26 Mai

Ventes de vin à Bordeaux : entre inquiétude et quelques signes de reprise

La période du confinement fait craindre quelques déboires pour de nombreux viticulteurs entre la restauration qui n’a pas encore repris, certains marchés à l’export à l’arrêt et de nombreux mariages ou festivals annulés ou reportés. Alors que certains chais sont encore pas mal remplis, se pose le problème de la récolte à venir. La distillation pourrait être une solution pour certains, toutefois des signes de reprise en grande distribution depuis le déconfinement semblent se faire jour. « De petits rayons de soleil » de quoi ramener de l’optimisme.

Xavier Haure, vigneron, Jean Farau courtier en vin et Michaël Rouyer, rencontrés il y a un an, témoignent sur la situation aujourd’hui © JPS

CE QUI A FAIT CRUELLEMENT DEFAUT : RESTOS, MARIAGES ET AUTRES MOMENTS FESTIFS

Pour rendre compte de la réalité du terrain, rien de tel que d’avoir en ligne ces acteurs de la filière aux prises avec les marchés. Bordeaux n’est pas « tombé dans la limonade », loin de là, mais le constat n’est pas forcément rose.

Tout le monde est très inquiet: la restauration, rien n’est ouvert, et si elle ouvre elle ne pourra pas rattraper le retard; vous ne pouvez pas non plus remplacer les repas de famille, les mariages et les festivals qui n’auront pas lieu. On navigue actuellement à vue » Jean Farau courtier en vins.

Jean Farau, des années de courtage au compteur, n’est pas dans le catastrophisme, mais dans le réalisme : « c’est très compliqué partout à Bordeaux, les propriétés en sont conscientes ; en Alsace, dans le Midi, en Champagne c’est aussi compliqué, la Bourgogne s’en tire un peu mieux, mais Bordeaux reste la plus grande région viticole. J’ai vendu quelques lots à des négociants qui travaillent avec les Etats-Unis, avec des vins au dessus de 14° qui ne sont pas taxés, la Chine redémarre tout doucement, ceux qui font de la vente aux particuliers cela reprend, ceux qui font du vrac avec le négoce ça va souffrir, certains attendent la semaine prochaine pour voir les conditions de la distillation. Beaucoup ont fait des emprunts d’Etat, il va falloir les rembourser et rééchelonner… »

5 MILLIONS D’HECTOLITRES DE VIN PRODUITS A BORDEAUX 

« A Bordeaux, il y a ceux qui ont les reins solides et les autres. Bordeaux était déjà en crise, et là c’est la cerise sur le gâteau… On a 8 millions d’hectolitres en stock à Bordeaux. A Blaye, Bourg on a vendu un peu de vin en vrac… J’avais en ligne un petit vigneron de Bordeaux qui avait encore 500 hectolitres à vendre, mais je n’ai pas d’acheteur. J’ai entendu parler de prix très bas, qui étaient tombé jusqu’à 650 € du tonneau », poursuit Jean Farau.

Le CIVB confirme une fourchette de prix du tonneau (900 litres) qui s’est élargie avec des vins bien valorisés comme le bio à 2000€ et des prix bas, ce qui donne actuellement un prix moyen à 980€. Concernant les stocks, « Bordeaux avait 7,68 millions d’hectolitres en stock au 31 août 2019 mais le problème ce ne sont pas les stocks ce sont les sorties », commente Christophe Chateau; « on a déjà eu plus de 9 millions en stock, c’est même une nécessité d’avoir 18 mois de stocks. Il faudra voir ce qui sera écoulé en 2020… »

Christophe Chateau du CIVB lors de l’opération Bordeaux Fête ses vendanges  en septembre 2019 © JPS

La production était de 5 millions l’an dernier, cette année peut-être plus. Difficile d’estimer pour l’heure les ventes à la fin de 2020: 4,15 millions d’hectolitres comme en 2019 ou bien moins, si elles ne devaient être que de 3,5 millions d’hectolitres, cela poserait problème.

UNE SITUATION COMPLIQUEE MAIS SANS TOUTEFOIS DESESPERER

Xavier Haure, qui exploite 38 hectares de vigne à Cartelègue en Bordeaux Supérieur et Blaye-Côtes de Bordeaux : « je suis pas trop mal loti ces derniers temps, j’ai eu un gros enlèvement en mars et en mai : 620 hectolitres partis sur des marchés américains. Il y a une grosse demande sur les USA de vins qui fasse 14° (pour éviter la taxe) et en 2018 le degré était très élevé, donc ça l’a fait. »

« A ce jour tout mon 2018 est parti, le 2019 est toujours dans le chai, mais ça partira, car je suis sous contrat avec un négociant, mais je n’ai pas encore de date », confie Xavier Haure.  » Comment voit-t-il la récolte 2020 arriver ? « C’est vrai que j’avais l’habitude de vendre 10 ha sur pied, là je vais les vendanger, donc cela fera 10 hectares de plus, heureusement je récupère le chai de mon père qui a pris sa retraite il y a deux ans, sinon je ne sais pas comment je ferais ».

Cette situation quelque peu tendue, bien d’autres vignerons la vivent dans le bordelais à des degrés divers et fonction des marchés différenciés des uns et des autres, ou encore des aléas climatiques vécus par certains. Xavier Haure a lui gelé en partie en 2019, il n’a rentré que 800 hectolitres contre 1400 sur le 2018, heureusement il était assuré, bref un mal pour un bien.

Chez les Vignerons de Tutiac, Eric Hénaux directeur dresse le tableau d’une situation aussi très compliquée:

Eric Hénaux au centre, au milieu de la team du Bar à Vins de Tutiac à Bordeaux © JPS

On est face à un marché à l’arrêt sur le traditionnel, très ralenti sur beaucoup de pays à l’export et ralenti en grande distribution sur la vente de bouteilles, en revanche on y fait du volume on a une grosse demande sur les Bag In Box de 3 et 5 litres » Eric Hénaux directeur des Vignerons de Tutiac

Et de compléter les marchés qui pour Tutiac fonctionnent bien : « on a quelques pays historiques comme la Grande-Bretagne, là ça tourne, des départs sur le Japon et le Canada, en dehors de cela la Chine pas beaucoup de commandes et les USA sont au ralenti. C’est difficile de regarder l’avenir avec optimisme. On s’attend à avoir un millésime 2020 productif et de qualité et on va avoir un vrai problème de cuves, on a regardé cela devrait passer mais juste. Et tout le monde n’est pas dans la même situation. »

DURANT LE CONFINEMENT, « CEUX QUI ONT BU ONT EN FAIT VIDE LEUR CAVE »

« En période de confinement, sur les vins rouges on a perdu 9%, sur les vins blancs -5%, seuls les rosés étaient en augmentation », témoigne Mickaël Rouyer directeur du syndicat de Blaye.

Michaël Rouyer, le directeur du syndicat de Blaye-Côtes de Bordeaux © JPS

En grande distribution, il y a eu une reprise importante sur la première semaine de déconfinement du 11 au 17 mai avec +12% sur les vins rouges et +23% sur les vins blancs, c’est plutôt positif », Mickaël Rouyer.

Le constat fait également par Vin et Société le 15 mai dernier indiquait que durant le confinement les ventes de bouteilles se sont effondrées, « de l’ordre de 40 % à 50 % au minimum », « ce qui laisse à penser que les gens se sont un peu restreints, le vin n’étant pas primordial, ou bien ceux qui ont bu ont en fait vidé leur cave, et depuis ils refont les niveaux », selon Mickaël Rouyer, d’où ce boom en grande distribution. Il y a aussi l’attitude de gens déconfinés qui ont sans doute voulu faire la fête en extérieur ou réunissant des amis, puisque sur cette même semaine selon l’étude Nielsen on voit s’envoler le whisky +23%, le rhum +31%, la vodka +31% et le gin +68% !

Mickaël Rouyer lors de la distribution de masques la semaine dernière auprès d’une bonne centaine de viticulteurs du blayais : « j’ai pu échanger avec eux sur l’export, les USA sont complètement à l’arrêt, certaines commandes préparées ne sortent pas des chais, la Chine c’est encore timide, en revanche les marchés fortement en hausse sont le Canada, le Japon et les pays nordiques.

La plupart de ceux qui faisaient des salons étaient catastrophés, mais finalement ils ont retravaillé leur fichier de clients, ils ont fait des livraisons directement et ont sauvé leur chiffre avec une solidarité des gens qui achètent en direct avec les vignerons. Il y a quand même des petits rayons de soleil et de quoi être optimiste », Mickaël Rouyer.

Au final Mickaël Rouyer pense que « le marché français va repartir rapidement, je l’espère. On a des signes aussi positifs avec des gens qui viennent dans les propriétés et ont besoin de grand air »…

De son côté, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux prépare le dossier distillation, comme le confirme Christophe Chateau: « la décision définitive sera prise le 3 juin, on communiquera la semaine prochaine et on connaîtra les conditions officielles devraient être données par le Ministère de l’Agriculture. On sait que ce sera 80 € de l’hectolitre pour les vins d’AOC et 65 pour ceux sans IG ».

Reste à connaître le volume, le gouvernement avait annoncé un plan pour 2 millions d’hectolitres alors que 5 seraient souhaités par les interprofessions viticoles en France. En tout cas si tout ne peut pas être distillé, les viticulteurs seront payés la partie qui sera distillée à hauteur de ce qui est annoncé ci-dessus. Pas question de vendre moins.

25 Mai

Réouverture de la Cité du Vin espérée pour le 19 juin : enjeux et perspectives

Ce matin Sylvie Cazes et Philippe Massol, les responsables de la Cité du Vin, ont rencontré la Préfète de la Nouvelle-Aquitaine Fabienne Buccio pour échanger autour de la réouverture de la Cité du Vin… proposant la date du 19 juin. Une Cité du Vin fermée durant 3 mois et pour laquelle la clientèle étrangère risque de faire cruellement défaut cet été, ce qui n’est pas sans conséquences pour la santé financière de la fondation qui la gère et sur les perspectives à venir.

Une année 2020 quelque peu assombrie pour La Cité du Vin © JPS

Il faut savoir rester zen, et pourtant il y a de quoi s’en faire. Durant ces 3 mois de fermeture, la Cité du Vin totalement dépendante du visitorat n’a enregistré aucune entrée et par voie de conséquence pas plus de rentrée financière, ou presque. Ce matin son directeur général Philippe Massol accompagné de la Présidente de la Fondation Sylvie Cazes ont proposé la date du 19 juin à la Préfète pour la réouverture : « c’est une hypothèse de travail qui va dépendre des consignes gouvernementales, la décision n’est pas prise », précise Philippe Massol ; on en saura plus à partir du milieu et fin de semaine.

UNE CAPACITE D’ACCUEIL DIVISEE PAR DEUX

Cette réouverture s’annonce comme une bouffée d’oxygène même si elle va se faire dans les mêmes conditions que les commerces qui ont déjà ouvert au public depuis le 11 mai : « cela sera très dégradé par rapport à nos capacités d’accueil, cela divise par deux le nombre de visiteurs au Parcours Permanent ou au Belvédère, on a travaillé sur une personne pour 4 m2 donc sur 480 personnes maximum au Parcours permanent, avec port du masque obligatoire, lavage de mains avec gel hydro alcoolique à plusieurs reprises… »

Même si elle n’aura rien à voir avec une saison normale, cette reprise est attendue de tous : « C’est vrai qu’on aura fermé 3 mois, c’est plus compliqué cette année, la moitié de nos visiteurs aujourd’hui sont étrangers et on sait qu’on ne les aura pas, peut-être des clients européens dans la deuxième partie de l’année si cela va mieux, mais c’est un point d’interrogation. On va prendre des mesures pour rééquilibrer au mieux, » commente Sylvie Cazes.

La Cité du Vin avait pourtant bien débuté dès son ouverture le 1er juin 2016, attirant près de 30% de visiteurs étrangers, l’essentiel venant de la région et de France. En 2017, elle enregistrait 447 000 visiteurs, pile poil le nombre annoncé et voulu pour équilibrer le budget de fonctionnement, en 2018 421000 et en 2019 une belle fréquentation de 419 000 malgré les grèves et mouvements sociaux notamment des gilets jaunes.

Sylvie Cazes et Philippe Massol au Belvédère, au 8e étage pour le 1er anniversaire de la Cité du Vin en mai 2017 © Jean-Pierre Stahl

GRATUIT DES LE 19 JUIN ET DURANT LES VACANCES D’ETE POUR LES MOINS DE 18 ANS

Le 19 juin on va pouvoir compter avec l’envie des gens, qui ont été confinés durant deux mois. On sait qu’ils ont envie d’expérience, de venir découvrir la Cité du Vin. Quand vous vivez à côté d’endroits que vous vous dites ils sont disponibles à tout moment, vous n’y allez pas forcément, là je pense que les gens qui ne la connaissent pas vont venir en profiter. Notre région est extrêmement attractive, vous pouvez visiter les vignobles et Bordeaux et la Cité du Vin; par rapport à la pandémie, c’est la région qui a été la plus protégée et le climat y est agréable… » Durant la première année ce sont de nombreux français qui ont visité la Cité du Vin et notamment de nombreux girondins, car l’effet nouveauté jouait à plein. Puis les étrangers sont devenus de plus en plus nombreux dans le pourcentage passant de 28 à 55% en 2020, d’après les pronostics qui étaient jusqu’ici envisagés. Pour relancer la machine et inciter à venir en famille, la Cité du Vin a décidé de proposer la gratuité d’accès à tous les jeunes de moins de 18 ans jusqu’à la fin des vacances d’été.

Alors qu’un mois de juillet comme en 2019, ce sont 40 000 visiteurs qui ont été charmés par l’édifice signé par les architectes d’X-Tu Anouk Legendre et Nicola Desmazières, cette année en juillet Philippe Massol ne table que sur 10000 personnes (60% d’un mois de janvier) pour venir découvrir le Parcours Permanent, et l’ensemble des expériences proposées. L’an passé, la clientèle étrangère correspondait à 65% du nombre des visiteurs.

Le survolen hélicoptère des vignobles du monde entier © JPS

UN BUDGET DEFICITAIRE ET UN PERSONNEL EN CHOMAGE PARTIEL

Le budget annuel de fonctionnement de la Cité du Vin est entre « 10 et 11 millions d’euros, on avait un peu moins de charges ces dernières années et donc on était au delà de l’équilibre. Cette année, c’est sûr on ne réalisera pas la prouesse des années précédentes, notre perte sera importante et de plusieurs millions d’euros. On discute avec les fondateurs de la Cité du Vin et la Ville de Bordeaux pour voir comment ils peuvent nous aider, on réfléchit aussi au prêt garanti par l’Etat. Le plus important est que le chômage partiel soit le plus garanti dans l’année. »

Aujourd’hui on sait qu’on va rouvrir avec peu d’effectifs, c’est très désagréable. Ce sera un jour par ci un jour par là de travail. A ce jour on sait que le chômage partiel a été prolongé jusqu’au 30 septembre pour les lieux culturels. Mais la réalité nous sera donné par la réalité de la fréquentation. »

La Fondation de la Cité du Vin emploie une centaine de salariés et une centaine d’autres sont des emplois indirects liés à la sécurité ou aux boutiques. Concernant l’éventualité de licenciements ? « On a eu une réunion il y a 15 jours, du conseil de surveillance, je ne peux pas garantir qu’il n’y aura pas de licenciements ou qu’il y en aura, je n’en sais rien. C’est quelque chose qui nous échappe et dont on n’est pas responsable.

 

L’exposition « Boire avec les Dieux » se tiendra du 9 avril au 29 août 2021 à © la Cité du Vin

EXPOSITIONS REPORTEES ET PROJETS EN SUSPENS

« On a reporté toutes les expositions, celle du printemps « Boire avec les Dieux » se déroulera du 9 avril au 29 août 2021, de même pour l’exposition photos sur l’Afrique du Sud, et celles de 2021 sur 2022… », commente encore le directeur général.

« De même, on a laissé en stand-by les modules du Parcours Permanent que l’on devait refaire, c’est reporté en 2021 pour l’année de nos 5 ans et cela va nous aider en terme de communication. Ainsi le module « le vin divin » va devenir un module comment on explique les arômes, juste à côté des 5 sens, et à côté des métamorphoses du vin, on va pouvoir compter sur un dispositif comment on fait du vin. On aura aussi un nouveau compagnon de visite, qui fera appel à la réalité augmentée, à la géolocalisation et qui pourra intégrer des applications extérieures. On va aussi apporter du contenu lourd en renfort sur notre site revu l’année prochaine. Nous aurons aussi des expositions itinérantes jusqu’en 2023″.

Des reflets dorés ou argentés selon les reflets du soleil des de la lumière © JPS

« Cette année on travaille sur une année incroyable, on fait le dos rond pour limiter le plus possible les dépenses, on devrait avoir 150 000 visiteurs et en 2021 on vise à nouveau l’équilibre avec 350 000 visiteurs », conclue Philippe Massol.

 

Mildiou à Bordeaux : quelques attaques mais pas le « tsunami » redouté

10 jours à deux semaines après les fortes pluies sur le Bordelais, les sorties de mildiou sont apparues depuis jeudi. Quelques attaques, plus ou moins fortes par endroits, mais il semblerait que ce ne soit pas aussi difficile qu’en 2018.

Attaque de mildiou sur feuille sur Saint-Emilion © Sophie Aribaud

Pour prendre la température et essayer de répondre à l’interrogation de savoir si le mildiou est très présent dans le bordelais, rien de tel que d’interroger les grands techniciens de la vigne…

A Saint-Emilion, Philippe Raimond, responsable technique au sein du Conseil des Vins de Saint-Emilion, déclare qu’il est certes « difficile d’estimer totalement l’effet mildiou mais « les retours que j’ai me disent : les vignerons s’attendaient à avoir un tsunami de mildiou, mais ça n’a pas été le cas. Par contre à certains endroits, cela a dérapé quand les viticulteurs n’ont pas pu repasser et rentrer dans leurs vignes…

J’ai l’impression que cela a été pas mal maitrisé par rapport aux conditions que l’on a eues, ce n’est pas une année comme 2018 avec des attaques incontrôlables », Philippe Raimond du Conseil des Vins de Saint-Emilion

« On a fait ressortir les pulvérisateurs à dos, là où on ne pouvait pas passer. On a eu très très peur après le gel, la grêle et là le mildiou. On va voir cette semaine comment cela va se passer, c’est loin d’être fini, même s’ils annoncent que du beau, on a quelques craintes, il faut être vigilant, mais globalement, cela a été maîtrisé. »

Mildiou sur grappe de merlot en Entre-Deux-Mers où le vigneron n’a pas pu passer dans ses vignes pour traiter © SA

« A partir de jeudi, on a vu des sorties sur feuilles », confie Sophie Aribaud, conseillère viticole : « j’ai eu un petit peu de cas concernés sur feuilles mais pas de sortie sur grappe », suite aux forts épisodes de pluie de samedi-dimanche et du mercredi qui a suivi. Certains (pas parmi sa clientèle) ont eu une grosse attaque sur grappes, car ils n’ont pas pu rentrer dans leurs parcelles et il y a eu un décalage (au niveau du traitement).

« Fort heureusement, les nuits sont très fraîches et l’incubation est plus lente. Mais le beau temps et le vent limitent la propagation. C’est un champignon qui repique aussi grâce aux rosées matinales qu’on n’a pas ». Bref cela n’a rien à voir avec la grosse attaque de « 2018 où le mildiou a proliféré avec des conditions tropicales » avec chaleur et humidité nuit et jour…

François Despagne, 20e génération de vigneron, à la tête du  château Grand Corbin Despagne : « globalement, on a relativement maîtrisé…

Cela a été très compliqué d’autant que je suis en bio, il a fallu une vigilance 24h sur 24. On a 8 hectares de la propriété où on ne pouvait pas passer avec notre petit quad comme en 2016 et 2018 où on l’a utilisé. Sur ces sols argileux, qui étaient déjà gorgés d’eau, l’eau stagnait », François Despagne de Grand Corbin Despagne

« C’est la première fois depuis 25 ans sur ces 8 hectares, où on a du le faire à dos, en repassant 3 fois… On a eu 100 millimètres d’eau ce qui est énorme.Et heureusement on a la chance d’avoir eu du froid, ce qui n’est pas favorable au développement du mildiou.

Et François Despagne d’ajouter : « On voit presque plus de botrytis sur grappe que de mildiou sur grappe, du à l’humidité ambiante, mais avec des choses qui sèchent donc on n’est pas dans le cataclysme. La fleur s’est passée de façon remarquable, on a beaucoup plus la banane qu’il y a 15 jours on est beaucoup plus serein. C’est une floraison homogène pour faire un grand millésime… »

24 Mai

Les vignerons du Var cherchent à écouler leurs stocks de vin rosé

Avec la période de confinement et les échanges qui n’ont pas encore repris normalement, les vignerons du Var sont inquiets, comme d’autres collègues d’autres régions viticoles, car ils ont encore des cuves pleines et la prochaine récolte s’annonce dans moins de 4 mois. Regardez le reportage de mes confrères de France 2 diffusé ce samedi.

Reportage au château de Saint-Maur par © France 2

Dans le vignoble de la presqu’île de Saint-Tropez, le travail continue comme d’habitude… Marc Monrose, le directeur du Château Saint-Maur doit trouver une solution pour ses futures vendanges car il lui faudra de la place. Une inquiétude, puisqu’ici, une cuve sur trois est encore pleine, l’équivalent de 150 000 bouteilles. 

Les portes de ces cuves sont fermées actuellement, ici vous avez un rosé cru classé Côtes de Provence qui n’a pas pu être mis en bouteilles puisque les restaurants n’ont pas pu rouvrir… On attend que la reprise d’activité soit conséquente pour pouvoir de nouveau mettre ce jus en bouteilles » Marc Monrose, le directeur du Château Saint-Maur

À cela s’ajoutent des bouteilles déjà stockées dans des cartons. Une grande partie de la récolte 2019 reste en sommeil. « Ici on est au milieu du stock, qui à cette époque de l’année devrait être pratiquement vide, et malheureusement comme vous pouvez le constater il est au 2/3 plein et cela représente les non ventes qu’on a eu mois de mars et avril, » poursuit Marc Monrose.

BARS ET RESTAURANTS N’ACHETENT PLUS RIEN

Depuis le début du confinement, les bars et les restaurants n’achètent plus rien. C’est partout pareil et notamment sur le port de Saint-Tropez d’habitude si fréquenté. Voir Senequier, lieu culte s’il en est rideau tiré, c’est du jamais vu depuis des années.

Aimé Stoesser, directeur du Girelier à Saint-Tropez, vend d’habitude en haute saison une centaine de bouteilles de rosés par jour, mais aujourd’hui même si sa cave reste presque vide, il préfère attendre pour s’approvisionner de nouveau en vin : « 

Ici on a les rosés qui devraient déjà être stockés dans notre cave et sur tous ces rayonnages. C’est notre plus grande vente en saison et aujourd’hui on attend…. » Aimé Stoesser, directeur du Girelier

Pour écouler les stocks invendus, certains vignerons se regroupent, ici onze domaines. Ventes directes et rabais font partie des solutions. « On peut décaler les promotions sur le mois de juin, alors que, d’habitude, on le fait plutôt sur le mois de mars ou d’avril« , explique Frédéric Schoeffer, maître vigneron de la presqu’île de Saint-Tropez.

En attendant que l’activité reprenne Marc Monrose a choisi le contact direct avec les restaurateurs et leur propose d’offrir un verre à la clientèle lors de la réouverture.

D’autres se lancent dans l’aventure du web pour renforcer les ventes en ligne. Le confinement a fait changer les habitudes de vente au directeur de Minuty, Jean-Etienne Matton :

Je pense qu’on les gardera ces filières, car c’est quand même beaucoup plus sécurisant d’avoir différents modes de commercialisation, plutôt qu’un seul comme on avait avant. On espère de tout coeur que ce qu’on traverse ne reviendra plus jamais, mais, personne ne peut nous l’assurer aujourd’hui. » Jean-Etienne Matton de Minuty

La France est le premier pays consommateur de vin rosé au monde. Les vignerons misent beaucoup sur les vacances d’été.

Reportage de mes confrères de France 2  Luc Bazizin, V Piffeteaux et P Gueny: 

23 Mai

Avis aux amateurs, la plus vieille bouteille de Cognac Gautier de 1762 est à vendre chez Sotheby’s

Sotheby’s met en vente du 14 au 28 mai, le « Grand Frère » ou « Big Brother », la plus grande de 3 vieilles bouteilles de la Maison Gautier datant de 1762, ce qui en ferait l’un des plus vieux cognacs au monde. Une bouteille de 258 ans estimée entre 80 000 et 160 000 £, soit l’équivalent de 90 000 à 180 000 €

Un cognac Gautier de 1762, estimé entre 80 000 et 160 000 livres sterling à vendre chez © Sotheby’s

Comme le rappelle la maison Sotheby’s, il s’en est passé des choses en 1762 : Catherine II est devenue impératrice de Russie, la première parade de la Fête de Saint-Patrick a eu lieu à New-York ou encore c’était la fin de la Guerre de 7 ans qualifiée de premier conflit majeur ou de guerre mondiale à l’époque car de nombreux pays du monde et coalitions s’opposaient. C’est cette année-là où la Grande-Bretagne est entrée en guerre contre l’Espagne Naples. Et puis, cette fameuse bouteille et les 2 autres arrivées jusqu’à nos jours ont été produites par cette Maison Gautier qui avait obtenu en 1755 sous Louis XV un mandat royal pour produire du Cognac.

Cette bouteille est l’une des dernières et plus vieilles connues au monde . La « petite soeur » est conservée au Musée Gautier et le « petit frère » a été vendu à New-York en 2014″, (55000€) selon Sotheby’s

 

On discerne bien le millésime 1762 sur cette étiquette de cognac Gautier © Sotheby’s

Cette bouteille a une histoire assez incroyable, car elle serait restée dans la même famille pendant des générations. L’actuel propriétaire raconte que ses arrière-grands-parents avaient recueilli un orphelin prénommé Alphonse. Celui-ci  a quitté sa famille adoptive entre 1870 et 1880 pour travailler dans la région de Cognac, il serait revenu dans sa famille peut-être à cause de la crise du phylloxera. Il est revenu avec une charrette chargée de bouteilles de cognac, peut-être en lieu et place d’un salaire, dont ces 3 bouteilles de Gautier 1762  avec leurs étiquettes en bon état. Alphonse est malheureusement parti à la guerre de 1914 mais n’en est jamais revenu et n’a pas pu les apprécier.

Le Gautier 1762 est connu et encensé à travers le monde comme un cognac qui transcende le monde des spiritueux de collection », Jonny Fowle Spécialiste des Spiritueux chez Sotheby’s.

Cette bouteille représente non seulement un exemple de viticulture pré-phyloxérique, mais a une valeur historique car précédant la révolution française. « Cette bouteille contient une distillation non seulement d’un superbe brandy mais aussi un pan de l’histoire de Cognac », poursuit Jonny Fowle.

Ce Gautier 1762 sera le clou du spectacle mais Sotheby’s met en vente aussi de vieux Maccallan de 1937 à 1974, et une bouteille exceptionnelle de 1928.

Pour tout savoir sur cette vente de Sotheby’S Londres c’est ici

22 Mai

Bientôt la vente aux enchères des vins de Bordeaux au profit des hôpitaux girondins

Elle va débuter le 15 juin prochain et va durer 7 jours, jusqu’au 21 juin. Cette vente aux enchères solidaire de vin et séjours oenotouristiques ira au bénéfice des soignants à travers des achats de matériels et amélioration de conditions de travail des personnels soignants du CHU de Bordeaux et de l’Hôpital de Libourne.

« Les Vins de Bordeaux disent Merci aux soignants », c’est l’opération caritative qu’ont décidé de lancer l’interprofession et les Vins de Bordeaux. Une vente aux enchères solidaire avec les personnels soignants qui va se tenir du 15 juin au 21 juin, aux dates où aurait du se tenir Bordeaux Fête le Vin,

Pour l’heure, « on est dans la phase de collecte des lots depuis le 15 avril, plus de 500 lots ont été récoltés : 350 lots de vins et 150 lots de séjours oenotouristiques », commente Christophe Chateau, du CIVB. Des dons qui s’arrêteront dans une semaine. Le 29 mai le commissaire priseur sera contacté pour confectionner le catalogue et le 8 juin il sera en ligne pour consultation.

La semaine d’achat se fera du 15 au 21 juin sur le site de vente aux enchères Drouot en ligne, la clôture est prévue le 21 juin à minuit. « Le 22 juin on connaîtra le montant global et la 1ère semaine de juillet on fera un chèque pour l’achat de matériel et pour améliorer les conditions de travail comme par exemple l’aménagement de salles de repos pour le CHU de Bordeaux et l’Hôpital de Libourne », précise encore Christophe Chateau.

21 Mai

Philibert Perrin annonce les Estivales en Pessac-Léognan pour le 20 juin « le week-end de la Fête des Pères »

On sent l’envie de reprendre un rythme normal un peu partout et notamment dans les châteaux du Bordelais. Le syndicat des Pessac-Léognan a fait le choix de maintenir ce rendez-vous désormais annuel. Au programme visites d’un vingtaine de châteaux, dégustations et déjeuners champêtres s’ils sont autorisés, avec bien sûr des règles de sécurité et de distanciation. Côté Châteaux a interviewé ce matin Philibert Perrin, le président du syndicat des Pessac-Léognan.

Les Estivales en Pessac-Léognan, où les rouges sont aussi mis en avant, ici au château Haut-Nouchet en 2017 © Jean-Pierre Stahl

A l’origine, la manifestation s’appelait « Samedi Blanc en Pessac-Léognan » (lancée en 2013), c’était pour les très nombreux châteaux de Pessac-Léognan, crus classés ou non classés, l’occasion de mettre en avant leurs vins blancs de grande tenue, seconds vins ou premiers vins qui s’apprécient aussi sur de vieux millésimes. Mais depuis quelques années, Samedi Blanc a muté pour se transformer en « Estivales de Pessac-Léognan », dans la mesure où de nombreux visiteurs et amateurs de vins souhaitaient aussi déguster les rouges…

Jean-Pierre Stahl : « Bonjour Philibert Perrin, désolé de vous déranger en ce jeudi de l’Ascension, mais dans la mesure où depuis hier soir vous annoncez la tenue des Estivales, bien évidemment l’actualité veut qu’on en sache plus, c’est donc un rendez-vous que vous maintenez ? »

Philibert Perrin : « oui, les Estivales auront lieu le samedi 20 juin, on a décalé d’une semaine, car c’était plus tôt d’habitude. On avait laissé ce sujet en suspens pour voir l’évolution des choses et puis en bureau on a décidé de maintenir mais de décaler d’une semaine sur le week-end de la Fête des Pères(qui aura lieu le lendemain le dimanche 21 juin) donc c’est pas mal et cela nous laisse du temps pour nous organiser ».

La plupart des propriétés sont en train de réouvrir en ce moment aux visiteurs donc c’est un pré-calage. Il y aura 22 châteaux inscrits donc un nombre sympathique avec quelques crus classés », Philibert Perrin, président du syndicat des Pessac-Léognan.

JPS : « Quelles sont les règles de sécurité adoptées ? »

Philibert Perrin : « Les visites, on saura faire…par petits groupes de 10 avec bien sûr du gel Hydro-alcoolique à disposition, des masques, des distances de sécurité à respecter. On prévoit plus de monde pour encadrer les visites. On demandera aux gens de ne rien toucher. Le guide portera masque et gants . Et pour la dégustation, elle sera distancée, le guide se reculera pour commenter la dégustation ».

« Les visiteurs auront à disposition des verres et crachoirs individuels, s’ils recrachent car on s’est aperçu que bien souvent ils ne recrachent pas. Ce sont des crachoirs individuels en carton, qu’ils videront eux-même dans un seau et il n’auront plus qu’à jeter leur carton. »

JPS : « C’est tout de même assez osé d’organiser ces Estivales en Pessac-Léognan car comme les Portes-Ouvertes de décembre, vous avez en général du succès et pas mal de monde… »

Philibert Perrin : « les portes ouvertes de juin (Estivales) ont en général moins de succès qu’en décembre. On se doute bien que les gens vont aller se balader en campagne, en forêt,…(ou à la plage), mais il faut que la vie reprenne ».

S’il y a du monde, il y aura un couloir, une file d’attente, avec distanciation et les visites partiront par groupes de 10 personnes; cela va contraindre les propriétés à prendre plus de personnels, c’est courageux de le faire, mais il faut se relancer, la vie redémarre.

« On s’était posé la question d’organiser les Estivales sur rendez-vous, mais ce sont des portes ouvertes, donc cela restera ouvert à tout le monde. Les gens seront mis en attente, s’il y a du monde, on ne pourra peut-être pas satisfaire tout le monde… »

JPS : « Concernant les achats, j’imagine que vous avez pensé à des mesures de sécurité aussi ? »

Philibert Perrin: « La personne derrière la caisse sera gantée, masquée; les paiements s’effectueront par cartes de crédit avec du film étirable (sur le terminal de paiement), et du gel à chaque personne. En fait ce sera les mêmes mesures que dans les commerces ». 

JPS : « S’agissant des visiteurs, vous leur demandez de porter un masque pour les visites ? »

Philibert Perrin : « oui, on recommande fortement aux visiteurs d’être masqués, de venir avec leur propre masque, au niveau du Syndicat nous avons reçu par le CIVB les masques que nous avions commandés, mais cela file vite; au moment de la dégustation, bien sûr ils pourront le retirer pour déguster. »

JPS: « Enfin, concernant votre repas champêtre comment cela va se passer ? »

Philibert Perrin : « Deux alternatives, on en saura plus un peu plus tard, soit le repas champêtre n’est pas autorisé et il sera annulé, soit il est autorisé et ce sera une restauration légère, on verra la forme qu’elle prendra sous forme de plateau ou snacking, on appliquera en tout cas les mesures gouvernementales, il faut que cela soit bien carré… »

Les Estivales en Pessac-Léognan : samedi 20 juin de 10h à 19h, visites de propriétés, dégustations et animations, déjeuners champêtres (sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire) à 36€ et sur réservation.

Pour en savoir plus, et réservez votre déjeuner-champêtre : le site www.pessac-leognan.com

Lire ou relire : Les propriétés familiales vous ouvrent leurs portes pour la nouvelle version des « Estivales en Pessac-Léognan »

19 Mai

Le CIVB a commandé 500 000 masques pour répondre aux demandes des vignerons de Bordeaux

Depuis ce matin, c’est l’effervescence au Bar à Vins du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux. La première commande de 200 000 masques est arrivée et distribuée depuis 9h, une seconde de 100 000 arrive vendredi, puis une troisième de 200 000 la semaine prochaine. Ces masques répondent à la demande des viticulteurs du bordelais pour garantir la sécurité des vignerons, des salariés et des touristes. Ils sont rétrocédés aux viticulteurs à prix coûtant.

Mayeul l’Huilier, à gauche, et Christophe Chateau à droite, en plein chargement des voitures des responsables de syndicats viticoles © CIVB

« On a transformé le Bar à Vins en Mc Drive, on a un comptoir allées de Tourny, les gens se garent devant et on distribue… », commente Christophe Chateau, directeur communication du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux.

Premier sur la ligne d’arrivée, Mayeul l’Huilier, directeur du syndicat des Graves : « à 9 heures, je faisais partie des premiers, vu que j’habite Bordeaux c’est plus pratique pour ensuite les porter dans les Graves.

On est allé les chercher ce matin au CIVB, il y avait déjà 4 voitures dans la file, nous on a commandé 12 000 masques, mais on a pu prendre que la moitié, les 6000 premiers qu’on va proposer aux vignerons de venir les chercher. On va les informer par mail, dans l’ordre dans lequel ils avaient passé commande, « premiers arrivés, premiers servis »… » « Mayeul l’Huilier des Vins de Graves.

Parmi les matinaux, également Mickaël Rouyer, directeur du syndicat viticole de Blaye: « j’étais à 9 heures au CIVB pour chercher une partie de la commande des Vignerons de Blaye; ils ont commandé 25 000 masques et ce matin on en a eu 12 000 ».

Il y a une forte attente autour des masques qui étaient annoncés pour le déconfinement, bon on est le 19 mai, c’est surtout pour le personnel, dans les chais et sur les chaînes de production ou d’embouteillage que c’est le plus préoccupant. Après c’est important aussi pour l’accueil à la propriété… » Mickaël Rouyer du syndicat de Blaye.

Le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux a répondu à l’attente et la demande de nombreux viticulteurs et salariés qui s’en étaient fait l’écho. « On a commandé 500 000 masques qu’on va mettre à disposition des vignerons à travers leur ODG (organisme de défense et de gestion) ou syndicat viticole. Des masques achetés et rétrocédés à prix coutant: 55 centimes hors taxe. Le coût pour nous c’est zéro, on achète et on revend à prix coûtant. »

« On avait en prime la filière de distribution toute prête à travers les syndicats viticoles, plusieurs viticulteurs nous en ont demandé et puis on a réfléchi courant avril et on a fait appel à un importateur français que l’on connaît: il importe depuis 25 ans des textiles de Chine, il connaît les usines et le prêt par coeur. C’est lui qui nous fait fabriquer les porte-verres rouge pour Bordeaux Fête le Vin. 

On a passé la première commande il y a 4 semaines, puis une deuxième il y a 3 semaines, on nous a livré hier à 14h déjà 200 000 masques, vendredi 100 000 arrivent à nouveau et 200 000 la semaine prochaine. Ce matin on a pu délivrer la moitié des commandes aux ODG », Christophe Chateau du CIVB.

« Les commandes sont hyper variables : gens de Saint-Emilion nous ont commandé 100 000 masques, les Graves 12000, Sauternes 12000, Pessac 8000, Margaux 20 000, les bios 300, les Francs 1700… Au début tout le monde manquait de masque et puis c’est devenu plus facile d’en avoir, surtout en grosses quantité, c’est pour cela que les syndicats ont fait appel à nous, maintenant c’est plus simple et les prix devraient même baisser dans les mois à venir », selon Christophe Chateau.

Concernant l’attente des vignerons, Mayeul l’Huilier confirme que « la plupart des masques c’est pour leurs salariés, ils ont eu beaucoup de demande en matière de protection et puis pour ceux qui font de l’oenotourisme, ils veulent pouvoir les proposer à leur clientèle ou les mettre à disposition. Nous on en a aussi acheté pour la Maison des Vins, pour éviter que les gens aient peur de rentrer en magasin… »

A Saint-Emilion, ce matin ça bouge aussi du côté de la salle polyvalente vers le parc Guadet : « je suis en train de faire installer le drive », me confie Franck Binard le directeur du Conseil du Vin de Saint-Emilion. 

On a fait une commande de 95 000 masques, tous les viticulteurs piaffent d’impatience »Franck Binard du Conseil des Vins de Saint-Emilion

« A partir de cet après-midi, on a 360 commandes et vignerons qui vont venir à la salle polyvalente. Tous ont répndu présent, car il y a beaucoup d’interrogations pour l’avenir dans les propriétés, pour le travail des collaborateurs dans les entreprises et pour les ouvriers aux chais, ils ont préféré sécuriser ».

Cela va être assez intense « cet après-midi de 14h à 18h et demain de 9h à 17h avec 7 comptoirs de réception, avec du gel hydro alcoolique à toutes les tables. Ce n’est pas du tout un achat lucratif, surtout un service que l’on rend aux vignerons, on est là pour cela, pour essayer de faire ce que l’on peut. » La Maison du Vin se prépare aussi rouvrir la semaine prochaine avec des mesures de protection et des vitres en plexiglas.

C’était une des attentes des vignerons girondins, c’est bien que le CIVB ait mutualité les moyens, c’est une initiative louable » Mickaël Rouyer directeur du syndicat de Blaye.

Bref tout le monde se remet en ordre de marche pour pouvoir accueillir du public dans les conditions optimales de sécurité et rassurer aussi les salariés qui le demandaient.

18 Mai

Pascal Pressac, un chef dans les starting-blocks pour la réouverture de son restaurant: « on espère ouvrir le 2 juin, moi j’y crois ! »

Le chef de la Grange aux Oies au sein du château-hôtel de Nieuil en Charente se tient prêt. Le chef qui outre sa toque coiffe aussi la casquette de président des Tables Gourmandes de Poitou-Charentes répond aux questions de Côté Châteaux. Comme bon nombre de chefs et de responsables de cafés-restaurants de France, il trépigne d’impatience et se prépare à la réouverture de son restaurant qu’il tient avec Patrice Devaine, président des sommeliers de Poutou-Charentes. Il est l’invité de Parole d’Expert.

Le chef sommelier Patrice Devaine et le chef cuisinier © Pascal Pressac, sur leur terrasse de la Grande aux Oies et devant le château-hôtel de Nieuil

Jean-Pierre Stahl : « Comment ça va Pascal Pressac ? »

Pascal Pressac : « Eh bien ça va, on espère ouvrir le 2 juin, on attend bien sûr la confirmation le 25 mai, mais moi j’y crois ! Je bouge maintenant, je vais au marché tous les jours, je rencontre du monde. J’ai annoncé à tout le monde que j’ouvrais le mardi 2 juin. Les gens sont prêts à venir, je pense avoir une trentaine de couverts pour le dîner.

« Néanmoins j’ai une inquiétude : quel protocole on va nous demander pour ouvrir nos établissements ? On s’en doute mais on n’en sait rien… »

JPS : « Oui, parce que vous attendez de savoir ce qui va vous être demandé … ? »

Pascal Pressac : « L’inquiétude est là: est-ce qu’on va pouvoir travailler à 60%, 40% ou 30% de la capacité d’accueil ? J’aimerais qu’on nous le dise le plus tôt possible, pareil pour le personnel de salle qui va devoir travailler avec des masques, on s’en doute, mais on n’en sait rien. »

« Par ailleurs, il va falloir arrêter les cartes de restaurant qui passaient de mains en mains. On a pensé à une carte imprimée sur feuille que les gens pourront rapporter chez eux. Une chose est sûre on ne va plus pouvoir travailler comme avant, je suis prêt à m’adapter ».

JPS : « Avez-vous pensé peut-être à des cartes interactives que les gens pourront consulter sur leur smartphone ? »

Pascal Pressac : « Je pense surtout qu’on pourrait le faire pour les vins, notre carte des vins est tellement complète, c’est un peu compliqué, mais on y réfléchit. Pour le terminal de paiement, il y a aussi peut-être la possibilité d’envoyer un mail, vous cliquez et le paiement peut se faire comme cela, on réfléchit à plein de choses.

« Mais qu’on nous dise assez rapidement, qu’on nous fasse part du protocole assez rapidement, pas comme la dernière fois où on a du fermer nos établissements 4 heures après l’annonce, car il y a tellement de choses à mettre en place. Je pense que la clientèle va revenir, ils ont envie de bouger.

« Un établissement comme le nôtre, à la campagne, on peut s’adapter, il est assez vaste et puis nous avons une belle terrasse extérieure… Je suis plus inquiet pour les petits restaurants ou brasseries dans les grandes villes, si on leur enlève de la capacité, ils ne pourront pas tenir, d’autant qu’ils ont des petites marges. Voilà, je pense à tous les petits restos de ville qui ont des tickets moyens pas très élevés, s’ils ne peuvent accueillir que 10 personnes au lieu de 30 la rentabilité va être peu élevée…et tous les collaborateurs ne pourront pas être là, ils seront pour certains obligés de rester chez eux…Il y a plein d’inquiétudes…

JPS : « Malgré tout il faut respecter les gestes barrières…? »

Pascal Pressac : « Bien évidemment, la raison sanitaire reste importante et la clientèle doit avoir confiance en nous et dans nos établissements. On y travaille. Il faut vraiment qu’on respecte toutes les mesures qu’on va nous demander… »

JPS : « Pour ceux qui ne le savent pas encore, qu’est-ce qui va se passer ce fameux 25 mai ? »

Pascal Pressac : « Le Premier Ministre va tirer les conclusions de deux semaines de déconfinement et on va savoir si on peut rouvrir ou pas. C’est là qu’il va se prononcer, tout en tenant compte qu’on est dans une région verte, assez préservée, il va en tenir compte. »

JPS : Il est clair aussi que la situation financière de vos établissements ne permet pas de rester encore fermés trop longtemps…? »

Pascal Pressac : « Non, cela ne pourra pas durer longtemps.En juin, juillet et août, c’est là où nous avons une activité intéressante, ces 3 mois nous permettent de passer l’hiver sereinement ; si on loupe ces 3 mois, comment vit-on ? Ce n’est pas une solution, il faut que l’on soit autonome. Tous les établissements ont fait le prêt garanti pas l’Etat, un jour il faudra bien le rembourser… »

JPS : « Néanmoins, vous restez optimiste Pascal ? »

Pascal Pressac : « Oui je suis prêt, j’y crois ! Qu’on ouvre ces établissements et qu’on rallume nos fourneaux, la belle saison arrive, le potager est aussi prêt, il faut y aller ! »

15 Mai

Vignes inondées, humidité, mildiou et black rot qui « pointent le bout du nez », pas simple le boulot de vigneron

Les épisodes de pluies intenses du week-end et du début de semaine ont engendré des inondations dans les vignes et d’énormes difficultés pour entrer sur les parcelles pour y effectuer des traitements tant en bio qu’en conventionnel. Les attaques de mildiou et aussi de black rot se font jour et devraient être encore plus fortes dans les jours à venir. Réactions dans le vignoble bordelais.

Pour le traitement de cette fin de semaine, je vais louer un hydroglisseur, ce sera plus facile – à Sainte-Terre © Benoît-Manuel Trocard

DU JAMAIS VU EN MAI, TRACTEURS PLANTES TRAITEMENTS DIFFERES

C’est du jamais vu, on a ici 15 centimètres d’eau dans la vigne, c’est vraiment haut », commente Benoît-Manuel Trocard, vigneron, face à une parcelle de vigne inondée de Sainte-Terre dont il s’occupe.

« Il y a des situations qui sont dramatiques… Des vignerons se sont plantés dans leur vigne. Qu’il pleuve, on est habitué, mais là… Avec 120 millimètres depuis 15 jours on a des coins totalement inondés, les sols sont gorgés d’eau, sur Sainte-Terre, Puisseguin, le Saint-Emilionnais à fond, le secteur de Langon, et le Médoc a pris cher aussi… Cela nous empêche de traiter le vignoble, que ce soit en tracteur ou à pied le terrain est inaccessible », Benoît Manuel Trocard. « Le problème c’est qu’on est déjà hors couverture, on a 14 jours pour refaire les traitements en systémique et en bio tous les 7 jours ».

« L’autre souci, c’est qu’on va être en pleine fleur dans une semaine, cela dure 2-3 jours et c’est très odorant; la peur c’est d’avoir aussi du millerandage: c’est quand il pleut, les pétales se collent sur la baie et font avorter l’oeuf. Quand il pleut trop, il y a de la coulure ou du millerandage, tu te retrouves avec la moitié ou un tiers de grappes en moins… » Si tu rates un traitement, tu mets en péril ta récolte. On ne les fait pas parce qu’on a envie d’en faire, mais parce que c’est nécessaire. Avec cette pluie et humidité, la vigne ramasse et le mildiou peut s’installer sur grappe , ce n’est pas bon à voir, en une semaine elle peut être déséchée complètement, c’est chaud patate… »

Attaque de mildiou sur grappe © Sophie Aribaud

DES SOLS SATURES EN EAU

« Plusieurs secteurs ont été inondés, les sols sont saturés en eau », confirme Sophie Aribaud conseillère viticole, qui a enregistré de 60 à 120 millimètres d’eau samedi-dimanche sur les domaines qu’elle suit entre le libournais et le langonnais. « Les gens essaient de passer dans leur vigne, mais énormément de tracteurs ont du être remorqués…

« Au niveau des maladies, on a vu l’apparition de taches de black rot un peu partout et des taches de mildiou, mais là pas forcément de grosses attaques car j’avais fait traiter très tôt mais je m’inquiète sur les semaines prochaines avec une incubation de 8 à 12 jours pour le mildiou« .

On est sur des formes chaotiques d’attaque de mildiou, avant il arrivait sur feuilles et descendait sur la grappe, là il peut prendre directement sur grappe » Sophie Aribaud conseillère viticole.

Autre maladie, le black rot qui a une période d’incubation d’une vingtaine de jours, « il peut aussi prendre sur grappe et le stade de sensibilité c’est jusqu’à pleine véraison », me précise Sophie Aribaud. « La dernière grosse attaque remontait à 2014, cela donne de sales goûts dans les vins, comme le botrytis et l’oïdium. »

Aussi en ce moment pour les traitements où il est difficile d’entrer dans certains rangs de vigne, c’est un peu « un passage en force, parfois avec des quais ou même à dos d’homme, à l’ancienne, et certains ne passent pas du tout…Sur les vignes en bio, ils sont à 5-6 traitements depuis le début et 3-4 pour les conventionnels ».

Ce sont des pluviométries digne des mois de novembre-décembre, mais pas de mois de mai, c’est du jamais vu depuis ces 20 dernières années », Sophie Aribaud.

Attaque de black rot sur feuille © Nicolas Lesaint

 

LES BIOS SUR LE QUI-VIVE

« On s’est pris 220 milimètres de pluie en 15 jours, c’est un truc de fou », commente Jean-Baptiste Duquesne, vigneron à Saint-Pierre-de-Mons et Mazères, certifié bio et Demeter cette année 2020 (qui était en conversion jusqu’ici). « On a pu traiter mardi la moitié des parcelles les mieux drainées et on attend pour traiter la deuxième moitié probablement demain ».

« Le fait que nos sols soient plus vivants, on a fait du bon boulot, l’eau est rentré, les couverts végétaux ont permis d’absorber l’eau et on a des sols poreux. L’enherbement, c’est sûr nous a aidé. Dans le sud-gironde, on ne peut pas rentrer dans les vignes; je pense que tout le monde va devoir réenherber et remettre de la nature organique.

Pour l’instant, ça tient, on n’est pas inquiet, même si le mildiou peut exploser à tout moment comme en 2018″ Jean-Baptiste Duquesne château Cazebonne

Jean-Baptiste Duquesne avait gelé en 2017, grêlé à 100% en 2018 et avait eu une faible récolte en 2019; « cela fait 3 années difficiles, cette année on espère que cela va aller… On une belle charge sur nos vignes. »

« LE GROS SUJET, CELA VA ETRE LE BLACK ROT »

Au château de Reignac à Saint-Loubès, Nicolas Lesaint témoigne : « au niveau pluviométrie, on s’est pris 70 millimètres samedi-dimanche, puis 30 millimètres en début de semaine. C’est vrai que c’est compliqué de passer, on pouvait le faire mardi ou aujourd’hui. Mardi, beaucoup ont eu leur enjambeur ou petit tracteur planté, c’était dans tous les sens. Moi j’étais passé avant et je traite aujourd’hui, cela roule bien, on a de la chance d’avoir pas mal de graves sur la propriété, pour la partie des argiles ce sera la semaine prochaine. »

Nicolas Lesaint a vu poindre un peu de mildiou mais surtout plus de black rot, il en a l’habitude, il avait déjà vu des attaques la saison passée : « j’ai une sorte d’habitude, cela revient et c’est spontané et dynamique »

Le gros sujet, cela va être le black rot sur ce millésime, » Nicolas Lesaint du château de Reignac.

« J’ai des voisins qui n’ont pas fait attention avec notamment un traitement de retard par rapport à nous, et ils ont eu une intensité d’attaque hallucinante sur feuilles. Là je n’en vois pas sur grappe, mais quand il va en y avoir ce sera trop tard. Il faut des conditions très sèches pour le freiner. Ce sont des petits ronds secs sur la feuille, la vigne a nécrosé cette partie et des petits points noirs vont se former. Et sur grappe, lors de l’attaque sur baie, elle va devenir beige et tout tombe. »

« Concernant le mildiou, cela va aussi être inquiétant, les contaminations ont eu lieu et rendez-vous dans 10 jours, il pourrait y avoir de grosses sorties sur feuilles et sur grappes. D’année en année, c’est de plus en plus chaotique ».

On se souvient en effet d’une année terrible il y a deux ans, où le vignoble bordelais avait connu une attaque sévère de mildiou. Certains avait perdu une bonne partie de leur récolte et millésime 2018