12 Jan

« Il était deux fois Arthur » Scénario : Nine Antico ; Dessins : Grégoire Carlé & « Mohamed Ali, Kinshasa 1974 » Scénario : Jean-David Morvan, avec Séverine Tréfouhel ; Photographie : Abbas Dessins : Rafael Ortiz

       

Aire Libre met les gants

En deux albums sortis à quelques mois d’intervalle, entre l’automne 2019 et l’été 2020, le label de prestige des éditions Dupuis évoque deux moments hors norme de l’histoire de mla boxe. Nous les réunissons ici sous la forme d’un « combat » imaginaire… qui finalement n’en est pas un, compte tenu de la richesse de ces deux romans graphiques.

Après lecture, libre à chacun de désigner son « vainqueur », ou tout simplement de déclarer un match nul, pour un plaisir de lecture partagé au fil de la singularité de ces deux albums. Ami lecteur, voici donc quelques données qui vous permettront d’arbitrer vous-même ce match bédéphile dédié à deux moments intemporels du noble art !

Premier round : deux icônes de la boxe – Avec Jack Johnson dans Il était deux fois Arthur et Mohamed Ali, ces deux albums mettent en scène deux fortes personnalités alliant talent sportif (ils ont tous les deux été champions du monde), sens du spectacle, et engagement. Entre Belle Epoque et années 1970, Jack Johnson et Mohamed Ali ont défié les conventions de leurs temps.

Deuxième round : deux combats pas comme les autres – Dans Il était deux fois Arthur, John Arthur (dit Jack) Johnson, premier boxeur noir champion du monde, affronte le 23 avril 1919 à Barcelone Arthur Cravan, dandy et neveu de l’écrivain Oscar Wilde, dans un combat qui pourrait être le précurseur, en termes de sport-spectacle, de celui de Mohamed Ali face à George Foreman à Kinshasa le 30 octobre 1971.

Troisième round : deux narrations singulières – Dans Il était deux fois Arthur, Nine Antico fait du combat Johnson/Cravan le point scénaristique central de l’album, construisant avant et après des chapitres pouvant se lire soit de manière indépendante, soit comme un tout… soit comme un palindrome. Pour Mohamed Ali Kinshasa 1974, Jean-David Morvan offre une nouvelle variation sur la collection spéciale de Aire Libre en partenariat avec l’agence Magnum, dont il est le scénariste attitré, mélangeant les images du photographe Abbas et les dessins de Rafael Ortiz. Images, dessins, narration et flashbacks constituent ainsi plusieurs niveaux de lecture, d’une richesse égale à celle de Il était deux fois Arthur.

Quatrième round : deux approches graphiques atypiques – Dans Il était deux fois Arthur, Grégoire Carlé fait le choix du noir et blanc intégral, dans une atmosphère rappelant le cinéma expressionniste allemand d’un Murnau ou d’un Fritz Lang. Dans Mohamed Ali Kinshasa 1974, les dessins de Rafael Ortiz multiplient les partis-pris visuels (sépia, noir et blanc, couleur) selon le niveau de narration. Sa mise en scène des combats est ultradynamique, avec des effets de vitesses sur les coups et une puissance visuelle qui n’est pas sans rappeler les gros plans de Martin Scorsese dans le film Raging Bull.

Cinquième round : des postfaces éclairantes – Celle de Il était deux fois Arthur revient sur l’histoire de Jack Johnson, tandis que Mohamed Ali Kinshasa 1974 propose une chronologie de Mohamed Ali, raconte par le détail le travail de préparation avec Abbas, et offre un magnifique bonus : les premières planches dessinées par Horacio Altuna, avant que celui-ci… ne jette l’éponge.

©Jean-Philippe Doret

Il était deux fois Arthur

Scénario : Nine Antico

Dessins : Grégoire Carlé

180 pages

Mohamed Ali, Kinshasa 1974

Scénario : Jean-David Morvan, avec Séverine Tréfouhel

Photographie : Abbas

Dessins : Rafael Ortiz

136 pages

Magnum Photos/Aire Libre

 

08 Jan

Atom Agency T2 « Petit Hanneton » (Scénario : Yann – Dessins : Olivier Schwartz)

Les mystères de la chasse au hanneton

Au-delà de la référence au scénariste Maurice Tillieux et à sa série Gil Jourdan, qui a contribué à sa naissance, Atom Agency a affiché dans son premier album Les Bijoux de la Begum une forte personnalité, ancrée dans la culture du début des années 1950, et ici brillamment approfondie avec ce Petit Hanneton.

La Seconde Guerre mondiale est de longue date une toile de fond récurrente des intrigues de Yann, des Innommables au Grand Duc, en passant par Mezek, Pin-Up, l’uchronie de Dent d’Ours et bien d’autres encore. Pour ce deuxième album d’Atom Agency, il en choisit comme point de départ une nouvelle variante en forme d’histoire méconnue : celle des « Rochambelles », les auxiliaires féminines de la 2eme DB. Ainsi, à la demande de deux (très !) célèbres anciens du général Leclerc dont nous vous laissons la surprise, le trio de détectives d’Atom Agency part-il à la recherche de l’une d’entre elles, Annette Scarabéo, dont le sobriquet donne son titre à cette histoire.

Toujours servi de main de maître par la ligne claire foisonnante d’Olivier Schwartz, Mais l’enquête pour retrouver ce Petit Hanneton se démultiplie en plusieurs histoires parallèles, entre fiction et faits réels, que Yann enchevêtre avec sa jubilation distanciée coutumière : la traque (authentique) du truand René Girier, dit René la Canne, bouchers vindicatifs au verbe « louchébem » (jargon de la profession) virulent, les petites sœurs très en voix d’Atom, les réunions de famille du clan Vercorian au cœur d’une certaine tradition arménienne…

Désormais solidement campés, les principaux personnages (Atom, ses deux acolytes, son père policier, et aussi le truand Paulo Leca, vu dans Les Bijoux de la Begum) croisent moult figures truculentes jusqu’à un surprenant dénouement à deux vitesses. Car si le « Petit Hanneton » retrouve ses anciens amis de la 2eme DB, plus stars du cinéma français que jamais, un autre mystérieux arc narratif laissé ici inachevé rythme cet album. On devrait en savoir plus dans le tome 3, intitulé Du mouron pour deux petits moineaux. A suivre, donc, comme on dit en bas de page du journal de Spirou…

©Jean-Philippe Doret

Atom Agency T2 « Petit Hanneton »

Scénario : Yann

Dessins : Olivier Schwartz

56 pages