05 Mai

#Gel à Bordeaux : des pertes considérables pour le vignoble estimées entre 1 et 1,5 milliards d’euros

C’est aujourd’hui que doit se tenir une réunion de crise, pour faire un point sur la situation du vignoble touché par le gel à Bordeaux. Ce gel pourrait avoir « un impact de 40 à 60 % sur la récolte » selon Bernard Farges, vice-président du CIVB. En valeur, ce sera plus d’1 milliard de pertes, voire 1 milliard et demi.

A Laruscade, 90% touchés ici © JPS

A Laruscade, 90% touchés ici © JPS

Ce qui s’est passé, on ne peut le minimiser, c’est « très grave », « plus de 60 à 70% du vignoble atteint à des degrés divers, dont pas mal à 90 et 100% » commente Bernard Farges, vice-président du CIVB. C’est donc une épreuve qui s’annonce pour toute une filière à Bordeaux, et même si on se dit souvent, ça va aller, ça va aussi être super dur pour certains.

Pour Olivier Bernard, de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, de grands châteaux en Pessac-Léognan ont sérieusement été impactés comme Fieuzal, de France, Léognan, de Sartre, parfois à 80-100% ; sur les 110 hectares qu’il gère en Pessac-Léognan 45 ha ont été bien touchés. « Bon c’est la vie d’agriculteur, philosophe-t-il, « mais le passé a montré sur des épisodes de gel, que les surprises vont toujours dans le mauvais sens ».

« Les appellations des Graves et de Pessac-Léognan ont été très touchées, dans le Médoc c’est très localisé à Moulis et Listrac, plutôt proche de la forêt que de la Garonne, Saint-Emilion et Pomerol bien touché aussi (le plateau est plusou moins épargné mais dans les sables on a gelé à 80%), Saint-Emilion est très marqué en bas des coteaux ».

C’est sans aucun doute la gelée la plus meurtrière depuis 1991″, Olivier Bernard président de l’Unions des Grands Crus de Bordeaux.

« Heureusement 2017 est arrivée après deux belles années en 2015 et 2016, et puis qualitativement rien n’est perdu sur 2017; pour la suite, on a déjà donné, pas la peine de remettre un nouveau coup de pression ! »

Quant à chiffrer les pertes, c’est difficile, toutefois Bernard Farges se réfère aux 3,8 milliards que dégage la filière, il y aura sans doute plus d’un milliard, voire 1 milliard et demi. Derrière ces chiffres globaux, il y a surtout des viticulteurs amputés de 80%; selon que l’on a ou pas du stock, que l’on est nouvellement installé ou pas, selon les investissements, les choses seront plus rapides pour certains que pour d’autres. »

En espérant que la plupart de nos amis vignerons réussissent à passer cette douloureuse épreuve.

Elan de solidarité : la maison de négoce Jean-Pierre Moueix annonce une hausse de 100 € du tonneau pour soutenir les petits vignerons

Christian Moueix, Edouard Moueix et Laurent Navarre, négociants à Libourne, ont envoyé une lettre à leurs fournisseurs leur annonçant une bonne surprise : une hausse de 100 € des prix du vin en vrac de la récolte 2016, pour les accompagner dans l’épreuve difficile du gel, qui vient de les toucher de plein fouet. Interview de Christian Moueix, consacré « vigneron du mois » par Côté Châteaux.

A gauche une branche fructifère pas impactée, à droite un peu touchée par le gel © JPS

A gauche une branche fructifère pas impactée, à droite une autre touchée par le gel, qui va dépérir © JPS à Saint-Emilion

Quand la nature s’arrête, l’être humain s’arrête aussi…Le vigneron se prend la tête entre ses mains, comme pour se dire, ce n’est pas possible…un genou à terre…à regarder le désastre.

Le négociant, lui est aussi touché, car au fil des années, il est l’accompagnateur, le revendeur de ce produit de la terre, et il sait, oui il sait combien cela risque d’être une mauvaise passe pour le vigneron. Alors, lui aussi s’arrête, et dans cette lueur d’intelligence, il se dit que pourrais-je faire pour aider mon compagnon vigneron, sans qui je ne serais finalement pas là ?

Cette homme qui a eu cette vision d’aider, d’augmenter quelque peu le prix du tonneau, c’est Christian Moueix, négociant à Libourne, mais avant tout vigneron lui-même. « J’ai fait un grand tour de la région durant le wek-end du 1er mai et cela m’a révélé un désastre ».

« Je suis vigneron dans l’âme, avant d’être négociant, et je peux vous dire que

C’était triste à pleurer de voir ces vignes dévastées et en particulier dans la plaine de Saint-Emilion », Christian Moueix

Christian Moueix et son fils Edouard Moueix © château La Fleur Pétrus

Christian Moueix et son fils Edouard Moueix © château La Fleur Pétrus

« Vous savez, mon père est arrivé à Saint-Emilion, il y a 80 ans, et depuis on achète beaucoup de vins de Saint-Emilion, notre maison s’appelait d’ailleurs la maison de négoce des vins de Saint-Emilion, et cette région est sinistrée… On n’est pas insensible à leur malheur… »

Aussi Laurent Navarre, Edouard Moueix et Christian Moueix, respectivement directeur général,  directeur général délégué et président des Etablissements Jean-Pierre Moueix ont co-signé une lettre, datée du 2 mai, et qui s’assimile à un bel élan de solidarité, un geste du coeur, un geste humain, dont voici la teneur :

« Vous êtes tous plus ou moins sévèrement touchés, et la perte financière se double de sentiments de désespoir et d’injustice. »

« En tant que négociants en vins, nous avons eu le privilège d’acheter en vrac tout ou partie de votre bonne récolte 2016, aux prix du début de cette campagne.

« La seule conséquence positive de ce gel sinistre sera un raffermissement des cours, dont vous ne pourrez pas même bénéficier. En conséquence, il nous semble juste de rectifier les bordereaux vrac des vins de la récolte 2016 -enlevés ou non enlevés – en ajustant le prix initial pour tenir compte de cette hausse accidentelle. Nous souhaitons donc -en accord avec  votre courtier et quelque soit l’appellation concernée- majorer de 100 € le prix de chaque tonneau déjà acheté »  

Une lettre relayée dès le lendemain sur les réseaux sociaux et notamment par  le château Grand Tuilliac Elegance qui commente : « Je ne reviendrais pas sur les situations plus ou moins dramatiques que nous allons devoir affronter, mais plutôt sur l’attitude HUMAINE, RESPECTUEUSE, PROFESSIONNELLE et GENEREUSE, d’un de nos Négociant local: Les Etablissements JEAN PIERRE MOUEIX ».

Et Christian Moueix de continuer à m’expliquer : « quand on a acheté du 2016, il était au prix de l’époque, on ne savais pas qu’il n’y aurait pas de récolte pour certains en 2017 et peut-être moins en 2018,

Je trouve normal d’avoir eu ce geste symbolique, ce geste de solidarité », Christian Moueix.

« Depuis les prix du 2016 ont commencé à augmenter quelque peu de 10 à 20 %. Et de continuer à dépeindre le vignoble de Saint-Emilion, aujourd’hui, une semaine après le gel : « le plateau de Saint-Emilion est particulièrement indemne, et quand on regarde en bas de Saint-Emilion, c’est morne plaine, c’est dur de voir ce coup du sort sélectif. On n’est pas du tout insensible à ce qui s’est passé. »

Bravo pour cette belle initiative que Côté Châteaux se devait aussi de souligner.