Présentation de l’éditeur:
Auchel, nord de la France. Le corps d’un jeune marginal brûle au petit matin dans le cimetière municipal. Acte gratuit, vengeance, meurtre ? La police ne sait quelle hypothèse privilégier, d’autant qu’on découvre très vite un nouveau cadavre, celui d’une étudiante, sauvagement assassinée. La population aimerait croire que le coupable se cache parmi la bande de punks squattant dans les environs…
Le capitaine Demeyer, quadragénaire revenu de tout, et le lieutenant Lisziak, frais émoulu de l’école de police, du SRPJ de Lille sont chargés de cette enquête qui s’annonce particulièrement sordide. Une jeune lieutenant, en poste dans la cité, ne veut pas lâcher l’affaire et s’impose à ce duo pour le moins hétéroclite.
Notre avis:
C’est avec beaucoup d’humour que Jess Kaan nous entraîne dans une double enquête, entre Lille et Auchel (le Pas de Calais pour les non ch’ti), dans mon plat pays.
Il y a beaucoup de choses à dire sur ce roman, qui je dois l’avouer ne m’a pas émue, mais touchée. Touchée parce qu’il est une véritable critique de notre société. Avec des prises de positions assumées et une grande habilité, l’auteur amène son lecteur à réfléchir sur des sujets qui sont tout sauf légers.
Ainsi Jess décrit une jeunesse perdue et désabusée:
« Quatre paumés du Nord, le genre de gosses comme il en existe des milliers, une génération sacrifiée par un système à bout de souffle. Enfants cassés, enfants broyés par des rouages socio-économiques les dépassant. Difficultés familiale au sein de tribus éclatées, borderline, échec scolaire lié à leur différence, aucune perspective et aucune possibilité de rémission. »
Il parle d’une région qui souffre de l’abandon des politiques élus:
« Les bâtisses rappelaient surtout qu’Auchel avait grandi avec les mines, comme d’autres villes du bassin avant que tout s’arrête; subitement. Parce que les politiciens gouvernaient sans prévoir. Parce que les travailleurs trimaient pour finir le mois. »
Mais il rend aussi hommage aux habitants de la région, car s’il joue avec les clichés (qui ne sont pas nés de rien), l’accent, la consommation d’alcool etc… Il met en lumière une population qui galère plus qu’ailleurs, ces personnes courageuses qui donneraient tout pour leurs enfants:
« A côté, tu as un tas de braves gens qui triment ou essayent de gagner leur vie et qui s’en sortent tant bien que mal. Plutôt mal que bien. En tous cas de pire en pire, ceux-là, tu n’en entends jamais parler. Ils paient leurs impôts, ils essaient d’envoyer leurs gosses dans de bonnes écoles pour qu’ils aient un avenir correct et ils ont le sentiment d’être jetés par tous les partis politiques. »
Effectivement, comme le dit la ligne éditoriale « roman policier mais pas que… »
Deux mentions spéciales pour ce roman:
J’ai rencontré avec une vieille « boyau rouge » qui m’a rappelé les mamies de la petite ville minière dans laquelle j’ai vécu quelques années, ces grand-mère toudis cachées derrière leurs rideaux ou assises sur leur pas de porte à épier la vie de leur petite ville, mais surtout de leurs voisins! Un personnage qui ne fait qu’un passage fugace mais tellement bien décrit que j’avais l’impression être juste à côté d’elle!
Mais aussi l’utilisation du « parlé » du bassin minier qui renforce la crédibilité des propos… l’immersion est totale!
« Punk Friction » m’a touché mais m’a aussi beaucoup fait sourire. Les sujets si graves soient-ils sont abordés finement et avec humour pour ne pas tomber dans le pathos,les préjugés. La critique est acerbe mais tellement bien amenée. Une intelligence d’écriture qui marque.
L’exercice n’était pas simple et Jess y est arrivé haut la main !
« Punk friction », aux éditions Lajouanie. Paru le 14 juillet 2017, 270 pages.
© Ophélie Cohen