Jean Gautreau est décédé hier à l’âge de 92 ans. C’est une figure du Médoc. A la tête du château Sociando-Mallet, il avait réussi à en faire une étiquette et un vin que les amateurs s’arrachaient, sans que ce château ne soit classé.
Ceux qui l’ont connu, ont forcément été marqué par ce qui se dégageait de cet homme, un homme qui en imposait non par sa position, mais davantage par sa sagesse, sa droiture, la chaleur et la passion qu’il aimait faire partager autour du vin. Il n’y a qu’à regarder la photo que j’ai prise de lui lors de la fameuse dégustation du Point de Jacques Dupont en 2015 au Bistro du Sommelier. Tout est dit.
« Ce n’est pas quelqu’un issu du sérail du vin, moi il me fait penser un peu à François des Ligneris, mais côté Médoc… » commente Frédéric Lot, professionnel du vin. « C’est quelqu’un qui a toujours été droit dans ses bottes, il a toujours refusé d’appartenir aux Crus Bourgeois et pour les 1855, il n’était pas classé. C’est un vin qui compte dans le Haut-Médoc et le Médoc en général »
Jean Gautreau, né en avril 1927 à Lesparre dans le Médoc, a eu un parcours atypique : son père était dans les assurances, et lui a d’abord été sportif avant de se mettre au courtage et au négoce du vin« il a d’abord été joueur de tennis, un vrai joueur qui avait fait les 1/2 finales de Rolland Garros en juniors, ensuite il a commencé par le négoce du vin surtout en Belgique et aux Pays-Bas. »
Une réussite qu’il doit à lui seul, comme aime à le rappeler Jacques Dupont, journaliste et critique du Point, qui l’ a bien connu et à qui il avait confié comment s’étaient passés ses déb :uts de négociant (cf le POINT): « je ne voyais pas un grand avenir dans le vin de table. Un jour, j’ai rempli une 2 CV camionnette et je suis parti vendre des grands crus en Belgique. Cinq ou six ans après, j’étais devenu le premier sur ce marché, » expliquait Jean Gautreau . Et Jacques Dupont de retracer l’achat de Sociando-Mallet à Saint-Seurin-de-Cadoune: « à tel point que l’un de ses clients le charge de trouver une propriété à acheter pour l’un de ses amis. « Sociando appartenait alors à l’ancien président du syndicat viticole de Marrakech. Il venait de mourir, j’ai envoyé une note à l’acheteur belge, qui ne m’a jamais répondu, et j’ai acquis cette propriété pour 250 000 francs en 1969, surtout pour le point de vue qu’elle offrait sur la Gironde. »
C’était un grand personnage, il voyait loin, il avait ce côté vigneron et négociant et a su en faire la synthèse. C’était un grand vigneron qui n’a jamais cédé aux sirènes de faire dans la sur concentration. Il a toujours fait des vins équilibrés, fins », Jacques Dupont journaliste au Point.
« Il a fait du Bordeaux buvable, agréable et à la fois tannique, qui passe bien dans le temps, il n’a jamais fait des vins qui dépassent les 15°,à l’heure où l’on parle du réchauffement climatique. » Et de rappeler alors que ses voisins ramassaient des raisins très mûrs, avec des rendements moins importants, lui ramassait tout, et cela montre aujourd’hui que ses vins sont se gardent bien.
Pour Frédéric Lot : « Jean Gautreau a compris assez vite la force de la marque, au delà de appellation, c’était quelqu’un de visionnaire et de gonflé. Il en a fait un terroir de fou, un super terroir en bord d’estuaire, un vigneron super bon. Voilà ce avec quoi il a joué durant plus de 50 ans, il a signé 50 millésimes, avec une édition spéciale en 2018 pour son 50e. De 5 hectares au départ, il en a fait un grand domaine. Il a aussi su s’entourer de gens compétents ».
A sa famille, à sa fille Sylvie qu lui a succédé et à ses proches, Côté Châteaux présente ses plus sincères condoléances.
Pour en savoir plus sur le château de Sociando-Mallet et jean Gautreau : ici le site officiel