Sophie Montel et Marine Le Pen à Besançon en octobre 2015, lors de la campagne des élections régionales (SEBASTIEN BOZON / AFP)
Après 30 ans au Front national et un départ fracassant en 2017, Sophie Montel vide son sac dans un livre qui sort ce mercredi. « Bal tragique au Front national » retrace de l’intérieur les dérives multiples du FN. L’auteure a une conviction: le Front national est une « imposture », un « cul-de-sac électoral », une « secte politique » qui cultive « l’incompétence » pour « ne jamais accéder au plus haut pouvoir exécutif » et se complaire dans l’opposition.
Elle fut pendant plus de vingt ans la figure du Front national en Franche-Comté. Adhérente du parti à la flamme depuis ses 18 ans, Sophie Montel avait le FN dans la peau. Jusqu’en son départ en 2017.
Dans « Bal tragique au Front national », Sophie Montel dénonce les travers d’un parti qui se complairait dans l’opposition, obnubilé par l’argent et parfois loin de la moralité défendue publiquement. Morceaux choisis.
« Le culte de l’incompétence et du copinage »
Sophie Montel n’a pas de mots assez durs pour les élus du Front national.
« Bal tragique au Front national » sort le 13 mars en librairie (©f3fc)
Au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le groupe qu’elle préside à partir de 2015 est pour elle « une équipe de charlots », « composée majoritairement de gens déloyaux, incompétents et, qui plus est, prétentieux ». dont elle doit « supporter les guignolades », « écouter leurs analyses politiques farfelues, leurs débordements verbaux ». Et puis il y a « les histoires de cul »: « le type marié, fervent catholique, qui fait élire sa maîtresse » sans lui révéler cette relation privilégiée. « Gonflé ! Surtout quand je me remémore ses grandes envolées sur la famille et le mariage. En gros, une main dans le bénitier et l’autre dans la culotte de la voisine ».
« Ce mouvement n’attire essentiellement que des aventuriers, des escrocs ou des idiots », assène Sophie Montel. Elle se souvient par exemple de « cette élue régionale qui, en plénière [lui] glisse soudain à l’oreille : « Tu as les cheveux secs, tu devrais les rincer avec ton urine ! » (…) Je vous jure que c’est vrai. Ensuite, elle m’a expliqué qu’elle buvait son urine tous les matins et que depuis qu’elle pratiquait l’« urinothérapie », elle n’était plus malade ».
L’élue comtoise dénonce « le culte de l’incompétence et du copinage », des défauts recherchés et entretenus puisqu’ils sont gages de ne jamais accéder au plus haut pouvoir exécutif ».
« Ces boutiquiers du Front national tuent le souverainisme en France »
Sophie Montel a cru en Marine Le Pen, en sa stratégie de dédiabolisation, à sa ligne « ni droite ni gauche ».
Elle fustige le retour en grâce des mégrétistes, le « perfide » Nicolas Bay en tête, des catholiques traditionnalistes ou intégristes. Au bureau politique, Marine Le Pen « n’a conservé tous les vieux de la vieille, les idiots, les fainéants et les courtisans » regrette Sophie Montel: « L’attirance pour la cour frontiste et sa vie facile de privilèges a son effet corrupteur et corrosif. Son autoritarisme, sa brutalité, son agressivité, qui masquent si mal son manque d’autorité et de stabilité politique, la rendent ridicule et l’ont décrédibilisée en interne (…) Elle ne se plaît qu’au milieu de sa troupe de courtisans, fêtards qui se déchaînent en soirées sur les titres des années quatre-vingt et enquillent les piscines de champagne ou de rosé ».
« Ils n’ont aucune colonne vertébrale idéologique, ce parti c’est le BHV, on y trouve de tout à tous les étages : les lignes bougent suivant l’intérêt électoral du moment, les courbes des sondages
d’opinion », dénonce encore Sophie Montel. « Au FN, la direction se contrefiche du véritable pouvoir politique, parce que l’opposition est somme toute plus rentable et confortable, elle n’oblige pas aux mêmes responsabilités, aux mêmes devoirs, aux mêmes sacrifices. Pas d’actes d’abnégation ».
Du coup, l’élue comtoise estime que le FN empêche « l’émergence d’une véritable force souverainiste, honnête, crédible, sérieuse et capable d’incarner une France libre, patriote, fière de son Histoire et qui croit en son avenir ».
« Le fric d’abord »
Sophie Montel le 12 mars 2019 à Strasbourg (©f3fc)
« Le but du Front national n’est pas d’arriver un jour aux plus hautes responsabilités exécutives et de remettre la France sur les rails. Le fait de mettre une sorte de point d’honneur à investir n’importe qui pour porter la parole du mouvement lors des élections le démontre de manière flagrante. Non, le but est ailleurs. Le but c’est de faire de l’argent. »
Pour Sophie Montel, le rapport des responsables FN avec l’argent est « pathologique ». « Au nom du peuple ! » le slogan de la présidentielle 2017 ? Plutôt « Au nom du fric ! » non ? » « Ces gens aiment l’argent, à n’en pas douter ».
Mise en cause par le Parlement européen dans l’affaire des assistants présumés fictifs, Sophie Montel plaide la bonne foi… tout en accusant son ancien parti d’avoir sciemment organisé le détournement des financements européens. Dans cette affaire elle collabore d’ailleurs avec les enquêteurs français.
« Que de temps perdu pour la France et son peuple avec le Front national ! »
Sophie Montel a attendu trente ans pour partir. Elle se défend de cracher dans la soupe, assure avoir passer son temps à se « battre sans cesse en interne contre des moulins à vent », explique qu’elle n’en pouvait plus « du cafouillage manifeste au niveau de la ligne politique (par exemple autour de la question européenne), de tous ces responsables qui n’aspirent qu’à jouir des privilèges que leur confèrent leurs mandats moisissant dans l’opposition la plus stérile possible, de ses dirigeants qui ne veulent surtout pas du pouvoir, du vrai ; et, bien sûr, des affaires (notamment celle dite des assistants parlementaires présumés fictifs). »
« Je suis sortie de cette secte politique un peu cabossée sans doute, mais enfin libre ». Que va-t-elle faire de cette liberté? La page de la politique est tournée, elle n’y reviendra plus. Mais elle le reconnaît elle-même: « la secte a de beaux jours devant elle », le FN est d’ailleurs en tête des intentions de vote, avec LREM, pour les prochaines européennes.
Finalement, ce « bal tragique au Front national » n’a donc provoqué qu’une mort, politique, la sienne.
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