Tremblez braves gens… les Occitans passent à l’offensive!
C’est Toulouse Mag qui l’affirme sur sa une, dans son numéro de novembre. Un morre de jovenòta tout sourire, aux couleurs de l’Occitanie adoucit ce titre ambitieux. Le mensuel consacre une nouvelle fois son dossier central de 12 pages à ce que l’on appelle : les Occitans.
L’enquête menée par nos confrères Jean Couderc et Sébastien Vaissière est construite en quatre parties autour de la politique, l’économie, l’éducation et la culture.
Leur postulat de départ est clair concernant les Occitans : « Ils ont surtout réussi à faire taire (quasiment) toutes formes de contestation. »
Toute la partie politique du dossier revient d’abord sur l’évolution récente de l’occitanisme politique toulousain, depuis la croix occitane, emblème du Conseil Régional, jusqu’à l’ouverture de l’Ostal d’Occitania en 2006. Un caminament politique décrit, analysé et alimenté par les témoignages de Jean-François Laffont (homme clé de ce dossier qui pourrait presque passer pour le chef de la tribu occitane), mais également Guilhem Latrubesse, Alain Alcouffe, Marçal Girbau, ou encore Gérard Onesta. Le contexte politique est bien cerné et les encadrés sont plutôt pertinents. A la question de gauche ou de droite ? La réponse apportée par les journalistes a le mérite d’être assez juste : « Pragmatiques, les Occitanistes semblent enclins à se vendre au plus offrant pourvu que leurs revendications soient prises en compte ».
L’enquête met presque d’accord l’élu UMP Sacha Briand et l’élu du Parti de Gauche Jean-Christophe Sellin autour d’une chose : leur méfiance vis-à-vis des Occitans. Le conseiller régional de droite est clair : « derrière l’apparence culturelle qui leur permet de récolter des subventions, on voit bien la réalité du discours politique qui s’appuie sur une vision anti-étatique. » L’élu de gauche, par ailleurs directeur du Conservatoire Occitan, enfonce le clou : « je ne suis pas sûr que le fait de valoriser des situations particulières aille dans le bon sens ». Que ces élus de la République jacobine une et indivisible soient rassurés, Jean-François Laffont, le chef des Occitans est clair : « nous n’avons jamais été sécessionnistes, ni souhaité créer un Etat. Nous sommes des fédéralistes convaincus ». Petite perle politique parfaitement mise en exergue par l’enquête : « l’épisode de la salle du Sénéchal ». Nous sommes à quelques semaines des élections municipales de 2008 et tous les candidats à l’élection ont répondu présent à l’invitation de Convergencia Occitana, afin de connaître leur position par rapport à l’occitan. Tous, sauf un : Jean-Luc Moudenc. Jean-François Laffont, revient sur cet épisode : « en envoyant Marie Déqué, il est évident qu’il a perdu des voix de jours-là ». Voilà qui est dit. Nos confrères rapportent également les propos d’un « avocat occitaniste » qui a également assisté à cette soirée : « Quand on voit qu’il a échoué à 600 voix près, on peut effectivement penser que Moudenc a perdu les élections de 2008 en ne venant pas salle du Sénéchal ».
Les occitans auraient donc un poids dans une élection locale, à défaut d’en avoir sur le plan économique. Cette partie de l’enquête est très instructive et l’on retiendra surtout la « gêne » ou le « désintérêt » de la CCI qui « ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet » : « Interrogée sur l’existence de décideurs favorables à la cause, la CCI botte en touche, arguant de l’absence d’éléments tangibles ». La réalité est là, l’occitan est quasi inexistant économiquement. Nos confrères semblent avoir lu et relu l’annuaire du label « Oc per l’occitan », et notent « qu’à l’exception de quelques avocats de l’hypermarché Auchan de Périgueux, les adhérents sont artisans ou agriculteurs ». Alors pour convaincre les milieux économiques de l’intérêt occitan, il ne reste plus qu’à faire partie du cercle de « la mesadièra ». « Chaque premier vendredi du mois, ils se retrouvent dans une salle de restaurant de la place Wilson » nous apprennent nos confrères. « Avocats, écrivains, artistes, chefs d’entreprise », l’un de ses membres témoigne sous couvert d’anonymat : « il ne s’agit pas d’un cercle d’influence mais d’un cercle de réflexion ouvert où des idées circulent, s’élaborent ».
La troisième partie dédiée à l’enseignement revient d’abord sur l’engouement des filières occitanes dès le plus jeune âge. Il y a deux fois plus d’élèves en section bilingues qu’en 2006. Mais ce qui retient l’attention concerne justement les (presque) trop bons résultats de ces élèves. Ils se distinguent, leur niveau est au-dessus des élèves monolingues ce qui finirait par inquiéter l’Education Nationale engagée dans « la lutte contre l’élitisme et les inégalités ». Nos confrères posent la question d’un « élitisme déguisé » à travers l’enseignement en classes bilingues.
La dernière partie de cette enquête donne la parole à Alem Surre-Garcia. « Personnage influent et charismatique ». L’interview est plutôt riche et éclairante sur un monde occitan qui cherche encore comment se positionner entre le local et l’international. A ce titre, une page entière est réservée aux relations que tentent d’établir les Occitans avec leurs voisins Catalans. Le titre de cette page 21 est très clair : « Rêve occitan, réalités catalanes ». L’article repose surtout sur l’analyse de Jerôme Ferret, maître de conférences en sociologie à Toulouse. Sans illusion il donne sa vision sur l’avenir de cette langue : « La tendance historique est clairement défavorable aux langues régionales en France. Je connais bien la Catalogne, et je sais tous les éléments sociologiques, historiques et politiques qui sont nécessaires à l’ajout d’une langue officielle supplémentaire ».
Una lèi per l’occitan. C’était pourtant une des revendications majeures des 30.000 occitans qui ont défilés dans les rues de Toulouse le 31 mars dernier, à la veille des échéances électorales. L’enquête ne revient pas sur cette mobilisation historique pour les Occitans qui s’est pourtant déroulée à Toulouse. Mais que cela ne vous empêche pas de lire ce dossier, plutôt bien mestrejat.
Clamenç Alet