06 Jan

« Spirou, l’espoir malgré tout » d’Emile Bravo & « Spirou à Berlin » de Flix

   

Spirou, une autre « Histoire en questions »

La parution récente et quasi simultanée il y a quelques semaines du deuxième volume de L’Espoir malgré tout et de l’album de Flix offre au personnage de Spirou un regard particulier sur l’histoire du XXe siècle.

Ce deuxième chapitre de L’Espoir malgré tout commence et se termine dans un train. Mais entre ces deux climax, la saga d’Emile Bravo évolue au fil d’une double dramaturgie. La première fait référence à l’histoire du journal de Spirou et à la création du théâtre de marionnettes par son rédacteur en chef Jean Doisy et André Moons pour pallier à l’interruption de la parution de l’hebdomadaire. Ici, ce sont Spirou et Fantasio en personne qui l’emmènent sur les routes, comme un acte de résistance.

L’autre versant de cet album est porté dans son sous-titre Un peu plus loin vers l’horreur. La prise de conscience de la duplicité de certaines « bonnes intentions ». Et surtout des persécutions toujours plus accrues envers les Juifs. Spirou embarque ainsi avec deux jeunes enfants qu’il souhaite sauver dans un train à destination de la Pologne… En route vers l’indicible ? Le prochain chapitre, intitulé Un départ vers la fin, le dira.

Dans Spirou à Berlin, le Flix emmène Spirou, Fantasio et le Comte de Champignac à Berlin-Est, à quelques temps seulement de la chute du Mur. Entre réalité historique et satire, l’approche du dessinateur allemand rappelle celle du mythique album QRN sur Bretzelburg de Franquin (les apparitions de l’inénarrable major Kleinwitz), et aussi, par la modernité de son traitement scénaristique et de son découpage, d’autres histoires de la collection Le Spirou de…, comme Fantasio se marie ou encore La grosse tête. Avec, en cerise sur le gâteau, la présence de la « branche délinquante » – pour reprendre une expression du regretté scénariste Philippe Tome dans Spirou à Moscou – de la famille de Fantasio.

Les coups de sang, coup de gueule, inconséquences et autres frasques de ce dernier rythment également ces deux albums, offrant un contrepoint humoristique au poids de l’Histoire, et à un Spirou qu’il juge parfois trop vertueux, notamment dans L’Espoir malgré tout. En 2020, l’histoire parallèle se poursuit entre L’espoir malgré tout et le regard toujours renouvelé de nouveaux auteurs sur l’univers du groom le plus célèbre de la BD belge, comme en témoigne la prépublication en cours dans le journal de Spirou de Spirou chez les Soviets, signé Fred Neidhardt (scénario) et Fabrice Tarrin (dessins). Pour d’autres belles surprises à venir.

© Jean-Philippe Doret

Spirou « L’espoir malgré tout (deuxième partie) »

Scénario & dessin : Emile Bravo

92 pages

Le Spirou de Flix « Spirou à Berlin »

Scénario & dessin : Flix

64 pages

02 Jan

Et toujours les forêts, Sandrine Collette

Présentation de l’éditeur

Corentin, personne n’en voulait. Ni son père envolé, ni les commères dont les rumeurs abreuvent le village, ni surtout sa mère, qui rêve de s’en débarrasser. Traîné de foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu’au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.

À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente. Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n’en finit pas d’assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps ; les arbres perdent leurs feuilles au mois de juin. Quelque chose se prépare. La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Humains ou bêtes : il ne reste rien. Guidé par l’espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts. Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d’un monde désert, et la certitude que rien ne s’arrête jamais complètement.

Sélection pour le Grand Prix RTL-Lire 2020

Biographie de l’auteur

Sandrine Collette vit dans le Morvan. Elle est notamment l’auteure de Des nœuds d’acier, Il reste la poussière, et Les larmes noires sur la terre, couronnés par de nombreux prix.

 

Notre avis

Les éditeurs et les libraires se cassent la tête pour savoir dans quelle catégorie classer tel ou tel auteur. On peut comprendre. Question d’organisation, d’arguments commerciaux, de publics visés, tout ça…

Mais Sandrine Collette n’entre dans aucune catégorie, sauf à créer une catégorie spéciale « Sandrine Collette ». C’est ça le vrai talent. Avoir une identité tellement personnelle, tellement unique, tellement reconnaissable dès la première ligne, qu’il serait inutile et vain de tenter de tenter de lui coller une quelconque étiquette.

Nombre d’auteurs (polar ou pas, noir ou pas, thriller ou pas, blanche, grise ou rose ou pas…) écrivent des histoires captivantes et sacrément bien ficelées. Mais peu sont des stylistes. Ils se comptent même sur les doigts de la main (d’un manchot ?)

Sandrine Collette est une styliste unique, brillante. Elle peut aborder n’importe quel sujet, toujours avec le même bonheur. Son style transcendera toujours le sujet, au risque de prendre le lecteur à contrepied.

Qui aurait parié sur un récit post apocalyptique, genre traité des milliers de fois par toutes sortes d’auteurs de SF, de thrillers et j’en passe ?

Pourtant, on est pris dans ce récit dès la première ligne. Captivé, hypnotisé.

L’histoire est encore et toujours un prétexte à pourchasser ses vieux démons : l’enfance perdue, l’espoir malgré tout.

Sandrine laisse entrevoir ce que sera notre ancien monde, celui-là même que l’on s’applique à détruire consciencieusement. Comment l’humain va-t-il se reconstruire après notre suicide collectif, quel espoir restera-t-il à l’humanite ?

C’est aussi une métaphore sur le reconstruction personnelle après un naufrage, et un message d’espoir pour ceux qui trainent leur mal de vivre et semblent avancer dans la vie avec des boulets accrochés aux pieds.

368 pages de bonheur absolu. Une ode à la Littérature.

Ce livre va rafler quelques prix littéraires bien mérités. Je serai aux première loges pour applaudir, comme si je recevais les prix moi-même. Et ce sera le cas pour tous les auteurs, car cette reconnaissance et celle de l’Ecrivain.

©Bob Garcia