C’est une tendance forte chez les crus classés de Bordeaux, on expérimente de plus en plus des parcelles en bio ou biodynamie. A Margaux, l’appellation depuis 5 ans a pris conscience de l’utilité de la biodiversité dans le vignoble. Ce sont aujourd’hui 180 hectares qui sont conduits en bio ou biodynamie.
Le château du Tertre, 5e cru classé de Margaux, une propriété de 54 hectares, chargée d’histoire. Tout débute en 1734 avec un dénommé Pierre Mitchell, qui fut le plus gros fabriquant de bouteilles à Bordeaux, et même inventeur du magnum. C’est lui qui a créé le château et a donné la dimension au vignoble. Dans les années 60, la propriété longtemps dans la même famille a changé de mains pour être acheté par la famille Gasqueton, suite au gel de 1956, dans un contexte économique difficile.
Une famille qui a redonné vie et a replanté 6300 pieds à l’hectare, 1/3 de mrlot, 1/3 de cabernet sauvignon et 1/3 de cabernet franc. Un domaine racheté en 1997 par Eric Albada-Jelgersma, un homme d’affaire hollandais également propriétaire du château Giscours. Celui-ci a trouvé le château dans un piteux état, il s’est atelé avec ses équipes techniques à complanter, replanter plus densément à 10000 pieds par hectare.
Aujourd’hui ce vignoble est conduit pour moitié en bio et l’autre moitié en biodynamie. Les sols sont travaillés sans herbicides, on croit ici en la confusion sexuelle en guise de protection insectide, on laisse aussi s’installer quelques mauvaises herbes, avant de les arracher, mais en tout cas on n’utilise pas de pesticides.
« On est arrivé à la biodynamie par conviction, ce n’est pas par croyance, pour moi c’est quelque chose de très très différent, »explique Frédéric Ardouin directeur technique du château du Tertre . « Conviction qu’il fallait faire quelque chose pour l’environnement, quelque chose pour les hommes qui travaillent avec nous, pour les protéger, pour protéger leur santé, et puis également pour protéger le consommateur également, c’est-à-dire obtenir un vin hautement qualitatif sans résidus de pesticides. »
Prêle, ortie, osier, toutes ces plantes vont servir de tisane pour soigner la vigne ou prévenir des maladies. « Ce sont des plantes qui ont chacune des vertus différentes. Et en fonction du millésime, du climat, de la pression des maladies, on va utiliser ces tisanes en complément de l’apport de cuivre et de soufre, » complète Frédéric Ardouin.
Sur l’appellation Margaux, on compte 65 récoltants, dont 21 crus classés. Dans une conscience collective et pour répondre aussi à la demande de plus en plus grande du consommateur, 20% des surfaces sont conduites en bio ou biodynamie.
Pour Gonzague Lurton, le président du syndicat viticole de Margaux : « Moi j’ai été surpris, il y a quelques années, quand pour la 1ère fois, alors que je présentais mon vin, on m’a dit « est-ce qu’il y a des pesticides dans votre vin », alors que je n’avais jamais réfléchi au vin de cette manière là. Et on s’est rendu compte que c’était devenu une inquiétude sociale. Il fallait y répondre, c’est pour cela qu’à Margaux tout le monde en est conscient, c’est pour cela qu’on est parti dans cette démarche syndicale. »
Parmi les grands crus classés de Margaux, on compte Durfort-Vivens (2e cc), mais aussi château Palmer (3e cc) qui a expérimenté en 2008 la biodynamie et y est passé totalement en 2013. Il y a aussi château Ferrière, (3e cc), propriété de Claire Villars, qui a été certifié en bio en 2015, une démarche qui s’inscrit aussi dans le respect de la vigne et des hommes…
« On arrive à reconstituer ce terroir grâce à cette fraîcheur, cette tension, cette minéralité, on garde plus les qualités du sol qui vont s’exprimer après dans le vin », explique Gérard Fenouillet, directeur technique de château Ferrière.
Et Claire Villars-Lurton de compléter : « C’est des vins qui ont plein de vie, mais en plus on gagne en qualité « tendu », on a un vin qui reste super tendu, super concentré, mais avec une très belle définition, un très beau soyeux. »
Ces vignes tenues en bio ou biodynamie nécessitent souvent plus d’attention et de passage. Toutefois la technologie va permettre avec des drones de cibler au mieux les traitements. Tous reconnaissent malgré tout qu’il y a un risque, notamment quand il y a une grosse attaque de mildiou, comme en 2016 au château Dufort-Vivens, où la récolte a été moins importante avec 35 hectos à l’hectare, là où les autres en ont eu 50.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Marc Lasbarrères, Cécile Lagaüzère, Eric Delwarde et Emmanuel Cremèse :