09 Fév

De la part d’Hannah, de Laurent Malot

De-la-part-d-Hannah

Présentation de l’éditeur:

Jeune héroïne astucieuse à la gouaille irrésistible, dans un « Clochemerle » des années 1960, Hannah est une nouvelle Zazie au charme contagieux.
 » Tu es en train de grandir, Hannah, ça n’est jamais facile.
– Ça fait bientôt onze ans que je grandis ! Je ne vois pas pourquoi ce serait plus difficile aujourd’hui.
– Ça l’est parce que tu arrives à un tournant.
– Je voyais pas où elle voulait en venir, mais du coup ça m’intéressait. Je me suis allongée dans l’eau et j’ai attendu.
– Et parce que tu n’as pas une vie normale.
– Une vie normale, c’est si maman était pas morte ?
– C’est ça. Si tu avais vécu avec ta mère et si ton père avait su l’aider.
Elle a un peu pâli et je me suis demandé si elle ne regrettait pas d’en avoir trop dit. Comme elle disait plus rien, j’ai repassé dans ma tête ce qu’elle venait de dire. L’aider à quoi?
Hannah a dix ans et un caractère bien trempé. Elle vient de passer trois ans dans un sanatorium, lorsque, du jour au lendemain, on décrète qu’elle n’est plus malade et doit rejoindre son petit village de Dordogne. À La Chapelle-Meyniac, les cancans des mégères vont bon train. Hannah s’en méfie. En 1961, en pleine guerre d’Algérie, les blessures de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas cicatrisées. Rien de pire que les rumeurs, surtout lorsqu’elles concernent votre mère…

Notre avis:

Je crois que c’est la première fois que je cherche autant mes mots pour rédiger une chronique. D’ailleurs « chronique » n’est déjà pas le terme adéquat tant c’est une boule d’émotions qui enserre mon cœur de petite fille… Une petite fille qui comme Hannah s’est posée mille et une question sur ses origines.

Je suis née catholique mais née Cohen, avec toute l’histoire de ma famille, les exodes, la déportation, et nos histoires de famille pèsent lourd parfois.
Si je parle de « de la part d’Hannah » avec tant d’émotions, ce n’est pas anodin. C’est sûr, les paroles d’Hannah trouvent un écho chez moi, plus que chez d’autres je pense de part ce lien commun.

« Hannah avec deux H, c’est juif! », dixit le prêtre à une jeune Hannah qui n’avait aucune idée de ce que « juif » pouvait dire et de ce que cela signifiait.

Qu’est ce qu’être juif ? Laurent l’exprime tellement bien. Aujourd’hui nul ne peut en donner une définition acceptée de tous. Être de religion juive? Être né d’un parent juif et se sentir lié à ce peuple ? Tant de questions qu’Hannah se pose et que je me suis posées…parce qu’être juif est indéfinissable.

Mais « de la part d’Hannah » ne peut pas être résumé à cette question.

Au travers des mots d’Hannah, part sa voix de petite fille de dix ans, Laurent évoque les conséquences de la rumeur, de ces bruits de village qui existaient à l’époque mais qui existent encore… les dégâts que peuvent causer les « on dit »… la pression de conformité… la peur de la différence. Il raconte les vieilles rombières qui distillent leur haine de la différence: Allemands, Juifs, putes… Tout est prétexte à distiller leur venin, les conséquences leur importent peu, même si elles touchent aux enfants ou détruisent des familles.

À travers ses mots innocents (ceux d’Hannah) mais desquels transpirent une maturité qu’on ne devrait pas avoir à 10 ans, j’ai été bouleversée.

Qui sommes nous? D’où venons nous? Notre histoire est essentielle pour nous construire et les secrets de famille nuisent à notre épanouissement. Hannah, mais aussi Sarah, Antoine, Hélène, des enfants qui nous livrent leurs secrets avec leurs yeux et leurs mots d’enfants. Des mots qui touchent par leur naïveté et leur innocence mais paradoxalement avec beaucoup de maturité parce que la vie ne les a pas épargnés. Je suis passée du rire aux larmes plusieurs fois, je ne pouvais lâcher mon livre, je voulais connaître la fin de l’histoire.

J’ai beaucoup de mal à exprimer ce que je ressens à la fin de ce roman tant l’émotion est vive.

Néanmoins, à vous qui me lisez, « de la part d’Hannah » est un roman qui devrait être lu au collège… dur parfois, avec des mots qu’il faudra expliquer à nos enfants, il est le reflet de ce qu’il s’est passé et de ce qu’il se passe encore dans notre pays.

« De la part d’Hannah » est livre tellement touchant.
Un hymne à la tolérance et à l’amour de son prochain, un pamphlet contre l’étroitesse d’esprit.

C’est un bijou, et je pousserai mon fils à le lire quitte à le relire avec lui. C’est un roman dont je parlerai avec son professeur de français. Parce que même si certains classiques sont incontournables, beaucoup de nos contemporains méritent leur place sur les longues listes de livres de nos écoliers, parce que ce genre de livre peut donner le goût de la lecture, parce qu’il permet de transmettre des valeurs, d’amorcer des débats sur les sujets évoqués tout au long de cette chronique.

Quand Laurent m’a parlé d’ Hannah lorsque nous nous sommes rencontrés, il a su trouver les mots pour me donner envie de le lire. Même si mes lectures sont variées, je suis majoritairement dévoreuse de polar. Je connaissais Laurent de nom via ses deux romans noirs édités chez Bragelonne. Je le découvre ici dans un style complètement différent pour ce roman qui était son premier. Je n’avais pas imaginé une seconde être émue à ce point.

Faites moi confiance, ne cherchez pas à en savoir plus et juste « lisez ».

Rien ne sert de tout analyser, il faut juste parfois se laisser porter par les émotions et laisser faire le coup de cœur.

Ne pensez pas qu’il s’agit d’un énième roman victimisant le peuple juif (si si j’entends déjà certaines critiques), regardez au delà…

Voyez ce qu’il se passe au delà du miroir et de l’histoire… Laurent appelle juste, à mon sens, au respect de son prochain, quelque soit son origine, quelque soit ses différences. Ce roman n’est nullement moralisateur, il rappelle juste que nous sommes tous « humains » et les dégâts que peuvent causer l’intolérance.

Un grand merci à Laurent de m’avoir parlé de ce roman, sans quoi je serais passée à côté parce qu’il n’a pas été assez mis en lumière. Voilà qui est réparé.

« De la part d’Hannah » aux éditions Robert Laffont. Paru le 6 mars 2014. 234 pages.

© Ophélie Cohen