C’est un travail minutieux et empirique qui est mené à Saint-Laurent-de-Médoc. Bernard Magrez et le château la Tour Carnet expérimentent sur la durée 84 cépages français, européens et mondiaux en réel sur leur terroir de graves médocaines. Des micro-cuvées suivies au fil du temps pour voir leur évolution à l’horizon 2050.
Le château la Tour Carnet : un sanctuaire qui expérimente les meilleurs cépages à l’horizon 2050… Le merlot ou le cabernet sauvignon majoritaires ici ont désormais sur deux parcelles des cépages expérimentaux comme voisins…
A chaque bout de rangs, des noms à l’accent méditerranéen comme le tempranillo de la Rioja espagnole, le néro d’avala cépage sicilien, ou encore le cépage Allicante ramassé ici en terre médocaine. « C’est un cépage français issu du croisement entre le petit bouchet et le grenache noir, croisement effectué en 1855, il est principalement cultivé dans le sud de la France, l’Espagne et le Portugal. Et donc du coup avec le réchauffement climatique il est intéressant d’étudier ce cépage du sud à Bordeaux…« commente Martin Clapaud adjoint au chef de culture.
La collection compte ici 84 cépages, une cinquantaine de rouge et une trentaine de blancs, étudiés en situation réelle comme cette année avec ces températures caniculaires qui augurent de celles qui seront monnaie courante en 2050. Outre les traditionnels merlot et cabernet, le malbec est ici réintroduit et étudié mais aussi toute cette collection de « cépages issus de tout le pourtour méditerranéen, donc des climats plus chauds plus secs que l’on étudie dans l’hypothèse que ces cépages pourraient apporter une réponse à l’adaptation au changement climatique de nos vignobles », selon Julien Lecourt responsable recherche et développement des vignobles Bernard Magrez.
« Le millésime 2022 d’après les prévisions météorologiques ressemblerait au millésime 2050. Et donc cela nous a permis cette année de caractériser d’un point de vue agronomique, on a regardé les rendements, la résistance au stress hydrique de tous ces cépages, les 84 cépages et maintenant on est en train de les vendanger, on va les vinifier à part et voir leur qualité oenologique se développer et voir si vraiment ils ont un intérêt dans le cadre de l’adaptation au changement climatique… »
A chaque rang correspond un cépage, des pieds de vigne qui bénéficient d’un système de chauffage si besoin (calqué sur ce squi se fait en aéronautique) pour voir leur réaction. Voici d’ailleurs le touriga nacional cépage portugais déjà introduit dans le cahier des charges des AOC de Bordeaux.
« C’est un cépage qui est plus tardif que les cépages qu’on a traditionnellement dans le bordelais et plutôt résistant aux maladies aussi…C’est pour cela qu’il a été sélectionné d’ailleurs et on est en train de l’essayer ici à plutôt grande échelle… », précise Julien Lecourt.
Dans le chai bien gardé d’expérimentation, ce sont 84 cuves thermorégulées de 1 à 4 hectolitres qui attendent chaque récolte identifiée avec un micro pressoir.
« On s’aperçoit avec le réchauffement climatique, que pour avoir une bonne maturité des tannins et de la couleur, on est quand même obligé d’attendre un certain temps, alors que les raisins avec la maturité technique c’est – à -dire le taux de sucre élevé et l’acidité assez basse lui avance énormément et plus vite avec le réchauffement climatique », « ce qui fait qu’on a un écart entre la maturité technique et la maturité phénolique… Cela nous oblige à ne pas vendanger au 15 août, ca serait très simple de vendanger quand le raisin fait 13° d’alcool et s’arrêter là, sauf qu’à ce moment là les tannins, les arômes, ne sont pas encore prêts…Donc c’est pour cela qu’on est obligé de vendanger à des dates qui avancent néanmoins mais qui restent éloignées… », selon Alix Combes, directeur du château La Tour Carnet.
Tous les 6 mois, ils vont déguster ainsi et regarder l’évolution des vins et de leurs qualités. Une chose est sûre, il faudra adapter le vignoble d’ici quelques années et introduire de nouveaux cépages.