28 Avr

Les auteurs de polar à la 13ème édition de l’Envolée des livres de Châteauroux

Comme chaque année, le désormais incontournable rendez-vous de l’Envolée des livres de Châteauroux est l’occasion pour les lecteurs de découvrir ou redécouvrir de talentueux auteurs de polar.

Denis Zott a fait le déplacement depuis le Sud de la France où il réside. Les géniaux auteurs Franck Linol et Joël Nivard, de « l’école du polar de Limoges » ont aussi répondu présent à l’appel, pour ne citer qu’eux…

Plus que jamais, le polar a le vent en poupe. Photo de famille…

© Bob Garcia

 

Alexis Jenni, prix Goncourt 2011 et parrain de L’Envolée des Livres 2019 à Châteauroux

Pour son 13ème salon, L’Envolée du Livre de Châteauroux a invité un parrain prestigieux : Alexis Jenni, le prix Goncourt 2011. Un lectorat nombreux et passionné a répondu à l’appel. Alexis Jenni, disponible et généreux a joué le jeu des questions/réponses et des dédicaces…

Retour sur son brillant parcours…

Alexis Jenni a passé son enfance et suivi sa scolarité à Belley, dans la région naturelle du Bugey, dans l’Ain. Titulaire d’une agrégation il exerce d’abord en tant que professeur de sciences de la vie et de la Terre au lycée Saint-Marc de Lyon3.

Son premier roman publié, L’Art français de la guerre, reçoit un accueil souvent élogieux. Il figure dans la première sélection que les jurés du prix Médicis et du prix Femina. Pour ce roman, Alexis Jenni reçoit le prix Goncourt le 2 novembre 2011.

Principales œuvres

Romans

Essais

  • 2013: Le Monde au XXIIe siècle, utopie pour après demain, PUF, Paris.
  • 2016: Dans l’attente de toi, L’Iconoclaste, Paris.
  • 2017: Femmes d’ici, cuisines d’ailleurs, Albin Michel, Paris.
  • 2018: Son visage et le tien, Albin Michel, Paris.
  • 2018: Vertus de l’imperfection, Bayard, Paris.
  • 2019: Prendre la parole, Du Sonneur, Paris.

Écrits autobiographiques

  • 2013: Élucidations : 50 anecdotes, Gallimard, Paris.

Histoire

  • 2014: Jour de guerre : reliefs de 1914-1918, Editions Toucan, Paris.
  • 2016: Les Mémoires dangereuses, Albin Michel, Paris — avec l’historien Benjamin Stora.
  • 2018: Armistice, Gallimard, Paris — ouvrage collectif.

Spiritualité

Littérature jeunesse

  • 2015: Le dessin d’ELA, Futuropolis, Paris — ouvrage collectif au profit de l’association ELA.

2017 : La graine et le fruit, La joie de lire Editions, Paris — avec l’illustrateur Tom Tirabosco.

(D’après la fiche Wikipedia de l’auteur)

© Bob Garcia

 

23 Avr

Dans la brume écarlate, Nicolas Lebel

Présentation de l’éditeur

Une femme se présente au commissariat du XIIe et demande à voir le capitaine Mehrlicht en personne. Sa fille Lucie, étudiante, majeure, n’est pas rentrée de la nuit. Rien ne justifie une enquête à ce stade mais sait-on jamais… Le groupe de Mehrlicht est alors appelé au cimetière du Père Lachaise où des gardiens ont découvert une large mare de sang. Ils ne trouvent cependant ni corps, ni trace alentour. Lorsque, quelques heures plus tard, deux pêcheurs remontent le corps nu d’une jeune femme des profondeurs de la Seine, les enquêteurs craignent d’avoir retrouvé Lucie. Mais il s’agit d’une autre femme dont le corps exsangue a été jeté dans le fleuve. Exsangue ? Serait-ce donc le sang de cette femme que l’on a retrouvé plus tôt au Père Lachaise ? La police scientifique répond bientôt à cette question : le sang trouvé au cimetière n’est pas celui de cette jeune femme, mais celui de Lucie… Un roman gothique dans un Paris recouvert de brouillard à l’heure où un vampire enlève des femmes et les vide de leur sang. Un roman choral qui laisse la parole à plusieurs protagonistes : à ceux qui perdent ou ont perdu, à ceux qui cherchent, à ceux qui trouvent ou pensent trouver. Un roman qui est l’histoire de six hommes qui aiment ou croient aimer chacun une femme : celui qui la cherche, celui qui l’aime de loin, celui qui veut la venger, celui qui la bat, celui qui la veut éternelle, et celui qui parle à ses cendres. Un roman parle des femmes comme premières victimes de la folie des hommes, même de ceux qui croient les aimer.

 

Notre avis

Pour ce nouvel opus des enquêtes du désormais mythique Mehrlicht, Nicolas Lebel place son intrigue dans un Paris englouti sous le brouillard. Le titre, qui évoque « Dans la brume électrique » de James Lee Burke, ou le roman de Margaret Atwwood « La Servante écarlate » annonce la « couleur ».

L’ambiance fantomatique et crépusculaire évoque les romans gothiques de Mary Shelley ou de Bram Stoker, à qui l’auteur rend d’ailleurs hommage en fin de livre et qu’il cite dans le fil du récit (p. 166).

Le lecteur ne sera donc pas surpris de croiser un vampire, de visiter un château ou encore quelques caveaux de cimetières. L’écriture est sophistiquée, parfois même un brin surannée, lugubre et poétique. Ambiance oblige (p. 194) : «  Le soleil blanc disparaissait déjà derrière les hauteurs dentelées, imprimant des ombres granitiques de stèles et de croix contre le ciel d’argent. Les arbres décharnés lançaient contre la nue leurs branches noires, aiguës comme des griffes, dans le vain espoir d’agripper les derniers feux du jour. Le brouillard s’était légèrement désépaissi et de nouvelles formes et contours lui échappaient par instants. Des traînées de brumes flottaient alentour, dans le silence de la nécropole, comme des fantômes assoupis. »

Le récit ne connaît aucun temps mort. Le tempo s’accélère dans les cent dernières pages et on se laisse prendre au jeu de cette traque impliquant de nombreux personnages qui se courent les uns après les autres avec des motivations bien différentes.

Rien de drôle donc dans cette traque au serial killer qui pourrait se passer dans le smog londonien, si ce n’est l’humour corrosif et le sens de la répartie de Nicolas Lebel.

Morceaux choisis :

« Mais je souffre de phobie administrative ©1 ! J’ai besoin d’aide ! »

Une note de bas de page précise « 1. L’ancien secrétaire d’Etat François Thévenoud, condamné pour fraude fiscale, a depuis déposé cette marque »

Ou encore, cette tirade du spécialiste des autopsies (p. 348) : « Si tous les flics de France tombaient sur autant de cadavres que vous, le pays serait désert en moins de deux ans ! Remarquez, je me plains, mais à ce rythme-là, je pourrais aussi bien ouvrir ma boîte, ma start-up ! Ma startopsie ! Startopsie, le numéro de l’autopsie ! Vue à la télé ! Offre de lancement : deux autopsies achetées, une autopsie offerte ! Parce que vos proches ont droit à une autopsie de qualité ! »

Mais les romans de Nicolas Lebel sont aussi une occasion pour l’auteur de dénoncer les inégalités et les dysfonctionnements de la société. On y croise des femmes battues qui veulent encore croire à la sincérité et au repentir de leurs bourreaux de maris, et qui refusent de porter plainte malgré les coups. On y voit aussi des CRS-SS qui tapent sur tout ce qui bouge et de malheureux migrants chassés de campements de fortune en campements de fortune, ingénieurs dans leur pays et clochards en France. L’auteur fustige ceux qui estiment que « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », une phrase qui a rendu célèbre Michel Rocard, champion autoproclamé du socialisme (sans doute aurait-il fallu mentionner le copyright). Mais ceci est une autre histoire…

A l’arrivée, un page-turner réussi, captivant, extrêmement bien renseigné sur le plan procédural, truffé de références littéraires judicieuses, et qui met en scène des personnages de flics attachants malgré leurs travers.

© Bob Garcia