Maurice, Atom, Marc et les autres…
En cet automne 2018, les éditions Dupuis présentent deux albums au parfum policier des années 1950, sous l’égide d’une figure tutélaire : celle de Maurice Tillieux, scénariste majeur de l’histoire du journal de Spirou, disparu il y a quarante ans.
Dans « Les bijoux de la Begum », le jeune Atom Vercorian, détective privé en herbe fils de policier, flaire le bon coup qui pourra lancer sa carrière dans le Paris de l’immédiat après-guerre (nous sommes en 1949).
Le duo Yann/Schwartz est déjà rôdé de longue date (« Gringos Locos », et aussi trois albums dans la collection « Le Spirou de ») et reste fidèle à lui-même. Le premier signe un scénario nerveux à l’ironie et aux dialogues toujours mordants, tandis que le dessin du second est toujours aussi foisonnant et truffé de clins d’oeil. Avec notamment quelques visages que les cinéphiles ne manqueront pas de reconnaître… sans oublier le titre de cet album, qui n’est pas sans rappeler une certaine aventure de Tintin !
Pour cette première enquête aussi référencée que roborative, Atom Vercorian forme avec Mimi, fille de catcheur, et Jojo la toupie, lui-même ancien as du ring, un trio jubilatoire qui évoque l’un des sports les plus populaires de l’époque. Et également écho à Maurice Tillieux et à la création de Gil Jourdan, flanqué de Queue de cerise et Libellule, deux adjoints eux aussi hauts en couleurs.
L’oeuvre de Maurice Tillieux est au coeur des « Camions du diable », deuxième aventure de Marc Jaguar après « Le lac de l’homme mort ». Tillieux avait créé ce personnage pour Risque-Tout, éphémère journal créé par les éditions Dupuis. Lorsque Risque-Tout s’arrête en 1956, seules les huit premières planches des « Camions du diable » y ont été prépubliées. L’arrêt du journal provoque également celui du personnage, et aboutit à la naissance de Gil Jourdan dans Spirou.
C’est à François Walthéry, proche de Tillieux (qui lui écrivit deux des meilleurs albums de son hôtesse de l’air Natacha, « Un trône pour Natacha » en 1974 et surtout « Le treizième apôtre » en 1977), que l’on doit la reprise des « Camions du diable », soixante ans après l’arrêt de Risque-Tout.
Reprenant ce scénario inachevé, Etienne Borgers reste fidèle à l’esprit de Tillieux : art du dialogue (Tillieux était-il un Michel Audiard d’outre-Quiévrain ?), intrigue oscillant entre polar nerveux et thriller d’espionnage, dont les fils se croisent et se nouent en fin d’album (on pense notamment au « Gant à 3 doigts » de Gil Jourdan et au « Scaphandrier mort » de Tif et Tondu). Le trait de Jean-Luc Delvaux, lui aussi grand connaisseur de l’oeuvre et du dessin de Tillieux, est à l’unisson, le tout sous le haut patronage de Walthéry.
En somme, deux histoires revisitant chacune à sa manière de belles pages de l’histoire du journal de Spirou pour une réjouissante lecture croisée… En attendant « Petit hanneton », la deuxième enquête d’Atom Agency, sur laquelle Olivier Schwartz est déjà à l’oeuvre.
©Jean-Philippe Doret
Atom Agency T1 « Les bijoux de la Begum »
Scénario : Yann
Dessins : Olivier Schwartz
56 pages
Marc Jaguar T2 « Les camions du diable »
Scénario : Maurice Tillieux (planches 1 à 8) & Etienne Borgers (planches 9 à 65)
Dessins : Jean-Luc Delvaux & François Walthéry
80 pages
Dupuis