05 Avr

Champignac s’en va-t’en guerre !

    

Champignac s’en va-t’en guerre

Alors que la prépublication du troisième tome des tribulations de Spirou pendant la Seconde Guerre mondiale par Emile Bravo est en cours, deux albums mettent en scène d’autres « guerres » : celles du Comte de Champignac, entre second conflit mondial et guerre froide.

Sorti en février dernier, Le Patient A est le deuxième album de la série parallèle dédiée au grand ami de Spirou et Fantasio. Cette fois, Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas, sa compagne Blair McKenzie et le mathématicien Black partent en Allemagne à la rescousse de leurs autres amis savants Schwartz et Bruynseeleke (connu dans les histoires de Spirou et Fantasio sous le simple diminutif du « biologiste »).

Après Enigma, la fameuse machine allemande à crypter les messages réputée invoilable, le canevas de ce deuxième album évoque en filigrane une autre réalité historique du régime hitlérien : la toxicomanie de ses dirigeants. Alors que l’album Enigma prenait le temps de poser personnages, intrigue et canevas historique sur 62 planches, Le Patient A resserre considérablement l’action (46 planches), dans un rythme qui n’est pas sans rappeler celui d’un épisode de la série télévisée Mission Impossible. Avec, comme dans Enigma, l’apparition de personnages réels, comme l’astrophysicien Wernher von Braun, futur père de l’aérospatiale… et séducteur, à la grande jalousie du Comte de Champignac !

Dans Spirou chez les Soviets, sorti à l’automne 2020, l’aristocrate mycologue est cette fois enlevé et conduit en URSS auprès d’un savant fou, inspiré d’un authentique scientifique de l’ère soviétique, qui a isolé en laboratoire le gène du communisme pour le propager dans le monde entier… en une sorte de « communovirus ». Neidhardt et Tarrin engagent alors Spirou et Fantasio dans une course-poursuite au rythme tout aussi effréné que Le Patient A, jonglant avec des références subtiles mais jamais absconses pour le profane – et ce bien au-delà d’un titre rappelant furieusement la « maison d’en face » de Tintin.

Mais si Spirou chez les Soviets reste dans un registre léger hérité des années André Franquin, le ton se fait plus grave dans l’introduction et la conclusion du Patient A. Car ces deux histoires éclairent également la déontologie personnelle du Comte de Champignac. Responsabilité du savant dans l’emploi des découvertes scientifiques dans la première, mais aussi éthique de simple être humain, qui se refuse dans le second à commettre un assassinat pur et simple sur la personne du « Patient A » (dont nous vous laissons découvrir l’identité) pour ne pas sacrifier son propre humanisme. Une certaine idée du savant tel que défini par la grande histoire de la bande dessinée franco-belge, parfois farfelu mais toujours brillant tout en veillant à la bienfaisance de ses principes et découvertes. Comme le Comte de Champignac et son « confrère » de Tintin Tryphon Tournesol.

©Jean-Philippe Doret

Spirou chez les Soviets

Scénario : Fred Neidhardt

Dessins : Fabrice Tarrin

56 pages

Champignac T2 « Le Patient A »

Scénario : Beka

Dessins : David Etien

48 pages

Dupuis

01 Avr

Duke T5 « Un pistolero, tu seras » – Scénario : Yves H – Dessins : Hermann

Il était une fois Duke en Amérique…

Le tome 5 du western d’Hermann et Yves H entre dans une nouvelle dimension, en offrant – entre autres intrigues – un flashback capital sur l’enfance de son personnage principal.

Parmi les niveaux de lecture multiples de la série figure une ellipse entre les titres des albums et les histoires qu’ils racontent. Qu’on en juge : La boue et le sang, Celui qui tue, Je suis une ombre, La dernière fois que j’ai prié… Ainsi se dessine, en plus de l’histoire mise en images, une autre perception, laissée à la libre interprétation du lecteur et révélatrice de la personnalité de Duke.

« Duke a une belle tenue, un maintien très civilisé, signe d’une certaine moralité qu’il ne peut paradoxalement pas respecter », nous a dit Hermann du personnage. Et le titre quasi biblique de ce tome 5, Un pistolero tu seras, donne l’une des clés de l’impossibilité de Duke d’échapper à la violence, par la révélation d’un traumatisme d’enfance qui a déterminé toute son existence d’adulte. « On ne peut pas vivre comme les autres quand on a tué », disait William Munny, l’ancien chasseur de primes incarné par Clint Eastwood dans son film Impitoyable. Une pensée qui pourrait aussi être celle de Duke, qui semble s’efforcer d’effacer cette marque indélébile, mais se voit contraint de vivre avec – et souvent contre sa volonté.

Ainsi, la structure scénaristique de Un pistolero, tu seras est rythmée d’allers-retours qui enrichissent d’un nouveau regard le subtil entrelacs d’intrigues dont Yves H tire brillamment toutes les ficelles… Avec un probable climax à venir dans le tome 6. Déjà annoncé en quatrième de couverture de Un pistolero, tu seras, il s’intitulera Au-delà de la piste. Un titre qui suggère peut-être un rendez-vous, au bout de sa route, qui permettra à Duke de solder à la fois les comptes de son enfance et les tourments de sa vie d’adulte.

©Jean-Philippe Doret

Duke T5 « Un pistolero, tu seras »

Scénario : Yves H

Dessins : Hermann

56 pages

Le Lombard