Gaec l’Enclos, Scea Vignobles Jean-Marie Carille, et Earl Jullion : « Il y a la reconnaissance du dénigrement qui signifie que les analyses qui avaient été publiées de manière un petit peu violente j’allais dire par Madame Murat et Alerte aux Toxiques constitue un discrédit de toute la filière vin. Je pense que c’est une bonne nouvelle pour la filière vin et les différentes propriétés que je représentais pour ma part, et qui s’étaient très largement ému de ces analyses qui encore une fois avaient été publiées de manière très brute, sans aucune analyse… »
Pour Valérie Murat, au contraire, le combat continue : « ce ne sont pas les doses que je dénonce, c’est la présence de résidus de pesticides de synthèse parmi les plus dangereux dans des vins qui sont labellisés, avec un label (HVE) qui se voudrait équivalent, voire mieux que le bio, c’est cela que je dénonce et qui reste pour moi trompeur pour le consommateur. »
Eric Morain précise en outre : « le tribunal fait une comparaison avec des produits étiquetés, la grande différence avec des produits alimentaires, c’est que le vin est le seul produit alimentaire sur lequel ne figure pas la composition…Qui ment à qui…? Valérie Murat, à travers cette communication, elle a mis un focus. Elle a fait un zoom, quand vous faites un zoom sur quelque chose vous ne travestissez pas la réalité, vous attirez l’attention, vous alertez… »
Le CIVB au vu du jugement a pris la parole cet après-midi et a envoyé dès la fin de matinée aux rédactions un communiqué de presse, soulignant que le « tribunal relève que l’association Alerte aux Toxiques et Madame Murat sont clairement sortis de leur rôle et de leur objectivité « en communiquant un rapport volontairement tronqué et dénigrant qui ne peut être considéré comme mesuré. »
Dire que des vins sont dangereux pour la santé, c’est forcément anxiogène…Ces vins ne sont pas dangereux pour la santé, ils sont forcément conformes, donc c’était normal que le dénigrement soit constaté et jugé comme tel », Bernard Farges, président du CIVB
Le tribunal souligne dans ses motifs que : « il ressort de l’étude de l’article contesté que les vins analysés y sont classés en fonction du nombre de substances dangereuses ou toxiques constatées. Pour chaque vin est est associé le risque lié à la substance détectée : mortel en cas d’ingestion, mortel par contact cutané, mortel par inhalation et susceptible de nuire au foetus. A aucun moment, ils n’ont décrypté et analysé les chiffres qu’ils ont indiqué malgré les commentaires indiqué dans le rapport d’analyses qu’ils ont diligenté. » Et de souligné ce commentaire du laboratoire Dubernet : « les teneurs retrouvées sont très largement inférieures aux LMR respectives. « Ce dénigrement a porté nécessairement préjudice au vignoble bordelais qui tend à modifier ses pratiques » que « cet article a eu des répercussions générales »
Dans son jugement, le tribunal ordonne par ailleurs de publier cette décision sur la page d’accueil du site alerte aux toxiques.com pendant un délai de 3 mois, passé le délai de 15 jours après signification du jugement et sous peine d’astreinte de 500€ par jour de retard…
De son côté, Valérie Murat conclue: « bien entendu, on fait appel de cette décision, et ce n’est pas fini, ce n’est pas fini… » Affaire à suivre donc prochainement devant la Cour d’Appel de Bordeaux.