24 Sep

Michel Guérard rend hommage à Pierre Troisgros disparu

C’était « une bande de copains façon Georges Brassens » commente ce matin Michel Guérard qui en faisait partie avec Jean et Pierre Troisgros (chef 3 étoiles de Roanne), mais aussi Paul Bocuse, Raymond Oliver. Des cuisiniers qui incarnaient dans les années 60-70 le renouveau de la gastronomie française, tranchant avec l’ancienne école d’Auguste Escoffier. Il revient avec Ludivine Tachon, et Thierry Guardet sur cette amitié qui le liait à Pierre Troisgros et cette disparition.

« Pierre avait une bonhommie, paysanne au sens noble du terme, il avait en boutonnière un éternel sourire qui n’était pas sans malice… », commente ce matin le chef triplement étoilé Michel Guérard, célèbre chef des Prés d’Eugénie à Eugénie-les-Bains. « Et puis il avait ce don de décrire les personnages et les situations, on n’avait pas besoin d’avoir fait l’Ena pour le comprendre…C’était net, précis, cela tombait juste. »

« On était une bande de hussards, qui étaient regardés d’un drôle d’œil par les autres cuisiniers de l’époque… C’était une bande de cuisiniers mais aussi une bande de copains aussi, des copains heureux de vivre avec les autres, voilà… On a vécu une période joyeuse, on se téléphonait, on se racontait ce que l’on avait fait en cuisine, c’était incroyable, il y avait une camaraderie très forte. »

Ils incarnaient la nouvelle génération qui allait bousculer la gastronomie française et la faire entrer dans une nouvelle ère : « nous étions un petit peu las d’avoir subi la cuisine d’Auguste Escoffier qui se répétait de décennies en décennies, et qui ne changeait jamais…Donc, à quelques-uns mais sans nous connaître, on avait décidé de rompre avec cela, et on s’est retrouvé tout naturellement mais peut-être aussi grâce à Paul Bocuse, qui lui le premier a été le grand rassembleur. Une bande de copains façon Georges Brassens, c’était merveilleux »

Michel Guérard © Thierry Guardet-France 3 Aquitaine

Parmi les plats emblématiques qu’a initié le chef Pierre Troisgros, il y avait son fameux saumon à l’oseille : « c’est très caractéristique de ce que fut cette nouvelle cuisine française, les poissons étaient surcuits à l’époque… Il avait imaginé faire une grosse tranche de poisson, une espèce d’escalope comme il l’appelait, qu’il faisait cuire en aller-retour dans une poële, c’était rosé à l’intérieur, le poisson n’avait rien perdu de son parfum, c’était moelleux. Et puis, il l’arrosait d’une sauce crème toute bête, et l’acidité, il avait remplacé le citron par l’oseille…C’était simple, c’était génial, il fallait y avoir pensé tout simplement. »

Faire plaisir aux autres, ce n’est pas employer les mêmes recettes à perpet…, c’est justement tenter de les renouveler et de surprendre. »

Quant à la transmission, « Pierre Troisgros était heureux que Michel son fils, accompagné de sa femme Marie-Pierre, et de ses enfants César et Théo, aient construit et perpétué l’univers Troisgros dans un autre décor, c’est formidable. »

Quant à la nouvelle apprise hier, « j’ai été très très triste, vous pensez-bien, mais quand on a un certain âge, on sait qu’on ne va pas durer, on va partir et moi je pars dans l’esprit de retrouver bientôt tous ceux qui m’ont précédé. »

Propos recueillis ce matin par Ludivine Tachon et Thierry Guardet.