26 Nov

Yoko Tsuno (« Anges et Faucons ») et Jérôme K Jérôme Bloche (« Contrefaçons ») en grand large…

   

Yoko Tsuno et Jérôme K Jérôme Bloche en grand large

En cet automne 2019, les nouveaux albums de Yoko Tsuno et Jérôme K Jérôme Bloche présentent un format inhabituel, avec respectivement 62 et 70 planches. Une singularité supplémentaire pour deux personnages qui ne le sont pas moins.

Si l’on y regarde de plus près, Roger Leloup et Alain Dodier ont beaucoup en commun. Auteurs complets (scénario et dessins), ils mènent tous les deux une série au long cours, avec respectivement 29 albums pour Yoko Tsuno et 27 pour Jérôme K Jérôme Bloche. Et chacun de ces deux personnages porte en lui une part singulière d’humanité.

Pour Yoko Tsuno, électronicienne aventurière mais aussi mère adoptive, le respect de la vie passe avant tout (« la mort d’un homme est un échec », dit-elle dans en 1984 dans Le Feu de Wotan). L’humanité de Jérôme K Jérôme Bloche passe quant à elle souvent par de malicieux contrepieds à la mythologie du détective privé. Imagine-t-on un Philip Marlowe souffrant du mal des transports, ayant horreur des armes à feu, se faire tancer plus souvent qu’à son tour par sa compagne ou se faisant arrêter par la police en sautant un tourniquet dans le métro ?

Avec Anges et Faucons, Roger Leloup retrouve un format en 62 planches qu’il n’avait pas connu… depuis Tintin, Vol 714 pour Sydney et son départ du Studio Hergé fin 1969. Ce 29e album de Yoko Tsuno rassemble deux récits d’une trentaine de page chacune. Dans l’une, il s’agit de traverser le temps pour sauver deux jeunes enfants (deux « anges », en quelque sorte). Dans l’autre, de convoyer d’inquiétantes momies, avec un faucon comme ange gardien. Cette double histoire fait aussi la part belle aux engins volants, souvent récurrents dans la saga dessinée de l’électronicienne japonaise. Le tout toujours mené avec un sens du détail qui force l’admiration, car Roger Leloup, qui vient de fêter ses 86 ans, travaille sans le moindre assistant !

Une démarche en solitaire qui est aussi celle d’Alain Dodier. Dans Contrefaçons, il présente une enquête qui porte son titre à merveille, dans une histoire d’enlèvement où rien ne semble authentique… Sauf le détective, qui finit par dénouer les fils d’une intrigue menée au rythme des réflexions du personnage principal, entre initiatives et fausses pistes. Georges Simenon n’est pas loin… Notamment avec le personnage de Babette, lointaine héritière de l’épouse du commissaire Maigret, auxiliaire parfois précieuse tout en étant jeune femme de son époque. Un constat qui vaut également pour les différents personnages de l’intrigue, tous présentés à hauteur d’homme par le dessinateur-scénariste, qui sait camper une personnalité en une scène, voire une réplique.

En somme, deux albums qui permettent de retrouver deux des personnages les plus attachants du journal de Spirou : une héroïne qui « n’est pas la femme d’une nuit mais la femme d’une vie », et un détective privé, « improbable croisement de Humphrey Bogart et de M. Hulot ».

©Jean-Philippe Doret

Yoko Tsuno T29 « Anges et Faucons »

Scénario et dessins : Roger Leloup

64 pages

Jérôme K Jérôme Bloche T27 « Contrefaçons »

Scénario et dessins : Alain Dodier

72 pages

Dupuis

 

17 Nov

Parfums d’Asie : à propos de Peter van Dongen

En 2018, Peter van Dongen a connu un bel automne, avec la parution du premier volet du diptyque La Vallée des Immortels de Blake et Mortimer (codessiné avec Teun Berserik) et la première réédition en couleurs de Rampokan, le roman graphique qui l’a révélé. Deux albums avec l’Asie pour continent commun, à relire avant la sortie du second tome de La Vallée des Immortels, à paraître le 22 novembre prochain.

Né de père néerlandais et de mère indonésienne, Peter van Dongen opère dans Rampokan un retour aux sources de ses origines, en revisitant l’un des épisodes clé de l’histoire indonésienne, l’une des premières colonies à avoir déclaré en 1946 son indépendance, toutefois non reconnue par les Pays-Bas.

Le point de départ de ce récit est celui de Johan Knevel, jeune volontaire souhaitant avant tout retrouver la trace de « Ninih », sa nounou indonésienne. Pour la mise en miroir des différents points de vue et contradictions de cette époque, Peter van Dongen choisit l’audacieux ressort scénaristique de la double identité, pour une histoire qui fait écho à sa propre généalogie :

« Je dessine une Indonésie que je n’ai jamais connue, même si je suis vraiment allé dans les endroits qui servent de toile de fond à l’histoire. Seules les couleurs sont différentes, car la réalité ne peut jamais être dépeinte à l’identique », indique Peter van Dongen dans la postface de cette nouvelle édition. Cette mise en couleurs ocrée renforce à la fois la moiteur du climat et la tension d’une situation où la moindre étincelle est susceptible de mettre le feu aux poudres.

Dans le premier tome de « La Vallée des Immortels », si la jungle et le décor urbain sont tout aussi foisonnants, leur mise en couleurs respecte l’héritage et l’esprit de Blake et Mortimer. Peter van Dongen et son compatriote Teun Berserik y mettent en images, à seulement quelques années d’intervalles par rapport au contexte de Rampokan, une situation politique tout aussi explosive entre Chine nationaliste, Chine communiste, Hong Kong et un seigneur de la guerre fictif désireux de restaurer l’empire chinois. « Quand j’ai su que le scénario d’Yves Sente se passait à Hong Kong dans les années 50, ce fut une bonne nouvelle pour moi, raconte Peter van Dongen dans l’édition revue et augmentée de L’Héritage Jacobs. A l’époque, cette colonie anglaise ressemblait en beaucoup d’endroits à Jakarta dont le quartier chinois était même comme un jumeau de Hong Kong. »

Mais, dans la postface de Rampokan, Peter van Dongen ajoute que, « en fin de compte, ce sont les personnages qui importent et non le contexte historique. » Ce que confirment à la fois Rampokan et le premier tome de La Vallée des Immortels, qui ont également en commun de nécessiter une lecture aussi attentive qu’immersive pour en saisir toutes les nuances et ramifications.

©Jean-Philippe Doret

A LIRE :

Rampokan

Scénario & dessins : Peter van Dongen

176 pages

Aire Libre / Dupuis

Blake et Mortimer T25 « La Vallée des Immortels 1 – Menace sur Hong Kong »

Scénario : Yves Sente

Dessins : Teun Berserik & Peter van Dongen

56 pages

 

14 Oct

XIII T25 « The XIII History », Scénario : Yves Sente Dessins : Youri Jigounov

XIII et ses « secrets d’histoire »

Le 25 – serions-nous même tentés d’écrire XXV – semble devoir être l’autre nombre d’or de XIII, l’amnésique le plus célèbre de la bande dessinée franco-belge. Un quart de siècle après la prépublication du tout premier épisode dans les pages du journal de Spirou, le 25e tome creuse encore plus en profondeur la généalogie du personnage tout en étoffant l’arrière-fond historique de la série.

On le sentait venir à la lecture des dernières pages de « L’Héritage de Jason Mac Lane », l’album précédent : « The XIII History » se situe dans la droite lignée du livre-enquête tel que défini dans la série par les deux volumes de « XIII Mystery ».

Le fil rouge de l’enquête journalistique en forme de course-poursuite est repris quasi à l’identique, mais la forme est ici légèrement différente. Alors que, dans « XIII Mystery », les inserts dessinés se présentaient sous la forme d’une double page, ils sont dans « XIII History » directement intégrés aux textes des différents dossiers conçus par le journaliste Danny Finkelstein.

« The XIII History » se transforme même en véritable thriller : le scénariste Yves Sente y ajoute quelques chausse-trappes, notamment par le rôle joué par le Stephen Dundee, patron de presse de Danny Finkelstein et de son supérieur direct Randolph McKnight. Cet équilibre entre les flashbacks historiques – qu’aurait sans doute adoré mettre en images feu William Vance, dessinateur historique de la série – et la fuite de Danny Finkelstein.

Avec les deux volumes de « The XIII Mystery », « The XIII History » constitue un véritable sous-ensemble d’une remarquable cohérence, dessinant de véritables « secrets d’histoire » souterrains de l’Amérique. L’omniprésence de la tentaculaire Fondation Mayflower telle que définie par Yves Sente donne même un nouvel éclairage sur le premier cycle scénarisé par Jean Van Hamme.

En cet automne 2019, le scénariste Yves Sente et Youri Jigounov esquissent une intrigue parallèle riche de promesses pour les albums à venir, entre la traque de Danny Finkelstein par la Fondation Mayflower, désormais infiltrée par XIII. Et doublent même la mise, avec la sortie le 8 novembre de « 2132 mètres », le 26e album.

©Jean-Philippe Doret

 

XIII T25 « The XIII History »

Scénario : Yves Sente

Dessins : Youri Jigounov

64 pages

Dargaud

30 Sep

Capricorne, Andréas, (Intégrales T2 et T3)

Andréas, le Capricorne d’un Capricorne

Si Andréas aime à s’amuser de la coïncidence entre son propre signe astrologique et le nom d’un personnage qu’il a porté plus de deux décennies durant, la parution de l’intégrale actuellement en cours au Lombard, prévue en quatre volumes, permet de porter un nouveau regard sur cet univers, et pas seulement parce que cette intégrale a fait le choix du noir et blanc en lieu et place de la couleur des albums originaux. Et au fil de cette conversation, l’auteur comme son personnage conservent une part de mystère qui donne envie de se replonger dans une œuvre où l’insolite et l’énigmatique participent de sa richesse, bientôt complétée par un quatrième et dernier volume encore à paraître.

Cinéma, une influence diffuse – Le noir et blanc de l’intégrale de Capricorne évoque autant le cinéma muet que l’expressionnisme d’un Fritz Lang, et la géométrie des cadrages semblent porter la marque d’un Stanley Kubrick : « Je pense avoir été influencé par le cinéma, mais je ne saurais dire à quel niveau. Pour moi, les cinéastes les plus importants seraient Kubrick, Coppola et Lynch. Mais si je travaille sur des expressions muettes, c’est parce que j’aime beaucoup travailler sans texte, en fait. Dans ce contexte, je travaille beaucoup plus mes limites de dessinateur parce que c’est très difficile de faire passer une expression vraiment subtile. Quoiqu’il en soit, le cinéma muet savait vraiment raconter, ce qui s’est peut-être un peu perdu par la suite avec le parlant. Mais quand on regarde des séries des années 1960 ou 1970, comme « Mission Impossible », par exemple, il y a parfois des passages de cinq à six minutes sans le moindre mot. On voit et on doit comprendre par soi-même ce qui se passe, ce qui ne serait plus possible aujourd’hui. »

Andréas et ses personnages – Si Andréas a glissé quelques éléments autobiographiques dans l’une des histoires du troisième volume de l’intégrale de Capricorne, qu’en est-il de sa propre identification aux personnages de la série ? « Je me retrouve surtout dans Astor, par son côté un peu casanier et grognon. Capricorne lui-même, j’ai essayé de ne pas trop m’y projeter pour y ajouter des choses ou éventuellement laisser s’y installer des choses inconscientes que je pourrais reconnaître après coup. Le côté solitaire par exemple, certainement. »

Paradoxes temporels – La saga Capricorne se situe dans une époque ni tout à fait réelle, ni tout à fait imaginaire, dans une réalité que l’on pourrait situer dans les années 1930 : « C’est une période qui n’est pas trop actuelle, sans ordinateur ou téléphone portable… On peut ainsi créer plus facilement des anachronismes, mélanger le temps d’avant avec ce qui existait à l’époque. »

Rork et Capricorne, destins croisés – Le premier cycle de Capricorne, réuni dans le premier volume de l’intégrale, s’entremêle avec Rork, la première série au long cours d’Andréas… dont le cinquième album porte précisément le nom du personnage de Capricorne. Mais les sept albums de Rork et les cinq albums du premier cycle de Capricorne peuvent se lire de manière indépendante : « J’ai fait Rork un peu au fil de mes idées, j’apprenais en quelque sorte mon métier à cette époque, tandis que Capricorne a été fait disons, plus « consciemment », c’est un univers beaucoup plus vaste. Et on découvre finalement que Rork fait partie de l’univers de Capricorne. Les deux coexistent parallèlement. »

Identité, une quête essentielle – Dans le deuxième volume de l’intégrale, Capricorne retrouve son identité dans un contexte totalitaire qui n’est pas sans rappeler les dictatures des années 1930… Comme si cette quête était rendue encore plus essentielle dans ce type de contexte : « Dans une existence disons douce et agréable, on n’est pas forcément poussé à chercher qui on est. Cela peut sans doute se faire selon la manière dont l’agressivité du monde extérieur influe sur soi-même. Dans la série, le cycle du Concept se situe dans un contexte – ou une réalité parallèle – proche de la Deuxième Guerre mondiale. Toute référence directe à ce conflit n’avait pour moi pas lieu d’être, mais je voulais quelque chose de mondial, en étant notamment inspiré par « Le Secret de l’Espadon » d’Edgar Pierre Jacobs. C’est une histoire qui m’a toujours fasciné. »

Capricorne, les couleurs du noir et blanc – L’adoption du noir et blanc pour l’intégrale enrichit également l’univers de la série, dont les choix de mise en couleurs étaient déjà très poussés au fil des albums orignaux : « Eddy Paape (notamment dessinateur de Luc Orient pour le journal de Tintin, ndlr) disait que si une bande dessinée est destinée à la couleur, elle se doit de fonctionner également en noir et blanc, car par exemple, on ne sait jamais si dans une édition étrangère sera en couleurs ou pas. »

Originalités multiformes : Capricorne et Arq – Parallèlement à Capricorne, Andréas a mené Arq (18 albums éditions Delcourt), autre série au long cours dont l’originalité visuelle passait même par le changement du format des albums : « Au début, c’est vrai que j’avais un peu peur de voir les deux séries se parasiter. C’est notamment pour cette raison que le dessin de Arq est vraiment différent. Mais en fait, j’avais des idées pour les deux séries. Et chaque fois que j’avais une nouvelle idée, je me posais la question de savoir de l’utiliser pour une série ou l’autre, en me demandant où je pouvais l’adapter. Mais savoir ce qui irait pour Arq ou Capricorne se décidait assez vite. Finalement, les deux séries sont tellement différentes que j’ai su moi aussi faire la différence… (rires). »

Relectures et regards multiples – Capricorne fait partie de ces séries nécessitant de nombreuses lectures, à la fois pour en déchiffrer les arcanes au fil de sa propre sensibilité et pour en apprécier toute les subtilités visuelles. Un plaisir qui est aussi le sien en tant que lecteur : « Je crois que ça fait partie de l’idée de base de tous mes bouquins : que les gens les gardent pour les relire plus tard. Pour ma part, je lis certains livres une fois avant de les donner ou de les revendre, et il y en a d’autres que je range dans ma bibliothèque, en me disant que je vais y revenir un jour… ou peut-être jamais. Il y a aussi des livres que je garde parce que j’adore les dessins ou pour le dessinateur, même si l’histoire n’est pas forcément enthousiasmante. Mais il y a encore plein de livres et de BD que je n’ai pas encore lus, et il est clair que certains vont « sauter ». (sourire) »

Narration et scénario – Entre audaces scénaristiques, cycles entremêlés et découpage multiforme, Capricorne semble d’une rigueur de construction dont on pourrait croire qu’elle nécessite d’avoir plusieurs scénarios d’avance lors de l’élaboration d’un album… Mais pas tant que cela : « J’avais une sorte de fil rouge, dans le sens où je savais où je voulais arriver. Mais je me suis laissé beaucoup de liberté, car en vingt ans sur un même personnage, on trouve de nouvelles idées. Avoir un fil rouge tout en racontant des choses différentes avec des ellipses, des histoires parallèles, raconter une histoire sur un seul album ou faire un cycle… »

Episodes, histoires et cycles – Capricorne offre une lecture judicieusement découpée dans cette intégrale, dont les avant-propos de chaque volume ne manquent pas d’évoquer les croisements et la multiplicité des points de vue : « Pour Capricorne, j’avais prévu quatre fois cinq albums, ou plutôt trois fois cinq et une fois six du fait de la présence d’un double album. Je ne voulais pas situer l’intégralité de la série à New York car je pense qu’au bout d’un certain temps, je me serais ennuyé à dessiner cette ville sur vingt albums. D’autre part, ça me permettait d’isoler le personnage à un moment donné et de le faire vivre tout seul pendant un cycle (réuni dans le troisième volume, ndlr). Cela m’a permis d’entretenir la série non seulement pour le lecteur, mais aussi pour moi-même. »

© Jean-Philippe Doret

Capricorne

Intégrale T2 : contient les albums « Attaque », « Le Dragon Bleu », « Tunnel » et « Le Passage »

Intégrale T3 : contient les albums « Les Chinois », « Patrick », « 12 (album sans titre) », « Rêve en cage » et « L’Opération »

Scénario & dessins : Andréas

264 pages noir & blanc pour chaque volume

Le Lombard

29 Juil

« 1989, le grand Tour », Textes & illustrations : Max Cabanes

Le Tour de France 1989 à la puissance Max

Avec Julian Alaphilippe, cela faisait bien longtemps qu’un coureur français n’avait pas été aussi proche de remporter le Tour de France… On pourrait dire trente ans, si on remonte à la poignée de secondes séparant Laurent Fignon de Greg LeMond, vainqueur de la Grande Boucle 1989… Racontée de l’intérieur en textes et images par Max Cabanes dans « 1989, le Grand Tour », paru à l’origine chez Dargaud voici 30 ans sous le titre « La Boucle magique ».

Le Tour de France 1989 selon Cabanes se termine par une question : un rêve d’enfant est-il indestructible ? En tout cas, l’artiste n’a jamais trahi le sien… et met d’ailleurs lui-même en scène l’enfant qu’il était, l’oreille au transistor, et manipulant force figurines de cyclistes. Puis, le miracle d’un appel téléphonique le propulse au cœur du Tour de France le plus acharné de l’histoire.

Le rêve d’enfant se matérialise dans la forme même de ce « Grand Tour »… Après la radio et les figurines, une sorte de cahier d’écolier secret, dont la plume manuscrite renforce le côté journal intime, ponctué d’illustrations où l’on reconnaît un œil à la fois connaisseur, amoureux et aussi insolite : visages de coureurs, de grandes figures, de spectateurs, plan large sur un paysage, dessin façon « caméra embarquée » depuis voiture suiveuse… et même un bateau pirate issu d’un film de Roman Polanski !

Le rêve d’enfant est peut-être indestructible… mais n’empêche toutefois pas l’adulte Max Cabanes de rester un passionné éclairé, sensible à tous les aspects du Tour, y compris à sa part sombre, celle du dopage. Force est de reconnaître que si, parfois, l’ultime suspense du Tour de France aura été de savoir quand les substances illicites provoqueraient la chute du vainqueur, ce n’est pas le moindre paradoxe du Tour que d’avoir su malgré tout préserver son aura et sa popularité.

Au fil de ce Tour pas comme les autres, Max Cabanes a connu bien des incertitudes : outre un résultat final qui s’est joué pour huit petites secondes sur les Champs-Elysées… et aussi celle de ne pas toujours savoir le matin comment il allait rallier la ville étape suivante ! En somme, un « Grand Tour » vécu comme une aventure intérieure en grand large et qui, dans une bibliothèque, trouvera une belle place aux côté de « L’aigle sans orteils », autre ode au cyclisme signée chez Aire Libre par Christian Lax, autre grand amoureux de la petite reine.

Ce parfait post-scriptum à ce beau Tour 2019, à la plume alerte et passionnée, offre la meilleure réponse possible à la question qui le conclut. Rien de mieux qu’un rêve d’enfant pour porter une vie d’adulte.

©Jean-Philippe Doret

« 1989, le grand Tour »

Textes & illustrations : Max Cabanes

96 pages

Aire Libre – Dupuis

24 Juil

Les nouveaux mystères de la Grande Pyramide, Autour de Blake & Mortimer Tomes 11 & 12

    

La parution du « Dernier Pharaon » et l’exposition « ScientiFiction » au Musée des Arts & Métiers de Paris inscrivent dans la durée l’événement constitué par la parution de cette aventure hors norme de Blake et Mortimer, au coeur de l’un des plus intrigants bâtiments de Bruxelles : le Palais de Justice.

 

L’objectif de cet album était une mise en abyme de l’univers de Blake et Mortimer vu par des auteurs extérieurs à la reprise de la série. Et disons-le d’emblée : « Le dernier Pharaon » est une magnifique réussite.

Par rapport au « Mystère de la Grande Pyramide », cet album constitue une sorte de codicille inattendu, une suite qui n’en est pas tout à fait une… Au fil d’un récit dense, Jaco van Dormael, Thomas Gunzig et François Schuiten assimilent les codes jacobsiens autant qu’ils les détournent. Par exemple, en élaguant considérablement les récitatifs chers au créateur de Blake et Mortimer, les sortant du cadre des années 1950 pour les placer dans un contexte à la fois plus moderne et intemporel.

Mais au-delà de l’histoire, ce qui relie « Le Mystère de la Grande Pyramide » et « Le dernier Pharaon », c’est leur écrin. Le Caire et Pyramide de Khéops d’un côté, Bruxelles et son Palais de Justice de l’autre, personnages à part entière d’histoires qui tiennent autant du fantastique que du grand opéra.

Servi par l’exceptionnel travail de François Schuiten et Laurent Durieux, le scénario joue sur le vieillissement de ses deux héros, tout en livrant quelques touches quasi subliminales (entre autres une divinité égyptienne, un visage dans un autocar, une bague), annonciatrices d’une mémoire égyptienne que le Cheik Abdel Razek avait enfouie aux tréfonds de l’inconscient de Philip Mortimer et Francis Blake. Et aussi d’un final où la révélation intime côtoie l’imminence d’un cataclysme.

Une nouvelle vie s’annonce alors pour Mortimer, et pas seulement dans ses rapports, devenus distendus, avec son vieux complice Francis Blake… Que nous vous laissons découvrir.

Parallèlement, une exposition parisienne propose de revisiter le patrimoine scientifique de la série, dans le cadre du Musée des Arts et Métiers, dont la station de métro a été redécorée par… François Schuiten, au faîte de la gloire des « Cités Obscures ».

Le dessinateur est également mis à contribution pour le livre de l’exposition, avec deux analyses du travail d’Edgar Pierre Jacobs autour du « Mystère de la Grande Pyramide » et de « L’Affaire du collier ». Cet ouvrage, tout comme l’exposition, présente une autre mise en abyme entre la fiction d’Edgar Pierre Jacobs et la réalité scientifique, historique et même géopolitique.

En somme, ces deux ouvrages et cet exposition constituent, en filigrane, un beau double hommage au créateur de Blake et Mortimer qui, en 1982, craignait de voir sa « science-fiction dépassée par la réalité », du fait du retard pris pour le deuxième tome des « Trois Formules du Professeur Sato »… Mais dont l’oeuvre a parfois su anticiper certaines évolutions scientifiques.

@Jean-Philippe Doret

 

Autour de Blake & Mortimer Tomes 11 & 12

« Le dernier Pharaon »

Scénario : Jaco van Dormael, Thomas Gunzig & François Schuiten

Dessins : François Schuiten

Couleurs : Laurent Durieux

92 pages

« ScientiFiction »

Catalogue d’exposition au Musée des Arts et Métiers

Ouvrage collectif sous la direction de Thierry Bellefroid

96 pages

 Editions Blake et Mortimer

Exposition « ScientiFiction »

Du 26 juin 2019 au 5 janvier 2020

Musée des Arts et Métiers

www.arts-et-metiers.net

12 Juin

24 Heures du Mans chrono, Elodie Font (texte) et Jean-Jacques Dzialowski

Présentation de l’éditeur

Depuis 1923, des bolides surpuissants fendent l’air du Mans pendant 24h d affilé. A quoi pense un pilote au milieu de la nuit ? Que font-ils quand ils ont passé le relais à leurs coéquipiers ? Comment les mécaniciens restent concentrés ? Qui sont ceux qui font battre le cœur des 24h, côté public et côté organisateurs ? Au cœur de la course, au plus près des pilotes, une BD-enquête de la journaliste Elodie Font, sous le crayon de Jean-Jacques Dzialowski.

 

Biographie des auteurs

Elodie Font, 31 ans, journaliste passée par l ESJ Lille. Un micro en main, de feu Le Mouv à la radio Nova, de BoxSons à Arte Radio : portraits bienveillants, documentaires, longues interview au goût de cafés et matinales aux yeux cernés. Prix Scam découverte en 2016 pour « Lettres à Elodie ». Vous avez entre les mains sa première bande dessinée. JEAN-JACQUES DZIALOWSKI est un illustrateur français et un dessinateur de bandes dessinées et de comics. Il a travaillé en France pour Semic et Bamboo ; aux États-Unis pour Marvel, DC Comics et Boom ! Studios.

 

Notre avis

Jungle présente cet album comme étant « La BD officielle des 24 Heures du Mans qui auront lieu le 15 juin ! »

Difficile de coller plus près à l’actualité.

Dès les premières pages, la journaliste Elodie Fontelle invite le lecteur : « … venez avec moi, je vous invite dans les coulisses des 24 Heures du Mans. »

Elle pose des questions apparemment simples… aux réponses bien plus complexes qu’il n’y paraît !

Les chiffres et les informations nous éclairent sur l’énorme machinerie qui permet à l’épreuve mythique de se dérouler dans les meilleures conditions possibles. On découvre ainsi le rôle crucial des 1600 commissaires de piste, la signification des différents drapeaux agités en couse, la fonction précise des différents dirigeants, etc.

Heure par heure, on découvre les activités des protagonistes, pilotes, mécaniciens, mais aussi public (entre nuit blanche et concerts de rock) et médias accrédités… des chiffres vertigineux à la démesure de l’événement.

A l’arrivée, un ouvrage de vulgarisation passionnant et très complet qui mérite bien son statut de « BD officielle des 24 Heures du Mans » !

Le dessinateur Jean-Jacques Dzialowski en dédicace aux 24 Heures du Mans 2019 !

© Bob  Garcia

 

 

05 Juin

Les 24 Heures du Mans – 1923-1930 : Les Bentley Boys, de Denis Bernard (auteur) et Christian Papazoglakis (dessins)

Présentation de l’éditeur (Glénat) :

La naissance d’une légende

L’histoire des 24 heures du Mans début le 26 mai 1923 à 16 heures. Cette toute nouvelle épreuve est créée par l’Automobile Club de l’Ouest quatre ans après la fin de la Grande Guerre. Si celle-ci reste encore confidentielle, elle attire des compétiteurs étrangers, comme l’Anglais Bentley. Pour cette première édition, il ne finira que quatrième, mais totalement séduit par l’exercice. Les années suivantes, les « Bentley Boys » – groupe de gentlemen drivers fortunés – reviendront pour écrire le mythe de la compétition en même temps que l’histoire du sport automobile.

Ce nouvel épisode des 24 Heures du Mans en BD vous replonge aux sources de la célèbre course d’endurance !

Notre avis :

Denis Bernard et Christian Papazoglakis signent une BD en forme d’hommage au moment même où la prestigieuse marque d’automobile célèbre ses 100 ans d’existence.

L’occasion de (re)découvrir à travers l’histoire de l’écurie Bentley les premières éditions de la mythique course des 24 Heures du Mans. La BD fourmille d’anecdotes passionnantes et originales qui devraient passionner autant les amateurs de belles histoires que de belles voitures. 

Encore une réussite pour les éditions Génat et les deux auteurs aussi passionnants que passionnés !

Christian Papazoglakis en dédicace aux 24 Heures du Mans 2019…

 

© Bob Garcia