20 Juin

Fusion des régions: les vérités de Marie-Guite Dufay

Marie-Guite Dufay (©f3fc)

Marie-Guite Dufay s’est exprimée pendant une heure sur le plateau de La Voix est libre (©f3fc)

Marie-Guite Dufay, la présidente du conseil régional de Franche-Comté, était l’invitée de La Voix est libre samedi dernier. L’occasion pour l’élue socialiste de répondre aux questions que pose la fusion entre la Bourgogne et la Franche-Comté. La présidente de Région a joué carte sur table, expliquant notamment pourquoi elle se porte « garante du périmètre franc-comtois ». Elle reconnaît que « le premier principe, ce n’est pas de faire des économies » et qu’elle n’aura pas le temps d’organiser un référendum. Marie-Guite Dufay partage également ses doutes sur l’avenir de l’aéroport de Dole, le manque de moyens des régions et le succès « compliqué » de la réforme à venir.

 

L’alliance Bourgogne / Franche-Comté, une évidence ?

« Il y a surtout des échanges des flux de voyageurs, des flux d’affaires, entre la Bourgogne et la Franche-Comté. Il y a quelque chose de naturel entre ces deux régions voisines. Bourgogne et Franche-Comté, cela a pour moi du sens. »

« Nous voyons bien que sur nos compétences, le développement économique et l’attractivité du territoire, que nous butons, l’un et l’autre, sur un effet taille de la région. »

« Quand nous voulons monter des outils, des fonds, qui permettent aux acteurs économiques d’être accompagnés dans la création des emplois, nous avons du mal, tout seul, à drainer les capitaux nécessaires. Et nous voyons qu’à deux, en unissant nos forces et nos budgets, nous serons plus forts ».

« Le but est d’avoir une visibilité, une attractivité vis-à-vis de l’Europe. Aujourd’hui avec 71 milliards de PIB, nous allons davantage compter ».

« Je me suis positionnée très fort pour la réunion avec la Bourgogne pour éviter, effectivement, des discussions sur l’éclatement, le Nord vers l’Alsace, le Sud vers Rhône-Alpes (…) J’ai voulu dès le début me montrer garante du périmètre franc-comtois, de l’intégrité de ce périmètre ».

Le Territoire de Belfort vers l’Alsace?

« Si on veut marginaliser le Territoire de Belfort, on le rattache à l’Alsace (…) Je ne vois pas ce qu’un rapprochement avec l’Alsace amènerait, alors que pour moi, le Nord Franche-Comté fait partie de l’identité franc-comtoise. Le capital économique du Nord Franche-Comté, c’est un capital génétique de la Franche-Comté. Par contre, les coopérations avec l’Alsace doivent encore se renforcer (…) Pour être fort face à l’Alsace et pour renforcer les synergies avec l’Alsace, il y a besoin de constituer ce pôle métropolitain (…) La feuille de route fixée par le Président de la République, c’est « on ne détricote pas les blocs régionaux ».

La dette de la Bourgogne est deux fois plus importante que la dette de la Franche-Comté. Qui va payer ?

« Je voudrais rappeler que la Franche-Comté est une des régions les moins endettées de France. On a bien géré la région. On est les moins endettés alors qu’on s’est payé un TGV (…) La Franche-Comté va arriver en position de force dans le négociation de fusion, puisque la fusion va se faire au prix d’une négociation. Si la Bourgogne est plus endettée, les investissements futurs que nous ferons seront priorisés sur le territoire de la Franche-Comté. »

« Nous sommes en négociation avec l’Etat pour qu’à côté de l’agrandissement des régions, il y ait le renforcement des compétences, c’est ce que la loi va amener, et qu’il y ait aussi une recherche d’autonomie fiscale pour ces collectivités. Aujourd’hui nous n’avons pas les moyens des ambitions qui sont les nôtres. » 

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Vers une baisse du service public ?

« Nous sommes dans un contexte d’austérité. On peut craindre effectivement, avec les économies demandées aux collectivités, qu’il y ait de la casse dans les services publics et les services offerts aux populations. C’est ce que nous ne voulons pas. »

« Jusqu’à présent, la Région n’était pas une collectivité de proximité (…) Demain, avec cette grande organisation Bourgogne/Franche-Comté, nous aurons des antennes territorialisées, comme en Rhône-Alpes ou en Aquitaine. Je pense que demain, cette organisation, dans son ensemble (avec fusion des région et montée des intercommunalités) va nous permettre d’être plus près encore du citoyen. »

« Dans une grande région, nous allons avoir la possibilité de faire de la déconcentration territoriale, c’est-à-dire de créer, dans les territoires, des antennes du conseil régional. Cela n’a pas de sens aujourd’hui dans notre petite région, cela aura un sens demain ».

« Si je suis à la tête de cette grande région, moi j’aurai le projet de déconcentrer. Une grande région doit absolument faire en sorte de se rapprocher des citoyens parce qu’elle est grande. »

Quelles économies?

« Moi je ne sais pas quelles sont les économies qui seront dégagées. Il y en aura, à partir du moment où nous allons fusionner des services »

« Le sujet est absolument trop complexe. Il est évident qu’il y aura des économies. Cette grande réforme territoriale, qui n’est pas que le rassemblement des régions, qui est aussi la fin programmée des départements et la montée en puissance des intercommunalités, va produire un allègement de la charge administrative. »

« Ces économies se font sur des postes fonctionnels. En rapprochant, entre la Bourgogne et la Franche-Comté, des services informatiques, des services finances, des services ressources humaines, nous allons forcément avoir une administration plus légère. Ce processus va être source d’économies, qui vont nous permettre de ne pas toucher à ce qui est fondamental, le service qui est rendu aux citoyens »

« Le premier principe ce n’est pas de faire des économies. Au niveau de la fusion des régions, le premier objectif, c’est de se donner du dynamisme économique (…) Nous ne faisons pas cela d’abord pour faire des économies. « 

« C’est l’ensemble de la réforme territoriale qu’il faut prendre en compte, pas simplement la fusion des régions. C’est aussi la disparition de l’échelon départemental et la montée en puissance des intercommunalités. »

« Le combat contre cette dette, c’est ce qui conditionne l’avenir de notre pays, je pense que nous avons besoin d’une réforme structurelle ».

L’avenir des fonctionnaires en doublons ?

« Ils seront remis dans leur cadre d’emploi, ils seront amenés à trouver, dans l’ensemble de l’administration, un autre poste. C’est plutôt à partir du moment qu’il y a départ en retraite de ces personnes-là, que leurs postes ne seront pas remplacés, que les économies se feront… »

« Je ne peux pas avoir le souci de la sécurisation professionnelle des salariés dans les entreprises à la faveur des politiques publiques que je mets en place, et ne pas avoir ce souci, de la sécurité professionnelle, des agents de la collectivité. Tout cela sera vu progressivement, tranquillement, dans le dialogue social ».

Le calendrier s’accélère. Un problème?

« Ma responsabilité c’est d’apporter un maximum d’éclairage au débat. Ce débat n’est pas très objectif parce qu’il est très compliqué (…) Je ferai des journées citoyennes à l’automne. Tout un plan de communication à destination des Francs-Comtois va se développer dans les jours qui viennent (…) Nous avons ouvert un forum sur le site de la Région sur lequel chacun va pouvoir questionner et faire entendre ses préoccupations ».

Un référendum ?

« J’ai ouvert un forum pour que chacun s’exprime. J’ai une légitimité de présidente de région. Pour moi, c’est un sens de terminer un mandat avec une perspective d’avenir. Ce travail doit s’accompagner d’un éclairage extrêmement important auprès de la population. Le référendum, j’ai dit dès le départ que je n’y étais pas hostile, à condition qu’il se mette en place à l’issue d’un énorme débat public. Mais vous ne pouvez pas faire un référendum à un an des élections. Sur le principe, c’est plutôt quelque chose qui me parle, à condition que cela intervienne après un long débat. Là ce n’est pas le cas. » 

Quelle capitale ?

« Il y a à construire une aire métropolitaine entre Dijon et Besançon. C’est de l’inventivité, tout est à construire. Il n’y a pas UN lieu. Il y a des fonctions métropolitaines à répartir entre Dijon et Besançon. Il y a des universités, des zones d’activités, des centres de recherche à répartir harmonieusement entre ces deux territoires. Dole a un rôle à jouer sur cet axe métropolitain, bien évidemment. De là à parler de capitale, il y a un pas que je ne franchirai pas. »

Tout pour Dijon?

« Aujourd’hui, il y a un tropisme dijonnais. A partir du moment où il n’y a aucune régulation politique, les acteurs économiques, malheureusement, font le choix de Dijon plutôt que de Besançon. On a vu des sièges de banques partir à Dijon. On a vu RFF partir à Dijon. Aujourd’hui, malheureusement, on ne peut pas faire grand-chose contre ça. Demain, à partir du moment où il y aura un territoire unique, il y aura une régulation politique, une volonté de créer de l’harmonie, entre ces deux territoires (…) Il n’y a aujourd’hui aucune stratégie partagée entre Dijon et Besançon, aucune stratégie partagée entre la Bourgogne et la Franche-Comté, demain il y aura une stratégie unique, et donc les choses seront plus claires. »

Le conseil régional va-t-il reprendre l’aéroport de Dole ?

« Je ne suis pas prête à le reprendre dans l’état actuel des choses. Il y a manifestement une étude à conduire pour voir comment une union de l’ancien aéroport de Dijon et de l’aéroport de Dole pourrait permettre d’aboutir à un projet économique rentable. Dijon vient de fermer, parce que ce n’était pas rentable. Comment Dijon peut devenir rentable, en s’unissant à Dole, il y a matière à étudier les choses. Le critère c’est effectivement la rentabilité, que l’aéroport s’autonomise. L’aéroport de Dole bénéficie-t-il de subventions trop importantes? Elles sont tellement importantes que la Cour régionale des Comptes pose de forts questionnements. Il y a matière à étudier comment la dynamique, que le président du conseil général du Jura a amené, c’est incontestable, peut se transformer en un projet qui à l’avenir soit rentable. Je le dis souvent au président du conseil général, de façon amicale: il ne faut pas simplement permettre aux touristes francs-comtois ou dijonnais de partir. Il faut aussi amener des touristes qui viennent dépenser de l’argent. Aujourd’hui il y a un déséquilibre énorme. Les touristes vont à Marrakech et les Marocains ne viennent pas dépenser leur argent en Franche-Comté. »

La suppression des départements en 2020. Une réforme incertaine face à la fronde des élus départementaux ?

« Je vois qu’il y a un divorce, à mon avis, entre les élus et la population. La population est plutôt en attente de cet allègement administratif. Est-ce que cela va aller jusqu’au bout? Ca va être compliqué. » 

Pour voir ou revoir l’intégralité de l’émission, et notamment le débat avec Stéphane Kroemer, c’est ici.

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