Lucky Luke « en frenchie dans le texte »
Il y a deux ans, le 70e anniversaire de Lucky Luke était célébré par l’arrivée d’un nouveau scénariste, Jul, aux côtés du dessinateur Achdé. Et par la sortie de l’album « La terre promise ». En 2018, ce duo est de retour avec « Un cow-boy à Paris », 80e album du cow-boy créé par Morris.
En 2016, Jul et Achdé évoquaient un savoureux dessin de Morris : en visite à Paris, Lucky Luke, prenant la Tour Eiffel pour un puits de pétrole, demandait à un Parisien effaré combien de litres il débitait ! Gageons que l’idée de « Un cow-boy à Paris » trottait déjà dans la tête de Jul à l’époque, et que nous découvrons aujourd’hui autour du symbole franco-américain majeur de la Statue de la Liberté.
Le principe du « poisson hors de l’eau » – c’est-à-dire d’un personnage placé dans un environnement qui lui est inconnu – avait permis à feu René Goscinny d’écrire quelques-uns des tout meilleurs albums de Lucky Luke : il suffit de repenser à Waldo Badmington, aristocrate anglais confronté à la rudesse de l’Ouest (« Le pied-tendre »), ou encore au quatuor de savants partis en expéditions vers les contrées inconnues du Wyoming (« Les collines noires »).
Depuis son arrivée en tant que scénariste de Lucky Luke il y a deux ans, Jul a redynamisé ce ressort comique, en y ajoutant sa touche personnelle : le renversement. Ainsi, si « Un cow-boy à Paris » commence par les tribulations d’Auguste Bartholdi, manière de « pied-tendre » à la française en Amérique, la grande trouvaille de l’album réside dans sa deuxième partie, lorsque c’est l’homme qui tire plus vite que son ombre lui-même qui devient le « poisson hors de l’eau » – sans mauvais jeu de mots, puisqu’on commence par découvrir qu’il souffre… du mal de mer ! Nous vous laissons le plaisir de découvrir les surprises et autres décalages auxquels Lucky Luke – devrions-nous dire « Lucien le veinard » ? – se voit confronté… comme l’usage du bidet dans une chambre d’hôtel de luxe !
Outre Bartholdi et l’apparition de Victor Hugo, Jul confronte Lucky Luke à un ennemi de la Statue de la Liberté, dont les idées et les méthodes trouvent aussi leur caisse de résonance dans l’actualité récente. Ainsi, « Un cowboy à Paris » est-il également une « fantaisie faisant appel au passé pour commenter le présent », selon la formule de René Goscinny pour la préface de la première édition des « Six voyages de Lone Sloane » de Philippe Druillet. Et aussi – et surtout – l’une des meilleures histoires de Lucky Luke, tous scénaristes confondus.
©Jean-Philippe Doret
Les aventures de Lucky Luke d’après Morris T8 « Un cow-boy à Paris »
Scénario : Jul
Dessins : Achdé
48 pages
Lucky Comics