Samedi, Convergéncia Occitane et País Nòstre ont publié les bans de la fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Ces 2 structures occitanes ont organisé un colloque auquel politiques et citoyens ont semblé dire OUI… En ces temps de fiançailles, les mariés vont changer de nom, se trouver des symboles qui les représentent, élaborer des politiques communes… En attendant les élections régionales (décembre) puis la décision du Conseil d’Etat (début 2016), tous les acteurs ont désormais 9 mois pour que le mariage soit consommé et que le fruit de cet union soit beau, rempli de sens et viable.
Una capitada
Samedi matin, la salle Osète de Toulouse est bien remplie. Sans doute près de 300 personnes venues écouter les conférenciers et côtoyer les politiques. Des citoyens lambda, pas seulement les habitués des manifestations occitanes, sans doute captivés par l’introduction brillante d’Alem Surre-Garcia qui a posé les bases historiques géographiques et culturelles de cette union…Titillés sans nul doute par ce qu’ils pourraient voir ou entendre des politiques présents. Et non des moindres : une ministre (Carole Delga), un président de région (Martin Malvy), les maires des grandes villes concernés (Toulouse, Narbonne, Carcassonne, Blagnac, Lavaur…). Côté intervenants, Le Pr Roland Bugat, cancérologue à l’Oncopole de Toulouse, plaide pour un travail existant, mais qu’il faut encore approfondir, entre Toulouse et Montpellier dans le domaine de la recherche médicale. Alain Garcia, ancien directeur technique d’Airbus, explore quelques pistes dans le domaine aéronautique (Toulouse bien sûr) et les nanomatériaux (Montpellier). Les Occitans ne sont pas en reste : Pierre Escudé (ESPE Bordeaux) brosse un tableau complet et actualisé sur l’enseignement et Patrick Sauzet (Université Jean-Jaurès Toulouse) fait part de ses réflexions sur le nom de la future région. Comme un avant goût du débat prévu l’après-midi.
Dès 14 H, la salle Osète est à nouveau pleine. Mais pas avec les mêmes personnes. Des Catalans sont venus défendre leur intégrité, d’autres politiques sont là comme Gérard Onesta (vice-président Région Midi-Pyrénées) ou Marcel Mateu (chargé de l’occitan et du catalan Région Languedoc-Roussillon), des absents excusés (le maire de Montpellier, souffrant) ou qui ne sont pas revenus (Martin Malvy, Carole Delga). Convalescent lui aussi, Claude Marti avait aiguisé sa plume pour introduire le débat. C’est Jean-François Laffont qui va lire son texte : « Nous voilà forts de 5,6 millions d’habitants et grands de 72 700 km2 : nous sommes le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Parfait, mais Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, c’est trop long, faut se donner un autre nom. Attention, c’est très important le nom que l’on porte, car c’est lui qui t’annonce et déjà te décrit… »
La salle est déjà chaude. Oui cette journée est una capitada, une réussite.
De simbèus
Claude Marti n’a pas été le seul symbole de cette journée très riche. Hasard ou pas, tout le monde a pris le chemin du 6 rue du Lieutenant Colonel-Pélissier où se trouvent les actes d’état civil de la mairie de Toulouse. Ministre, maires, président de région et citoyens sont rentrés par la porte 1 : celle des mariages.
La convivéncia est aussi de mise. Cet art de vivre, cette valeur occitane d’accueil et de tolérance (à laquelle Alem-Surre Garcia vient de consacrer un ouvrage) a habité les lieux toute la journée, parfois même les politiques de bords différents. « Je crois plus aux hommes, à la nature, qu’aux institutions », a déclaré Martin Malvy. Tout en regrettant « de ne pas pouvoir relever cet ultime défi ». Il se veut tout de même prévenant sur le nom : « PACA, faut éviter ça ». La Secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire Carole Delga s’est bien gardée d’aller sur ce terrain là. En tous cas, elle n’a pas voulu se prononcer sur le nom de la future région et n’a pas soutenu celui choisi par compagnon de campagne Damien Alary : « Sud de France ».
« Sud de France », c’est une marque et le sigle est cocasse : SDF. De quoi réjouir Alem Surre Garcia -chantre de la convivéncia- qui voit déjà la nouvelle région centre d’accueil de tous les sdf du monde, mais qui agace Gérard Onesta : « J’ai aucune envie de vivre dans une région qui ne sait pas où elle habite… Je crains les noms qui seraient « sud de » quelque chose, « nord de »…Ce qui veut dire qu’on ne se sent pas suffisamment fort pour exister nous même ». Et de conclure : « La carte des nouvelles régions est déjà crétine, on va éviter les noms crétins ! » Très affûté et très en verve, le vice-président actuel de la région et futur candidat est ressorti large vainqueur à l’applaudimètre.
La valsa dels noms
Gérard Onesta en propose 2 : LANGUEDOC ou OCCITANIE. Bernard Keller (maire de Blagnac) rappelle que celui de Midi-Pyrénées a longtemps été contesté et ignoré, qu’il a fallu trouver un logo à la hâte à partir d’une photo de la croix occitane de Dieuzaide. Gérard Larrat (maire de Carcassonne) propose comme Claude Marti de garder LANGUEDOC ROUSSILLON. Père Manzanares du collectif catalan « Sem » rappelle à juste titre que quand l’USAP est en finale ce sont « Les Catalans » et quand c’est le Stade Toulousain, on ne parle jamais des « Occitans ». « Nous serons toujours Catalans. Battez-vous pour rester Occitans ! » Jean-Luc Moudenc propose lui LANGUEDOC PYRÉNÉES ou MIDI OCCITAN. Et s’il fallait un esprit de consensus et de synthèse, pourquoi pas SUD OCCITANIE ou OCCITANIE SUD comme semble le suggérer dès samedi matin Patrick Sauzet. C’était d’ailleurs marqué de chaque côté de la salle Osète sur des kakemonos publicitaires d’un journal gratuit !
Prémonition ?
E ara ?
Plusieurs noms se dégagent (Languedoc, Occitanie), le drapeau avec la croix du Languedoc et les 4 bandes catalanes semble faire l’unanimité, le Se Canta a des allures d’hymne, reste plus qu’à trouver une journée nationale comme genre Diada de Catalonha. Et plutôt qu’une défaite, commémorons une victoire comme le suggère Jean-François Laffont avec le 25 juin, jour où Simon de Monfort reçut la fameuse pierre. Il parle même d’une grande fête pour le 800ème anniversaire, le 25 juin 2018.
En attendant, Carole Delga a parlé d’une consultation citoyenne et l’idée d’un référendum sur le nom pourrait faire on chemin. Les élections régionales interviendront en décembre, après la manifestation occitane du 24 octobre. La nouvelle assemblée régionale choisira le nom qui sera ensuite soumis au Conseil d’Etat.
Lors de la présentation de la réforme territoriale, le Ministre de l’Intérieur avait prévenu : « Je ne veux pas de régions identitaires ». Alors ?
« Quand l’Etat donne un nom à un enfant, il se substitue à la famille, la dépossède » prévient Bernard Carayon, maire de Lavaur et futur candidat de la droite. La gestation de cette nouvelle région va donc continuer et les Occitans ne manqueront pas de demander quelques échographies. L’obstétricien Jean-Louis Blenet a déjà enfilé la blouse mais ne mettra pas les gants : « Se i a un nom de farlabica, se dins lo nom retengut i a pas ni Lengadòc, ni Occitània, i aurà protèsta e resisténcia… ».
Benoît Roux