Amandine Gazeau a posé à Bob Garcia quelques questions sur son ouvrage « Rebellion Racing aux 24 Heures du Mans ».
AG : Bob Garcia, on vous connaît plutôt comme auteur de polar que comme spécialiste de l’automobile. Quel rapport entre les deux univers ?
BG : Tout d’abord, je tiens à préciser que je n’ai aucune légitimité dans le monde de l’automobile. Je suis très loin d’être un spécialiste de l’automobile et encore moins de la course d’endurance. Ce qui me passionne et me fascine dans la course automobile, c’est plutôt sa dramaturgie qui ressemble justement beaucoup aux scénarios de thrillers. Tout y est : des personnages hauts en couleur (souvent dotées d’ego très fort, des battants dans l’âme mais profondément humains, qui ont aussi leurs failles et leurs faiblesses), un suspense de chaque instant (tout peut arriver dans une course d’endurance et rien n’est joué tant que les pilotes n’ont pas passé la ligne d’arrivée, il suffit de revoir les 24 Heures du Mans 2016 et 2017 pour s’en convaincre. Même 24 heures après la courses, il peut encore y avoir des rebondissements), l’adrénaline de la course (comment ne pas frissonner en assistant au dépassement d’anthologie de Thomas Laurent dans le Raidillon de l’Eau Rouge lors des 6 Heures de Spa 2018, ou pire encore lors de l’énorme crash de Pietro Fittipaldi au même endroit ?), la stratégie des écuries et ses conséquences sur le déroulement de la course (parfois de véritables coups de poker). A ces faits de course s’ajoutent toute la pression et l’influence de l’environnement : délais de réalisation de machines, tractations en coulisses, évolutions de la réglementation, etc. A chaque course j’ai l’impression d’assister à un film de super-héros au volant de machines extraordinaires, sauf qu’à l’arrivée aucun scénariste n’oserait écrire des histoires aussi improbables ! Ce sont aussi des aventures humaines incroyables. Chaque membre d’une écurie est un rouage essentiel au bon fonctionnement de l’ensemble. C’est comme une mécanique de précision. Une horlogerie de haut niveau. Le moindre de grain de sable dans la mécanique, la moindre erreur de jugement ou d’inattention, et le travail de dizaines de personnes est anéanti en un rien de temps. Chacun a une responsabilité énorme sur les épaules. Cela contribue aussi à la tension et à la dramaturgie de la course. On tremble à chaque arrêt au stand, à chaque dépassement (il faut se souvenir qu’il n’y a pas qu’une seule course, mais quatre courses qui se déroulent en même temps), à chaque virage…
AG : Si je comprends bien, toutes les écuries automobiles sont confrontées aux mêmes contraintes. Pourquoi vous intéresser à Rebellion Racing plutôt qu’à une autre ?
BG : Rebellion, c’est le « petit » qui s’attaque aux « grands ». Son budget de fonctionnement est environ 15 fois moindre que celui des écuries d’usine telles que Porsche, Audi, et pour 2018 Toyota. Une petite équipe d’une quinzaine de personnes parvient à se hisser au niveau des plus forts, et parfois à les dépasser à la régulière. Pour reprendre une image qui est chère à Calim Bouhadra, le vice président de Rebellion Racing, c’est vraiment l’histoire de David contre Goliath ! A force d’ingéniosité, de ténacité et de passion commune, Rebellion a remporté le trophée FIA d’endurance LMP2 en 2017 et s’est attaché les services de pilotes exceptionnels pour la super saison 2018-1019. Il y a aussi le nom « Rebellion », qui colle tellement à l’état d’esprit de l’écurie. Ils ne se laissent pas faire, ils innovent, ils inventent, ils ne font rien comme les autres et ne sont jamais où on les attend… Rebellion, c’est surtout à l’origine une marque de montres Suisses de haute technologie créée par Alexandre Peschi, le propriétaire et la tête pensante de Rebellion Racing. C’est de l’horlogerie de précision appliquée à la course d’endurance… et ça marche !
AG : Je comprend votre enthousiasme pour Rebellion, mais comment le livre est né ?
BG : Sur une simple poignée de main ! J’ai eu la chance d’être reçu par Calim Bouhadra, dont je vous ai déjà parlé, en début d’année 2018 dans les locaux de LEMO (le groupe qui pilote Rebellion Racing) à Lausanne. Le but de ma démarche était de savoir s’il existait un livre sur Rebellion, afin que je puisse interviewer l’auteur et en faire une chronique sur « lire délivre ». Mais la discussion a pris un tour inattendu quand Calim m’a appris qu’il n’existait aucun livre (à part quelques articles ou mention dans des ouvrages plus généraux) sur Rebellion Racing, et qu’il serait favorable à l’idée qu’un tel livre voit le jour. En moins d’une heure de discussion à bâtons rompus sur la monde de la course, et en particulier sur l’incroyable dénouement de la saison 2016-2017, il était implicitement convenu que je pourrais écrire un livre sur l’écurie. Un peu plus tard, après quelques échanges de mail, on a décidé de sortir le premier livre pour les 24 Heures du Mans 2018. Le livre retrace l’origine de Rebellion depuis 2007, et toutes ses participations aux 24 Heures du Mans. C’était un challenge quasi impossible en terme de délai, et pourtant…
(Bob Garcia – Calim Bouhadra)
AG : Le livre est plein de photos. Je suppose que cela implique des droits de copyrights ?…
BG : Calim Bouhadra m’a fait confiance. J’ai pu ainsi accéder à toute la base de donnée de photographies de Rebellion depuis 2012. De plus, ces photos ont été réalisées par Eric Fabre, un des meilleurs (sinon LE meilleur) photographe de course d’endurance.
AG : Et avant 2012 ? Si l’histoire commence en 2007, comment avez-vous fait pour les autres photos ?
GB : Là, c’était plus compliqué. Un vrai travail de fourmi. J’ai retrouvé des témoins de cette époque (pilotes, photographes professionnels ou amateurs). J’ai eu de nombreuses réponses. Tous ont accepté de me donner des photos, sous réserve bien sûr de mentionner leur nom et les copyrights. c’était la moindre des choses. Cela a pris du temps, mais j’ai réussi à retrouver et rassembler les photographies nécessaires pour retracer cette incroyable histoire née de la rencontre de deux passionnés d’auto, Alexandre Pesci et Hugh Hayden.
AG : Il y a aussi beaucoup d’informations techniques dans le livre, dates, lieux, cursus des pilotes, caractéristiques des voitures… Comment être sûr de ne pas se tromper, si vous prétendez ne pas être spécialiste ?
BG : J’avais un autre joker dans ma manche, mon ami Jean-Philippe Doret, consultant automobile, rédacteur ACO FIA WEC, traducteur de nombreux ouvrages techniques anglais. Ce gars-là connaît par coeur le monde de l’endurance, et en plus il a une mémoire prodigieuse de presque toutes les courses d’endurance. Il a accepté de relire et corriger mes erreurs. Il a aussi apporté ses remarques et de précieuses informations.
(Bob Garcia – Eric Fabre – Jean-Philippe Doret)
AG : Finalement, à qui s’adresse ce livre ? Plutôt à un public de spécialistes ?
BG : Comme je le disais au début de cette interview, je n’ai pas la prétention d’être un spécialiste auto. Cela pourrait être le livre écrit par n’importe quel spectateur fasciné par ces drôles d’engins et les pilotes. J’ai plutôt essayé de raconter une belle histoire. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste pour s’y plonger et y prendre du plaisir. Dans tous les cas, il reste aussi les fabuleuses photographies d’Eric Fabre qui permettent de contempler cet univers sans forcément entrer dans les détails. Nous avons des commandes de mamans pour leurs enfants, de messieurs, et même d’une grand-mère !
AG : Le livre est bilingue, français/anglais…
BG : Oui. La partie française a été d’abord été corrigée par Valérie, une correctrice professionnelle qui travaille pour des éditeurs de polars, et a ensuite été traduit par Laurent Whale, auteur de polars franco/anglais. Tous deux m’ont confié qu’ils étaient passionnés d’automobiles. Le père de Laurent a même tenu un garage !
AG : Il y a plus d’une relation entre les univers du polar et de l’automobile… ça pourrait presque faire l’objet d’un livre !
BG : Vous ne croyez pas si bien dire… Mais ceci est une autre histoire…
AG : Vous disiez tout à l’heure « on a décidé de sortir le premier livre pour les 24 Heures du Mans 2018 ». Cela signifie qu’il y en aura d’autres ?
BG : Pour l’instant, Rebellion s’apprête à écrire la suite de ce livre en temps réel lors de cette super-saison 2018-2019. Comme dans les bons vieux feuilleton de suspense, nul ne peut imaginer ce qui peut se passer. Rendez-vous au Mans en juin 2019 !
©Amandine Gazeau
Pour se procurer le livre, écrire à : cil.diffusion@gmail.com