04 Déc

Armer ou pas la police municipale ? La question divise les candidats à la mairie de Besançon

53% des policiers municipaux français sont équipés d’une arme létale (©f3fc)

Ces derniers jours, Besançon a été le théâtre de plusieurs actes de violences urbaines. Du coup, la sécurité revient en force au cœur du débat électoral. Les candidats à la mairie se positionnent sur la question symbolique de l’armement de la police municipale, une question sur laquelle certains ont d’ailleurs changé de position…

« Oui j’ai changé d’avis ». Jusqu’à présent, Eric Alauzet, député et conseiller municipal, n’avait pas remis en cause la position du maire LREM sortant Jean-Louis Fousseret, qui s’est toujours opposé à l’armement des policiers municipaux à Besançon.

S’il est élu maire, le candidat de La République en marche veut doter la police municipale d’une arme létale. Parce que « les risques se sont aggravés » et pour « rétablir l’ordre républicain ».

Conscient de la portée symbolique de cette mesure, l’ex-écologiste précise aussitôt qu’elle constitue « un élément parmi d’autres » de son projet sécurité/tranquillité publique. A la dissuasion, « mission principale » de cet armement, il ajoute le triptyque prévention, répression et éducation, dont il promet qu’elle sera LA priorité de son éventuel mandat. Il veut par exemple « mettre le paquet », comprenez un soutien financier conséquent, pour les associations qui prennent en charge les jeunes, « dès l’âge de 11 ans », et qui leur proposent des occupations hors du temps scolaire. Aux auteurs d’incivilités, il promet « l’exclusion des piscines » par exemple, veut faire nettoyer les tags par leurs auteurs et évoque même la possibilité de « TIG » volontaires (travaux d’intérêt général).

« Je suis pragmatique »

Concernant la police municipale, Eric Alauzet souhaite prolonger son travail de terrain jusqu’à 4 heures du matin les jeudis, vendredis et samedis soirs, et prévoit des rondes le dimanche après-midi. Il veut une brigade cynophile, et aussi augmenter les effectifs, sans donner de chiffres… « Je suis pragmatique… Nous évaluerons les besoins année après année », précise-t-il, reconnaissant « les difficultés de recrutement » actuelles.

Karima Rochdi et Frank Monneur entourent Eric Alauzet, le 3 décembre 2019 à Besançon (©f3fc)

Sur ce changement de pied concernant les armes, un de plus ricaneront ses détracteurs, Eric Alauzet assume: « J’évolue sur beaucoup de sujets, celui-là en particulier, mais la société évolue. Beaucoup de personnes qui n’étaient pas du tout intéressées par l’écologie ont aujourd’hui une révélation. Tant mieux. Parfois, certains ne veulent pas bouger, j’ai connu ça, il y a des sujets tabous dans certains partis, on ne peut pas en parler. Moi je suis un homme libre, j’ai les yeux grand ouverts sur la réalité de notre société et sur ce qui se passe dans notre ville. Je veux traiter les problèmes en tant que praticien. Je suis un praticien dans mon métier de médecin, je suis un praticien dans la politique aussi. Je fais des choses efficaces, qui marchent, sur la base de mes valeurs et de mes convictions qui elles sont intangibles ».

« De l’opportunisme électoral »

« Comment un candidat qui se revendique humaniste peut-il défendre les armes létales? » s’insurge l’écologiste Anne Vignot. De l’« opportunisme électoral » juge Ludovic Fagaut (LR): la nouvelle position d’Eric Alauzet fait réagir ses adversaires.

Ludovic Fagaut à Besançon le 2 décembre 2019 (©f3fc)

Une chose est sûre: en proposant d’armer la police municipale, Eric Alauzet fait sienne une revendication depuis longtemps portée par la droite. Ludovic Fagaut, conseiller municipal d’opposition et candidat Les Républicains aux municipales, le rappelle: « Nous l’avons toujours défendu, nous continuons à le défendre ». Il évoque une « transition vers l’armement », le temps de former et d’équiper les policiers, « pour se protéger et protéger les Bisontines et les Bisontins ». Les policiers municipaux de Besançon demandent d’ailleurs régulièrement à porter une arme, comme 53% des agents de PM en France.

Pour Ludovic Fagaut, « il va falloir augmenter les effectifs de nos policiers municipaux », en passant d’une soixantaine à une centaine d’agents. Et pour faciliter le recrutement, il veut augmenter leur IAT (indemnité d’administration et de technicité). « On ne peut pas passer à côté de cela », estime celui qui prône aussi la mise en place une brigade canine et d’une « unité de lutte contre les incivilités, comme à Cannes ».

« Besançon doit être à nouveau respecté. Çà suffit », tonne le candidat LR.

« Un policier désarmé est un policier en danger »

Jacques Ricciardetti, le 29 novembre 2019 à Besançon (©f3fc)

La sécurité, c’est aussi une des priorités du Rassemblement national de Marine Le Pen. Son candidat, Jacques Ricciardetti, le dit sans détour: « un policier désarmé est un policier en danger ». L’actuel maire de Tressandans et conseiller régional rappelle le drame de Montrouge, quand en janvier 2015 une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, est abattue par le terroriste Amédy Coulibaly: « Quand vous avez de la crapule et de la racaille face à la police, elle ne se demande pas si c’est la police municipale ou pas, elle tire ». Le candidat RN se veut « pragmatique » sur la hausse du nombre d’agents, « pas jusqu’à 100-110 comme d’autres »… Il propose une « police des transports » et voudrait que les ASVP « fassent du renseignement », auprès des commerçants notamment.

« Les pompiers aussi se sont faits caillasser. Il ne vient à l’idée de personne de les armer »

Parmi les principales têtes de liste déclarées, seule Anne Vignot s’oppose à l’armement de la police municipale. « Si on commence comme ça, on va prendre tous les rôles régaliens de l’Etat. Ce n’est pas possible. Nous n’avons pas les moyens. Comment peuvent-ils ne pas augmenter les impôts, ne pas augmenter les coûts de fonctionnement, et vouloir armer et démultiplier le nombre de policiers municipaux? », interroge la candidate EELV, à la tête d’une coalition d’écologistes, de socialistes et de communistes.

Anne Vignot, le 3 décembre 2019 à Besançon (©f3fc)

« On est en train de berner les Bisontins, c’est hyper dangereux… Ces hommes ont besoin d’une arme pour affirmer leur fermeté. Moi je n’ai pas besoin de ça », tacle celle qui envisage les questions de sécurité au sein d’un projet de société plus vaste: « Quand un enfant naît à Besançon, il faut que dès le départ, la ville soit protectrice et lui apprenne les règles, détaille-t-elle. Ce n’est pas à la police municipale de traiter tous ces problèmes de société. En quoi l’armement de la police municipale peut-il répondre à cette fracture sociale et à cette dérive de la criminalité? Les pompiers aussi se sont faits caillasser. Il ne vient à l’idée de personne de les armer ».

L’écologiste fait le constat d’une « police nationale exsangue », de l’ « abandon des villes » par l’Etat. Elle l’assure: « Nous avons surtout besoin de la police nationale ». Exactement la ligne toujours défendue par Jean-Louis Fousseret. Sur cette question, il est cocasse de constater que les héritiers du maire actuel sont donc plutôt à chercher du côté de l’alliance EELV-PS-PCF que chez LREM…

« Dérive droitière », « pathétique », « surenchère »…

Du côté de la France insoumise, qui n’a toujours pas désigné sa tête de liste, on « réaffirme son refus d’armer la police municipale ». Dans un communiqué, la liste Besançon verte et solidaire affirme qu’ « armes, drones, vi­déosurveillance sont des choix de société coûteux, qui n’ont jamais démontré aucune efficacité » et dénonce la « dérive droitière » d’Eric Alauzet. Même critique chez Lutte ouvrière: « C’est vrai que les policiers sont excédés dans les quartiers, mais les armer, ça va aggraver une situation très tendue, avec un risque de provocation et de bavure, argue Nicole Friess, tête de liste LO. Faire de la surenchère dans les poubelles de l’extrême droite, c’est accélérer l’escalade de la violence ».

La liste Bisontines-Bisontins de Karim Bouhassoun, dans ses 40 propositions clés, propose de « renforcer la police municipale ». Il n’est donc pas question de l’armer. Au contraire de Jean-Philippe Allenbach, à la tête du Mouvement Franche-Comté, qui estime qu’Eric Alauzet reprend « à nouveau à son compte la proposition du candidat régionaliste d’armer la police municipale ». « Pathétique, considère Jean-Philippe Allenbach. On connaissait déjà la girouette, on découvre maintenant le coucou ». 

Au final, sur huit listes, quatre sont favorables à l’armement, quatre contre. Une question symbolique, on vous disait, une question très clivante surtout.

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MAJ 6/12 avec positions des quatre autres listes déclarées.